L’abbaye de Saint-Thibéry – aperçu du décor de l’église, de la fin du XVIIe siècle à la Révolution
L’abbaye de Saint-Thibéry : aperçu du décor de l’église,
de la fin du XVIIe siècle à la Révolution
P. 123 à 137
« L'abbaye de Saint-Thibéry abrite des trésors artistiques méconnus qu'il suffirait de peu pour mettre en valeur » (1958)
Comme de nombreuses maisons religieuses, il est difficile d’apprécier, à travers le décor et les objets conservés, le degré de richesse de l’abbaye bénédictine de Saint-Thibéry avant la Révolution 1. Beaucoup d’œuvres ont disparu à la suite des ventes décrétées par les autorités révolutionnaires, et les sources permettant d’en retracer leur histoire sont lacunaires. Les inventaires anciens sont approximatifs et les archives de l’ancienne abbaye, propriété de la paroisse, ont progressivement disparu à partir des années 1960. L’analyse du décor et du mobilier conservés, et quelques contrats de prix-faits, passés avec des artistes régionaux, éclairent cependant les transformations décoratives de l’église à partir des années 1690, décor enrichi de nouvelles images et d’un nouveau mobilier tout au long du XVIIIe siècle.
Caractéristique des églises de la basse vallée de l’Hérault des XIVe et XVe siècles 2, l’église abbatiale se métamorphose peu à peu à l’arrivée des mauristes à partir de 1639. A l’exception des stalles commandées dès 1634 sur le modèle des sièges de la cathédrale d’Agde et de la collégiale de Pézenas, le mobilier de cette période n’est pas connu 3. Il a disparu lors de la grande rénovation esthétique de la fin du XVIIe siècle, dont la première phase concerne le chœur de l’église, doté en 1692 d’un monumental retable « à la romaine » 4.
L’ouvrage, réalisé par Luc Duval, maître sculpteur de Béziers 5, sera exécuté « en pierre et bois [et] aura trois hauteur suivant le dessaint fait par led Duval » 6. A cette occasion, Duval réalise également les stalles du chœur, ou plus précisément semble renouveler une partie des sièges de 1634 7. L’ensemble retable-sièges a disparu à la fin de l’Ancien Régime, mais quelques morceaux sont conservés en place comme le maître-autel et les anges adorateurs en marbre, ainsi que le tabernacle à baldaquin en bois doré (Figs. 1 et 2). Quant aux sièges, seuls subsistent quelques abattants, que l’on rapproche volontiers des stalles de la cathédrale d’Agde, et que l’on identifie donc comme les vestiges des sièges de 1634, et non de 1692. (Fig. 3).
Pour se représenter une partie de l’éclat et la richesse du décor dans la nudité actuelle de l’église (Fig. 4), il convient de se déplacer dans la chapelle de la Vierge et dans la sacristie, l’une et l’autre résultant de la division, en 1690, d’une ancienne chapelle latérale, la « chapelle rouge. »
Placée sous le vocable de la Vierge 8, la nouvelle petite chapelle est alors habillée d’un retable secondaire, réalisé en 1695 par François Laucel « architecte et esculpteur de Narbonne » 9 (Fig. 5). Adossé au mur mitoyen à la sacristie, le retable présente un travail élégant de sculpture de « frizes » et d’« ornemens » 10 (Fig. 6) qui démontre une bonne connaissance des modèles gravés de la fin du XVIIe siècle, de Jean Bérain (1640-1711) ou de Jean Le Pautre (1618-1682) (Fig. 7) 11. Composé d’enroulements d’acanthes, de guirlandes de fleurs et de figures humaines, ce décor est hélas écrasé par les dommageables repeints du XIXe siècle qui masquent une polychromie sous-jacente 12. L’autel en marbre semble avoir été mis en place plus tardivement : en effet, son cartouche (Fig. 8) est caractéristique des modèles décoratifs des années 1730-1750, diffusés par les recueils de gravures d’un Lajoue (1686-1761) ou d’un Babel (vers 1700-1775) (Fig. 9) 13. Dans l’ensemble, et malgré quelques transformations structurelles au XIXe siècle à l’arrière de l’autel rocaille, il est facile d’imaginer le retable, avec ses couleurs relevées d’or, et ses colonnes et tableaux jaspés, en « marbre turquin de Caunes » 14.
La richesse chromatique s’exprime également sur les surfaces murales. En témoignent les résidus de peinture rouge dans les arcatures de la chapelle ainsi que les motifs noirs étoilés ou les ondulations blanches et rouges couvrant les arcs et voussures de la sacristie (Fig. 10). Chronologiquement, ces peintures semblent correspondre au décor de la « chapelle rouge ». Selon toute vraisemblance, elles ont été conservées lors de la division de la grande chapelle, contrairement au décor peint qui ornait le mur est de l’ancienne « chapelle rouge ». Découverte en 1958 sous un enduit ancien 15, cette peinture murale, détériorée et piquetée, semble antérieure à la période qui nous occupe, mais sa qualité picturale autant que les questions de chronologie qu’elle soulève nous invitent à l’évoquer brièvement. (Fig. 11)
A l’origine, la peinture devait accompagner un petit retable, dont on devine l’empreinte au centre du mur, et un autel, figuré sur les plans de 1641 et 1656 16. Sur un fond rouge, le décor s’organise selon trois registres 17 : dans les parties basses, à droite, un personnage masculin, à l’intérieur d’une niche feinte (Fig. 12) ; au niveau médian, un lourd entablement de fausse architecture; au registre supérieur, deux anges surmontés d’un motif illisible (Fig. 13). Une inscription altérée portée au bas de la niche pourrait indiquer le nom du père de Marie, Joachim. Selon un système de composition axiale, la gauche du retable feint devait également représenter une niche, occupée, elle aussi, par un personnage 18. Cette partie du décor aurait pu disparaître lors du percement d’une porte, certainement vers 1650 comme l’indiquent les états successifs de la chapelle en1641 et 1656 19. La composition murale pourrait donc être antérieure aux années 1650, certainement des années 1630-1640, lorsque l’abbaye renouvelle une partie de son décor 20. Cette hypothèse peut paraître risquée, mais les rapprochements stylistiques de cette peinture avec celles des années 1640 situées à Pézenas et dans ses environs ne contredisent pas cette proposition 21.
Mais revenons au décor de la modernisation, tout en nous maintenant dans la sacristie. A ce nouvel espace correspond un mobilier intimement lié au local qui l’abrite. Deux murs de la pièce sont en effet couverts jusqu’à mi-hauteur de meubles destinés au rangement des chapes et des chasubles ainsi qu’aux autres ornements liturgiques (figs. 14 et 15). Une rapide observation permet de constater que le chasublier est parfaitement homogène, à l’inverse du chapier, qui présente des compositions différentes dans les corps haut et bas. Le chasublier, parfaitement intégré dans toute la largeur du mur, semble contemporain à la première phase d’aménagement de la sacristie, vers 1690. En revanche, le chapier, avec ses traverses hautes chantournées et ses plateaux intérieurs pivotants, évoquent les modèles de boiseries exécutées à partir des années 1730.
Cet ajout probable de mobilier, postérieur à l’organisation primitive, illustre les différentes retouches décoratives menées par les moines durant le XVIIIe siècle. En témoignent également les deux grands tableaux de la sacristie mis en place au début des années 1730, près de quarante ans après l’aménagement de cet espace. Logés dans les arcs brisés, au dessus des meubles de rangement, les peintures représentent Le Christ remettant les clefs à saint Pierre et L’Adoration des Mages (figs. 16 et 17) 22. La commande du premier, passée à un peintre inconnu en 1731, précise que le tableau occupera « le costé de la murailhe qui est en fasse en entrant », et qu’il sera « conforme à l’estampe » fournie 23. La gravure n’est pas précisée, mais un œil averti reconnaît comme source visuelle le tableau que Nicolas Poussin (1694-1665) peint à Rome en 1647 pour illustrer L’Ordre dans la série des Sacrements Chantelou, que nous évoquerons plus bas. Le peintre anonyme reproduit le tableau d’après la gravure que Jean Pesne (1623-1700) réalise à partir de 1667. Faute d’espace, imposé par le format cintré, le paysage et l’architecture de l’arrière plan sont simplifiés et réduits, et le caractère axial de la composition d’origine n’est plus respecté. Par contre, le groupement compact des Apôtres et leurs larges drapés sont assez correctement rendus.
La seconde composition, L’Adoration des Mages, datée de 1733, est due à un peintre nommé Fabre, d’après l’inscription portée sur la plinthe du piédestal de la colonne : « FABRE.FECIT.1733 » 24. On ignore tout de ce peintre, certainement d’extraction locale, qui réalise ici sa seule œuvre documentée dans une production que l’on suppose plus importante. Le modèle auquel il se réfère n’est pas identifié, mais l’épisode biblique, fréquemment traité avec la Nativité et l’Adoration des Bergers, dérive certainement d’une de ces nombreuses gravures en circulation au XVIIe siècle. Le thème, connu uniquement par les Evangiles Apocryphes, est représenté ici de manière conventionnelle, et traité de manière maladroite, notamment dans les anatomies et les drapés des personnages, même si les nombreux repeints et l’état général de la toile rendent difficile tout jugement sur la réelle valeur artistique du peintre. Une chose semble certaine : les différences de facture entre les deux tableaux indiquent que Fabre n’est pas l’auteur du Christ remettant les clefs à saint Pierre, dont l’exécution évoque la main d’un peintre plus expérimenté, certainement actif dans la région autour des années 1730.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’église est également le théâtre de modifications importantes. Signe d’une liturgie magnifiée, l’abbaye se dote en 1752 d’un orgue exceptionnel conçu par le moine-savant Dom François Bedos de Celles (1709-1779), qui réside à Saint-Thibéry entre 1751 et 1759 25. L’auteur du traité L’art du facteur d’orgues semble confier la réalisation du buffet de l’instrument au sculpteur Dominique Ferrère (1723-1808) dont le séjour est attesté à Saint-Thibéry en 1752 26. Héritier d’une dynastie de sculpteurs pyrénéens 27, Ferrère livre un remarquable buffet rocaille (Fig. 18) où se mêlent un monde végétal exubérant, des mascarons inquiétants, des guirlandes et des pots-à-feu, l’ensemble couronné de palmes supportées par une série d’anges particulièrement soignés et du plus bel effet. A quelque chose près, l’orgue devait occuper l’emplacement de celui d’aujourd’hui, sur la tribune nord, avant son transfert en 1806 dans l’église Notre-Dame-des-Tables de Montpellier sur l’intervention du chancelier d’Empire Cambacérès. Aujourd’hui les boiseries ont perdu leurs couleurs suite aux nombreuses interventions du XIXe siècle, mais il est aisé de se représenter l’effet de l’instrument à l’intérieur de l’église abbatiale avec les carnations peintes des figures et les beaux ornements couleur vert et argent 28.
D’autres boiseries illustrent ce renouveau décoratif comme l’ensemble des stalles et lambris du chœur, dont la question paraît avoir occupé les moines durant les années 1740-1780 (Figs. 19 et 20). Ces nouveaux sièges et boiseries semblent avoir été réalisés vers 1782 : l’expertise de l’ingénieur et architecte de Béziers Jean Guibal 29, note en effet en 1783 un décor de lambris et stalles en noyer entourant le chœur réalisé « à neuf » et dans « le meilleur état » 30. Cette datation est confortée par la mention, en 1782, d’un emprunt de 2 000 livres pour de nouvelles stalles, boiseries, vitraux et pavés du chœur 31, datation également justifiée par un second ensemble à la composition identique, exécuté en 1781 pour la proche collégiale Saint-Jean de Pézenas 32, signe, peut-être, d’un atelier commun. A Saint-Thibéry comme à Pézenas, les stalles sont disposées sur deux rangées, chacune bénéficiant d’une miséricorde à fleuron et d’une parclose ouvragée de volutes, de motifs végétaux et de chutes de piastres. Quant aux travées de lambris, elles se développent sous forme de pilastres à cannelures, de chapiteaux à feuilles d’acanthe et de panneaux chantournés, décorés de guirlandes, de palmes et de rubans dans le goût « néoclassique » 33.
Certaines œuvres conservées ou connues par les documents mériteraient de figurer dans ce corpus décoratif. C’est le cas des beaux antiphonaires, part infime de l’ancienne bibliothèque des moines, ou de la vingtaine de tableaux de l’abbaye, inventoriés succinctement en 1790 34 : les quelques livres, déposés aujourd’hui dans le presbytère, ont été réalisés pour l’abbaye autour des années 1760, et, pour certains, enluminés sur place. Quant aux tableaux, à l’exception des deux grandes peintures déjà citées et de celles évoquées plus bas, une partie a été vendue en 1792. Certains ont peut-être survécu à la vente braderie révolutionnaire comme le Saint Benoît faisant l’aumône, identifié parfois comme Saint Thomas de Villeneuve (Fig. 21), le Portrait d’un bénédictin, et la petite Crucifixion, conservés dans la sacristie. Mais en l’absence de documents d’archives attestant de leur provenance, il est impossible toutefois de les rattacher directement à l’histoire de la congrégation du XVIIIe siècle, même s’il semble peu probable que ces œuvres proviennent des redistributions postrévolutionnaires.
A travers ces quelques exemples, on comprend que l’effet de l’intérieur de l’église est aujourd’hui très éloigné de ce qu’il était au XVIIIe siècle La destruction, dès la fin de l’Ancien régime, du retable du chœur, véritable arc de triomphe de couleurs, ainsi que les ventes révolutionnaires ou le transfert de l’orgue en 1806, ont modifié très tôt l’ambiance de l’église. Au cours du XIXe siècle et de la première moitié du siècle suivant, l’organisation décorative est également perturbée : les verrières à verre blanc du XVIIIe siècle du chœur (1782) sont remplacées en 1868 par les vitraux de Brunet, peintre-verrier de Montpellier 35, et un nouveau vitrail dû à Alexandre Mauvernay éclaire dorénavant la chapelle de la Vierge 36. Suivront le renouvellement du décor peint et du mobilier des chapelles, consécutif aux changements de vocables, et le déplacement du chœur au fond de l’abside en 1918. A partir de 1965, le bâtiment nécessitant de lourds travaux, l’église est « restaurée » selon le « style » austère du gothique méridional : les quelques vestiges décoratifs du XVIIIe siècle sont déposés, bouleversant définitivement la parure du monument 37.
Injustement oubliées après la dispersion générale de ce décor, deux grandes toiles du XVIIIe siècle de l’ancienne église abbatiale viennent d’être remises en place après une restauration exemplaire. Moment crucial dans l’histoire des œuvres, cette opération a été l’occasion de réaliser une petite étude à l’origine de découvertes très intéressantes pour l’histoire de l’abbaye, et plus généralement pour l’histoire de l’art.
L'Ultime Cène et Le Repas chez Simon le pharisien : deux grands tableaux du XVIIIe siècle.
Le 4 mai 1790, l’inventaire dressé par les autorités révolutionnaires mentionne parmi les vingt cinq peintures de l’abbaye, “2 grand tableaux [et] 4 petits” dans le réfectoire, et “5 tableaux” dans l’église 38. Les œuvres ne sont pas décrites, et les dimensions ne font l’objet d’aucune indication précise. A partir de ces sources, il était difficile d’associer à l’abbaye les deux grands tableaux de la seconde moitié du XVIIIe siècle de l’église de Saint-Thibéry: L’Ultime Cène et Le Repas chez Simon (Figs. 22 et 23).
Pourtant, malgré des archives défaillantes, une solide tradition locale identifiait ces œuvres comme les vestiges du décor de l’ancienne abbaye, et du réfectoire en particulier : le sujet des repas du Christ était des thèmes fréquemment choisis pour orner les salles à manger des communautés religieuses, et les dimensions des peintures pouvaient correspondre aux « 2 grands tableaux » du réfectoire, cités dans l’inventaire de 1790. Si l’hypothèse était séduisante, l’histoire des œuvres demeurait toutefois incertaine. En effet, comment expliquer le transfert des tableaux dans l’église, les conditions de ce déplacement, l’époque de celui-ci, etc. ?
Sur la foi d’un document hélas perdu, mais fort heureusement retranscrit, et reparu à l’occasion de cette étude, l’énigme, si l’on peut dire, est en partie résolue. C’est grâce aux libéralités de la confrérie des pénitents blancs de la commune que les deux œuvres vinrent orner, non pas le réfectoire, mais la nef de l’église abbatiale. Le registre de la Compagnie mentionne en effet que le 30 mars 1779 « ont été placés à droite et à gauche du sanctuaire de l’église, deux grands tableaux représentant l’un la Cène et l’autre les pharisiens, tous deux avec cadre bleu » 39. Ce document est conforté par la date de 1779, reparue lors de la restauration des œuvres entre 2005 et 2008, située en bas à droite de La Cène, datation précédée d’une inscription illisible, certainement le vestige d’un monogramme, ou d’une signature, qui n’a pu être identifié 40.
La restauration indique aussi que les œuvres avaient déjà fait l’objet d’une importante intervention, notamment L’Ultime Cène, dont la partie située à l’extrême gauche, entièrement disparue, a été remplacée par une bande verticale tirée d’une autre peinture. L’on retrouve cette même opération, mais dans des proportions moindres, dans Le Repas chez Simon. D’après la mise en œuvre de ces interventions et la nature des matériaux utilisés, ces « restaurations » sont anciennes, et consécutives à un choc violent. Il n’est donc pas défendu de les mettre en rapport avec l’effondrement d’une partie de la toiture de la nef en l’an V (1796-1797), qui endommagea l’orgue de Don Bedos de Celles 41, et certainement les tableaux, situés à proximité dans la nef.
Après l’épisode révolutionnaire, l’attention aux tableaux semble se maintenir tout au long du XIXe siècle, car lors de l’inventaire des biens de 1906, les peintures sont toujours en place, de part et d’autre de la nef : « Au dessus des boiseries, fixés au mur trois grands tableaux peints sur toiles avec cadre bois représentant : 1. – la cène (3×2) ; 2. – le lavement des pieds (mêmes dimensions) ; 3. – L’annonciation (2×1,80) » 42. Autour des années vingt, la même disposition est confirmée par des clichés photographiques dans lesquels on les identifie sans difficulté, avec leur important cadre en bois sculpté, de part et d’autre dans la nef (Fig. 24).
On l’a dit, en 1965 l’état du monument nécessite de lourds travaux de restauration. C’est à cette période que le sort des œuvres allait être entièrement modifié. En effet, à l’occasion des interventions sur les maçonneries de l’église, l’abbé Henri Cazes, curé de Saint-Thibéry, informe les paroissiens que « les grands tableaux seront descendus et expertisés.
S’ils ont une réelle valeur artistique ils seront remis en état et conservés. L’un représente La Cène, l’autre Le repas chez Simon » 43. Les tableaux sont déposés deux ans plus tard, en 1967, déplacés dans une maison située au chevet de l’église et, comme nombre d’objets religieux après Vatican II (1962-1967), laissés à l’abandon puis oubliés, pendant une trentaine d’années.
Pourtant, dès 1984, les peintures attirent l’attention de Robert Saint-Jean, Conservateur des antiquités et objets d’art, lors d’une de ses visites.Ace propos, ce dernier signale à l’abbé Huc, curé de la paroisse, « que les deux grands tableaux avec leur cadre en bois doré entreposés depuis longtemps [et] que nous n’avons pu qu’apercevoir à travers la porte vitrée […] nous ont paru intéressants et devraient après restauration retrouver une place dans l’église qui demeure bien nue » 44.
Robert Saint-Jean ne semble avoir pu agir, car trois ans plus tard, en 1989, les tableaux sont toujours entreposés dans le local, et gravement endommagés, suite aux travaux de réhabilitation de l’édifice.
Signe d’un changement déterminant dans l’histoire des œuvres, le 7 janvier 1992 les deux peintures sont, conformément au souhait de Robert Saint-Jean, inscrites au titre de Monuments Historiques, et placées désormais sous la surveillance de l’administration. Il faut cependant attendre une dizaine d’années supplémentaires – à l’occasion de l’inscription au titre des Monuments Historiques de l’ensemble des bâtiments monastiques en 2005 – pour que les tableaux, dans un état de conservation critique, bénéficient d’un programme de restauration d’urgence. A partir de septembre 2008, les tableaux, restaurés en atelier, sont de retour à Saint-Thibéry et raccrochés sur les murs de l’église. Pour des raisons de conservation, les œuvres sont disposées sur le grand mur ouest, et non à leur emplacement d’origine, sous les grandes fenêtres de la nef, l’étanchéité des baies n’étant pas assurée. Après presque deux cent ans de présence dans l’église, La Cène et Le Repas chez Simon rayonnent à nouveau dans leur architecture d’origine et leur propre lumière.
Deux copies des repas évangéliques des Sacrements Chantelou de Nicolas Poussin.
Présent dans les quatre évangiles, le récit de la Dernière Cène, ultime repas que le Christ pris avec ses douze disciples avant son martyre, instaure, lors de la consécration de l’hostie, le sacrement essentiel du christianisme, l’Eucharistie. La Cène décrit également un autre moment crucial du repas, l’annonce par Jésus de la trahison de Judas : « Je vous le dis en vérité, l’un de vous me livrera » Évangile de saint Matthieu (26, 20-29). Cette simple phrase, qui jette les Apôtres dans la consternation, constitue le véritable point de départ de la Passion du Christ.
Parmi les autres repas évangéliques, celui de Naïm, chez Simon le pharisien, est une réflexion sur les repas du Christ accompagnés d’onctions, préfiguration de l’embaumement du corps de Jésus avant son ensevelissement. Au centre de la narration, la figure de Marie Madeleine, première pécheresse repentie à avoir reçu le pardon du Christ : « Elle se mit à lui arroser les pieds de ses larmes ; puis elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et les oignait de parfum » ; après cela, Jésus lui déclara : « Ta foi t’a sauvée, va en paix », Évangile de saint Luc (7, 36-50). Les évangiles selon Marc (14, 36-50), Mathieu (26, 6-13) et Jean (12, 1-50) décrivent une scène identique, avec quelques variantes, connue comme l’Onction de Béthanie.
Nous l’avons dit plus haut: le thème des repas du Christ était fréquemment choisi pour orner les grands réfectoires de couvents; il offrait l’image des agapes confraternelles qui invitait au profond recueillement et à la méditation. A la fin du XVIe siècle, c’est l’instant de la trahison de Judas que choisit de peindre Léonard de Vinci (1452-1519) pour le réfectoire de Santa Maria delle Grazie de Milan. Dans cette version dépouillée, marquée par la stupeur des Apôtres et le geste de recul de Judas, Léonard fixe avec la disposition en frise horizontale des protagonistes le modèle de représentation d’un des épisodes du Nouveau Testament les plus représentés en peinture.
A partir des années 1560, l’iconographie des repas évangéliques est amplifiée par les tableaux monumentaux que Paul Véronèse (1528-1588) peint à la demande des nombreux ordres religieux de Venise. C’est le cas du Repas chez Simon exécuté vers 1570 pour le réfectoire du couvent de Santa Maria dei Servi, aujourd’hui au château de Versailles 45. A la sobriété de l’instant sacré de Léonard, Véronèse oppose un grand festin profane dans la Venise du XVIe siècle, peuplé de personnages richement vêtus disposés en frise dans un somptueux décor architectural dont le centre est occupé par la pécheresse, courbée sur les pieds du Sauveur et face à Simon le pharisien.
Malgré cette innovation, grandiose et opulente, ce sont les images des repas du Christ que Nicolas Poussin peint à Rome à partir de 1638 qui renouvellent le thème des repas évangéliques, thème qui s’impose auprès des artistes et des amateurs jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Ces repas sont issus de deux cycles narratifs représentant les sept sacrements ; dans les deux cas, il ne s’agit plus de tableaux d’églises, ou de réfectoires religieux, mais de peintures de chevalet, destinées à une prestigieuse clientèle privée. La première version, datée des années 1638-1642, est une commande du secrétaire du cardinal Barberini, l’« antiquaire » Cassiano dal Pozzo ; la seconde est réalisée entre 1644 et 1648 pour Paul Fréart de Chantelou, principal mécène de Poussin en France. 46
Pour illustrer les sept sacrements de la liturgie catholique, Poussin rompt avec la tradition en situant les rites sacrés non plus dans le monde contemporain, mais dans le contexte historique de l’Église primitive comme le souligne Pierre Rosenberg 47. Dans l’une et l’autre version, la pénitence et l’eucharistie sont donc représentées par des scènes de la vie du Christ, respectivement Le Repas chez Simon le pharisien et L’Ultime Cène. Aux somptueux festins vénitiens de Véronèse, Poussin répond alors par images méditées de banquets antiques, avec ses accessoires et son mobilier inspirés des recueils archéologiques gravés par les maîtres de la Renaissance italienne.
Des deux versions des Sacrements, la série Chantelou est à l’origine des nombreuses copies des XVIIe et XVIIIe siècles présentes dans les églises, qui, selon Jacques Thuillier, la reproduisent « soit en série […] soit par pièces isolées de toutes taille » 48 comme en témoignent les deux grands tableaux de Saint-Thibéry. Les copies, dont on rappellera qu’elles n’étaient pas dépréciées comme aujourd’hui, étaient d’abord un exercice indispensable dans le cursus académique des jeunes artistes, et surtout un moyen de posséder les peintures des plus grands maîtres.
Généralement, ces copies étaient peintes à partir d’une gravure de reproduction, ou de « traduction » comme dit si bien l’italien. Concernant les Sacrements Chantelou, il s’agit d’une série d’estampes gravées par Jean Pesne à partir de 1667, un an après la mort de Poussin (figs. 25 et 26). Le sens inversé des tableaux de Saint-Thibéry par rapport aux originaux indique que le peintre anonyme a pris pour modèle, à la fin des années 1770, les gravures de Jean Pesne, qui reproduisent en sens inverse les œuvres de Poussin ou, plus vraisemblablement, les suites d’estampes reprises par des graveurs plus modestes au XVIIIe siècle.
Ainsi retrouve-t-on dans nos deux copies, la composition, les personnages et le décor élaborés par Poussin. En premier lieu, le cadre de ses repas : un espace clos, dont le fond est occupé par un grand portique antique : dans Le Repas chez Simon alternent colonnes et pilastres ioniques, flanqués de baies aveugles en plein cintre à droite et à gauche. Usée, notre copie restitue assez mal ce décor architecturé, que l’on distingue à peine à l’œil nu. En revanche, dans notre Ultime Cène, le portique est clairement visible, et fidèle au modèle de Poussin, même si le copiste simplifie les pilastres, représentés, ici, sans leurs chapiteaux doriques 49. Les convives sont étendus sur de grands lits, les triclinia, à la façon romaine, que Poussin, dans un souci de vérité, détaille, avec ses soubassements ou ses coussins sur lesquels s’accoudent les invités. Guidé par la même précision, Poussin introduit et multiplie cratères, jarres et amphores, copiés de l’Antique, dont l’un d’eux est mis en évidence sur une table tripode, au centre du Repas chez Simon.
Ce « pittoresque » archéologique se double chez Poussin d’une maîtrise de la composition, notamment chez Simon le pharisien où les personnages sont disposés de la même façon, de part et d’autre d’une table placée au centre du tableau, vue en perspective et dans toute son ampleur. Aux douze personnages de l’Evangile, Poussin ajoute des serviteurs, multipliant ainsi les figurants de la scène, dont l’importance se réduit selon le procédé de perspective élaboré par le peintre. A droite – à gauche dans le tableau de Saint-Thibéry – se détache le pharisien, dont un jeune serviteur lave les pieds selon l’usage dans l’Orient antique, alors qu’à gauche – à droite dans notre peinture – Jésus est représenté avec la pécheresse penchée sur ses pieds ; exilée à l’extrémité de la composition, cette dernière est étrangement représentée sans son vase de parfum.
La connaissance approfondie de l’art et des mœurs antiques de Poussin se déploie également dans L’Ultime Cène. Mais dans le cas présent, l’intérêt est peut-être ailleurs, dans le traitement des visages des onze apôtres, groupés autour du Sauveur, au moment de la consécration de l’hostie, et dans la source de lumière unique qui éclaire la scène et le manteau rouge – vert cendré dans notre tableau – de Judas qui quitte la pièce. Comme le rappelle Pierre Rosenberg, il s’agit de reconnaître dans cette toile de Poussin « la plus émouvante et certainement la plus audacieuse des compositions » des Sacrements Chantelou 50. Bien évidemment, L’Ultime Cène de Saint-Thibéry ne peut se mesurer avec ce chef-d’œuvre du XVIIe siècle, pas plus que notre Repas chez Simon le pharisien avec son illustre modèle, même si le traitement pictural de nos copies est assez bien maîtrisé.
Pour autant, malgré leur modestie, ces copies ne doivent pas être appréciées uniquement selon le critère de qualité plastique. Dans l’histoire du goût, elles expriment le désir du retour des modèles « canoniques » de l’Antiquité et du XVIIe siècle dans la production picturale précédant la Révolution : présentation synthétique en frise, palette restreinte et vision archéologique des accessoires. Dans l’histoire de l’abbaye, ces copies, aux formats ambitieux, prennent part au goût des religieux de la seconde moitié du siècle pour des décors plus simples et lumineux : disparition du retable baroquisant de la fin du XVIIe siècle, destruction des vitraux certainement historiés (1782), badigeonnage de certaines peintures murales.
Ces tableaux, qui n’ont jamais prétendu être des originaux de Poussin, demeurent aujourd’hui l’un des rares vestiges de ce décor. Si leur restauration récente les a, pour longtemps on l’espère, sorti de l’oubli, combien de tableaux « généralement sans état civil aucun […] disparaissent par négligence et abandon suivi bientôt de destruction “pure et simple” alertait dès 1958 Jacques Thuillier. 51 Souhaitons que l’histoire exemplaire de ces copies “poussinesques” suscite d’autres actions en faveur du patrimoine mobilier de l’église de Saint-Thibéry, et des églises du département de l’Hérault plus généralement; souhaitons aussi que les futurs visiteurs apprécient dorénavant ces tableaux dans le riche contexte historique, religieux et artistique qui a présidé à leur création, et à leur accrochage dans l’église, le 30 mars1779.
Notes
Cet exposé développe la communication que nous avons donnée le 18 septembre 2008 devant l’Association de préservation du patrimoine et de l’abbaye de Saint-Thibéry. Il s’inscrit dans le cadre du plan Objet initié par la Conservation régionale des Monuments historiques du Languedoc Roussillon (Direction régionale des Affaires culturelles du Languedoc-Rousillon). Le plan Objet concerne ici le territoire de la Communauté d’Agglomération Hérault Méditerranée. Nous remercions pour ses précieux conseils et sa grande disponibilité Hélène Palouzié, Conservateur des Antiquités et Objets d’Art du département de l’Hérault (Drac-LR) ainsi que, à divers titres, Roland Galtier, Dominique Larpin, Thierry Lochard, Denis Millet, Jean Nougaret, Denis Népipvoda, Daniel Rabreau, Nejoud Rigaud, Laurent Roméro, et à Saint-Thibéry, Guy Amiel, Père Bernard Lassalvy, Michel Laurent et Sylvette Romieu. On ne saurait oublier ici Geneviève Durand, dont les travaux nous ont accompagnés tout au long de cette recherche ; nous dédions cette étude à sa mémoire.
1. Sur l’abbaye et les phases successives de construction, nous renvoyons à la monographie de Geneviève Durand, « L’abbaye bénédictine de Saint-Thibéry (Hérault) » in Archéologie du Midi médiéval, t. 22, 2004, p. 141-198, avec, en complément, l’étude de Bernard Chédozeau, « L’abbaye royale de Saint-Thibéry de la congrégation de Saint-Maur », in Etudes Héraultaises, 30-32, 1999-2001, pp. 47-73.
2. L’église est à plan simple et à abside polygonale : la travée ouest de la nef est restée inachevée (place Saint-Sauveur actuelle) ; sur l’église, classée Momument Historique le 14 avril 1923, cf Geneviève Durand, op. cit. Note 1, pp. 154-162 et Françoise Robin, Midi gothique : de Béziers à Avignon, Paris, éd. Picard, 1999, pp. 348-351.
3. Les Archives Départementales de l’Hérault (dorénavant A.D.H. dans les notes) conservent une liasse portant sur le mobilier religieux de l’abbaye (cote 7H7) consultée par Geneviève Durand dans sa monographie de 2004. La liasse est aujourd’hui incommunicable. Nos informations sont donc reprises des notations faites par Geneviève Durand lors de son étude, et mises en perspective avec notre propre recherche. Concernant les stalles de 1634, la commande a été passée à des maîtres menuisiers de la commune de Montagnac, cf. G. Durand, op. cit., note 1, p. 164 et p. 172.
4. Le prix-fait du retable et des stalles a été retrouvé en 2010 aux A.D.H. par Denis Népipvoda, que je remercie ici pour la copie qu’il nous a adressée, avant la publication prochaine du document. Sur les retables de l’Hérault à la fin du XVIIe siècle, voir l’exemple de Pomérols dans Denis Népipvoda, « Le retable de Pomérols », in Etudes Héraultaises, n° 39, 2009, pp. 77-92 ; sur les retables en général, (commandes, fabrication, restauration etc.) cf. Christine Langé et Hélène Palouzié (sous la dir.), Regard sur les Retables. Architecture et théâtre d’images, Arles, éd. Actes Sud, 2004.
5. Luc Duval, maître sculpteur, est actif à la fin du XVIIe siècle dans la région de Béziers (décor pour l’église des Carmes de Béziers ; chaire de l’église de Saint-Pons-de-Thomières; peut-être également le retable en pierre et marbre de la cathédrale d’Agde, d’après Denis Népipvoda, com. orale 2010), cf. Joseph-Marie Sahuc, Archives de l’ancien évêché de Saint-Pons, I, [sd], p. 192, ainsi que Emile Bonnet, Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art du Bas-Languedoc (Aude, Gard, Hérault, Lozère), publié par Jean-Claude et Nancy Richard, 2004, p. 147, voir également G. Durand, op. cit. Note 1, p. 173-174.
6. Sur le retable proprement dit, cf. G. Durand, op. cit. Note 1, pp. 173 et 174, et la publication à venir de D. Népipvoda. Concernant les dessins d’artistes ou d’artisans associés au prix-fait, on précisera qu’ils étaient le plus souvent réalisés à la sanguine, technique choisie pour sa rapidité d’exécution et sa matière grasse; l’artiste dessinait le plus souvent que la moitié du projet, qu’il reportait, par pliage et par contre-épreuve, sur l’autre moitié de la feuille, obtenant ainsi le projet dans sa totalité. Parfois, seule une moitié est parfaitement terminée. Pour le département de l’Hérault, seul un dessin de ce type semble être conservé (Archives Municipales de Pézenas); daté de 1662 il a été publié par Jean Nougaret à propos du retable d’une des chapelle de la collégiale Saint-Jean de Pézenas, et Denis Népipvoda pour illustrer le retable de Pomérols. Cf respectivement, Pézenas. Évolution urbaine et architecturale du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, 1979, p. 117, repr. p.197, et op. cit. Note 4, p. 78.
7. cf. supra note 4.
8. Sur le culte de la Vierge au XVIIe siècle, et chez les mauristes en particulier, cf. B. Chédozeau, op. cit. Note 1 p. 63.
9. François Laucel (Cournonterral, vers 1660 – Narbonne, 1700) se serait établi à Narbonne à la suite de son mariage en 1690; là, il réalise plusieurs ouvrages pour le couvent des Carmélites (retable en marbre, 1689) et l’église métropolitaine Saint-Just (maître-autel et retable, peut-être sur les dessins de Jules Hardouin Mansart, 1694) ; on le retrouve également à l’église d’Ouveilhan (restauration du retable, 1688) et de Saint-Chinian (retable).
10. A.D.H.: 7 H 7 (liasse incommunicable) : Prix fait du retable, cité par G. Durand, op. cit. Note 1, p. 174.
11. Sur Jean Le Pautre, ou Lepautre, voir le chapitre consacré à « l’Acanthe » dans Alain Gruber (sous la dir.), L’Art décoratif en Europe. Classique et Baroque, éd. Citadelles et Mazenod, 1992, pp. 93-155.
12. L’historiographe de Saint-Thibéry, Numa Haguenot, décrit en 1865 la chapelle de la Vierge, « remarquable par un très beau retable en chêne sculpté très ancien mais qui malheureusement a été barbouillé », L’abbaye de Saint-Thibéry, manuscrit, 1865, (A.D.H. : 11 F 12, f° 28), cité également par B. Chédozeau, op. cit. Note 1, p. 63.
13. Les gravures de Lajoue et Babel ont été étudiées respectivement par Marianne Roland Michel, Lajoue et l’art rocaille, Paris, ed. Athéna, 1984, pp. 313-351, et dans l’essai et les notices de Peter Furhing, « Boucher et les dessinateurs d’ornements », cat. exp. François Boucher et l’art rocaille, Paris, École Nationale Supérieur des Beaux-Arts, 2003, pp. 246-262.
14. Cf. note 10.
15. Sur les conditions de mise à jour des peintures murales, voir l’article détaillé paru dans le grand quotidien régional, Midi Libre, 29 mars 1958. Les peintures ont souffert de nombreuses pertes de matières, de trous de bûchage et sont recouvertes d’une couche de saleté. Un constat d’état, avec propositions d’interventions, a été réalisé par Anne Rigaud en 2008 dans le cadre d’une restauration prochaine (dossier Anne Rigaud, Crmh-Drac LR et Service patrimoine-Cahm).
16. Les plans sont conservés aux Archives Nationales ; ils ont été publiés par G. Durand, op. cit. Note 1, p. 162 et p.156, et B. Chédozeau, op. cit. Note 1, p. 49 et p. 52.
17. Geneviève Durand émettait l’hypothèse de plusieurs phases décoratives, la niche et la figure de Joachim appartenant à la plus récente (G. Durand, op. cit. Note 1, p. 158). L’hypothèse n’est pas à exclure, mais l’organisation cohérente des différents registres ou l’harmonie de la palette de couleurs militent en faveur d’une seule campagne de mise en œuvre. Une analyse stratigraphique de la couche picturale pourrait cependant éclairer ces différentes hypothèses.
18. Peut-être Anne, la mère de Marie.
19. cf. supra note 16.
20. Voir à cette période le renouvellement des stalles du chœur, cf. supra note 3.
21. Sur les décors muraux, datés ou datables de cette période, voir ceux de la Seigneurie du Peyrat à Alignan-du-Vent, et ceux récemment mis à jour, à Pézenas en 2004 (Hôtel de Peyrat) et à Béziers en 2008 (Hôtel Fayet).
22. Les tableaux La Remise des clefs à saint Pierre (3,10 x 5,15 m) et L’adoration des Mages (3,30×5,20 m) ont été inscrits au titre de Monuments historiques le 7 janvier 1992.
23. Commande passée le 10 octobre 1731. Le peintre sera payé 80 livres pour l’ouvrage ; les religieux lui offrent également deux petits tableaux représentant saint Benoît et sainte Scholastique. (A.D.H : 7 H 7, liasse incommunicable concernant le mobilier religieux), cf. G. Durand, op. cit. Note 1, p. 187, voir également B. Chédozeau, op. cit. Note 1, pp. 63-64, qui semble confondre les instructions des religieux avec les commentaires du peintre, confusion corrigée par G. Durand.
24. Le tableau n’est pas documenté dans les archives, et n’est pas évoqué par G. Durand ni B. Chédozeau.
25. Sur Dom Bédos de Celles, voir la récente monographie publiée par la Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers : Hans Steinhaus et Guilhem Beugnon, Dom Bedos de Celles. Entre orgues et cadrans solaires. Vie et travaux d’un Bénédictin du Languedoc (1709-1779), XXe Cahier, 2008; quant à l’orgue de Saint-Thibéry, objet d’une importante littérature, nous renvoyons à l’étude complète de Roland Galtier et Jean-Claude Richard, “Jean-Pierre Cavaillé et l’orgue Dom Bédos de Saint-Thibéry”, in Etudes Héraultaises, n° 10, 1994, pp. 73-86.
26. La présence du sculpteur est attestée à Saint-Thibéry le 1er février 1752 lors de la signature du marché pour la construction de l’orgue de la cathédrale de Lodève, entre le chapitre et Don Bédos ; ce dernier sous-traite en effet la construction du buffet au sculpteur Ferrère, cf. Henri Vidal, « Les grandes orgues de la cathédrale de Lodève », in Études Héraultaises, n° 30-31, 1999-2001, p. 106. Le nom de Ferrère apparaît également pour l’orgue de la collégiale de Pézenas dans une lettre adressée au sculpteur le 19 janvier 1757 par Jean François L’Epine, cf. « Jean François L’Epine, facteur d’orgues », in L’ami de Pézenas, Bulletin trimestriel des Amis de Pézenas, n° 47, 2007 [s.p.]. Il semble que Ferrère n’ai pas été retenu, les sculptures du buffet étant dues aux frères Morteuil de Toulouse d’après Jean Nougaret dans « La collégiale Saint-Jean », in Hélène Palouzié (sous la dir.) Le Trésor de la collégiale Saint-Jean-de-Pézenas, éd. Actes Sud, 2003, p. 30.
27. Le premier représentant de cette dynastie de sculpteurs établie à Asté dans les Hautes-Pyrénées est Jean Ferrère (vers 1620-vers 1705) ; à sa mort, l’atelier est repris par son fils Marc (1674 -1758) auquel succèdent ensuite ses deux fils, Jean (1718-1795) et Dominique, qui s’installera à Tarbes ; sur cette famille de sculpteurs et leurs ouvrages, cf. cat., exp. Le dessin baroque en Languedoc et en Provence, Toulouse, musée Paul-Dupuy, éd. Loubatières, 1992, n°s 41 et 42, pp. 64-66 (Jean Ferrère) et n°s 115-120, pp. 152-157 (Marc Ferrère). Voir également Fabienne Sartre, « La sculpture toulousaine dans la première moitié du XVIIIe siècle », in Mémoires de la Société Archéologiques du Midi de la France, 2002, p. 166.
28. La couleur des ornements nous a été confirmée par Roland Galtier (comm. orale 2007.)
29. Jean Guibal est actif à Béziers dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ; en 1781, il est l’inventeur d’une machine hydraulique destinée à élever les eaux de l’Orb à Béziers, cf. Dominique Massounie, Les monuments de l’eau, Éditions du Patrimoine, coll. Temps & Espace des Arts, dirigée par Daniel Rabreau et Daniel Roche, 2009, p. 51.
30. A.D.H : 7 H 11 : "Contre-expertise 1782-1786", cité par G. Durand, op. cit. Note 1, p. 190.
31. G. Durand, op. cit. Note 1, p. 188.
32. Sur le prix fait des stalles de Pézenas (A.D.H: II E 69/189, f° 182 v°), voir : J. Nougaret, op. cit. Note 6, p. 118 et p. 198, qui signale les noms des artisans : Nicolas Blaquière, de Clermont l’Hérault, Pierre Audin, de Pézenas, et les dessins du menuisier Nègre (26 septembre 1781).
33. Les stalles et les lambris ont été inscrits au titre des Monuments Historiques le 28 avril 2008. L’ensemble fera l’objet d’une restauration durant l’année 2011.
34. A.D.H. : 1 Q 347 : (I – « Déclarations que fournissent les religieux benédictins de l’abbaïe de St Thibery […] des Meubles, et Effets de l’Eglise et de la Sacristie ») ; (II – « Déclarations que fournissent les religieux benédictins de l’abbaïe de St Thibery […] des Meubles, et Effets trouvés dans la Maison et Ménagerie ») 26 février 1790, et Inventaire des biens de l’abbaye du 4 mai 1790.
35. Brunet est actif à Montpellier et dans sa région à partir 1860, date de sa participation au Salon des Beaux-Arts et d’Industrie de Montpellier comme l’indique la dédicace d’un de ses vitraux ; en 1870 il réalise les vitraux de la nef de la cathédrale d’Agde ; son activité semble prendre fin en 1883, cf. le travail de la cellule du vitrail de l’Inventaire général, « Enquête sur les peintres-verriers du XIXe siècle ayant travaillé en France », Revue de l’Art, n°72 , éd. C.N.R.S., 1986, p. 71.
36. Alexandre Mauvernay (1810-1898) est originaire de Saint-Galmier dans la Loire. Elève d’Ingres, il est actif de 1846 à 1898. Dans l’Hérault son travail est recensé à Lodève (1856, Cathédrale Saint-Fulcran), Castries (1860, église Saint-Etienne), Capestang (1862, église Saint-Etienne), Cazouls-lès-Béziers (1857 ?, église Saint-Saturnin), Agde (1863, église Saint-André, 1865, chapelle de l’orphelinat), Pézenas (collegiale Saint-Jean) Sur l’artiste voir la monographie de Maryse Dalzotto, Alexandre Mauvernay (1810-1898). Peintre-Verrier à Saint-Galmier (Loire), Mémoire de Maîtrise en Histoire de l’Art, Université Lyon II, 1986. Je remercie Hélène Palouzié de m’avoir communiqué cette référence.
37. La restauration de l’église se fera en plusieurs tranches, entre 1965 et 1970. Elle est dirigée par les architectes des Monuments Historiques, M. Hermite et Henri Lefebvre; l’entreprise Cavalier de Béziers est chargée de réaliser les travaux, cf. les chroniques de l’abbé Henri Cazes, curé de la paroisse, parues dans le bulletin paroissial de Pézenas et des villages proches : Inter-Clochers, février et juin 1966, mai 1967. Voir également l’article dans le journal régional Midi Libre, 4 sept. 1969 : « l’église majestueuse est en voie de restauration […] une vingtaine de jeunes garçons et filles ont travaillé avec dévouement et foi à mettre à nu les pierres des deux chapelles du fond, leur redonnant ainsi leur primitive beauté » !
38. A.D.H. : 1 Q 347 : Inventaire des biens de l’abbaye, 4 mai 1790.
39. Registre des délibérations de la confrérie des Pénitents Blancs de Saint Thibéry : « Convocation du 30 mars 1779 : sera pour mémoire que le 30 mars 1779 ont été placés à droite et à gauche du sanctuaire de l’église, deux grands tableaux représentant l’un la Cène et l’autre les pharisiens, tous deux avec cadre bleu, desquels la sacristie a fait présent. Etant sacristains : frère Gabriel Aphrodise Beaumevielle, frère Jean Pierre Hugues, frère Guillaume Sèbe, frère François Caumette ; ayant été remis à ce dernier par frères Mathieu Combes et Jacques Pagès, anciens sacristains, la somme de 21 livres lors de leur sortie. Et ont signé les frères présents ». Sur les cadres bleus, que nous avons soulignés dans le texte, cf. infra note 49. Je remercie Sylvette Romieu, présidente de l’association du patrimoine de la commune, de m’avoir communiqué la transcription de ce document, malheureusement disparu il y a une dizaine d’années, ainsi que de nombreuses pièces d’archives, comme nous le soulignons dans l’introduction du présent article.
40. La restauration des toiles a été effectuée par Sabine Barrié, à Toulouse.
41. cf. G. Durand, op. cit. Note 1, p. 190.
42. A.D.H. : 1 Q 468 : Inventaire des biens de la fabrique de Saint-Thibéry, 29 mars 1906. On notera ici les dimensions inversées et erronées des tableaux. Quant à L’Annonciation mentionnée, elle a disparu (détruite ?) à une date indéterminée ; nous disposons toutefois d’une mauvaise reproduction photographique en noir et blanc (Drac-LR) qui incline à la dater du XVIIIe siècle ; nous pensons volontiers à une copie de qualité d’un orignal qui n’a pas été identifié.
43. Abbé Henri Cazes, « Saint-Thibéry. Restauration de l’Eglise », bulletin paroissial Inter-Clochers, mai 1967, p. 22.
44. Dossier CAOA Saint Thibéry, Conservation régionale des Monuments historiques (Drac-LR.).
45. Sur ce tableau, voir l’ouvrage collectif publié à l’occasion de sa restauration entre 1994 et 1997, « Le Repas chez Simon ». Véronèse. Histoire et restauration d’un chef-d’œuvre, Paris, éd. Alain de Gourcuff, 1997, singulièrement l’essai de Claire Constans et Jean Habert, « Maestoso Teatro », pp. 27-39.
46. Le série qui nous intéresse, celle de Chantelou, a été étudiée par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat, Nicolas Poussin (1594-1665), cat. exp. Paris, Galerie nationale du Grand Palais, 1994, pp. 312-336.
47. Idem, p. 312.
48. Jacques Thuillier, « Notes sur les tableaux "Poussinesques" des églises de France », in Nicolas Poussin, actes du colloque de 1958 sous la direction d’André Chastel, 2 volumes, ed. CNRS, 1960, t. 2, pp. 301-304. Concernant le modèle des repas « Poussinesques », signalons qu’il ne s’impose pas immédiatement, notamment pour la position allongée des figures, jugée peu convenable pour des tableaux d’église. Poussin lui même ne s’y était pas risqué dans la La Cène (1641) de la chapelle royale du château de Saint-Germain-en-Laye (aujourd’hui au musée du Louvre) où le Christ et certains des apôtres sont debout, le reste du groupe recevant la communion à genoux.
49. Une réduction des tableaux dans leur partie haute n’est pas à exclure, expliquant ici la disparition des chapiteaux du portique ; rappelons que les toiles ont fait l’objet d’une importante intervention à une époque ancienne (1796 ?) et que leur cadre d’aujourd’hui ne présente aucun vestige de la couleur « bleue » mentionné en 1779 (cf. supra note 39), signe, peut-être, d’un changement ancien des bordures, mais sans certitude.
50. P. Rosenberg, op.cit. Note 46, p. 319.
51. J. Thuillier, op.cit. Note 48, p. 303, note 10.