Description
L’oratorio pour le sacre de Napoléon d’Antoine Fabre d’Olivet
Non content d’affirmer ses talents en qualité de poète, littérateur, helléniste, philosophe, Antoine Fabre d’Olivet se piquait aussi de pratiquer la musique. Débarqué de son Hérault natal à Paris en 1789, il participa activement à la vie théâtrale parisienne sous la Révolution, à une époque où le théâtre était en perpétuelle effervescence afin de répondre à ce vœu émis dans la Feuille du Salut Public, le 23 floréal an II (12 mai 1794) : « Les théâtres doivent être de grandes écoles nationales ouvertes à tous les citoyens par l’attrait du plaisir. »
Au cours de l’an II, le poète Fabre d’Olivet et le musicien Jean-Baptiste Rochefort, chef d’orchestre adjoint de l’Opéra, poste qu’il conservera jusqu’en 1815, faisaient représenter à l’Opéra, devenu Théâtre des Arts, Toulon soumis, l’un de ces innombrables « faits historiques » ou « anecdotes patriotiques » qui, du fait de leur insuffisance musicale et littéraire, n’ont pas traversé les siècles (la partition manuscrite est conservée à la Bibliothèque de l’opéra). Théoricien, Fabre d’Olivet écrivit aussi un ouvrage qui ne fut publié qu’en 1896 à titre posthume aux Éditions de l’Initiation à Paris, La Musique expliquée comme science et comme art et considérée dans ses rapports analogiques avec les mystères religieux, la mythologie ancienne et l’histoire de la terre. Le chapitre VII de cet ouvrage traite notamment des origines du système moderne avec références à Guido d’Arezzo, Zarlino, Roussier, Rameau, Martini, et étudie également le système musical des chrétiens d’Orient, des Chinois, des Grecs. Dans les chapitres XIV et XV, Fabre d’Olivet donne des conseils aux jeunes compositeurs à propos de l’imitation en musique.
Dans le domaine musical proprement dit, Fabre d’Olivet donna notamment une mélodie Les Souvenirs mélancoliques parue à Paris chez Momigny, quelques couplets patriotiques, trois Quatuors faciles et agréables pour deux flûtes, alto et violoncelle op. 1, dédiés en 1804 à Ignace Pleyel, un Pot-pourri pour le piano-forte sur des airs de Jean-Jacques Rousseau op. 3, publié chez Frère et annoncé dans le Journal de Paris du 11 nivôse an III (31 décembre 1794), et un Oratorio pour le sacre de Napoléon qui nous intéresse aujourd’hui, créé à Paris le 25 décembre 1804.
Féru de culture grecque, Fabre d’Olivet poursuivit la chimère de remettre en vogue la musique grecque de l’Antiquité, dont le système se trouve à la base du nôtre. Il travailla à reconstituer, en plus du mode majeur et du mode mineur de notre système, un troisième mode, dit « hellénique », particulièrement mélodieux, disait-il, et propre à toucher et à subjuguer les sentiments et les émotions du public. Encore convient-il de souligner ici que le mot « mode » est l’un de ceux qui prêtent le plus à confusion. Il tenta d’imposer le mode hellénique dans la presse, essentiellement dans la Correspondance des amateurs musiciens, devenue Correspondance des professeurs et amateurs de musique en 1804, périodique créé par le citoyen Cocatrix et paru de 1802 à 1805. Ceci souleva dans le journal, en 1804 et 1805, de vastes polémiques, quelquefois virulentes, que Fabre d’Olivet se fit un plaisir d’entretenir, notamment avec un certain amateur de Verdun, du nom de Constantin. Ces polémiques s’envenimèrent considérablement au lendemain de la création de l’Oratorio pour le sacre de Napoléon, dont deux numéros seulement sont composés en mode hellénique.
Entre le 8 août et le 5 septembre 1804, Fabre d’Olivet publia dans le journal de Cocatrix six lettres sur les modes grecs. Celles-ci reçurent presque immédiatement une réponse de Constantin : le débat était engagé. Le 18 août, Fabre d’Olivet répliquait déjà aux attaques de la partie adverse en reconnaissant ne pas être vraiment l’inventeur du mode hellénique, et admettant s’être inspiré du Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau paru à Paris en 1768, des Essais sur la musique moderne et ancienne de Jean-Benjamin de La Borde édités en 1780, et de diverses autres recherches. Rousseau avait prétendu que Charles-Henri de Blainville, compositeur et violoncelliste mort à Paris en 1769, avait découvert en 1751 un « troisième mode » intermédiaire entre majeur et mineur, en réalité le mode de la. « C’est notre ancien mode plagal qui subsiste encore dans le plain-chant », ajoute Léon Cellier1. Fabre d’Olivet plaidait avoir été particulièrement séduit par la mélodie douce, tendre et inspirée de ce nouveau mode, car, selon lui, ce n’est pas l’harmonie qui distingue le mode hellénique mais la mélodie. Dans une lettre du 2 février 1805, un lecteur de la Correspondance des professeurs et amateurs de musique, qui avait assisté à la création de l’Oratorio pour le sacre de Napoléon, avouait ne pas connaître la musique mais affirmait avoir entendu dans cette composition quelque chose de mélodieux et de pittoresque, car, ajoutait-il : « Les morceaux annoncés pour être [dans le mode hellénique] portaient un caractère de mélodie qui m’était inconnu, et il était impossible de n’y point reconnaître un accent religieux ». […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2001 |
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Nombre de pages | 6 |
Auteur(s) | Adelaïde DE PLACE |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |