Archéologie en Languedoc 1992 n°16

« Les grandes douleurs sont muettes »

Ces vers d’un illustre poète, tous ceux qui ont eu part à vos relations personnelles, les ressentent dans leur cœur bouleversé. Mais la chape de plomb qui voudrait nous imposer le silence, le devoir d’amitié et le devoir de vérité nous obligent à la soulever, à la dominer.

L’amitié est un sentiment que vous éprouviez en profondeur, vous n’acceptiez pas qu’il souffrit la moindre écorchure, vous l’exprimiez par une fidélité presque inconditionnelle à l’égard de ceux que vous aviez adoptés.

La recherche de la vérité fut votre objectif premier. Votre nature bouillante, d’instinct refusait compromission et complaisance. Apporter la preuve de toute affirmation, ce souci, orientait vos préoccupations. Rigoureux et précis, vous acceptiez la remise en question de vos idées, sous réserve qu’en face de vous se trouvât un interlocuteur crédible et de bonne foi.

Ces qualités, ô combien éminentes, s’exprimaient grâce à une faculté que vous possédiez à un rare degré et qui conduit un homme à de grandes réalisations ; elle s’appelle « PASSION ».

C’est cette passion qui vous a fait assumer une œuvre à laquelle chacun rend pleinement hommage : la population de Lattes a suivi votre action. En toutes saisons, y compris l’été, sous un soleil qui dardait à plomb sur votre tête ses rayons implacables, vous pataugiez dans une eau toujours envahissante. Et la découverte se produisait, parfois minuscule, mais d’une valeur inestimable. Enfin de compte, l’aboutissement éclatant de vos dizaines et dizaines de milliers d’heures de fouilles, fut l’édification d’un musée, objet de vos rêves déjà lointain et devenu l’un des pôles d’attrait de l’Europe archéologique.

Cher et regretté ami, les circonstances ont, en votre personne, fait de nous les témoins d’un grand exemple que nous n’avons pas le droit de mettre sous le boisseau. Notre devoir sacré, au contraire, est d’exalter votre œuvre et de maintenir intacte pour la postérité votre lumineuse image.

En tant que Président de l’Association « Histoire Information » dont vous fûtes l’un des trois co-fondateurs, je m’efforcerai d’être à la hauteur de la mission que nous nous sommes assignée, avec l’aide de ceux qui vous ont apprécié et estimé. Ce faisant, nous continuerons à rendre hommage à l’archéologie de la foi mais aussi de la compétence, l’une et l’autre confondues en vous et composant votre archéologie, c’est à dire l’archéologie à l’état de pureté.

En vous adressant un au revoir fraternel empli d’espérance, nous prions Madame Prades et ceux qui vous aiment d’agréer non condoléances particulièrement attristées.