Description

"Etudes Héraultaises 1989 Hors série"

Revue
Etudes sur l'Hérault
1789-1989 : Bicentenaire
de la Révolution Française

(1989) Municipalités et Révolution dans l’Hérault

À la veille de 1789, la commune échappe encore globalement aux ambitions de la bourgeoisie. À ses yeux, les institutions communales ont besoin d’être remises à jour en fonction de la conjoncture. La Révolution en fournit l’occasion. Elle inaugure, dans l’histoire contemporaine des communes, une phase de vie accélérée. Des bases institutionnelles nouvelles sont jetées autour desquelles vont se cristalliser des aspirations politiques puissantes. Il ne s’agit pas seulement de fondements administratifs en vue de la gestion des intérêts collectifs d’un groupe de citoyens sur un territoire donné mais aussi de jeter les bases d’une organisation qui confère à ses nouveaux responsables la satisfaction de gérer directement les affaires de la communauté.

La période révolutionnaire illustre remarquablement dans la courte durée d’une décennie (1789-1799) le rôle de la commune dans le processus de mutation de l’expression du pouvoir. Nés à la faveur d’événements qui incitent les notables à prendre des initiatives pour la défense de l’ordre social menacé par les émeutes populaires de la faim et troublé par les échos de la « Peur », les différents organismes créés illégalement ici et là anticipent sur la législation de l’Assemblée constituante ; celle-ci ne tarde pas à rétablir un régime de droit.

Du 14 décembre 1789 date l’acte de naissance de la commune moderne. La loi votée établit une administration municipale nationale caractérisée par l’unification des institutions pour les communes rurales et urbaines, exception faite pour Paris ; l’élection des membres du corps municipal responsable devant les électeurs : un pouvoir municipal élargi au maintien de l’ordre public (gardes nationaux, lois martiales) : l’autonomie vis-à-vis du pouvoir central.

L’insurrection fédéraliste (juin 1793) interrompt l’exercice légal des institutions, notamment des institutions communales. Elle met en valeur le rôle politique que peuvent jouer les communes et l’enjeu dont elles sont l’objet. La Convention montagnarde entend alors briser les noyaux durs des notables. Elle institue le suffrage universel qui se substitue au régime censitaire à deux degrés réservant l’éligibilité aux notables. Elle remet en cause l’autonomie des communes. Les institutions régulières sont coiffées par des organismes révolutionnaires : sociétés populaires, comités de Salut public, représentants en mission au niveau du département. Les municipalités sont dépossédées du pouvoir de décision en même temps que leur champ d’action est élargi (police de sûreté générale, attribution des certificats de civisme) pour assurer une domination pleine et entière du pouvoir central dont elles sont devenues l’instrument. La loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) institue les agents nationaux. Représentants de l’État, ils sont chargés du contrôle des municipalités. Épurations, renouvellements, assurent le maintien des « patriotes » sur les communes.

Avec l’instauration d’une République bourgeoise en l’an III (août 1795), les municipalités communales sont à nouveau livrées aux notables par le retour à un régime censitaire deux fois plus restrictif qu’en 1790. Bien plus, les communes rurales de moins de cinq mille habitants se voient privées de toute représentation propre. Regroupées pour le motif que, par défaut d’instruction, il est difficile de trouver un personnel compétent, elles ne sont représentées qu’au sein des municipalités cantonales. Elles perdent leur identité.

L’établissement d’une autorité renforcée des notables sur la vie communale ne s’accompagne pas d’une restauration de l’autonomie municipale. Le gouvernement est représenté auprès de chacune d’elles par un commissaire nommé par lui, héritier des agents nationaux de l’an II supprimés en avril 1795. Proclamation de l’état de siège, destitutions pour raisons politiques deviennent pratiques courantes. Le gouvernement impose une obéissance sans faille au pouvoir central. L’esprit jacobin n’est pas mort. Dans la foulée, la loi du 18 pluviôse an VIII (février 1800) prescrit la nomination des maires par le chef de l’État ou les préfets suivant l’importance de la commune.

La période révolutionnaire, riche en expériences de longue portée, est particulièrement représentative des problèmes que pose l’organisation municipale. Les retouches apportées aux XIXe et XXe siècles ont laissé pendant le problème fondamental de la décentralisation réactualisé après deux siècles par le changement social. La société à prépondérance rurale du XIXe siècle s’est progressivement effacée devant la société industrielle. Les gigantesques progrès techniques et leurs corollaires, la naissance des technopoles et la « Révolution rurale » si bien définie par Geneviève Gavignaud, ont profondément modifié l’infrastructure sociologique du pays. La nature du pouvoir municipal s’en trouve remis en cause. Les municipalités sont confrontées à des réalités qui dépassent le cadre traditionnel de la commune et la compétence de ses administrateurs. Elles ont à assumer des responsabilités nouvelles pour une défense efficace de l’intérêt public et de l’environnement : regroupement des communes, coopération intercommunale, relations avec les pouvoirs. La commune doit vivre avec son temps. Or les municipalités restent attachées par tradition à l’individualité de leur commune, et le pouvoir, où persiste une tradition jacobine, demeure plein de prévention contre tout relâchement de son autorité. Même à l’heure de la décentralisation, le consensus n’est pas facile à réaliser. La nécessité d’un rajeunissement des institutions municipales évoque, toute proportion gardée, le précédent de Quatre-vingt-neuf. La vision historique et l’actualité politique se rejoignent dans la continuité.

Robert LAURENT

AU SOMMAIRE

Parmi les traditions de gestion locale : la conduite du tirage au sort pour la milice. Le cas de la communauté de Lavérune au diocèse de Montpellier (1780-1788)

Les loix municipales et économiques de Languedoc, par Albisson (1780-1787) : jalons pour une définition de la constitution du Languedoc

Municipalités et élections aux États généraux (sénéchaussée de Montpellier)

 La révolution municipale dans le département de l’Hérault
(1789-1790)

 Les institutions municipales, de l’Ancien Régime aux expériences révolutionnaires (1750-1800)

  1791-1793 : pratiques et ateliers monétaires dans l’Hérault

 L’éloge funèbre de Mirabeau par Henri Reboul (18 avril 1791)

  La convention et la loi agraire : la réforme agraire

 Emblèmes et messages pendant la Révolution

 Noblesse au village pendant la Révolution : un cas à Cessenon

Les pouvoirs municipaux à travers le XIXe siècle et l’enseignement secondaire : les collèges et les lycées

Communes et communaux dans le département de l’Hérault

Les Archives communales dans l’Hérault en 1989

Informations complémentaires

Année de publication

1989

Nombre de pages

164

Auteur(s)

Agnès PARMENTIER, Bruno COLLIN, Christian NOUGUIE, Geneviève GAVIGNAUD-FONTAINE, Georges FOURNIER, Jean NOUGARET, Jean-Denis BERGASSE, Jean-Pierre DONNADIEU, Louis SECONDY, Madeleine GUYOT, Michel MARTINEZ, Michel PERONNET, Pierre CARLES, Robert LAURENT

Disponibilité

Articles disponibles au format pdf, Produit épuisé au format papier