Description

Revue Etudes Héraultaises Jean Moulin « le plus illustre des Héraultais »

Hors série 2001

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Préface

Voici qui vient parachever la célébration du centenaire de Jean Moulin.

A cent ans de sa naissance, le préfet républicain, le délégué général clandestin de la France Libre, l’unificateur de la résistance, le héros et le martyr est honoré à juste titre par la collectivité nationale comme une des plus hautes figures de notre histoire.

La conjonction de ferveur patriotique et de hardiesse insolite qui poussa avant tout autre ce serviteur de l’État à aller reconnaître qui était le général du 18 juin, la double incarnation en lui de la Résistance autochtone et de l’engagement à la France Libre, la réussite unique en Europe de ses missions successives, la conception puis l’institution du CNR sans qui, pour reprendre le mot de De Gaulle, « il y aurait eu des résistances, mais il n’y aurait pas eu la Résistance », son sacrifice enfin, pressenti, assumé, tout l’élève et tout le singularise dans notre passé national.

Mixture de Camille Desmoulins par l’enthousiasme et de Lazare Carnot par son énergie d’organisateur de l’armée des ombres ? Gambetta de la clandestinité à qui la mort aurait épargné de se dégrader de mystique en politique ? Martyr comme Jaurès, mais d’une cause qui aurait été celle de la nation en même temps que de la liberté ? Toute comparaison serait en porte-à-faux. En un temps de honte sans exemple depuis que nous sommes une nation, il aura non seulement réuni en sa personne toutes les composantes de ce qui fut notre honneur, mais conjugué les forces qui devaient faire de notre Libération une victoire commune.

Qu’il ait sa place avec Leclerc dans la triade gaullienne va de soi aujourd’hui. Mais ici encore, tout le singularise parce que tout l’humanise.

Semblable à Leclerc par le patriotisme, la loyauté et l’énergie, tout le différencie du hobereau intégriste et du fulgurant libérateur de Paris.

Tout le distingue de même du De Gaulle en qui il a tôt reconnu le chef de guerre dont la France avait manqué et dont il se fit le « bon compagnon » : « Le Général a tant besoin de nous », dit-il quatre jours avant Caluire, en lançant à Daniel Cordier un au revoir qui allait être un adieu. Vertu du charisme et du pouvoir de syncrétisme gaulliens ! Mais si « l’homme des tempêtes », roidi dans l’armure qu’il s’est forgée, reste un personnage hors normes qui en fait une exception historique, il n’y a pas, au contraire, d’exception Jean Moulin. Et, c’est paradoxalement ce qui fait qu’il y a une énigme autour de laquelle les auteurs de ce livre, sans apporter de réponse, car elle n’en comporte pas, ont rassemblé un impressionnant faisceau de lueurs.

Le lecteur ressentira intensément au fil de ces pages, où tout a le ton de l’authenticité, à quel point Jean Moulin était un de nos semblables. Ni l’éloquence de Malraux ni le transfert au Panthéon n’y changent rien. D’où l’énigme qui est sous-jacente, au premier volet de ce livre : quelle force interne, quelle pulsion, je me garderai de dire quelle illumination, a fait qu’un jeune méridional bon vivant, imbu grâce à son père de la ferveur de conviction du Bas-Languedoc républicain, et quelque peu carriériste, soit devenu ce chef et ce héros. Aucun déterminisme ne peut commander un tel saut.

Il nous importe d’autant plus de voir revire ici le Moulin d’avant la Résistance avec plus de détails que Laure Moulin et Daniel Cordier ne nous en avaient livrés. Avec plus de cohérence aussi dans son ambiguïté. De retrouver son cadre de vie. De découvrir la trajectoire paternelle. De discerner ses traits de caractère. De savoir qu’il a emprunté cinq francs à un camarade pour faire la fête le soir de son bachot, qu’il avait gardé un culte pour les héros de Tite-Live, qu’étant préfet de l’Aveyron, le devoir de réserve ne l’empêcha pas de se jeter dans l’arène pour défendre son patron et ami Pierre Cot contre des attaques infâmes, et qu’arrivant trempé, crotté, et transi chez les siens après son parachutage, au matin du 2 janvier 1942, il dit apprécier le jus d’orge grillé que lui servit sa tante comme le meilleur café qu’il eût jamais bu. Il ne nous importe pas moins de connaître son inspiration de caricaturiste, lui qui, lors de son premier interrogatoire esquissa peut-être les traits de son tortionnaire, ainsi que les goûts en peinture du collectionneur et « galeriste » Romanin, dont nous savions qu’il fut sa couverture, et dont nous comprenons mieux qu’il fut aussi son double.

Le second volet de ce livre traite non plus de l’énigme de l’avant-Moulin de la Résistance, mais répond à une interrogation qui a trait à l’après-Moulin comment se construit, comment s’est construite, par-delà sa vie terrestre, l’image posthume d’un héros national ? La question n’est pas nouvelle, la réponse est fouillée et conséquente. Elle éclaire les coulisses de l’histoire de ces dernières décennies et peut-être aussi la structuration de la conscience nationale.

Il n’était pas acquis, en effet, il y a cinquante ans que Moulin s’imposerait de la sorte comme une des figures dominantes de notre Panthéon mental. La caution des Mémoires de De Gaulle y fut pour beaucoup, balayant les réticences du colonel Passy et les suspicions d’Henri Frenay. Le lecteur découvrira avec curiosité par quelles étapes, à travers quelles sinuosités d’intérêts politiques, grâce à quelles fidélités, au terme des péripéties de quelles recherches et en dépit de quels brûlots insidieux ou stupides, s’est ancrée la gloire méritée de celui que nous appelions Rex dont pendant un an les télégrammes et les rapports sont passés entre mes mains sans que j’aie jamais été admis à le connaître ni, jusqu’à la Libération, à savoir son nom.

La cause est aujourd’hui entendue.

J’aime qu’après les célébrations nationales, ce soit son terroir natal, l’Hérault, qui apporte ces témoignages et projette sur lui ces lumières. Il n’est pas de meilleur hommage.

Jean-Louis CREMIEUX-BRILHAC

* Ancien membre des Forces Françaises Libres,
auteur de Ici Londres, les Voix de la Liberté (Paris 1975-1977),
Les Français de l’ombre (Paris, 1990),
et La France Libre (Paris, 1996).

INTRODUCTION

Les cinquantenaires des événements essentiels de la Seconde Guerre Mondiale auxquels le souvenir de Jean Moulin a été souvent associé ont longuement été célébrés durant les années 1990.

En 1999, année du centenaire de la naissance de Jean Moulin, cet anniversaire a été inscrit parmi les Célébrations nationales et c’est l’homme de la Résistance, le compagnon du général De Gaulle, qui a été particulièrement honoré.

Nous avons voulu, pour notre part, marquer les attaches particulières de Jean Moulin avec l’Hérault, d’abord avec Béziers où il est né au numéro 6 de la rue d’Alsace face au Champ de Mars, où son père exerçait comme professeur au collège Henri IV et où il a fait ses études jusqu’au baccalauréat puis avec Montpellier où il a passé sa licence en droit et où il a débuté dans la carrière préfectorale. Sa sœur Laure, ayant été nommée professeur à Montpellier à la rentrée de 1937, vint résider dans cette ville accompagnée de ses parents. Ils habitèrent une maison de la Grand Rue, aujourd’hui Grand Rue Jean Moulin. C’est dans cette maison que Jean Moulin venait durant la clandestinité rendre visite à sa sœur à qui il confiait une large part des importants secrets dont il était dépositaire.

Il nous a semblé bienvenu de consacrer un volume à la vie de Jean Moulin de sa naissance à la Seconde Guerre Mondiale afin de mieux connaître la personnalité multiforme de cet homme qui aurait pu être professeur, dessinateur ou simple préfet si des circonstances particulières, largement déterminées par ses origines et son milieu, ne lui avaient permis de s’élever dans les hauteurs de l’histoire nationale.

Rappeler en dehors de tout esprit hagiographique la vie, la personnalité et les activités de Jean Moulin à travers des travaux d’historiens et des témoignages de parents ou d’amis qui l’ont connu, c’est permettre à tous ceux qui s’intéressent à la Seconde Guerre Mondiale et à l’histoire de la France de mieux connaître et pour certains de découvrir celui à qui personne ne peut dénier aujourd’hui le titre du « plus illustre des Héraultais ». Certes les attaches familiales et de cœur de Jean Moulin avec la Provence, et avec Saint-Andiol en particulier, étaient aussi des réalités et notre revue ne l’a pas oublié, certes les fonctions qu’il a assumées – et que nous ne pouvions toutes étudier – l’ont amené durant l’entre-deux-guerres dans diverses régions de France et à Paris mais il nous semble qu’il revenait à Etudes héraultaises de faire une large place à son département d’origine sans pour autant que d’autres aspects de sa personnalité et de sa vie soient oubliés. Il était nécessaire enfin de tenir compte des divers ouvrages et actes de colloques parus récemment et même de les présenter à nos lecteurs.

L’édition de ce volume n’aurait pas été possible sans les illustres patronages, soutiens, parrainages qui nous ont été accordés et dont nous mesurons pleinement l’honneur.

Avec ces soutiens institutionnels, nous avons pu bénéficier de très nombreuses collaborations au premier rang desquelles nous plaçons celles de l’Amiral Philippe De Gaulle et de la famille de Jean Moulin, Henri et Suzanne Escoffier, Andrée Dubois-Escoffier. Mais ce sont aussi de nombreuses personnes qui, à un titre ou à un autre, ont participé à ce volume et auxquelles nous exprimons nos plus vifs sentiments de reconnaissance.

Jean-Claude RICHARD & Jean SAGNES

Jean Moulin, homme politique et résistant français

Sommaire Etudes Héraultaises (hors série) Jean MOULIN

La jeunesse héraultaise de Jean Moulin (juin 1899-mars 1922)

Jean Moulin et la Grande Guerre : éléments d'analyse pour une réhabilitation

Jean Moulin : l'artiste et l'amateur d’Art d'après les collections du Musée des Beaux-Arts de Béziers

Témoignage de Marcel Bernard (1902-1991) l'ami et le photographe de Jean Moulin

Recueilli par Hillary OWEN et présenté par Michel FOURNIER

Jean Moulin, Préfet de l'Aveyron

L’inauguration du monument à Alphonse Mas, ancien maire de Béziers
une initiative d'Antonin Moulin

Hommage à Pierre de Nolhac

Souvenirs de jeunesse des cousins de Jean Moulin

Les monuments à Jean Moulin Dans la ville de Béziers

Passant, souviens-toi !
Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France : Jean Moulin

Notes sur la mémoire de Jean Moulin en Provence

Dossier documentaire sur la panthéonisation de Jean Moulin le 19 décembre 1964

Jean-Marie GUILLON : Dossier BNF

La commémoration du centenaire de la naissance de Jean Moulin :
entre mémoire et histoire, le héros humanisé

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

164

Auteur(s)

Andrée DUBOIS-ESCOFFIER, Annette WIEVIORKA, Christian FONT, Denis ROUQUETTE, Hélène CHAUBIN, Henri ESCOFFIER, Hillary OWEN, Jean MOULIN, Jean SAGNES, Jean-Claude RICHARD, Jean-Louis CREMIEUX-BRILHAC, Jean-Louis PANICACCI, Jean-Marie GUILLON, Joëlle BEURIER, Michel FOURNIER, Michel FRATISSIER, Nicole RICHE, Serge BARCELLINI, Suzanne ESCOFFIER

Disponibilité

Produit épuisé au format papier, Produit téléchargeable au format pdf