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Description

Montpellier et sa région au XVIIIe siècle,
à travers les récits de voyageurs germanophones

Préférant pour la plupart la liberté helvétique au despotisme français, les voyageurs suisses germanophones de la fin du XVIIIe siècle, succombent néanmoins au charme de Montpellier, de sa région et de ses habitants, et s’ils se livrent à une critique féroce des institutions et des manifestations excessives de piété catholique, ils dépeignent, dans leurs récits de voyages, manifestant un grand souci du détail, les paysages, le peuple, les travaux des champs et les manufactures, avec une préférence marquée pour les protestants de tout milieu. De nombreuses études ou articles ayant été publiés, je me limiterai pour l’essentiel de mon intervention au récit de voyage de Johann Georg (Jean Georges) Fisch, qui est sans doute le plus long récit de voyage jamais écrit au XVIIIe siècle en langue allemande et que je connais bien, puisque j’y ai consacré beaucoup de temps. Fisch, encore élève-prédicant, c’est-à-dire qu’il n’était pas encore devenu pasteur, prend en 1786, venant de Suisse, la route du Sud, en direction du Languedoc et de la Provence. C’est donc empreint de culture helvétique, déterminé par la civilisation de son époque et chargé de toute une histoire, que Fisch entre en France ou plutôt en Savoie par la frontière genevoise, avant de se diriger sur le Languedoc par Chambéry, Grenoble, Romans et Pont-Saint-Esprit, où il parvient vers les premiers jours de Novembre 1786. Puis, passant par le Pont du Gard, qu’il prend le temps d’admirer, et Nîmes, dont il découvre tous les monuments, il parcourt la région languedocienne en tous sens, pendant les dix mois où il habite Montpellier, résidant parfois aussi dans les plus petites localités des environs ou des Cévennes, et ne franchit le Rhône, non sans une grande émotion qu’il ne cherche pas à dissimuler, que vers la fin d’août 1787. Il visite d’abord Tarascon, Arles et les environs ; puis par Salon, vient à Aix et entre à Marseille pour y séjourner douze jours environ. Toulon est l’étape suivante : le port est alors en pleine activité et l’intéresse tant qu’il y resta plus de six semaines. Après un passage à Hyères, nous le voyons ensuite regagner le Rhône par Gémenos, dont il vante les jardins, Lambesc, Orgon, Bonpas et Avignon. Enfin, il revient à Montpellier, probablement pour prendre congé, et remonte la vallée du Rhône pour atteindre Lyon en avril 1788, puis, dans le courant du même mois, Genève. Son voyage de dix-huit mois est terminé et il rapporte ample moisson de notes et de renseignements bibliographiques. Ce sont les éléments qu’il refond dans les lettres écrites à son frère, en route, ou, pour certaines peut-être, après le voyage.

Sur les raisons de ce voyage, nous n’avons en fin de compte que peu de certitudes peut-être Fisch est-il venu rencontrer le célèbre Chaptal, peut-être accomplit-il le chemin inverse du refuge huguenot, peut-être vient-il rencontrer quelque personne connue de lui seul, peut-être vient-il aussi tout simplement parfaire son éducation et améliorer sa culture… A elles seules, les raisons du voyage nécessiteraient une étude spécifique.

En tout cas, il est significatif que ce soit précisément sur la rive droite du Rhône, où il est temporairement retenu par une montée des eaux, que Fisch jette un regard rétrospectif, quasi nostalgique sur la province du Languedoc qu’il s’apprête à quitter, et où, finalement, il ne reviendra que pour un temps assez bref, afin de prendre congé de ses amis. Il va ainsi, lors de cette pause forcée, repasser dans sa mémoire tous les faits marquants de son séjour languedocien, toutes les données essentielles concernant cette province, comme s’il avait peur d’en oublier. Sur la quinzaine de pages qu’il y consacre, cinq exposent les avantages et les inconvénients géographiques et climatiques de la région, ce qui laisse supposer chez lui non seulement un intérêt marqué pour les sciences, mais aussi un attachement profond pour cette région. Il insiste bien sûr sur les défauts, considérables un seul port sur toute la longueur de la côte ; peu d’habitants sur plus de 50 milles carrés de marais et de marécages, aux émanations pestilentielles; une immense étendue de terres stériles, sans eau, un champ de pierres nues, avec, pour toute végétation, un peu de mousse, des plantes sans sève et des buissons rabougris ; des vipères, des scorpions et des moustiques dans les régions humides: des loups dans les montagnes, et même parfois des monstres qui font trembler toute une contrée, comme la bête du Gévaudan ; et là où il n’y a pas d’animal à craindre, il reste encore les diverses sortes de vent : le cers, ou tramontane, le marin, ou autan, le sirocco et son cortège de fléaux, maladies des nerfs, problèmes de digestion, rhumatismes… En revanche, il adopte un ton élogieux, presque solennel, quand il vante les charmes du pays. Il présente le ciel du Languedoc comme un des plus beaux et des plus bénéfiques qui soit ; cette région, écrit-il, « est située à égale distance de l’inflexible hiver de l’Europe du Nord et de l’atmosphère brûlante de l’Afrique toute proche ; elle fait naître et nourrit la flore et la faune de ces deux mondes sans présenter trop de désavantages de l’un ni de l’autre. Il y neige rarement en hiver ; et il est bien rare que la neige résiste au soleil de midi; en été, la chaleur du jour est tempérée d’ordinaire par des vents rafraîchissants ». Fisch prend toutefois soin de préciser que cet été, très chaud, constitue une exception, le thermomètre de Réaumur n’étant jamais descendu au-dessous de 27 ou 28 degrés. Il voue sans aucun doute un amour sans partage à ce pays de contrastes, qui le fascine malgré tout, et où il trouve aussi bien « une nature suédoise dans les monts des Cévennes » que « les plantes de la Calabre à leurs pieds, et jusqu’à la mer ». […]

Informations complémentaires

Année de publication

2001

Nombre de pages

15

Auteur(s)

Richard PARISOT

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf