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Description

La jeunesse héraultaise de Jean Moulin (juin 1899-mars 1922)

Jean Moulin a passé les vingt-trois premières années de sa vie dans l’Hérault : vingt-trois sur quarante-quatre. Le temps d’une vie ordinaire, purement privée, avant qu’une carrière préfectorale ne fasse de lui un personnage public dont les actes laissent leurs traces dans les documents d’archives. Sans doute, si sa personnalité avait été moins attachante, ne disposerions-nous sur la jeunesse héraultaise de Jean Moulin ni de la minutieuse enquête de Daniel Cordier ni du chaleureux témoignage de sa sœur Laure. Pourtant les acquis de cette période furent forts : assez pour expliquer comment il reçut ensuite les expériences et les influences de l’âge mûr. Malgré la célébrité de son nom et sa gloire parmi les héros de la Résistance au cours de la deuxième guerre mondiale, son biographe, Daniel Cordier, a sous-titré les ouvrages qu’il lui a consacrés : « L’inconnu du Panthéon ». Car en amont de ce qu’on sait de lui à partir de 1940 : sa conduite héroïque à la préfecture de Chartres, ses missions capitales jusqu’à la dernière épreuve de juin 1943, il y a un homme moins connu. Il a reçu dans sa ville natale, Béziers, une remarquable éducation républicaine, complétée à Montpellier, dans le contexte de la première guerre mondiale, par une initiation aux pratiques politiques telles qu’on peut les observer depuis un cabinet préfectoral. De sa famille, de ses premiers lieux de vie, il tenait, sans nul doute, un riche héritage intellectuel et une personnalité déjà construite sur des bases solides quand il quitta l’Hérault en 1922.

À BÉZIERS, 1899-1917

1 – Premiers lieux

La maison de Béziers où Jean Moulin est né le 20 juin 1899 est restée la sienne pendant toute son enfance, toute sa jeunesse. L’appartement familial était situé au troisième étage d’un immeuble, au 6 rue d’Alsace. De cet étage, le plus élevé, on domine le Champ de Mars. Le père de Jean y avait installé sa famille en octobre 1898. Il y resta presque jusqu’à sa mort il ne l’avait quitté qu’à la fin de 1937 pour s’installer près de Laure à Montpellier, et il mourut à Saint-Andiol au printemps de 1938. Pour Jean, ce fut donc une enfance, une adolescence sans déménagements : un ancrage solide pour les trois enfants et leur mère auprès d’un père professeur qui avait acquis à Béziers où il avait été nommé en 1880 un rôle, une notoriété, qui en faisaient un citoyen de premier plan. Leurs seuls « voyages », pendant les vacances de Pâques et en été, les ramenaient en Provence dont toute la famille était originaire.

L’appartement qui ne comportait que trois pièces et n’avait pas de salle de bains, était clair et de construction récente, un peu exigu pour cinq personnes. Mais il était très bien situé, surtout pour un enfant curieux de tout et avide de spectacles. Aujourd’hui encore, cent ans après, le Champ de Mars reste un lieu de rencontres et des animations s’y succèdent comme autrefois : cirques, spectacles hippiques, compétitions de boules. La caserne Du Guesclin faisait face à la maison des Moulin et on voyait du balcon des exercices militaires et des parades maintenant disparus comme le marché aux bestiaux qui s’y tenait le vendredi. Le prénom de Jean – né un 20 juin -, avait été choisi par tradition familiale en l’honneur de son grand-père paternel, mais aussi en relation avec la Saint Jean, toute proche, et les feux allumés par les enfants sur le Champ de Mars. Béziers était alors une ville prospère, très active, et cette place était l’un de ses centres d’attraction. En 1907, quand les crises de surproduction du vin bouleversèrent l’Hérault et l’Aude, Béziers fut naturellement au cœur de grandes manifestations. Jean avait presque huit ans quand, le 12 mai, il vit les viticulteurs de l’Hérault se rassembler en masse sous ses fenêtres avant de rejoindre ceux des autres départements sur la place de la Citadelle. « Nous fûmes très impressionnés, Jean et moi, à la vue de ces débordements populaires » a dit sa sœur, qui avait sept ans de plus que lui, mais obéissait aussi à l’ordre paternel de ne pas quitter la maison. L’atmosphère familiale venait de changer : Laure et Jean avaient perdu, deux mois plus tôt, leur frère aîné Joseph qui n’avait que vingt ans. Leur père, déjà âgé de cinquante ans, avait eu une crise cardiaque, leur mère avait cessé les promenades qu’elle faisait avec ses enfants sur les Allées Paul Riquet, entre le théâtre et le plateau des poètes. C’est un collègue de leur père qui les emmenait, le jeudi et le dimanche, dans la proche campagne, par la route de Pézenas qu’on appelait alors avenue de Belfort et qui porte aujourd’hui le nom de Jean Moulin. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

12

Auteur(s)

Hélène CHAUBIN

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf