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Description

Les consulats languedociens et les cérémonies religieuses à la fin du Moyen Age

Lorsqu’ils ont été conservés, les livres de compte des clavaires des villes languedociennes ne manquent pas d’abonder en mentions de versements pieux : il s’agit, tantôt de rétribuer le frère qui a prêché le carême, tantôt de faire face aux frais occasionnés par la première entrée d’un évêque dans sa ville ou d’une procession exceptionnelle, tantôt encore des sommes régulièrement destinées aux charités du consulat… D’autres sources, comme les délibérations consulaires mais aussi les chroniques urbaines de Béziers et de Montpellier, viennent compléter ce panorama ; et la leçon semble claire : dans notre région, à la fin du Moyen Age, lorsque l’on parle de pratiques religieuses, les consuls ne sont jamais bien loin. Cette étude n’est qu’une première approche, encore sommaire, et se veut surtout un jalon dans l’étude que je poursuis.

Je dois tout d’abord reconnaître les limites du présent travail, à commencer par les limites géographiques. On peut admettre que les villes de consulat du Languedoc possèdent une originalité marquée, en termes notamment de développement des institutions municipales, mais aussi des institutions de piété ou de charité, mais il paraît peu fondé de distinguer en la matière la région méditerranéenne de l’arrière-pays montagneux ou du Languedoc oriental. D’autres critères auraient pu présider à la constitution de cet échantillon, en ne retenant par exemple que les cités épiscopales, car les réalités que l’on peut observer sont-elles si différentes à Agde ou à Lodève ? La simple logique du développement actuel de mes recherches m’amène à retenir ce découpage qui n’a pas beaucoup d’autres justifications que géographiques, en excluant de surcroît les pays audois, pour me limiter donc aux régions littorales héraultaises et gardoises, soit les anciens évêchés de Béziers. Agde, Maguelone et Nîmes, certaines incursions me menant jusqu’à Uzès. Deux questions de définition beaucoup plus essentielles se posent. Dans notre région et tout particulièrement dans le Biterrois, de très petites localités sont pourvues d’institutions consulaires, et il serait parfaitement vain de vouloir en exclure certaines en fonction de critères d’« urbanité » très artificiels. Le chercheur doit donc admettre sa totale dépendance vis-à-vis des ressources archivistiques et ne pas hésiter, lorsque c’est possible, à se pencher sur de très petites communautés. Néanmoins, je concentrerai mon attention sur les trois grandes villes que sont Nîmes, Montpellier et Béziers, les autres agglomérations ne m’offrant qu’occasionnellement des exemples, au gré de la documentation. Mais qu’est-ce au juste qu’une « cérémonie religieuse » ? Toute célébration eucharistique constitue par elle-même une cérémonie, et aucune messe ne saurait avoir un caractère plus sacré qu’une autre. Le terme de « cérémonie religieuse » devrait regrouper un spectre allant de l’eucharistie célébrée dans une chapelle privée jusque, par exemple, à des manifestations de « théâtre liturgique », sans eucharistie.

Le concept est donc remarquablement flou, mais des exemples peuvent permettre de mieux l’appréhender dans le sens qui lui est donné ici. La plupart des consuls sont recteurs ou patrons des « charités », mais ce terme recouvre – au moins – deux réalités : celle de l’institution de bienfaisance, et celle d’une distribution charitable occasionnelle et réglée par la coutume, à une date fixe de l’année, souvent à l’Ascension comme à Nîmes et Montpellier, ou bien le lundi de Pâques comme à Aramon. Les consuls ont, comme tous chrétiens, le devoir d’assister régulièrement à la messe, et ils se sont parfois battus, comme ceux de Montpellier, pour disposer d’une chapelle qui leur soit propre et où ils puissent ouïr cette messe, mais ce n’est qu’à certaines dates du calendrier liturgique que les consuls vont, en corps, écouter la messe dans l’un des sanctuaires de leur ville. Il est clair qu’ici je délaisserai les aspects institutionnels aussi bien que les pratiques régulières, pour ne m’intéresser qu’à ce qui fait événement, qu’à ce qui est perçu par les contemporains comme des cérémonies d’un relief particulier. Il peut s’agir d’événements tout à fait exceptionnels – l’entrée d’un pape par exemple, ou même celle d’un évêque, la consécration d’une église-, ou bien de pratiques qui reviennent annuellement, selon le rythme du calendrier liturgique. Dans tous les cas mon regard ne sera pas tant celui de l’institution ecclésiale et de la liturgie – pour qui le jeudi de l’Ascension n’a pas plus de relief à Nîmes qu’à Aramon, pour qui une messe ne change pas de caractère si les consuls ont pris l’habitude d’y assister -, que le regard et les pratiques des consulats eux-mêmes qui, à certains moments et pas à d’autres, déploient leurs pompes : la distribution du pain de la Charité donne, localement, un plus grand relief à la fête au cours de laquelle elle a lieu.

La nature fortement hétérogène des sources rend difficiles les comparaisons, pourtant je voudrais essayer de confronter ce qu’elle nous disent, dans toute l’aire géographique envisagée, d’une possible « municipalisation » des dévotions, en même temps que réfléchir sur l’image de la ville et du gouvernement urbain qui ressort de ces pratiques cérémonielles. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1998

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Jean-Arnault DERENS

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf