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Description
Les Foires aux Ânes et aux Chevaux de Montpellier du XVIIème au XXème siècle
* Historienne
p. 79 à 102
Le calendrier traditionnel des foires locales permet de suivre leur périple au fil des siècles. À Montpellier, la principale d’entre elles est passée des bords du Lez au centre-ville, avant de regagner par étapes les périphéries urbaines. Le marché aux ânes et aux chevaux reste une manifestation caractéristique dans la mémoire collective locale.
Mots-clés : Foires annuelles, Montpellier, port Juvénal, quartier des Arceaux
The chronological list of local fairs over the centuries reveals that the principal market was based originally in the city centre, on the banks of the river Lez, before gradually returning to the urban outskirts. The donkey and horse markets are still common memories locally.
Key words: Annual fairs, Montpellier, Port Juvénal, Arceaux district
Lo calendièr tradicional de las fièras localas permet de seguir lor periple al fil dels sègles. A Montpelhièr, la fièra màger passèt de las ribas de Les al centre-vila, davant de tornar per etapas a las periferias urbanas. Lo mercat dels ases e dels cavals demòra una manifestacion caracteristica dins la memòria collectiva locala.
Noms-claus : Fièras annadièras, Montpelhièr, Pòrt Juvenal, barri dels Arcèus
— « Ount anan ?
— « anén à la fieîera ! 1
La Foire, c’était autrefois certains jours dans l’année, un marché pendant lequel tous les droits de lods 2, d’entrée, de péage étaient suspendus, ce qui attirait une foule d’acheteurs autant que de vendeurs. Les foires, jusqu’à la révolution des transports, en train ou en camion, ont représenté des lieux essentiels d’échange, rendant d’immenses services au commerce.
Montpellier, dans les premiers siècles de son existence, et tout au long du Moyen-Âge, a été généralement présentée comme une ville marchande dont l’activité économique pouvait primer sur son statut universitaire et intellectuel. En font foi deux ouvrages historiques publiés à Montpellier : Histoire du commerce de Montpellier antérieurement à l’ouverture du port de Cette, d’Alexandre Germain (1809-1887), datant de 1861, et Montpellier, ville marchande de Louis-J. Thomas (1870-1945) en 1932.
Germain présente ainsi Montpellier dans son âge d’or médiéval : « Montpellier (…) ville d’importantes fabriques et de grande marchandise, trafiquant plus encore qu’elle ne manufacturait, et ouvrant aux produits les plus divers son universel asile. Elle y trouvait son compte : l’aisance et la richesse entraient avec les articles entreposés ou vendus. » 3 Tenant son rôle international « jusque vers la fin du XIVe siècle (…), Montpellier n’a pas discontinué d’être un des principaux comptoirs de l’Italie (…). Les marchands de Montpellier ne se bornaient pas à accueillir chez eux les Italiens ; ils les visitaient à leur tour, les fréquentaient assidument, et quand ils ne débarquaient pas dans leurs ports, y faisaient au moins escale. » 4 Quant à Thomas, il décrit les circuits marchands au Moyen-Âge, avec le rôle prépondérant des « mercadiers ». 5
Mais curieusement, ni Germain ni Thomas ne font la moindre place à de grandes foires qui auraient affermi la place de la ville dans le commerce de l’époque. Montpellier accueille bien des marchands de toute la Méditerranée, en ville cosmopolite qu’elle est alors (Germain évoque « la foule bariolée des hommes de l’Orient ou des deux péninsules d’Italie et d’Espagne qui se coudoyait naguère dans nos rues », t. 2, p. 65), mais les transactions commerciales et les transferts de marchandises semblent bien se faire selon des circuits étrangers aux grandes foires médiévales, telles qu’en Champagne ou à Beaucaire.
En Languedoc, Jean Combes peut analyser dans un article important de 1958 6, l’émergence d’un nombre croissant de foires à partir de la fin du XIIe siècle, à l’initiative des évêques ou des seigneurs locaux. Ainsi que la prééminence acquise au siècle suivant par les foires de Pézenas et de Montagnac, favorisées par leur rattachement au domaine royal : les foires ne relèvent pas seulement d’initiatives locales, mais sont surtout soutenues par des édits, droits et privilèges fiscaux des autorités dont elles dépendent, et qui les protègent contre les tentatives de concurrence. Ainsi, dès le début du XIVe, Pézenas et Montagnac se partagent 6 foires annuelles : un cycle s’était constitué, comme pour les foires de Champagne. Ces foires duraient 3 jours, mais assez vite furent étendues à 10 jours chacune. Motif : assurer les débouchés à la draperie méridionale en pleine expansion. Le duopole régional Pézenas-Montagnac put ainsi lutter avec succès jusqu’au XVIIIe siècle contre les entreprises d’autres villes grâce au privilège royal dont il bénéficiait. L’absence de Montpellier dans ce tableau languedocien, du moins jusqu’à la fin du XVe siècle, peut signifier que les marchands montpelliérains, commerçant à l’international, constituaient leurs stocks de marchandises en s’approvisionnant dans les foires régionales sans avoir besoin d’en créer une eux-mêmes 7.
Germain situe dans le dernier tiers du XIVe siècle et le début du XVe la période critique de l’histoire de Montpellier, qui voit l’effritement des activités commerciales, en conséquence directe de la chute démographique. En comptant en feux, c’est-à-dire en foyers fiscaux, la population de la ville passe de 4 520 feux en 1367 à 1 000 en 1379, 800 en 1390 et s’effondre jusqu’à 334 en 1412. Ces données sont globalement confirmées par les évaluations plus récentes : Vincent Challet avance des chiffres équivalents, depuis 40°000 habitants avant la peste noire (1348) jusqu’à 10°800 en 1446, et un plancher de 6°000 en 1508 8.
De fait, le XVe siècle voit une bonne part des activités commerciales de la ville se déplacer vers Lyon et Marseille, et c’est cette grande dépression séculaire que le pouvoir royal va tenter d’amortir, par des mesures de relance économique.
Dès les années 1370, les consuls de Montpellier avaient, sans succès, quémandé la création de foires annuelles, à l’instar de Pézenas, et obtenu seulement un marché drapier hebdomadaire en 1377. Il fallut attendre un siècle pour que, malgré les récriminations de Pézenas et de Montagnac, Charles VIII accordât finalement à Montpellier, en 1482, deux foires de huit jours, ouvrant le 26 avril et le 1er octobre. Et en 1505, Louis XII ajouta aux deux foires, deux marchés de 8 jours en janvier et en juillet : « les deux marchés continuèrent de venir en aide aux deux foires pour retenir le peu de commerce subsistant au sein de notre ville » 9. Comme le résume Louis Thomas, « la création de ces foires à Montpellier, qui va donner plus d’activité au commerce par les routes de terre, arrive à point nommé pour compenser la décadence du commerce maritime, désormais inévitable dès que Marseille, en 1481, devient port du royaume, et que se répand en Méditerranée l’usage des navires de haut bord. » 10
Plus tard encore, Henri IV intervint en faveur de la ville. Duval-Jouve fait état de l’établissement d’une foire à Boutonnet en 1609, par lettres royales. Boutonnet ne relevait pas de Montpellier ; c’était le manoir d’Aymart de Calvisson baron de Saint-Auban (…) Celui-ci ayant représenté que son manoir ayant été brûlé et ruiné par les Protestants, ne lui était plus d’aucun revenu, suggéra qu’il pourrait y faire construire des maisons (donnant naissance au faubourg actuel), et que « plusieurs personnes se seraient offertes de demeurer audit Boutonnet, pourvu qu’il y eût quelques foires et marchés ». Henri IV lui accorda ainsi un marché tous les jeudis et quatre foires par an. 11
On pourrait penser que Montpellier était finalement bien pourvu en foires et marchés, mais la situation était de fait assez précaire : c’est ainsi qu’en 1612, Pézenas et Montagnac finirent par avoir gain de cause en faisant interdire les deux foires de Charles VIII.
En conclusion de cette période, Arlette Jouanna dresse un bilan mitigé : « Ces foires et ces marchés, dans la mesure où la concurrence de Pézenas et de Montagnac leur laissa une activité, permirent la vente des produits locaux [draps, drogues, épices et parfums, orfèvrerie, vert-de-gris…], aux quels venaient s’ajouter les denrées alimentaires, et en particulier l’huile dont la région était grosse productrice, et le vin. Ainsi, au XVIe siècle, si la ville vit s’effacer son commerce maritime international, elle diversifia ses ressources. » 12
L’une des causes de l’affaiblissement de l’activité marchande maritime de Montpellier tient à la disparition de son port de rattachement qu’était Aigues-Mortes. L’ensablement progressif du site durant le XVIème siècle laissa la voie libre à Marseille. Ne restait plus comme voie d’accès à la Méditerranée que de revenir au circuit difficile du Lez, des étangs et des roubines, des graus ouvrant çà et là le cordon littoral. Le transport des marchandises passait par l’emploi de légères barques à fond plat et nécessitait donc des opérations de transbordement, coûteuses et peu pratiques. C’était d’une certaine façon revenir au Moyen-Âge, et même à l’Antiquité, avec le port de Lattara, en bordure de l’étang de Melgueil, et la remontée des marchandises jusqu’au pont-Juvénal, sur le Lez à hauteur de Montpellier. Dès le XVIe siècle, le pouvoir royal avait bien imaginé l’aménagement d’un port à Frontignan, puis sur l’île de Cette pour pallier la disparition d’Aigues-Mortes, et pour assurer un débouché au canal du Midi, mais sa création par Louis XIV en 1666 ne profita pas véritablement à la cité languedocienne : « Mais ce port fut loin de profiter à Montpellier autant qu’on l’espérait ; il exerça sur notre ville une force d’attraction qui, à l’instar de celle de Marseille, eut plutôt pour effet d’occasionner un nouveau déplacement du commerce. » 13
Au début du XVIIe siècle, le débouché du Lez vers la mer semble bien affaibli, du fait de la déshérence du port de Lattes, village quasi déserté de ses habitants.
C’est dans ce contexte que Louis XIV intervint dans l’économie montpelliéraine, pour conforter les entreprises du marquis de Solas, dont la seigneurie s’étendait tout au long du Lez à hauteur de Montpellier jusqu’aux étangs.
La création de la foire du pont Juvénal
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Conclusion
Bibliographie
Notes
Informations complémentaires
Année de publication | 2024 |
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Auteur(s) | Marie-José GUIGOU |
Nombre de pages | 24 |
Disponibilité | Téléchargeable au format pdf |