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Description

Molière en Occitanie : réflexions sur la situation socioculturelle de Molière

« Pour faire de Molière un sage à l’épreuve des siècles, ou à la convenance du moment – car les deux choses bien souvent se confondent – on a parfois estompé tous ses traits distinctifs… »

P. BENICHOU.

Molière a été auteur de théâtre (et, qui plus est, de théâtre comique), directeur de troupe (et d’une troupe longtemps ambulante), comédien lui-même enfin ; cela explique qu’il soit parfois présenté, directement ou par allusion, comme « populaire » – au moins en ce qui concerne la période des voyages, de 1645 à 1658. (Voir les usages du mot « bateleur », au charme romantique évocateur d’aventure et de menu peuple…).

Cette manière de voir a été largement démentie par un grand nombre de faits, à commencer par le théâtre de Molière lui-même.

Il a écrit des pièces galantes ou héroïques, des pastorales, des comédies-ballets à intermèdes musicaux dont le goût brillant et romanesque est évidemment aristocratique (Don Garcie de Navarre, La Princesse d’Elide, Mélicerte, Amphitryon, Les Amants Magnifiques, Psyché, etc.…). Dans une société aux classes sociales très hiérarchisées, il se plaît à juxtaposer un supérieur et un inférieur pour les faire contraster, reproduit le type burlesque traditionnel de l’inférieur poltron, vaniteux, impuissant et soumis malgré lui, et auréole de prestige la liberté et l’amoralisme du supérieur (Dom Juan et Sganarelle, Georges Dandin, hommes et dieux dans Amphitryon).

Le bourgeois apparaît presque toujours chez lui caractérisé par un mélange ridicule et bas de passion possessive et de pusillanimité dans tous les domaines de la vie (les femmes, l’argent, etc.). Quand c’est un personnage de bourgeois qui est le porte-parole du bon sens (Chrysale, Gorgibus, il prêche en fait aux bourgeois la modestie, la fidélité à un rang médiocre. A aucun moment Molière ne cherche à nous émouvoir contre ceux qui abusent de la différence des rangs, et qu’il met pourtant assez fréquemment en scène. Le degré supérieur n’est pas le bon sens bourgeois mais le bon ton aristocratique. Quand il se moque d’un personnage noble, c’est soit parce qu’il veut paraître plus noble qu’il n’est (M. de Pourceaugnac doit appartenir à une noblesse de robe toute récente : il connaît trop bien le vocabulaire juridique), soit parce que leur comportement ou leurs idées troublent la vie aristocratique. L’extravagance des « petits marquis » est une surenchère vaine et ridicule, puisque de toute façon la noblesse est supérieure… par nature. La supériorité noble n’a rien à voir avec l’étendue des connaissances, et l’on se moque d’autant plus allègrement des pédants à grec et à latin que la surestimation du savoir introduirait une nouvelle échelle de valeurs différente de la hiérarchie sociale et du système des degrés de noblesse (les bourgeois sont, au contraire, portés au savoir par fonction). Même chose en ce qui concerne l’excès d’intellectualité qui caractérise la préciosité ridicule. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1973

Nombre de pages

8

Auteur(s)

S. GRANIER

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf