Description

Souvenirs de jeunesse des cousins de Jean Moulin

Jean Moulin, avant d’être le « Jean Moulin, unificateur de la Résistance », a été pour nous « cousin Jean ». Il venait en privé à St-Andiol au moment des fêtes de famille. Par exemple, pour Pâques, il était souvent à St-Andiol. Nous faisions des promenades dans la région, St-Rémy-de-Provence, les Baux, les Alpilles, l’abbaye de Sénanque…

Le 1er janvier 1942, il a été parachuté dans les Alpilles qu’il connaissait bien ; dans la journée, il est venu depuis les marais des Baux près de Mouriès jusqu’au Mazet « La Leque » à Eygalières qui lui appartenait et où il passe la nuit. Le lendemain matin, il arriva à la maison, tout naturellement comme chez lui, car sa mère et sa sœur étaient à Montpellier. A cette époque, il ne circulait rien sur les routes. Notre mère étonnée de le voir arriver tout crotté, lui qui était toujours impeccable, l’interroge : « D’où viens-tu, tu tombes du ciel ? » Sa réponse a été : « Tu peux le dire. »

Il s’est restauré avec, disait-il, le meilleur petit déjeuner qu’il eut jamais pris. C’était cependant un ersatz de café.

Le 5 avril 1942, jour de Pâques, après avoir déjeuné chez nous, en famille, cousin Jean a proposé une ballade en vélo jusqu’à la petite chapelle de ND de Font de Vacquières près de Noves. « Surtout n’y allons pas demain » dit-il, « car il y aura trop de monde. »

Le lundi de Pâques était en effet jour de pèlerinage.

Henri a pris des photos, entre autres la dernière que nous ayons de lui, en famille.

Lorsqu’il a été révoqué de son poste de préfet de Chartres, un jour qu’il était à la maison, nous avons vu cette vilaine cicatrice à la gorge, ses difficultés pour avaler, son habitude en parlant de se racler la gorge. Nous nous en étonnions et il nous a dit : « Je vous raconterai plus tard ». Il ne l’a pas fait verbalement mais l’a écrit dans un livre publié par sa sœur aux Éditions de Minuit sous le titre « Premier Combat ».

Pâques 1943, le 23 avril, Jean était venu nous inviter pour un repas familial qui se ferait à sa maison contrairement aux habitudes et malgré les protestations de maman qui invoquait l’âge de sa tante (mère de Jean Moulin), Il s’était procuré un demi agneau chez des agriculteurs amis. Repas succulent, excellente journée. Nous avons su plus tard qu’il avait voulu fêter avec nous ce jour-là sa Croix de la libération.

Le livre « Jean Moulin » écrit par sa sœur Laure Moulin, paru en 1969 et épuisé est actuellement en réédition aux « Éditions de Paris » corrigée et enrichie de plus de cent documents (photos – lettres – dessins).

L’HIVER DE 1942

Ce souvenir se situe dans l’hiver 1942 approximativement en février. Il montre la grande rigueur et la conscience avec laquelle Jean Moulin accomplissait son devoir.

Il avait à cette époque des rendez-vous réguliers à Marseille. Son parcours était alors le suivant : débarquant en gare d’Avignon, il venait à bicyclette coucher à St-Andiol puis le lendemain matin toujours à bicyclette il allait à Orgon prendre un train qui le conduisait à Miramas où il prenait une correspondance pour Marseille.

Ce parcours en deux temps s’expliquait car on évitait ainsi les contrôles de gendarmerie ou de milice qui avaient lieu à Arles sur la grande ligne Avignon et Marseille. Le retour s’effectuait en sens inverse par les mêmes moyens.

Or pour l’un de ces rendez-vous, il avait neigé la veille et dans la nuit du verglas s’était formé, Jean fidèle au rendez-vous avait équipé sa bicyclette avec des chiffons ficelés autour des pneus pour ne pas déraper et était allé à Orgon prendre le train.

Il était rentré le soir fourbu et déçu. Personne sauf lui n’était venu au rendez-vous. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Andrée DUBOIS-ESCOFFIER, Henri ESCOFFIER, Suzanne ESCOFFIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf