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Description

Les poèmes d’ Elie Castan : certitudes et incertitudes

A travers le hochepot que constitue cet ensemble de textes, on se rend compte que la révolte du 17ème, si elle n’est pas l’essentiel, constitue cependant un point de départ indispensable. C’est surtout la lettre de Biribi qui permet d’en saisir les motifs et accessoirement le 17ème Gafsa, dont on peut affirmer qu’il ne devait rien à Elie Castan. Ce texte insiste dans le dernier couplet et plus encore dans le dernier refrain sur les revendications des malheureux vignerons et leurs modestes prétentions guerre à la fraude, à bas l’infâme sucrage, pour toujours sus au mouillage, l’éloge du vin naturel est, en fait, la base d’une exigence de simple Justice.

La foule biterroise décrite par Elie Castan, elle aussi, demandait des fraudes la fin mais ce n’est pas à cela seul que les soldats semblent avoir été sensibles. Ce qui touche leurs cœurs, ce sont les larmes du peuple, sa faim. Si le mot populace est ici employé on ne peut guère en retenir le caractère péjoratif. E. Castan n’y voit qu’un synonyme du mot peuple, il s’agit vraiment d’une multitude considérable, venue par milliers, animée des mêmes sentiments, frappée des mêmes injustices dues à une politique inepte. Les soldats se mutinent pour aider les manifestants car ils se sentent solidaires de cette foule et indignés de l’ordre du ministre d’assassiner leurs concitoyens. Le défilé dans Béziers sous les vivats de la foule, est un moment de griserie où ils se croient héroïques au point que la seule référence possible est la Révolution française : on nous traitait, portant nos armes, en soldats de la liberté.

Le lecteur pourra s’étonner de certains silences dans ces poèmes et chansons, aucune allusion aux événements de Narbonne ni à leurs victimes, délibérément assassinées, sinon sur ordre de Clemenceau, du moins sous sa responsabilité, par des cuirassiers et des fantassins du 139ème de ligne. Est-ce Clemenceau qui se cache derrière le mot ministre ? Seule la chanson sur l’air de la Tonkinoise le mentionne en une plaisanterie – On voit passer des chameaux et l’on pense à Clemenceau – si répandue quelle fut gravée au fronton d’un bâtiment militaire de Gafsa. Même discrétion à propos de ceux qui tentèrent d’arrêter le 17ème venant d’Agde, on voulut nous barrer la route. E. Castan pouvait-il omettre le nom du général Lacroisade pourtant cité dans son compte rendu en prose ?

Notre auteur donne l’impression d’avoir participé aux événements comme Fabrice à Waterloo, sans en sentir la portée mais en appréciant la grandeur de l’heure. Le commandant Vilarem nous l’affirme : « la mutinerie ne présenta aucun caractère antimilitariste ni surtout antipatriotique ». De jeunes cœurs de vingt ans qui agissent résolument, crânement, croyant avoir le bon droit pour eux puisqu’ils devaient servir la Patrie contre l’étranger seulement, voilà qui aurait dû attirer l’indulgence ; mais loin d’y voir un geste pour la cause humanitaire, le pouvoir n’y vit qu’un défi à punir par la déportation après une reddition obtenue par la ruse ; il y eut bien promesse de pardon, puis colère et sentence avec l’envoi à Gafsa. Mais qui a prononcé la sentence ?, le ministère, un être tout aussi ectoplasmique et inconsistant que le ministre. La conscience politique d’E. Castan est tout à fait floue, le gouvernement dont il subit la puissance comme une fatalité reste informe et lointain, terriblement impersonnel.

Les représentants du peuple sont vus de façon tout aussi superficielle les députés vivent dans le luxe des étoffes pompadour et passent leur temps en festins et ripailles. Il faut dire que les protestations contre l’exil du 17ème ne vinrent guère de leur part et ils passaient, aux yeux des manifestants, pour des privilégiés grassement payés ; nombre de pancartes, en 1907, rappelaient le salaire annuel d’un député : 15 000 francs.

Le sort des repus dans la verdure offrait un contraste évident avec celui des bataillonnaires envoyés au fond de l’Afrique, à cuire dans des gourbis, sous un soleil brûlant, devant s’empiffrer de coco pour essayer de s’adapter à un pays à l’air étouffant. La nourriture semble plus sommaire, ils sont au quart de pain, condamnés à mourir de faim et l’on conçoit, dans ces conditions, que le soldat qui en a mar pousse ses camarades à turbiner comme ils sont nourris. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1982

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Claude ACHARD

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf