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Description

La poésie a Biribi

Les textes de ce cahier ont pour seul point commun incontestable d’avoir été réunis à Gafsa par Elie Castan, sans doute fort peu préoccupé de faire œuvre de scribe scrupuleux à l’intention des historiens à venir ! Ainsi les auteurs sont-ils rarement mentionnés. Quand ils le sont, leur diversité ne fait que justifier celle des textes. Et surcroît de malchance, le texte signé Castan n’est peut-être pas de lui ! Devant ces difficultés, mieux vaut reconnaître qu’on ne saurait voir dans ces œuvres, à moins de malhonnêteté ou de masochisme intellectuel forcené, qu’un témoignage de la mémoire collective d’une compagnie disciplinaire à laquelle furent mêlés en 1907 les mutins du 17éme. Il n’y a alors plus rien de scandaleux à constater l’extrême disparité de ces textes.

Cette disparité se manifeste à divers niveaux et d’abord dans les titres. Une première série de textes ne renferme aucune marque d’énonciation. Ne faisant que définir le sujet du texte, ils laissent attendre un récit.

Au plan linguistique ils consistent en un groupe nominal groupe nominal simple : LE FORÇAT, L’ORAGE ou groupe nominal comportant un groupe prépositionnel. Ce dernier peut être un complément de nom comme dans LA MORT D’UN CAMISARD, LA MISÈRE DU PEUPLE. Ce peut être aussi un complément à valeur circonstancielle : LE 17ème A GAFSA, UN DINER CHEZ UN RÉPUBLICAIN. RETOUR D’UN MATELOT APRÈS 13 ANS cumule les deux types de compléments. Dans ces titres nominaux, tous au singulier, la fonction des déterminants est significative. L’article défini, sauf peut-être dans l’ORAGE, en tout cas dans LE QUART DE PAIN, LE FORÇAT, LA MISÈRE DU PEUPLE a valeur généralisante. Il a pour référent non un être spécifique, mais le représentant d’une espèce. L’absence de déterminant ou l’article indéfini dans UN DINER CHEZ UN RÉPUBLICAIN, LA MORT D’UN CAMISARD, RETOUR D’UN MATELOT APRÈS 13 ANS, donnent valeur exemplaire à un évènement particulier précis, à des êtres uniques qui deviennent ainsi des types.

Une autre série de titres, qui laissent apparaître ou supposer le scripteur, révèlent des textes plus personnels. Ces titres sont très divers par les registres de langue, allant de la langue standard DESCRIPTION, TROP TARD, au familier : J’EN AI MAR, ÇA C’EST POUR EUX. Le caractère personnel de ces œuvres se laisse deviner à la structure syntaxique même des titres. Certains en effet soulignent la fonction expressive du texte, mettant en évidence le « je » du locuteur : J’EN AI MAR, ou bien l’interlocuteur, le récepteur qui implique évidemment un émetteur : AUX CHAOUCHS. Dans ÇA C’EST POUR EUX, la double expression du pronom démonstratif, forme de renforcement, suppose un « ça c’est pour nous », donc un « nous » qui englobe un « je ». Le titre peut aussi faire du texte un objet, le désigner comme appartenant à un genre déterminé LA LETTRE, expression d’un « je », LETTRE DE BIRIBI, LETTRE D’UN DISCIPLINAIRE, les deux compléments, de même forme, n’ayant pas la même valeur.

D’autres titres annoncent des textes personnels soit par leur signifié lui-même : DÉCEPTION, TROP TARD, soit par les connotations qui y sont liées LES TROIS VIOLETTES, O SOLE MIO tire son pouvoir évocateur de sa valeur métaphorique que marque le possessif « mio » et surtout de l’italien (napolitain), l’italianité connotant l’amour.

La diversité des titres au plan sémantique est révélatrice du véritable salmigondis de thèmes que renferme le recueil. Il est assez remarquable que dans ce cahier, œuvre d’un soldat du 17ème, un seul titre, LE 17ème A GAFSA, évoque précisément la mutinerie par la désignation du régiment d’infanterie qui en fut le héros et par l’indication du lieu de sa déportation. Un autre titre cependant rappelle la déportation : LETTRE DE BIRIBI, le 17ème n’étant mentionné que par la dédicace : Aux vaillants soldats du 17ème. Ce sont là en effet les deux seuls textes qui relatent la mutinerie. D’autres textes ont trait à la vie militaire, exprimant la révolte (AUX CHAOUCHS, ADIEU PEUPLE BICOT, J’EN AI MAR, LA MORT D’UN CAMISARD), dénonçant les conditions de vie (LE QUART DE PAIN), les problèmes personnels liés au retour (TROP TARD) ou à la détention (LETTRE D’UN DISCIPLINAIRE). Rien ou presque n’indique qu’il s’agit de compagnies disciplinaires ; parfois ce n’est qu’un mot dans le texte : « camise » dans ADIEU PEUPLE BICOT, « bagnes militaires » dans J’EN AI MAR, « camisard » dans LETTRES D’UN DISCIPLINAIRE, ou simplement le titre : AUX CHAOUCHS, LA MORT D’UN CAMISARD. Si « chaouchs » et « camisard », mots introduits tous deux en 1863, sont bien des termes argotiques spécifiques des régiments disciplinaires, LE FORÇAT, lui, ne fait qu’évoquer le […]

Informations complémentaires

Année de publication

1982

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Catherine VIGNEAU-ROUAYRENC

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf