Van Gogh à Montpellier (décembre 1888)

Van Gogh in Arles, Van Gogh à Auvers-sur-Oise, Van Gogh en Provence : les ouvrages et expositions sur le célèbre peintre hollandais sont nombreux à faire le lien entre l’artiste et un lieu. Mais combien d’entre nous savent que Vincent Van Gogh a fait un séjour à Montpellier ?

Personnellement, nous en avons fait la découverte à la lecture d’une note de Jean-Claude Richard, éditée dans la présente revue en 2008 ¹. En effet, Vincent Van Gogh et Paul Gauguin sont venus d’Arles pour visiter le Musée Fabre de Montpellier en décembre 1888. La note donne la reproduction de la lettre adressée par le peintre hollandais à son frère Théo et lui racontant en détail cette visite. Depuis lors, nous avions l’idée de développer le sujet. Au-delà de la simple mention des œuvres, l’artiste y décrit-il une émotion particulière qui aurait perduré au-delà de son séjour dans la capitale languedocienne ? Nous avons, depuis lors, la chance d’avoir à notre disposition, en ligne, la totalité des lettres de Van Gogh ². Ce corpus d’archives privées, déjà exploitée par ailleurs pour mieux comprendre la psychologie de l’artiste ³, méritait bien une enquête plus poussée. C’est le résultat de cette enquête que nous proposons ici.

Car, en parcourant cette correspondance, quelle ne fut notre surprise de constater qu’y figurent plusieurs allusions à des œuvres alors présentées au Musée Fabre, qui ont apparemment marqué l’esprit de l’artiste de manière durable. Si l’anecdote de la visite des deux artistes à Montpellier est signalée çà et là dans différents ouvrages biographiques à son propos, aucun ne semble lui accorder une attention particulière. Tout au plus les auteurs associent-ils cette visite au musée des Beaux-Arts à sa dispute finale avec Gauguin, arrivé de Bretagne sept semaines plus tôt pour s’installer dans la maison jaune d’Arles. Des divergences de points de vue sur des tableaux observés auraient en effet donné lieu à ce que Vincent Van Gogh décrit comme une « conversation électrique » le soir même de leur retour de Montpellier ⁴. D’autres auteurs passent l’épisode sous silence, se contentant d’évoquer les portraits exposés ⁵. Enfin certains s’aventurent à essayer de reconstituer, parfois de manière imaginaire, voire même théâtrale, ce qu’il s’est passé sur place, ou tout simplement la place qu’a pu occuper la collection de peintures exposée à Montpellier dans la relation discordante entre les deux peintres ⁶.

Mais personne ne s’est attardé sur la fascination qu’a pu exercer notamment un portrait du musée Fabre, fascination qui ne ressort pas que ponctuellement dans sa longue correspondance avec son frère par la suite : Vincent Van Gogh l’évoquera à plusieurs reprises, jusqu’à quelques jours avant son décès prématuré à Auvers-sur-Oise. En reprenant cette correspondance célèbre dans le monde entier comme source d’archives, nous proposons ici de tenter de mieux cerner ce qu’il s’est passé à Montpellier, et ce bien que « comprendre Van Gogh demeure une invitation permanente au fantasme et à la construction de mythes » ⁷. Néanmoins cette ville, son musée, sa collection et la figure de l’un de ses mécènes les plus connus, ont bel et bien laissé une trace indélébile, à la fois dans les lettres de l’artiste, mais surtout au niveau de sa psychologie si sensible. […]