Le fonds des familles Nicolas et Mondié et la correspondance militaire d’André Nicolas
Le fonds des familles Nicolas
et Mondié et la correspondance militaire d’André Nicolas
Contribution à la commémoration de la Première Guerre mondiale
* Assistant de Conservation du Patrimoine. Archives Départementales de l’Hérault.
La présentation du fonds Nicolas et Mondié nous donne l’occasion de retracer l’histoire d’une famille de viticulteurs qui traverse les grands évènements des débuts du XXe siècle (1907 et première guerre mondiale). La très riche correspondance d’un de ses membres pendant sa mobilisation, qui le mène du front jusqu’à Corfou, nous donne un témoignage très imagé de l’expérience vécue par cet Héraultais, expérience unique qu’il relate à travers ses impressions et plusieurs photographies.
The presentation of the archives of the Nicolas family is the opportunity to follow the story of a wine-growing family, facing the main events of the beginning of the twentieth century (1907 crisis and World War I). The numerous letters of one of its members, written during his mobilization and travels from the frontline to Corfou, as well as some photographs, give a precise account of what this inhabitant of the Hérault has experienced during those years.
Introduction
Les Archives privées permettent à l’historien d’avoir accès à une documentation présentant plus d’une variante avec les archives dites « institutionnelles ». Elles constituent des données plus quotidiennes, parfois plus concrètes, que les données diffusées par l’intermédiaire des organismes et producteurs officiels. Cet état de fait a pu déjà être souligné, dans l’exemple précis des archives privées conservées parmi les archives hospitalières 1. Mais il prend toute son ampleur dans les documents conservés dans les familles, parfois pendant plusieurs générations : ce n’est qu’à l’occasion de donations ou dépôts que des versions inédites de l’histoire locale peuvent être mises à la disposition du public et des chercheurs.
De tels exemples ont d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs articles dans les numéros précédents des Études Héraultaises 2. A l’occasion du classement du fonds des familles Nicolas et Mondié (87 J), il semble opportun de souligner à nouveau ce point. Comprenant une importante correspondance militaire échangée à l’occasion de la Grande Guerre, ce fonds permet de restituer un témoignage particulièrement vivant de la participation d’un Héraultais à ce conflit dont nous célébrons le centenaire cette année. La campagne d’André Nicolas (1894-1970) est parfaitement documentée par des lettres écrites presque quotidiennement à sa famille restée à l’arrière. Elle l’a fait voyager non seulement sur les fronts bien connus des Vosges, de la Somme et de l’Alsace, mais présentent également l’originalité d’un passage sur l’île de Corfou en 1916, occasion de commentaires et de descriptions pour le moins savoureuses d’une culture étrangère.
Mais avant de nous plonger à notre tour dans les tranchées et les souvenirs de la Première guerre mondiale, il convient de faire le point sur le contexte socioculturel de cette famille. Les recherches actuelles soulignent en effet le poids culturel qui peut influer sur l’appréciation des correspondances militaires. Les expériences vécues par les combattants pendant le premier conflit mondial ne peuvent se ramener à une description unique. Elles dépendent du statut social des hommes (éducation, métier, croyances religieuses, etc.) 3. C’est ce qui donne sa valeur à chaque témoignage.
Car là où l’on attend une description, voire une émotion individuelle, peuvent se profiler au contraire des séries de phrases toutes faites, répétées, notamment parmi les poilus peu lettrés. Encouragées par la censure, elles empêchent toute appréciation subjective 4. Ici, au contraire, le parcours scolaire et le cadre social du soldat mobilisé contribuent à détacher sa correspondance de ce flot de mots uniformes. Descriptions, critiques, ou encore analyses de terrains montrent sa pleine appréciation de l’expérience vécue, donne toute leur valeur à ces lettres conservées, valeur d’autant plus importantes qu’elles sont complétées par une série de photographies prises sur le front. C’est pourquoi nous nous attacherons en premier lieu à présenter le cadre familial tel que nous le présente ce fonds, avant de nous pencher plus précisément sur ces témoignages inédits de la Première Guerre mondiale.
Le fonds Nicolas : données principales
Le fonds 87 J se compose de deux sections : l’une est consacrée aux archives familiales, l’autre aux archives domaniales. Correspondances, documents de gestion, archives scolaires ou encore photographies documentent chacune à leur manière l’histoire de l’Hérault entre la deuxième moitié du XIXe siècle et les années 1930.
Archives familiales
Il s’agit des archives privées rassemblées par les deux familles au fur et à mesure des générations. La famille Mondié est à la base de cet arbre généalogique, auquel s’attachera par la suite une branche de la famille Nicolas. Cette famille à plusieurs branches apparaît au moment de l’émergence du monopole de la viticulture dans la région biterroise.
1. Famille Mondié
La famille Mondié est originaire de Montouliers. Elle est alors à la tête d’un domaine viticole important. Né en 1832, Henri Marc Mondié assure principalement l’exploitation de ce domaine familial jusqu’à son décès en 1911, obtenant divers prix pour la qualité de son vin (87 J 3). En parallèle, son investissement dans la vie politique lui vaut une déportation temporaire en Algérie, à l’occasion du coup d’état du 2 décembre 1851 : il prend alors parti pour l’insurrection de résistance républicaine face à la prise de pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte. La répression conservatrice face à ce qui est alors qualifié de « révolution sociale » ou encore de « jacquerie » le condamne à être « transporté » en Algérie, et ce jusqu’à la grâce générale accordée en 1853. C’est du moins l’évènement le plus marquant de sa vie, telle qu’elle est décrite dans l’allocution funèbre qui lui est dédiée en 1911 (87 J 1).
Henri Marc Vincent Mondié, son fils, laisse une trace plus marquée dans l’histoire locale. Un engagement politique plus poussé explique la présence de toute une documentation sur la fonctionnement de la commune de Montouliers. Pendant son mandat de maire, entre 1894 et 1912, il conserve des coupures de presses, des brouillons d’avis à la population, ou encore des pièces justificatives rassemblées dans le cadre de procédures pour l’adduction d’eau, l’augmentation d’impôt ou encore l’exploitation de carrières à proximité du village. Après son retour de la Grande Guerre, il est à l’origine de la souscription pour l’érection du monument aux morts de Montouliers en 1920 (87 J 6). Les valeurs qu’il défend ressortent à travers plusieurs écrits. Henri Mondié prend en effet volontiers la plume pour analyser les situations et donner son opinion. Les causes de la crise et des manifestations viticoles de 1907 font ainsi l’objet d’un manuscrit de plusieurs pages, particulièrement intéressant. Les agendas de gestion du domaine citent tout d’abord des déplacements aux manifestations de Béziers, Perpignan, Carcassonne et Montpellier entre mai et juin 1907 (87 J 77). Mais trois ans plus tard, le maire de Montouliers prend la plume et rédige une « Histoire de la Révolte des Gueux » (87 J 7).
Il y expose la situation économique se dégradant d’année en année depuis 1902, puis l’émergence de Marcellin Albert parmi les vignerons, porteur de leurs revendications. Transcrivant l’appel du Comité d’Argelliers dans le journal Le Tocsin, il insiste sur le fait que « Le Tocsin ne semait pas la révolte, le comité d’Argelliers ne voulait pas la guerre ». Il décrit précisément la manifestation de Béziers (12 mai 1907), avec son « bloc des crève-faim » qui arrivent « entassés dans des wagons de marchandises ou de bestiaux, assis jusque sur les marchepieds, empilés à 40 dans des compartiments de 10 places, venant protester et clamer leur misère », armés de pancartes « en français, en patois, en vers, en prose, peintes avec art ou barbouillés avec naïveté », où « les noms des communes s’y lisent fièrement en grosses lettres suivies de quelques formules brèves mais claquantes : A bas la fraude – Nous voulons du pain – La betterave supplantera-telle la vigne ? ».
Malheureusement, le récit s’arrête à l’appel à défiler à Perpignan. Il n’en demeure pas moins un témoignage direct des manifestations, du point de vue de viticulteurs exaspérés par la crise (fig. 1).
Les centres d’intérêt de ce personnage sont cependant multiples. A l’occasion de sa mobilisation entre 1916 et 1917, la correspondance qu’il adresse soit à son neveu André Nicolas, soit à sa sœur et sa mère à Montouliers, contiennent plus d’une allusion à la stratégie militaire, la diplomatie et la politique mondiale pendant la Grande Guerre (87 J 33 et 53). Il s’intéresse également à la recherche scientifique, comme le montre la richesse de sa bibliothèque (87 J 12 à 15). On note notamment sa participation active à une fouille archéologique à Montouliers en 1910. En effet en février 1912, lors de l’exploitation d’une carrière de calcaire située au lieu-dit Fendeille, une fosse funéraire néolithique est découverte. Les professeurs Lucien Mayet et Laurent Mourette sont accueillis par le maire pour procéder à la fouille, chantier dont nous conservons d’ailleurs plusieurs photographies (87 J 67). Les résultats des découvertes font même l’objet d’une publication dans une revue scientifique nationale (87 J 12).
Il diffuse également ses convictions sous d’autres formes. A l’occasion des élections locales, Henri Mondié compose des chansons où fusent critiques et attentes sociopolitiques. De même, son positionnement anticlérical en tant que franc-maçon, est proclamé à travers toute une correspondance savoureuse avec des cousines résidant à Aigues-Vives, elles-mêmes plus traditionnalistes dans leurs croyances et se montrant choquées par les propos qu’il tient à l’occasion de sa mobilisation (87 J 9).
Il terminera sa vie à Montouliers, où en plus d’exploiter le domaine, il s’adonne au dessin, faisant des croquis au fusain de membres de la famille (87 J 10 et 11), la plupart à partir de photographies conservées ailleurs dans le même fonds (87 J 67). On peut y voir notamment une vue cavalière de Montouliers vers 1900. Sa sœur Henriette épouse en 1893 Baptiste Nicolas, nous donnant ainsi l’occasion de nous pencher sur cette famille alliée originaire de Béziers.
2. Famille Nicolas
Les deux frères Alexis et Dominique Nicolas sont les plus anciens membres connus de cette famille. Une succession provenant de la famille Bouys (87 J 58) leur assure la constitution d’un petit domaine viticole situé à Béziers et dans les localités aux alentours (87 J 17 et 18).
A la génération suivante, l’unique bénéficiaire est Baptiste Nicolas, architecte de profession, exerçant à Béziers même. Mais à cause de son décès prématuré à l’âge de 34 ans, ses archives personnelles sont principalement axées autour de sa scolarité. Ses cahiers pendant un cursus de trois ans de préparation aux Arts et Métiers et à l’École Centrale, préparation effectuée au sein de l’école professionnelle Dombre près d’Aix-en-Provence, sont savoureux de par leur contenu (87 J 20 à 24) : en plus des données mathématiques et scientifiques (géométrie, trigonométrie, mécanique), il comprend une section intitulée « le sentiment et l’architecture ». Celle-ci propose notamment une corrélation pour le moins originale entre les coiffes des habitants d’une contrée, et le type de construction adopté pour leurs habitations (87 J 23) !
Un seul registre professionnel nous est parvenu : il contient des correspondances relatives à des commandes pour divers chantiers de construction à Béziers pour l’année 1894 (87 J 25). (fig. 2)
Veuve à partir de 1897, son épouse Henriette Mondié quitte Béziers pour revenir à Montouliers chez sa mère et son frère. Elle est accompagnée d’André, son petit garçon. C’est d’ailleurs à Montouliers que se poursuit désormais leur histoire.
On trouve plusieurs interventions d’Henriette dans la gestion du domaine, à la suite de son père, et surtout en l’absence de son frère Henri, qui est mobilisé comme territorial pendant la Première Guerre mondiale. Elle est ainsi destinataire de nombreuses pièces comptables et autres documents officiels (87 J 85). Elle a également conservé la correspondance de son fils et de son frère, pendant leurs mobilisations respectives (87 J 27 à 33), sur lesquelles nous reviendrons plus loin.
André Nicolas a pu quant à lui rassembler des archives privées plus nombreuses que ses aïeuls. Ses archives scolaires sont ainsi presqu’intégralement conservées (87 J 38 à 45). Elles permettent de suivre l’enseignement reçu au tout début du XXe siècle dans l’Hérault. Son cursus le voit passer du collège Henri IV de Béziers, entre 1903 et 1912, à l’université de Montpellier, puis de Toulouse, en mathématiques. Que ce soit à travers les leçons ou encore à travers les couvertures de cahiers, les fameuses « séries instructives recommandées pour les écoles », l’iconographie et le programme didactique révèlent bien le regard d’une époque sur son histoire et son identité (87 J 38). Pendant ses études universitaires à Toulouse, André Nicolas a également à faire avec la justice : participant en 1913 à un harcèlement nocturne dans le voisinage, il est témoin d’une fusillade qui coûte la vie à l’un de ses camarades. Une copie de sa déposition et plusieurs coupures de journaux de l’époque illustrent bien les répercussions de cette affaire (87 J 37). Mais ses archives les plus riches concernent sa participation au premier conflit mondial. Nous pouvons suivre celle-ci presque au jour près grâce à une correspondance très suivie entretenue avec sa mère Henriette et son oncle Henri (87 J 8, et 27 à 32).
Sa campagne commence à Nice, où il séjourne plusieurs mois avant d’être envoyé au front comme chasseur alpin. Les Vosges, puis l’Alsace sont le terrain d’affrontement où il passe l’année 1915. Puis dès janvier 1916, il fait partie des troupes qui occupent temporairement l’île de Corfou. Comme nous le verrons plus loin, dans ses lettres sont conservés de multiples souvenirs de la découverte de la civilisation grecque, de ses festivités. Il obtient le poste de téléphoniste à partir du mois de mars 1916. Puis les affrontements reprennent dans la Somme, les Vosges et l’Alsace. A l’issue de la guerre, ses connaissances de la langue allemande lui valent d’exercer le poste de traducteur et de suivre les écoutes téléphoniques à Mayence, jusqu’à la fin de l’année 1919. Ces différentes étapes de sa campagne sont également très bien documentées par des photographies prise sur le front (87 J 67), sur lesquelles nous reviendrons également.
Enfin, prenant facilement la plume, André Nicolas laisse également plusieurs écrits et compositions littéraires (87 J 37). Ils contiennent notamment des réflexions sur la guerre, la paix, ainsi qu’une représentation schématique des évènements de la guerre, à l’aide des lois de géométrie analytique, intitulée Essai d’étude analytique du front (s. d.) ! Ces écrits nous permettent de suivre l’état d’esprit de cet Héraultais après son expérience de la Grande Guerre.
Les descendants de la famille Nicolas sont les enfants d’André Nicolas et de Marie Cougnenc, à savoir Jean, Paulette et Suzette. Nous ne conservons d’eux que des archives scolaires et personnelles (87 J 57), parmi lesquelles on note une attestation de résistance pour Jean en 1944. Une dernière famille alliée peut également être évoquée. André Nicolas par son mariage en 1925 avec Marie Cougnenc, nous permet d’ajouter encore une troisième branche à cet arbre généalogique.
3. Famille Cougnenc
Il s’agit d’une autre famille originaire de Montouliers
Les archives les plus notables sont celles des enfants du couple, Marie, Lucie et Paul. Leurs archives scolaires sont conservées, permettant encore une fois de nous plonger dans les programmes scolaires suivis à l’école maternelle et primaire de Montouliers entre 1911 et 1913, puis l’école normale primaire de Quarante, pour la formation des instituteurs après la guerre (87 J 55, 59 et 62-63). Mais les archives les plus importantes quantitativement sont, encore une fois, la correspondance militaire, notamment celle de Paul (67 J 53-54). Mobilisé à partir de juin 1917, il suit une campagne qui lui est fatale : il tombe au front le 10 octobre 1918. Son corps, enterré à Hauvigné dans les Ardennes, fait l’objet d’une intense correspondance des parents en vue de son exhumation, puis de son transport au cimetière de Montouliers dans le courant de l’année 1922 (87 J 59). Son nom figure au monument aux morts dont Henri Mondié lance la souscription l’année suivante (87 J 6). Si les nombreuses archives scolaires des différentes branches documentent précisément l’histoire de l’enseignement dans l’Hérault entre 1880 et 1920, le plus inédit ainsi reste la correspondance échangée par les différents membres de la famille, notamment à l’occasion de la Première Guerre mondiale : accompagnées de photographies, elles illustrent parfaitement l’expérience vécue par les Héraultais, que ce soit sur le front ou à l’arrière. Il nous reste auparavant cependant à évoquer les archives économiques de ces familles.
Archives domaniales
La gestion de deux domaines viticoles de Béziers et de Montouliers constitue la source d’un cas d’étude concernant l’évolution économique du département entre le XIXe et le XXe siècle.
Le domaine de Montouliers est constitué vers les années 1860. Principalement axé autour de l’exploitation de la vigne, il s’agrémente par la suite d’un entrepôt, et la viticulture laisse peu à peu place à la vente de soufre. Travaux, vendanges et mécanisation sont tour à tour assumés par les différents membres de la famille Mondié. Cette gestion est très bien documentée jusqu’aux années 1930.
Achats et successions sont à l’origine des titres de propriété (87 J 68). Un ensemble complet d’agendas annuels est également conservé (87 J 70 à 82). Ils contiennent des listes de travaux à effectuer, la liste des vendangeurs, ainsi que des mentions de vie quotidienne et d’événements familiaux. En complément des documents rassemblés pour cette exploitation – impositions, correspondance, comptabilité (87 J 83 à 85) –, cette partie du fonds est une ressource inédite pour l’histoire économique de la région. Le domaine de Béziers est quant à lui plus modeste. Il se compose d’une série de parcelles habitées, situées dans la rue du puits des Arènes, en plus de divers terrains dans les localités environnantes. Les archives sont principalement des documents de gestion foncière par affermage (87 J 86).
Comme nous l’évoquions plus haut, de cet ensemble ressort de manière particulière la correspondance de guerre. Si les archives domaniales peuvent documenter la vie « à l’arrière », l’expérience sur le front nous est racontée à la première personne, de manière particulièrement vivante.
Échos d’une voix aujourd’hui centenaire : lettres et écrits d’André Nicolas (1914-1918)
Nous nous proposons ici de faire la transcription de plusieurs éléments sélectionnés parmi l’abondante correspondance d’André Nicolas, qu’elle soit adressée à sa mère ou à son oncle. Très riche en détails, elle nous permet de partager ses impressions et son vécu du conflit mondial.
Mais avant de suivre les troupes mobilisées en août 1914, il nous semble important de faire le point sur le caractère et la pensée de l’auteur de ces lettres. Cette contextualisation nous permet d’apprécier encore mieux son témoignage de la Grande Guerre.
Un « Libre-Penseur »
Issu d’un milieu social privilégié, et fort d’une éducation diversifiée grâce aux réformes de l’enseignement par Jules Ferry, André Nicolas a laissé une centaine de lettres et écrits datant des années 1914-1918. Ils sont exempts des fautes graphiques ou grammaticales répandues dans la correspondance laissée par les poilus, illustration de son niveau d’études. Ces textes permettent à leur auteur d’afficher néanmoins son ressenti, ses opinions, et ce d’une manière relativement inattendue. En général, les récits contemporains des combats ne donnent que peu de détails, censure militaire oblige, et se contentent souvent de reproduire les grandes lignes de la propagande nationale. André Nicolas y exprime des critiques, voire des revendications pour le moins inattendues. Il fait preuve d’une liberté de ton et de jugement déjà affichée bien avant la guerre. C’est ce que montre bien un premier texte, rédigé à l’occasion d’un voyage ferroviaire. Le texte est daté du 15 décembre 1913. Il est intitulé Notes d’un libre-penseur sur l’idée religieuse :
« Il est en général assez amusant de faire un voyage en chemin de fer avec des Catholiques. J’entends par là des Catholiques fervents, des vrais fidèles absolument convaincus, car ils sont assez rares et le scepticisme fait beaucoup de ravages parmi les adorateurs du Vrai Dieu. Il en existe cependant quelques-uns qui ne craignent pas d’afficher les rites de leur religion, et c’est par là qu’ils sont comiques.
J’ai eu le plaisir de faire pendant les vacances le trajet de Béziers à Narbonne dans un compartiment envahi par des dévotes, et j’avoue que je me suis tordu tout le long du chemin.
J’avais à ma droite et à gauche deux bonnes femmes habillées d’un costume religieux portant 5 ou 6 kilos de bons dieux ou de saintes vierges pendus à la ceinture et qui ne cessèrent de faire des signes de croix. Le train s’arrêtait-il à une station ? Signe de croix, suivi d’un bredouillement quelconque. Repartait-il ? Nouveau signe de croix, nouveau bredouillement. Trouvait-on un pont, un viaduc, un passage à niveau, passait-on sur une aiguille, croisait-on un autre convoi, etc. ? Autant de signes et de prières. J’en étais même venu à me demander dans mon esprit de scientifique, si on ne pouvait pas utiliser tout ce luxe de mouvement et tout ce déploiement d’énergie à éclairer le wagon en adaptant la main droite de ces pieuses personnes à une machine électrique.
Il y avait d’autre part en face de moi une jeune femme de 25 à 30 ans, affreusement laide d’ailleurs, et qui n’était pas moins bizarre. Un chapelet à la main, et les yeux obstinément fermés, comme il convient à l’extase, elle n’a cessé de marmotter des prières tout au long de la route. Tout au plus au passage des stations, et après avoir fait tous les signes de croix réglementaires, consentait-elle à ouvrir les yeux pour lire le nom de la gare et se demander sans doute si elle ne devait pas descendre. Puis elle se remettait à prier, faisant avec ses lèvres le mouvement d’une chèvre qui rumine. Je ne saisissais pas un mot de ce qu’elle marmottait, mais sa bouche faisait des contorsions tellement bizarres, et il en résultait sur son visage si disgracieux des grimaces tellement inattendues que j’étais à chaque instant obligé de me mordre les lèvres pour ne point lui pouffer au nez.
Au fond, à quoi tendent toutes ces cérémonies ? Je suppose bien que les prières adressées en chemin de fer ne sont pas pour remercier Dieu d’avoir créé le monde et lui recommander de nous préserver du péché : cela manquerait plutôt d’à-propos.
J’admettrai bien plus facilement que ces signes de croix et ces murmures veulent dire « Mon Dieu, faites que nous ne déraillions pas ! ». Ainsi donc, ne pas pouvoir mettre les pieds en chemin de fer sans penser aussitôt à toutes les catastrophes qui peuvent survenir, à toutes les calamités qui risquent de nous tomber dessus, j’avoue que si j’étais catholique, je n’oserais pas voyager.
De plus, pour prier Dieu ainsi d’écarter les accidents, il faut supposer plusieurs choses qui sont autant de sacrilèges. Il faut admettre d’abord que Dieu cause les accidents, que les catastrophes arrivent par sa volonté, quand il lui plaît de nous en envoyer une. Cela nous donne une belle idée de la bonté divine, et Sébastien Faure n’avait pas bien tort lorsqu’il se demandait, aux applaudissements de tous ses auditeurs : ne serions-nous pas par hasard meilleurs que Lui ?
D’autre part, il faut croire que Dieu ayant décidé de nous envoyer une catastrophe, l’ajournera en recevant une de nos prières. Or une prière n’étant qu’une flatterie, c’est prendre Dieu pour un de ces imbéciles auxquels on fait faire ce qu’on veut avec de bonnes paroles.
Enfin, je terminerai par une remarque plus générale. J’ai remarqué que lorsque l’on priait Dieu, c’était généralement pour lui demander quelque chose. On le prend ainsi comme un ami à qui on adresserait la parole, simplement pour lui demander des services. Ainsi compris, l’amour divin est une chose admirable et qui montre combien la religion détient le monopole de la morale. Pour ma part, si j’étais à la place de ce Dieu, et que j’aie à juger les mortels, je précipiterais tous les dévots dans l’enfer et mettrais tous les libres penseurs dans mon paradis en leur disant : « Venez à moi, car vous au moins, vous ne m’avez pas tapé ! » (Arch. dép. Hérault, 87 J 37).
Ce franc-parler d’André Nicolas sur un sujet qui devait être encore sensible moins d’une décennie après la séparation de l’Église et de l’État, est bien révélateur, non seulement des convictions du personnage, mais également de l’héritage anticlérical propre au Biterrois 5. Nous le retrouvons dans ses courriers militaires.
Mobilisation et première expérience du feu (1914-1915)
André Nicolas interrompt son cursus universitaire de Toulouse pour partir au front. Les premiers mois sous les drapeaux se déroulent à Nice. Les lettres font état d’une attente longue, et de sorties en ville. Parmi celles-ci, il nous relate un épisode précis, bien révélateur de l’état d’esprit des soldats en partance pour le front. La lettre est datée du 13 mars 1915 :
« Mardi dernier, j’ai passé une soirée des plus agréables depuis mon arrivée au régiment. J’ai profité de ce qu’on ne faisait pas l’appel dans notre chambre et que par conséquent nous n’étions pas tenus de rentrer à 9 heures, pour aller écouter une conférence de Jean Richepin 6.
Cette soirée avait lieu au profit d’une œuvre patriotique et elle a été très réussie. Jean Richepin a assez bien parlé, quoique sa voix n’ait pas l’éloquence de Jaurès ou de tous ceux que j’ai entendus. On sent trop qu’il prépare ses effets et si ses phrases sont académiques, elles n’enlèvent pas l’auditoire.
Il a parlé de beaucoup de choses, mais a principalement voulu montrer que la patrie est une sorte de religion avec ses apôtres, qui sont les grands patriotes, ses martyrs, et aussi ses miracles, comme l’histoire de Jeanne d’Arc, la levée des Volontaires en 92 et enfin la victoire de la Marne actuellement. Il a essayé de prouver qu’il y a là un fait miraculeux que, au moment où la France était près d’être écrasée, il se soit trouvé un concours de circonstances qui ait ramené la victoire de notre côté. De même que c’est un fait miraculeux que la Marseillaise, qui est un chef d’œuvre, ait été créée par un poète et un musicien sans aucun talent car Rouget de l’Isle n’a laissé aucune œuvre autre que celle-là. Vous le voyez, c’est là un raisonnement de poète qui, bien débité, peut distraire les auditeurs mais rien de plus.
Ce que j’ai trouvé de plus beau dans cette soirée, c’est encore la Marseillaise qui a été chantée à la fin par une artiste de l’Opéra. Vraiment si vous aviez vu cela, c’était émouvant. Dès que les premières notes de l’hymne national retentirent, tout le monde se leva et tous les civils se découvrirent. Quant à nous les militaires, instinctivement, nous nous mîmes au garde-à-vous. Et c’est ainsi dans un silence religieux que le chant de liberté retentit. A la fin, je regardais la salle : presque toutes les femmes s’essuyaient les yeux et tout le monde se regardait les yeux pleins de larmes. Depuis longtemps je n’avais ressenti pareille émotion. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 28, lettre du 13 mars 1915).
Cette description montre combien la bataille de la Marne, survenue six mois auparavant, est analysée publiquement dans un contexte presque religieux. Pour l’époque, il s’agit effectivement d’un « miracle », terme que l’on retrouve par ailleurs, et qui prend toute son ampleur en considérant la diffusion, à partir de 1916 d’un Missel du miracle de la Marne, ouvrage de diffusion idéologique, religieuse et morale. Il s’agit d’un épisode particulièrement valorisé et mis en scène 7.
Mais avant de prendre part aux premiers combats, le temps passe trop lentement. Dans une lettre datée du 6 juillet 1915, André Nicolas envoie une photographie de lui avec deux camarades, prise à Paris à l’occasion d’une permission :
« Chers parents,
Excusez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt, mais pendant ces jours-ci, je n’ai pas eu trop de temps, ni grand-chose à vous dire. Notre situation est toujours la même : nous sommes toujours au même endroit et nous passons notre temps à faire l’exercice, ce qui est assez ennuyeux avec la chaleur qu’il fait […].
Je vous envoie en même temps dans cette lettre la photographie que nous nous sommes faits tout dernièrement avec Pinel et Gleizes de Sainte-Valière. Malheureusement, je suis horriblement manqué : le photographe n’était pas très fort ni son appareil bien fameux. Aussi, il m’a fait une véritable figure de squelette. N’allez pas au moins vous imaginer que j’ai les traits tirés et les yeux creusés, comme ce portrait semble le montrer. C’est un effet de contre-jour qui m’a forcé à baisser la tête et a durci les traits, tandis que les deux autres qui sont assis et en avant, ont pu tenir la tête haute et paraissent mieux. Il vous suffit, pour vous rendre compte que je ne suis pas trop maigre, de voir comment tirent les boutons de la vareuse qui cependant m’était grande à mon départ de Nice. Je vous promets d’ailleurs de me faire retirer un peu mieux si je rencontre un opérateur un peu meilleur. Ceci n’est qu’un simple souvenir où nous avons voulu nous réunir tous les trois pour nous rappeler plus tard le temps où nous étions constamment ensemble. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 28, lettre du 6 juillet 1915). (fig. 3)
Une fois au front, André Nicolas ne décrit tout d’abord pas trop les combats : souhaitant avant tout rassurer sa famille restée à l’arrière, il insiste davantage sur le fait qu’il est à l’abri, loin des premières lignes, et qu’il n’y a aucun souci à se faire. Il décrit à sa mère les affrontements sans donner de détails négatifs, du moins en restant relativement neutre. Nous avons ainsi une description de combats en Alsace pendant l’été 1915. La lettre n’est pas datée, mais localisée des « Rives du Lac de Schiessroth, au pieds du Hohneck en Alsace » :
« Chers parents
J’apprends de bonne source que l’on ne censure pas nos lettres ces-jours-ci. J’en profite pour vous dire ce que je fais. Partis de Fraise le 11 juillet, nous sommes revenus sur le front. Nous avons logé un peu à gauche de notre ancien camp, du côté du Richackerkopf.
8 jours après notre arrivée, on a donné l’ordre d’attaquer cette crête, la plus formidable position allemande en Alsace. Notre compagnie devait cette-fois prendre part à l’assaut.
Le 19 au soir, nous sommes allés occuper les tranchées de premières lignes afin d’attaquer le lendemain. Le 20 au matin un bombardement effroyable a couvert d’obus les lignes ennemies pendant 4 ou 5 heures. Mais au moment où nous allions nous lancer, des mitrailleuses qui avaient échappé au bombardement ont craché sans interruption sur nos lignes et nous ont empêchés de sortir des tranchées.
Vers les 3 heures du soir, le capitaine a réussi par un mouvement tournant à jeter la moitié de la compagnie sur les mitrailleurs boches, et à les embrocher sur leurs pièces. On a pu alors attaquer mais ils avaient eu le temps d’amener des renforts et au lieu d’enlever toute a position, on n’a pu prendre qu’une ligne de tranchées. Nous nous sommes fortifiés là et on y a tenu deux jours au prix des plus grands efforts, et malgré les contre-attaques et un effrayant bombardement. Enfin, nous avons été relevés et ramenés en arrière, au camp où nous étions avant l’attaque.
Le même jour, on nous a fait déménager pour nous ramener encore plus en arrière, et nous donner un peu de repos. Nous sommes toujours en Alsace, et par conséquent près de la ligne de feu, mais ici nous ne risquons rien. Nous logeons dans des cabanes, au milieu d’un paysage magnifique. Au pied du camp se trouve un joli lac où nous allons nous baigner quand il fait beau. […] Rivel est également revenu en bonne santé, mais il l’a échappée belle. Pendant l’assaut, il a reçu une balle dans la cartouchière mais n’a pas été atteint. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 28, lettre de juillet 1915).
Un peu plus tard, il insiste également sur une expérience de fraternisation avec l’ennemi, loin des discours belliqueux diffusés par ailleurs. La lettre est datée des « tranchées » (censure militaire), le 26 août 1915 :
« Chers parents,
Me voilà de nouveau depuis deux jours en première ligne. Nous occupons un secteur qui est peut-être un des plus ravagés de toute l’Alsace. Le bois qui la recouvrait est entièrement haché et les arbres ressemblent à des totems ou à des poteaux télégraphiques. A terre, ce ne sont que trous d’obus, branches cassées, fils de fer barbelés, etc., qui forment un inextricable fouillis. En effet, on s’y est battu bien des fois, depuis le début de la guerre, et il y a à peine un mois nous y avons livré une bataille acharnée.
Maintenant au contraire, il y règne un calme extraordinaire. Pendant longtemps nos tranchées ont été tenues par des bataillons de réserve, tandis que celles de Boches étaient occupées par les Landsturmer 8 de 45 ans. Peu à peu ils en vinrent à sa regarder sans se tirer dessus (la tranchée boche est à 80 mètres de la nôtre), puis à se faire des signaux. Enfin, ils finirent, chose extraordinaire, par aller se rendre visite. Toutes les nuits, 3 ou 4 hommes allaient d’une tranchées à l’autre, et on blaguait un moment, on échangeait du pain blanc, ou des cigares, etc. Quand nous sommes venus relever, on nous a raconté tout cela, mais on craignait qu’avec nous, il n’en soit pas de même, car le 6e 9 inspire aux Boches depuis le Braunkopf 10 une haine faite en grande partie de terreur.
Un hasard a seul empêché que cette tranquillité soit troublée par notre apparition. Avant de venir aux tranchées, on nous a distribué des casques inventés récemment pour protéger des éclats d’obus 11. Nous voyant ainsi coiffés, les Boches ont cru avoir affaire à un corps différent des Alpins et nous ont fait bon accueil. Hier, quelques-uns de chez nous sont allés les voir et tous les Boches leur répétaient « 6e casque camarade, mais 6e béret pas camarade. Toujours attaque ou fusillade ! Schrecklich ! » Et ils hochaient la tête comme une dévote parlant de Satan. Les camarades se gardèrent bien de leur dire que casques et bérets pouvaient recouvrir les mêmes têtes. Je crois ces choses-là assez rares sur le front où généralement, on est acharné de part et d’autres.
Pour ce qui me concerne, je n’ai pas besoin de vous dire que je me porte toujours bien, ainsi que les camarades. […] Je vous écris au crayon ayant perdu le porte-plume dont je me servais jusqu’ici. Si vous pouvez en trouver, envoyez m’en un. Exigez un porte-plume écrivant avec de l’eau. Je vous embrasse bien affectueusement. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 28, lettre du 26 août 1915).
Il faut attendre la mobilisation de son oncle Henri Mondié en 1917 pour que certaines de ses lettres, qui lui sont envoyées personnellement, contiennent des descriptions plus réalistes (87 J 8). André Nicolas change alors de ton. Les descriptions se font plus précises, sans rien cacher de détails parfois douloureux. Voici par exemple son récit de la bataille de Fraize dans les Vosges, le 20 juin 1915 :
« Cher Oncle,
L’attaque dont je te parlais a eu lieu le 15 juin. J’en suis revenu sain et sauf, quoiqu’ayant vu le danger de près. Je vais te raconter ce que j’ai vu de mon mieux. […]
Le 14 au soir, on nous a annoncé que le lendemain, il y aurait une attaque. Nous nous en doutions tous car depuis quelques jours, nous voyons accumuler le matériel. A chaque instant, on voyait passer des mitrailleuses, des caissons chargés d’obus, des mulets portant des cartouches, etc. Aussi, quand le colonel nous dit dans son discours que la préparation était formidable, tout le monde ne put que le croire. Le même soir, on nous dit que notre compagnie serait en réserve le premier jour, et que par conséquent, nous n’attaquerions pas.
Le lendemain à Midi, on nous fit mettre en route pour les tranchées, le sac bourré de cartouches, de grenades et de vivres de réserve. Partis de Gaschney, nous avons attendu dans un bois l’ordre de marcher en avant. Vers 1 heure, le bombardement des ponts par notre artillerie a commencé, et nous étions admirablement placés pour le suivre. En ce point, les Allemands avaient créé une forteresse formidable. Ce n’était qu’un dédale de tranchées couvertes de troncs d’arbres, de rails de chemin de fer, de terre, etc., percées seulement d’un étroit créneau par où passaient les canons des mitrailleuses. En avant, un réseau de fil de fer de 100 mètres de large complétait cette défense qui paraissait imprenable.
Mais lorsque les obus de tous calibres commencèrent à arriver, les 200 du Hohneck, les 180 du col de la Schlucht, les 90, les 75 et les 65 de Gaschney etc., on vit bien que tout cela ne valait guère contre un pareil bombardement. La crête entière semblait devenue un volcan. Sous les marmites de 220, on voyait les barres de fer et de bois, les pierres, la tôle voler de 50 mètres en l’air, les fils de fer se disperser et presque se fondre, en un mot, un effroyable bouleversement. A 4 heures, ce feu d’enfer se tut brusquement et aussitôt les compagnies d’attaque qui étaient massées s’élancèrent en avant, la baïonnette haute. En un instant, ils couronnaient la crête et commençaient à descendre les pentes et à occuper les tranchées. Les Boches n’avaient essayé qu’une vague résistance, et s’étaient sauvés ou rendus. 80 personnes passèrent dans nos lignes. Le bataillon eut tout de même beaucoup de pertes, car pendant l’attaque, l’artillerie Boche bombarda sur nos positions et les deuxièmes lignes, les mitrailleuses crachaient sur les assaillants. A 5 heures, nous reçûmes l’ordre d’avancer à notre tour, et nous arrivons à 6 heures au point où l’attaque s’était déclenchée. Jusque-là, nous n’avions eu aucun danger sauf des obus que l’ennemi tirait un peu partout, mais à partir de ce moment, nous fûmes vraiment dans le combat. A la nuit tombante, nous franchîmes les 100 mètres qui séparaient nos tranchées des tranchées boches enlevées, et nous nous installions là. […] Toute la nuit, nous avons dû veiller sérieusement car les positions prises formaient coin dans la ligne Boche, et il fallait se méfier de ne pas être entouré. Les villages de Metzeral, Altenhof, Landersbach et Muhlbach étaient en feu et cet immense incendie avait quelque chose de féérique dans son horreur. De plus, l’endroit où nous étions était plein de morts et de blessés, et lorsqu’on est pas habitué à ces spectacles, on est toujours émus malgré qu’on s’y attende. […] ».
André Nicolas demande par ailleurs à sa mère de lui envoyer du camphre en quantité, en précisant à son oncle qu’il s’agit de se protéger des éventuelles épidémies liées à la décomposition des cadavres environnants 12.
Cette lettre montre bien la supériorité des aménagements de terrains par l’armée allemande, en comparaison aux tranchées creusées jour et nuits par les soldats français. De même, elle transcrit parfaitement cette logique de tranchées, guerre « immobile » succédant à la guerre de mouvement qui prédominait jusque-là. Fort heureusement pour lui, le hasard voudra que son bataillon soit envoyé un temps sur le front oriental, lui donnant l’occasion de découvrir un pays inconnu.
L’expédition de Corfou
En janvier 1916, le bataillon de Chasseurs Alpins d’André Nicolas part en Grèce, pour Corfou, afin de sécuriser le séjour des militaires et civils serbes fuyant leur pays. L’île jouit alors d’un statut de neutralité perpétuelle, et ce depuis le Traité de Londres du 14 novembre 1863. L’armée française y assure l’acheminement du ravitaillement et de ressources. C’est pour nous l’occasion de lire la description de cette île vue par un Héraultais :
« Corfou, le 13 janvier 1916
Chers Parents,
La censure qui nous interdisait hier de dire où nous sommes vient d’être levée. Je vais donc vous mettre au courant. Nous occupons actuellement l’île de Corfou, située à 20 km de la côte d’Albanie, dans la mer Ionienne. Nous sommes partis le 9 de Bizerte. Je n’ai pu vous prévenir car on l’avait défendu.
Nous avons embarqué cette fois sur des vaisseaux de guerre. J’étais sur le croiseur Ernest Renan avec toute la compagnie. La traversée a été délicieuse : une mer admirable, un temps magnifique, pas de mal de mer. Notre voyage a duré 45 heures environ. Partis de Bizerte le dimanche soir, nous arrivons dans la rade de Corfou le mardi 11 à 1 heure du matin. C’est là que les difficultés commençaient. L’île de Corfou appartient à la Grèce et naturellement nous ne lui avons pas demandé la permission d’y venir, comme à Salonique 13. C’était par la force qu’il fallait s’installer. L’opération a été d’ailleurs merveilleusement exécutée.
Entre minuit et une heure, toute l’escadre pénétrait dans la rade sans bruit et sans lumière. Des embarcations étaient descendues et les fusiliers marins les premiers descendaient à terre. Une demi-heure plus tard, nous débarquions à notre tour, toujours en silence. Les points importants de la ville furent rapidement occupés, les consuls ennemis arrêtés et amenés à bord, la poste, le télégraphe, etc., gardés militairement. Ainsi, quand les Grecs s’aperçurent de la chose, nous étions déjà les maîtres partout. Nous avons passé la journée sur une grande place, puis le soir nous sommes allés occuper un fort qui domine la ville, et où nous sommes en caserne. Et voilà comment l’île de Corfou, qui était jusqu’ici un nid de sous-marins boches, va devenir une des meilleures bases de la flotte alliée.
Malgré la façon un peu cavalière avec laquelle nous sommes venus ici, la population nous est en grande partie sympathique. Il y a beaucoup de Français, d’Italiens et même des Grecs qui sont très heureux de nous voir. Par contre un certain nombre d’Allemands sont plutôt ébahis, d’autant plus qu’ils sont désormais privés de communications avec leur pays. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 29, lettre du 13 janvier 1916).
André Nicolas continue de séjourner sur l’île pendant cinq mois. Il y découvre une culture totalement inconnue, et des mœurs qu’il trouve pour le moins déconcertantes. Ainsi en est-il tout d’abord pour une représentation théâtrale d’ombres chinoises :
« Braganiatika, le 9 février 1916
Chers Parents,
Comme je vous le disais dans ma dernière lettre, nous avons quitté la ville de Corfou depuis quatre jours. Nous sommes maintenant dans le sud de l’île, à 28 km environ de la ville. Nous avons fait la route à pied, mais sans sac, ce qui fait que ça a été pour nous une agréable promenade à travers les magnifiques paysages de l’île.
Nous sommes campés dans un champ d’oliviers à 100 mètres environ du village de Barganiatika (un joli nom, comme vous voyez). Ce village est d’ailleurs minuscule, à peine 50 ou 60 habitants et on peut y contempler des mœurs et des usages qui retardent de trois à quatre siècles sur la civilisation actuelle. […]
Hier soir, nous sommes allés voir un théâtre installé dans un café. Je n’avais pas vu depuis longtemps de spectacles aussi pittoresque dans sa naïveté. Imaginez-vous une toute petite salle, mal éclairée par deux ou trois de ces lampes à huiles appelées « Calels 14 » chez nous. Dans un coin, un drap blanc derrière lequel se trouve un type, et deux ou trois lampes qui éclairent le drap. C’est là la scène. Le type fait défiler derrière le rideau des marionnettes en fer blanc découpés et l’ombre se projette sur le rideau.
Je n’ai naturellement rien compris à la pièce qui était en grec, mais la naïveté même de ce spectacle, les gestes des personnages, qui tantôt se battaient, tantôt se réfugiaient dans un immense pot de chambre placé au milieu : tout cela m’a beaucoup amusé. Et je ne pouvais m’empêcher de penser qu’on devait se distraire ainsi chez nous il y a deux ou trois cents ans, avant que le cinéma, le chemin de fer, etc., existent. D’ailleurs ce spectacle semble être très aimé de la population. Tous les gens du village qui étaient là se tenaient bouche bée et ne perdaient pas un mot. Et c’était un spectacle bien plus intéressant que l’autre de les voir écarquiller les yeux quand un coup de théâtre allait se produire, et rire aux éclats en applaudissant quand un personnage peu sympathique recevait une raclée. Aussi je ne regrette pas les deux sous que coûtait ce spectacle et le théâtre de Braganiatika restera parmi mes souvenirs de guerre. […] » (Arch. dép. Hérault, 87 J 29, lettre du 9 février 1916).
Encore plus originaux semblent être les rituels de célébration de la Pâques orthodoxe :
« Corfou le 26 avril 1916
Chers Parents,
J’ai reçu ce matin la lettre de Maman du 18 avril. […]
Quant à moi, je suis encore dans la même situation : toujours en très bonne santé et toujours à Corfou. La fête de Pâques a été ici très brillante. C’est une des plus grandes fêtes grecques. Et elle est célébrée plutôt drôlement.
D’abord le dimanche des Rameaux, il y a eu une grande procession avec des drapeaux hauts de 20 mètres, des bannières, etc. Ensuite venaient les musiques des écoles, formées par des gosses de 8 à 19 ans. Et ils étaient tous habillés d’un costume plein de dorures et coiffés d’un casque à pointe en cuivre avec un plumet de 60 centimètres. Ils jouaient d’ailleurs la Veuve Joyeuse, ce qui m’a surpris dans une cérémonie religieuse.
Ensuite venaient les élèves du collège, marchant alignés et au pas de parade boche. Puis des boys scouts, puis une autre musique non moins casquée et chamarrées que la première. Ensuite une compagnie de soldats grecs avec baïonnettes au canon et un colonel à cheval. Enfin encadrés par des soldats marchaient les prêtres grecs habillés de soutanes multicolores, bleues, marrons, jaunes, vertes, etc. Près d’eux marchaient des enfants de chœur tenant des cierges gros comme des poutres. Enfin l’évêque tout chamarré d’or, coiffé d’une tiare en forme de pot de terre retourné, et précédant une vitrine contenant des os d’un saint que quatre hommes portaient avec des précautions extraordinaires.
Une foule bigarrée suivant ce cortège, et chaque personne tenait à la main une bougie allumée dont elle aspergeait furieusement ses habits et ceux des voisins. Pendant toute la semaine, des drapeaux grecs ont flotté sur les édifices publics et aux fenêtres des particuliers. Le Vendredi Saint tous ces drapeaux étaient en berne, et on voyait dans toutes les rues et les cafés des soldats grecs et des civils occupés à dire le chapelet. En même temps, des marchands d’agneaux et de moutons envahissaient la ville.
Mais le plus fort a été le lendemain, à onze heures, les cloches qui n’avaient pas sonné depuis trois jours sont entrées en branle. Aussitôt tous les agents de police grecs ont sorti leurs revolvers et se sont mis à tirer des coups en l’air. Et dans toutes les maisons, les habitants ont commencé à faire voler par les fenêtres des accessoires de vaisselle qu’ils avaient rassemblés dans ce but. Ce fut pendant une demi-heure un magnifique vacarme et certains chasseurs [alpins] qui se trouvaient dans cette ville reçurent les pots de faïence ou des assiettes sur le nez. Quelques instants après, les égorgeurs se mirent à parcourir la ville, saignant les moutons qu’on avait attachés devant la porte et faisant avec leur sang une croix sur la porte de la maison. […] Ce sont de drôles de mœurs, vous en conviendrez, et nous avons beaucoup ri de ces étranges habitudes.
Je vous quitte en vous embrassant affectueusement. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 29, lettre du 26 avril 1916).
La fin de la guerre
Malheureusement, aucune photographie ne vient illustrer ces derniers épisodes. De retour à Marseille, après une période de quarantaine au Frioul, le bataillon de chasseurs alpins reprend le chemin du front, remontant en première ligne dans les Vosges. Attaques, retraits et permissions s’enchaînent. André Nicolas conserve son libre-arbitre et n’hésite à se montrer critique par rapport à l’État-Major. Le 22 mai 1917, dans les Vosges, une attaque se solde par un échec cuisant. Voici comment il décrit la situation :
« Le 22 mai 1917
Chers parents
C’est bien embêtant mais je ne pense pas pouvoir venir en permission avant le 6 juin. C’est toute une histoire. Je vais tâcher de vous l’expliquer et vous laisserai le soin de juger.
Dans la dernière attaque, notre équipe a eu des pertes. Pour les remplacer, on avait l’habitude auparavant de prendre dans les compagnies ceux qui étaient déjà anciens au bataillon et qui étaient reconnus capables de faire notre service. C’est ainsi que je suis entré moi-même dans l’emploi que j’occupe 15. Cette fois-ci, ceux qui dirigeaient ayant changé, on a pris une nouvelle méthode : on nous a envoyé en renfort des types venant du dépôt, des bleus de la classe 17 qui ont une vague instruction au dépôt. Tous ces types-là étaient à Épinal, dans la zone des armées, depuis le mois de décembre. Ainsi à peine arrivés ici, ils ont été inscrits sur la liste de départs avant nous qui étions revenus seulement au mois de janvier. Car d’après les circulaires, le droit à la permission est le même pour celui qui a passé quatre mois à balayer la cour d’une caserne que celui qui revient du plateau de Cr[aonne].
Je comprends comme l’Oncle me le dit que l’on doit causer beaucoup à l’intérieur des dernières opérations. Évidemment bien des récits doivent être exagérés. Et je regrette bien de ne pouvoir venir vous dire ce qu’il en est au juste. Mais malgré la discrétion obligatoire, je crois que je puis bien vous le dire : nous n’avions pas été vainqueurs. Et cela ne tient pas à un manque de courage des hommes, ni à la fatalité d’un hasard imprévu. Non, si on a pas réussi, si des divisions sont allées sans préparation d’artillerie s’écraser sur des fils de fer intacts, c’est qu’il y a quelque part des gens qui n’ont pas été à la hauteur de leur rôle. Je vous dis cela bien entendu pour vous donner une idée de la chose, et non pour que vous le racontiez, car je n’ai jamais essayé comme le font tant d’autres, de décourager les civils. Aussi je pense que vous espérerez avec moi que ces faits ne se reproduiront plus. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 30, lettre du 22 mai 1917).
Ces mots montrent bien l’état d’esprit qui règne après l’offensive ratée du Chemin des Dames, pendant laquelle les mutineries se font les plus fortes au sein de l’armée française, avant que les troupes américaines ne viennent débarquer à Saint-Nazaire en juin 1917.
Arrive cependant l’armistice du 11 novembre 1918. Trois jours plus tard, André Nicolas raconte à ses parents son passage à Paris, après que la bonne nouvelle ait été connue. Il y fait allusion aux scènes de liesse générale dont il est le témoin privilégié.
« Le 14 novembre 1918,
Chers Parents,
Mon voyage s’est achevé seulement ce matin. Il a été assez pittoresque. Je vais d’ailleurs vous le raconter. Je suis arrivé à Paris lundi matin à 11 heures, juste au moment où la nouvelle de l’armistice commençait à être connue. Naturellement, j’y ai passé la journée et la nuit. Quel jour ! Je vous assure que je m’en souviendrai longtemps. Paris présentait un spectacle qui est je crois unique au monde.
Pensez ce que peut être la réunion de 3 000 000 d’hommes fous de joie. Les boulevards étaient noirs de monde. Tout le monde chantait, dansait, agitait des drapeaux. Pour nous soldats, la circulation était presque impossible : tous les dix pas, on était entouré, acclamé, assailli, embrassé ! C’était quelque chose de formidable. J’ai bien cru que je finirais par tourner la tête. Enfin, j’ai pu m’arracher aux ovations et prendre le train de permissionnaires mardi à 10 h. […]. En arrivant ici, j’ai trouvé une lettre de Charles. Il se porte bien et m’annonce le mariage de Germaine 16. Une autre lettre m’a appris que la demoiselle d’Albi qui m’écrivait 17 est morte de la grippe. Je vais envoyer à ses parents une lettre de condoléances. Je leur dois bien ça. Je vous embrasse bien affectueusement. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 31, lettre du 14 novembre 1918).
Visions du front : archives photographiques
Les différents affrontements évoqués par les lettres d’André Nicolas, sont également documentés par des photographies prises sur le front. Amateur de photographie, il se procure un appareil qui le suit dans les tranchées, avec lequel il prend son quotidien. Il ne s’agit pas tant de fournir des clichés spectaculaires, tels que ceux que les journaux de l’arrière se plaisent à récolter, parfois en organisant des concours parmi les soldats 18. Ici, les images servaient à garder la mémoire d’une présence personnelle au cœur d’un événement d’une ampleur sans précédent. Une photographie le montre ainsi en train d’effectuer une ligature dans une tranchée en avril 1916. (fig. 4)
Il photographie également le PC du groupe, l’église bombardée de Craonne au Chemin des Dames en septembre 1917, des concours sportifs à l’arrière des lignes à Auger-Saint-Vincent, voire un tank et des prisonniers allemands à Malmaison en octobre 1917. On y voit également les conditions des premières lignes au Sudel dans les Vosges (photo 48) et une séance de coiffure dans la Somme. Ce sont autant d’images évocatrices des conditions des affrontements tels qu’ils ont été vécus. (fig. 5)
Bien que non datées pour la plupart, ces photographies ont été prises pendant la période allant d‘avril 1916 jusqu’à la fin du conflit. Elles sont au nombre de 96, et les correspondances constituent à elles-seules pas moins de cinq liasses entières de lettres. A défaut de pouvoir être analysés et présentées ici, elles seront très prochainement numérisées pour être consultables sur le site Internet des Archives Départementales de l’Hérault, d’où la campagne d’André Nicolas pourra être suivie au jour le jour après près de cent ans de silence. Espérons qu’elles contribueront à enrichir les différents angles de visions dans le cadre de la commémoration de la Première Guerre mondiale au niveau du département de l’Hérault.
Pour terminer, un tout petit texte figurant à la fin du cahier contenant les « Notes d’un libre-penseur sur l’idée religieuse » évoqué plus haut. On se rappelle l’opinion d’André Nicolas à propos de la religion, évoquée avant la guerre. Qu’en est-il après le conflit ? André Nicolas reprend sa plume en 1919, « après la victoire du droit sur le militarisme ». Voici les dernières lignes qu’il écrit :
« Si un Dieu existait, pourrait-il avoir voulu que, pendant cinq ans des hommes se massacrent et s’égorgent, la plupart sans savoir dans quel but ? Ce serait un criminel atroce ! Heureusement, il n’existe pas. » (Arch. dép. Hérault, 87 J 37)
Conclusion
Nous laissons ici André Nicolas alors qu’il reprend ses études de mathématiques pour ensuite se marier et continuer son existence. Son témoignage, donné sur le vif, est à resituer aux côtés d’autres monographies existantes d’Héraultais mobilisés 19. Assemblés, complétés les uns par les autres, voire parfois contredits, ces récits peuvent constituer le vivier d’une connaissance plus approfondie de ce qu’a pu signifier le premier conflit mondial pour l’Hérault.
NOTES
1. Hyacinthe, Rafaël, in Arquivos de família, séculos XIII-XX : que presente, que futuro ?, Lisbonne, Centro de História Além Mar, 2012, p.
2. Duvaux, Julien, « Le fonds d’Archives du château de Flaugergues (1254-203) : un parcours familial de l’histoire de France », Études Héraultaises, n°36, 2006, p. 87-94. Hyacinthe, Rafaël, « Les Archives de la famille Grasset-Morel : des sources inédites pour l’histoire locale », Études Héraultaises, n°39, 2009, p. 285-291. Duvaux, Julien, « Le fonds Mourgue aux Archives départementales de l’Hérault (167 J) ou l’exceptionnelle ascension sociale d’une famille héraultaise illustrée par ses archives », Études Héraultaises, n°40, 2010, p. 255268. Duvaux, Julien, « De nouvelles sources pour l’histoire de la Résistance en Languedoc-Roussillon : les archives d’André Pavelet, chef régional Maquis », Études Héraultaises, n°41, 2011, p. 211-223.
3. Offenstadt, Nicolas, La Grande Guerre en 30 questions, La Crèche, Geste éditions, 2007, p. 29.
4. https://praxiling.hypotheses.org/category/projet-corpus-14 (consulté le 18 septembre 2013).
5. Cholvy, Gérard, « Le Biterrois, un pays de mission aux 19e et 20e siècles ? » in Chrétiens de Béziers et du Biterrois, sous la dir. de Dominique Avon, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2004, p. 59-76.
6. Jean Richepin (1849-1926) est un écrivain et poète français, reconnu pour ses qualités de rhétoricien.
7. Offenstadt, Nicolas, La Grande Guerre en 30 questions, op. cit., p. 8-10.
8. Soldats territoriaux de l’armée allemande.
9. Allusion au 6e bataillon des Chasseurs Alpins, auquel appartient André Nicolas.
10. Localité alsacienne reprise par l’armée française le 20 juin 1915.
11. Allusion probable aux casques Adrian, utilisés à partir de 1915 par les armées françaises. Ici en l’occurrence, les chasseurs alpins ont troqué leurs bérets pour des casques en acier.
12. Arch. dép. Hérault, 87 J 28, lettre du 21 juin 1915.
13. Allusion à l’expédition de Salonique, autrement dénommée Front de Macédoine, initiée quelques mois plus tôt.
14. « Calel » ou « Caleil » : nom donné à une lampe à huile de fer ou de laiton, composé de deux récipients superposés, le premier contenant des becs à mèches, le deuxième recueillant l’excédent de la combustion. Le tout est suspendu par une tige en harpon.
15. A partir de mars 1916, André Nicolas obtient le poste de « téléphoniste », soldat chargé d’accrocher les fils téléphoniques à chaque déplacement du bataillon, et de vérifier et remédier aux interruptions de raccords au moyen d’un téléphone portatif.
16. Allusion à Charles Delos, cousin par alliance de la famille Nicolas.
17. Allusion à Marthe Ferret, sa marraine de guerre, dont la correspondance est conservée sous la cote 87 J 54.
18. Delporte, Christian, « Journalistes et correspondants de guerre », in Encyclopédie de la Grande Guerre (1914-1918), sous la dir. de Stéphane Audouin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker, Paris, Bayard, 2004, p. 717-729.
19. Voir par exemple Secondy, Louis, Jean-Luc et Guilhem, Les Héraultais dans la guerre de 14-18, Villeveyrac, Papillon rouge, 2014.