Description
Les Melair-Parant, artisans carcassonnais du XVIIe siècle
au service de la cathédrale de Saint-Pons-de-Thomières
Sous l’Ancien Régime, le rayonnement intellectuel et artistique de Narbonne se propageait loin dans la région et même dans le royaume si l’on veut bien noter le nombre important d’artisans et d’artistes qui venaient y résider et proposer leurs ouvrages de qualité principalement aux églises. Pourtant, Saint-Pons, proche de la capitale de la Narbonnaise, n’a pas profité de ce voisinage aux XVIIe et XVIIIe siècles alors que la cathédrale était embellie et restaurée. Curieusement, Carcassonne s’intéresse davantage à cette zone rurale, en marge des grands itinéraires commerciaux. A trois reprises, en un siècle, une famille d’artistes de la ville basse de Carcassonne réalise des travaux et des œuvres d’art ci Saint-Pons-de-Thomières
- en 1626, Jean Melair, pour la couverture du clocher de la cathédrale ;
- en 1655, Louis Parant et Jean-Jacques Melair, pour la réalisation des stalles ;
- en 1716, Louis Melair pour la réédification partielle de l’abside et de la façade.
La couverture et le rehaussement du clocher
Après les ravages et les destructions causées par les guerres de Religion, il fallut réparer la cathédrale, mais les restaurations s’étalèrent sur nombre d’années en raison de problèmes financiers. Démoli en 1567 par les religionnaires qui s’emparent de la ville, l’édifice a perdu entièrement son cloître, le chœur imposant de style ogival qui s’étendait sur la place actuelle et les clochers. Il retrouve partiellement son affectation avec une première messe en 1619. Au début du XVIIe siècle, on avait mis en place une cloche de 22 quintaux grâce à l’intervention des maîtres fondeurs de Narbonne, Guillaume et Louis Pailhau, et de Saint-Pons, Jacques Buret et Jacques Grefeilhe.
En juillet 1626, cinq cloches sont installées par Bernard Py qui se dit « maître fondeur de l’artillerie du roi en la ville de Carcassonne ». Le travail de charpenterie est confié à Pierre Algan, de la même ville. Cette intervention des artisans audois n’était pas la première puisque le chapitre de Saint-Pons avait fait enregistrer un contrat de travaux chez Pierre-Jean Amblard, notaire royal de la ville et procureur de l’évêque, Pierre de Fleyres, seigneur du lieu. Un différend né entre le chapitre de la cathédrale et l’évêque s’était terminé par un jugement au parlement de Toulouse ; l’arrêt devait être exécuté sous le contrôle d’un commissaire député, maître Laurent Maurin, baille royal de Caux.
Le 13 mai 1626, Jean Melair, maître menuisier, s’était chargé de refaire le couvert du clocher de la cathédrale pour un montant de 1 000 livres : « avec des ais de bois de chesne et chastaigner couvert dardoise pour apuyer ledit couvert sur la muraille dudit clocher et murette ». Il convenait d’établir, tout à l’entour, un forjet pour recueillir les eaux de pluie et de remonter le couvert à quatre faces en le surmontant de son aiguille. Au sommet, le long des arêtes, sur une chape de plomb, l’entrepreneur devait fixer solidement des tuiles de couleur.
Ce charpentier, qui habitait dans la ville basse de Carcassonne, était originaire de Vic-sur-Seille, petite paroisse de l’actuelle Lorraine, tout comme Georges La Tour, peintre célèbre qui séjourna en Italie et s’inspira du Caravage dans ses œuvres. Jean Melair fut baptisé le 4 mai 1599, deuxième fils d’un maître menuisier. Parti de sa Lorraine natale, il se trouve à Narbonne, en 1621, mêlé à une dispute et bagarre entre compagnons menuisiers et chirurgiens.
Comme tant d’autres artisans de l’époque, il effectue son tour du royaume pour mieux apprendre son métier. En fait, Carcassonne l’attire : il se fait engager comme compagnon chez Pierre Brussel, maître menuisier, qui tient atelier à côté de l’église des Carmes, et épouse la fille en 1623 avec une dot de 180 livres.
Tantôt participant à des travaux pour les consuls, tantôt réalisant des petits meubles, il travaille avec son beau-père qui lui sert de caution dans l’acte signé à Saint-Pons. Pourtant, le contrat de 1626 ne sera pas exécuté en l’état. Le 3 août 1627, un nouveau bail est signé sur les recommandations de Monseigneur Pierre de Fleyres qui, tout comme le chapitre, considère les travaux envisagés comme trop limités et provisoires. Au cours des siècles, le problème de la couverture des églises a préoccupé les responsables qui craignaient les infiltrations d’eau si néfastes. Ils souhaitent un autre projet « pour rendre le couvert du clocher plus assuré et perdurable a ladvenir ». Jean Melair, sous le contrôle de Pierre Brussel, devra refaire la toiture du clocher en posant le bois « tout contre laguille de la pierre », en le recouvrant de bonne ardoise clouée. Le couvert à huit faces devra être terminé en principe sous un mois, d’après l’acte. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2001 |
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Nombre de pages | 8 |
Auteur(s) | Jean-Louis BONNET |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |