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Description

Portrait d’un contre-révolutionnaire :
Le général Georges Bessieres (1785-1825)

Docteur en Histoire, laurent.nagy@outlook.fr

Une jeunesse révolutionnée dans le Minervois (1785-1804)

À la fin du XVIIIe siècle, pour atteindre Toulouse, capitale du Languedoc, un Parisien doit compter près de six jours de voyage. Après avoir abandonné la route royale, il lui faudra encore de nombreuses heures pour arriver par un chemin secondaire à Siran, village du Minervois au pied du massif de la Montagne Noire situé à quatre lieues de Narbonne et de Carcassonne 1. C’est dans ce village de six cents âmes, éloigné des grands axes de communication, que naît Georges Bessières, le 10 juin 1785 2. (Fig. 1)

Extrait de l’acte de naissance de Georges Bessières à Siran (ADH 5 MI 21/18. P. 79). En marge, la mention ‘général espagnol’.
Fig. 1 Extrait de l’acte de naissance de Georges Bessières à Siran (ADH 5 MI 21/18. P. 79). En marge, la mention ‘général espagnol’.

La communauté de Siran n’est presque composée que d’hommes de la terre cultivant principalement l’olivier et la vigne. À sa tête se trouvent les consuls qui à tour de rôle administrent le village et se dressent souvent contre les prétentions de M. Juin, avocat au parlement de Toulouse et seigneur engagiste de Siran. Ces propriétaires emploient lors des récoltes un grand nombre d’ouvriers agricoles n’ayant que leurs bras pour vivre ou une terre si modeste qu’elle ne peut subvenir aux besoins de leur famille. Jacques Bessières, le père de Georges, est l’un de ces brassiers vivant dans une grande précarité 3, notamment lors de la soudure 4 laissant beaucoup de « bras oisifs » 5.

Jacques Bessières et son épouse Jeanne Guillou ont plusieurs enfants qui, à part Georges, meurent tous peu après leur naissance 6. Pour supporter ces drames et misères du quotidien, les villageois se retrouvent dans la même ferveur religieuse. Non seulement Siran possède des membres de la confrérie des Pénitents bleus, des chrétiens laïcs ardents 7, mais son église est célèbre aux alentours pour accueillir plusieurs reliques de saints. Le spectacle de la religion, sous la forme de processions, prières publiques et par la présence de pèlerins des environs, rythme l’année à Siran. Le curé Benaben, quant à lui, enseigne essentiellement par la parole la soumission et l’exaltation chrétienne, car comme Jacques Bessières, ses fidèles sont pour la plupart analphabètes. Cette piété simple et ardente, comme l’usage d’une langue vernaculaire, soude depuis longtemps les habitants dans un même sentiment identitaire. Ensemble, ils forment un « cercle antique » 8 se caractérisant par « un très vif patriotisme de clocher » 9.

Les événements politiques survenus à Paris à partir de 1789 touchent bientôt le village du Minervois. La célébration d’une « grande messe en Action de grâces de l’heureuse Révolution » 10 ne fédère qu’un instant les habitants. Car, ce ne sont pas les idées nouvelles de liberté ou d’égalité qui s’invitent à Siran, mais des ondées d’ordres se déversant par étapes successives depuis la capitale. En effet, Paris en révolution réclame l’application des nouvelles lois à Montpellier, chef-lieu du département de l’Hérault, qui les communique sans tarder au district de Saint-Pons qui se doit de le répercuter pour exécution au conseil municipal du village. On voit donc à Siran la modernité supplanter brutalement la tradition, le présent voiler le passé. Tous subissent une régénération venant d’un pouvoir lointain et dont les décisions s’avèrent parfois contraires à leur volonté et leur identité 11.

La communauté est ainsi très vite forcée à abandonner ou à réformer ses habitudes pour intégrer la nation en construction. Alors que le curé Benaben rejette ouvertement la constitution civile du clergé et part bientôt en Émigration 12 et que la chapelle des Pénitents bleus est transformée en salle commune, les libertés traditionnelles des paysans les plus pauvres sont fortement bridées. Mascarades, détention d’armes de chasse et même le glanage dans les olivettes sont dorénavant interdits afin de « garantir l’ordre et les propriétés » 13. Si le jeune Georges Bessières bénéficie de l’installation d’un régent des écoles, il doit entendre aussi clairement le mécontentement de ses parents et de leurs voisins.

En mars 1793, Charles IV, roi d’Espagne et cousin de Louis XVI, entre en guerre contre la République française. À Siran, la patrie est déclarée « en danger » au son du tambour. Le 6 juin suivant, les jeunes gens ont ordre de se rassembler sur la place du village, car six d’entre eux doivent partir à l’Armée des Pyrénées-Orientales. Beaucoup manquent à l’appel ce jour-là, et parmi les présents aucun ne se porte volontaire, malgré la prime de trois cents livres qu’offrent les « citoyens actifs » 14. La force de la loi permet tout de même à Siran d’envoyer ses jeunes gens défendre la République. Quant aux plus âgés, comme c’est le cas de Jacques Bessières, ils sont réquisitionnés pour conduire « des charrettes pour porter du fourrage à Narbonne et peut-être à Perpignan » 15. Les travaux agricoles souffrent de ce manque de bras, l’équilibre fragile est rompu à cause d’un danger éloigné de leur réalité quotidienne 16.

L’incompréhension des villageois n’est pas affaiblie par une pédagogie républicaine. Alors que les cérémonies patriotiques dans les villes plus ou moins importantes servent à proclamer les nouvelles valeurs de manière simple 17, à Siran, la seule fête qui a lieu en floréal An II se déroule dans une église désertée par son curé et vidée de tous ses objets liturgiques (saisis peu de temps auparavant par le district). Les paysans sont témoins de la destruction de leur monde et de leur croyance sans même comprendre la modernité que leur proposent les Républicains. Qu’elle soit jacobine ou thermidorienne, la République s’illustre par sa volonté brutale. […]

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Bibliographie

Sources

Imprimées

Manuscrites

Notes

Informations complémentaires

Année de publication

2024

Auteur(s)

Laurent NAGY

Nombre de pages

16

Disponibilité

Téléchargeable au format pdf