Description
L’énigmatique fondation du quotidien républicain Le « Petit Méridional »
* Luc Requier, initiateur du Collectif de recherches sur Le Petit Méridional.
** David Sauvade, étudiant en histoire.
*** Jean-Claude Toureille, historien autodidacte.
Au terme de ses recherches sur Le Petit Méridional, journal quotidien héraultais d’obédience radicale et radicale socialiste ayant paru entre 1876 et 1944, Roland Andréani, dans sa thèse sur La Presse quotidienne de Montpellier, des origines à 1944, soulignait que les débuts « du premier et principal organe républicain montpelliérain à 5 centimes [demeuraient] obscurs en l’absence de documents relatifs à la fondation ».
Afin d’éclairer le lecteur, synthétisons la problématique développée par le professeur Andréani : le 19 mars 1876 Antoine Sereno et Étienne Camoin, âgés respectivement de 22 et 27 ans, impriment le premier numéro du Petit Méridional. Ils ont précédemment créé une société en leur nom commun, dont le montant du capital est inconnu.
Le quotidien trouve rapidement des lecteurs dans une région que Jean Sagnes qualifie de « Midi Rouge », mais victime de la politique d’ordre moral du duc de Broglie, il n’en essuie pas moins 23 procès. Condamné plusieurs fois à de lourdes amendes, Le Petit Méridional semble voué à la faillite lorsqu’il est sauvé par une souscription publique en 1877. Dans le même temps, il modernise ses locaux, achète des rotatives performantes (80 000 exemplaires à l’heure) et finance les campagnes législatives des républicains de l’Hérault à hauteur de 13 000 francs.
La soudaine bonne santé retrouvée du journal étonne, moins toutefois que les conditions de sa création : comment deux jeunes gens ont-ils pu disposer du capital nécessaire à la fondation et au fonctionnement d’une entreprise de presse, avec un journal vendu au prix de 5 centimes l’exemplaire ? Et qui sont ces deux personnages ?
A ces questions, la consultation des différents fonds d’archives donne peu ou pas de réponses. Nulle trace à Montpellier de la Société « Sereno, Camoin et Compagnie » mentionnée pourtant en 1876 ainsi qu’en 1881, année de sa transformation en société anonyme. Également peu de renseignements sur les fondateurs, au point qu’il semblerait que ces derniers se soient ingéniés à brouiller les pistes.
C’est tout le paradoxe d’un journal qui, en 68 ans de publication à 100 000 exemplaires revendiqués par jour, répartis sur huit éditions, a façonné tant l’esprit de ses lecteurs que celui de ses adversaires.
En reprenant l’enquête, nous n’ignorions rien de l’ampleur du projet qui nous attendait. Notre ambition a été et reste de pousser plus avant les pistes ouvertes par les travaux du professeur Andréani. Mais, fondant notre recherche sur l’aspect humain du sujet plus que sur celui de la presse, nos méthodes d’investigation ont par conséquent été un peu différentes pour un but similaire : cerner la réalité du Petit Méridional à travers ses principaux acteurs. Nous ne cacherons pas que les révélations des nouveaux éléments en notre possession ne nous permettent pas, à l’heure actuelle, de considérer le dossier comme clos. Au mieux, dans certains cas, nous en sommes encore réduits à formuler des hypothèses, que nos futures recherches confirmeront peut-être ou bien démentiront.
Il est tout d’abord nécessaire de revenir sur la création du journal, afin de donner plus de précision à ce sujet, au vu des documents que nous avons pu découvrir.
1. Création du journal (état des connaissances)
Le lundi 28 février 1876, la société « Sereno, Camoin et Cie » passe un bail de location de trois magasins et d’une petite loge, situés au 15, rue de l’Observance, à Montpellier. Le bailleur s’appelait Alcide Granier, propriétaire aisé de cette ville. D’un commun accord, la durée du bail fut étalée sur trois, six ou neuf ans et la date d’entrée en jouissance de ces lieux fixée au 15 mars suivant. Le prix et l’indication des charges, évalués sur trois ans, se montent à 7 500 francs.
Le jeudi 16 mars, en exécution de l’article 2 du décret du 10 septembre 1870, fut envoyée par Étienne Camoin, imprimeur typographe marseillais, une lettre au préfet de l’Hérault qui l’informait de son intention d’exercer sa profession à Montpellier, à l’adresse citée ci-dessus. Des affiches rouges furent alors imprimées et placardées un peu partout dans la ville, pour annoncer la création d’un organe de presse se voulant républicain, et qui s’intitulerait Le Petit Méridional. En moins de trois semaines, le décor était planté sur la scène politique montpelliéraine et les rôles n’avaient plus qu’à être distribués. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1996 |
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Nombre de pages | 14 |
Auteur(s) | David SAUVADE, Jean-Claude TOUREILLE, Luc REQUIER |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |