2.00

Description

Le concours de tambourin de Pézenas (1909-1914) :
du ‘jeu traditionnel’ au ‘sport moderne’

* Docteur en sociologie

Dès avant la Grande Guerre, l’organisation à Pézenas d’un Concours annuel de jeu de balle au tambourin marque la transformation, rapide même si quelque peu chaotique, d’un loisir villageois en une compétition réglée cherchant à répondre aux normes de la modernité sportive 1. Même en l’absence d’une fédération constituée 2 sur le modèle des nouveaux sports, les promoteurs du Concours de Pézenas s’efforcèrent avec une certaine réussite de rassembler les meilleures équipes du département afin d’attribuer un titre de champion qui fût aussi incontestable que possible. Comme nous le verrons, l’ambition de ces précurseurs ne fut pas entièrement couronnée de succès, mais elle permet de situer plus tôt que l’on pourrait le penser le processus de ‘sportivisation’ du jeu de tambourin, dans une temporalité très voisine de celle des sports modernes tels que le football ou le cyclisme.

La notion de ‘jeu traditionnel’, d’usage courant dans la littérature sportive, définit et regroupe un ensemble composite de loisirs physiques d’origines et de formes très diverses. Plutôt réservés à la pratique adulte 3, ces jeux se caractérisent par leur instabilité et leur labilité : règles variables localement, conditions et instruments de jeu mal définis, appellations sujettes à confusion ou à méprise, tout concorde pour rendre ardue, sinon impossible, la tâche de démêler ce fouillis de jeux de balle qui occupent les loisirs des sociétés européennes modernes depuis plusieurs siècles.

Généalogie du tambourin

La ‘famille’ de jeux de balle qui nous occupe trace ses contours en obéissant à quelques caractéristiques formelles communes :

— deux équipes de 1 à 5 joueurs s’affrontent sur un terrain rectangulaire coupé en deux camps par une ligne médiane, en échangeant une balle ; gagne le point l’équipe dont la balle franchit la ligne de fond adverse ;

— la balle est frappée soit à main nue ou gantée, soit avec un instrument : battoir, raquette, ‘brassard’… ;

— une partie se joue sur l’addition d’un certain nombre de points comptés sur une base sexagésimale 15-30-45 (40)-60 (jeu) : critère historiquement important, même si son origine n’est pas vraiment élucidée, qu’on retrouve jusqu’au tennis actuel ;

— enfin, on peut ajouter, semble-t-il, une dernière caractéristique aujourd’hui abandonnée : les règles, complexes et malaisées à mettre en œuvre, relatives à la ‘chasse’, qui introduisent dans ces jeux une forme de ‘gagne-terrain’ tout au long de la partie, en rendant mobile la ligne centrale censée délimiter le territoire de chaque équipe.

À partir de ces caractéristiques générales, tout un foisonnement de jeux divers est repérable dans des zones géographiques et des époques historiques entremêlées. Les différenciations se manifestent à propos des aires de jeu (en salle ou en plein air), sur terrain nu ou bordé d’un mur latéral, en fonction des instruments (raquettes pleines ou à tamis, brassard en bois), grosseur et poids de la balle ou du ballon. En France, on peut ainsi distinguer le jeu de paume (en salle) et le jeu de ballon très présents entre les XVe et XVIIIe siècles, la longue paume (en plein air) dominante au XIXe siècle, le jeu de tambourin et le tennis (depuis la fin du XIXe siècle). Le tableau se complexifie avec des variantes ou des spécificités régionales (cas du tambourin héraultais, ou du jeu de balle au tamis en Picardie), mais aussi dès qu’on prend en considération des pratiques de jeu à l’étranger, en particulier en Italie. On ne peut sous-estimer les évolutions parallèles, ni les probabilités de transferts culturels d’un pays à l’autre, qui génèrent des décalages chronologiques. Ainsi, entre la France et l’Italie s’instaure tout un jeu d’influences complexes autour du jeu de ballon avec brassard (en France jusqu’au milieu du XIXe siècle) et du pallone col bracciale italien encore bien présent dans les années 1950, et qui perdure dans une partie de la Toscane où il a été relancé dans les années 1980 sous une forme quelque peu folklorique 4. (Fig. 1 et 2) De même, le tambourin français et le tamburello italien semblent avoir vécu en parallèle depuis la fin du XIXe siècle, même si en Italie son développement a été facilité par son rattachement à la fédération nationale de gymnastique 5 avant de se rencontrer et d’accommoder leurs règles en vue des échanges internationaux à partir des années 1950. 6 Pour autant, la question reste entièrement ouverte, pour tous ces jeux, de leurs échanges possibles durant les époques antérieures (depuis le XVIe siècle, et peut-être même avant), en raison des similitudes formelles et de l’impossibilité de leur donner une identité stable, relevant d’une même famille mais ouverts à de multiples variantes. 7

Adriaen van de Venne, Jeu de ballon dans un jardin (1614) (coll. privée)
Fig. 1 Adriaen van de Venne, Jeu de ballon dans un jardin (1614) (coll. privée)
‘Desfida del bracciale’ à Treia en 2022 (province de Macerata, Italie)
Fig. 2 ‘Desfida del bracciale’ à Treia en 2022 (province de Macerata, Italie)

Un jeu agonistique

Les débuts d'une organisation sportive

De l'art du tableau

Une géographie du tambourin

Les hommes du tambourin

Des joueurs de tous âges

Un jeu de vignerons

Les hommes de l'organisation

Et pendant ce temps-là

Annexe

Tableau récapitulatif des Équipes engagées dans les Concours de 1909 à 1914

Bibliographie

Notes

Informations complémentaires

Année de publication

2024

Auteur(s)

Guy LAURANS

Nombre de pages

28

Disponibilité

Téléchargeable au format pdf