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Description

Molière et Holberg : de l’utilisation du déguisement

Il serait inutile et faux de vouloir nier l’influence que Molière exerça sur Holberg. Sans aller jusqu’à ne voir en ce dernier que le vulgaire et plat imitateur de Molière, on doit reconnaître, en ce Danois du XVIIIe siècle, l’élève du Français, et ceci d’autant plus facilement que lui-même, dans ses Quatre Lettres Autobiographiques, fait montre d’une grande connaissance de l’œuvre de notre dramaturge et de notre littérature en général. Cette connaissance ne paraît pas seulement dans des écrits personnels; elle ne sert pas seulement à l’élaboration d’une conception personnelle de l’art de la comédie ; elle est partie intégrante de l’œuvre de Holberg.

Ainsi, dans une de ces rares pièces où il met en scène des membres de la noblesse et non, comme à l’accoutumée, des petits bourgeois ou des paysans, Holberg fait dire à l’un de ses personnages :

« Il est […] choquant de voir, dans le Bourgeois Gentilhomme un marchand bafoué donner sa fille au fils du Grand Turc, venu à Paris avec toute sa suite pour la demander en mariage ».

Or l’intrigue de Don Ranudo de Colibrados repose sur le même procédé de déguisement, destiné à obtenir d’un père la main de sa fille pour un jeune homme jugé par lui de condition trop modeste. Holberg justifie en ces termes l’usage qu’il fait de cette supercherie :

« Ici […] il s’agit d’un prince chrétien, qui dit avoir embrassé la foi romaine, ce qui est le cas de plusieurs princes éthiopiens, et qui, venu d’Afrique en Espagne, veut s’allier à l’une des plus nobles familles du pays, parmi lesquelles il compte les Colibrados. De sorte qu’il n’y a rien à redire à tout cela, si ce n’est que le futur est noir, mais ceci ne regarde que la future ».

Ce qui reviendrait à considérer la religion, dans le Bourgeois Gentilhomme, comme la seule invraisemblance, la notion de race et de couleur de peau ne relevant que du domaine privé. Or on se souvient que l’élément religieux se limite dans la comédie de Molière à quelques invocations à Mahomet. Faut-il alors admettre que, dans la bouche de son personnage, Holberg ne place que de faux raisonnements destinés à flatter l’esprit sectaire des spectateurs, et que l’argument véritable, reposant sur des bases plus sérieuses, ne trouve pas sa place ici ? Quoi qu’il en soit, le reproche d’invraisemblance demeure. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1973

Nombre de pages

6

Auteur(s)

A.-M. LE BOURG-OULE

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf