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Description

Trois ans de journalisme militant en Languedoc : Jules Guesde à Montpellier

Depuis que les éditeurs multiplient les ouvrages historiques à prétentions « populaires », les historiens peu ou prou patentés passent leur temps à s’indigner des à-peu-près, des erreurs qui fourmillent dans telle ou telle « encyclopédie », tel ou tel « précis biographique ».

Jules Guesde, dirigeant en 1890 du premier « Parti Ouvrier Français », l’un des initiateurs au marxisme du mouvement ouvrier et socialiste en France a été souvent malmené dans bien des ouvrages récents ; quand on n’ignore pas totalement son rôle dans l’histoire de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle, on le réduit à une sorte de doctrinaire dogmatique en négligeant superbement sa popularité de militant, sa verve de journaliste, son influence profonde dans les diverses régions de France où il a vécu.

Guesde fut ainsi deux ans journaliste à Montpellier, de juillet 1869 à juin 1871. On croit rêver en lisant ce qui en transparaît dans un « Dictionnaire de la IIIe République » de M. Pierrard, publication des éditions Larousse encore fort utilisée en 1986. Je cite : « Guesde (Jules Bazile, dit Jules) (Paris 1845 – Saint-Mandé 1922). Ce jeune bourgeois professa à la fin de l’Empire des idées très avancées ; il était en prison pour délit politique quand fut proclamée la République (4 septembre 1870). » Passons sur l’affirmation qui se veut péremptoire et qui n’est qu’analyse rudimentaire; contentons-nous de relever que l’emprisonnement signalé est totalement imaginaire. La suite est du même ordre, qui confond les cinq années d’exil de Guesde, parti pour éviter une condamnation assurée, avec cinq ans encore de prison… Il reste donc à replonger dans la réalité, bien souvent occultée, du séjour héraultais de Guesde.

L’étude des deux journaux auxquels il collabora ou qu’il dirigea, successivement, La Liberté de l’Hérault et Les Droits de l’Homme, permet de voir ce qu’était, il y a un peu plus d’un siècle, la presse républicaine d’opposition en Languedoc et dans l’Hérault.

Il fut aussi dirigeant politique, car vers 1870, les rédactions des journaux et ceux qui gravitaient autour étaient la forme embryonnaire des partis politiques qui s’organiseront en France sous la IIIe République.

I. « La Liberté » de l’Hérault, journal d’opposition républicain
au Second Empire finissant (mai 1869 au 20 janvier 1870)

Dès 1851, l’Hérault fut une terre de résistance à Napoléon III. Ce fut un des rares départements où le coup d’État suscita une réaction populaire brève, mais violente, brisée par l’armée et les tribunaux. De Bédarieux à Béziers, des dizaines de villages de la plaine furent touchés par les emprisonnements et les déportations en Algérie. Durant tout l’Empire, l’opposition, silencieuse par nécessité, resta forte dans les milieux populaires. Mais ce n’est guère que vers 1869-1870 que cette opposition républicaine put s’exprimer au grand jour. Les ouvriers et artisans héraultais, s’ils formaient l’essentiel de la « démocratie », n’avaient pas d’organisme propre, d’idéologie propre. Les combattants de la dernière heure, les bourgeois opposants, vont pouvoir se placer à la tête du mouvement, le diriger à leur profit. La classe ouvrière héraultaise sera mise au service de l’opposition bourgeoise à l’Empire, qui prend bien garde de ne pas mettre en cause « l’ordre et la propriété ». L’opération débute par la création, au début de 1869, d’un journal, « La Liberté de l’Hérault », financé par des bourgeois locaux, comme l’avocat Lisbonne ou le propriétaire Marès, rédigé par un journaliste qui leur est dévoué, Véron. Autour de ce journal, qui devient l’« organe de la démocratie », gravite un état-major composé de républicains modérés qui vont tirer les marrons du feu.

C’est le 10 juillet 1869 que Guesde va débuter sa collaboration à « La Liberté » et s’ajouter aux deux rédacteurs, Véron et Ballue. Sa présence ne changera d’ailleurs rien à la structure du journal, typique d’une presse encore artisanale : peu de capitaux au départ sont nécessaires pour publier un quotidien de quatre pages sans gros titres accrocheurs ni fantaisies typographiques, découpé en quelques chroniques rigides assurées par trois journalistes attitrés seulement. Fort peu de ressources publicitaires, les dépenses étant couvertes par l’apport, au départ, des actionnaires, et les abonnements. Un visage bien différent des entreprises de presse actuelles, où le gigantisme des moyens a donné la préséance aux impératifs financiers sur le côté rédactionnel. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1987

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Françis ARZALIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf