Jean Sabatier, « sculpteur en Plâtre » languedocien du XVIIe siècle

Jean Sabatier, « sculpteur en plâtre » languedocien du XVIIe siècle

Le XVIIe siècle languedocien est une période particulièrement riche en création artistique. C’est, en effet, à cette époque que de nombreux artistes, souvent méconnus, réalisent des peintures, des sculptures, mais aussi des décors en gypserie particulièrement remarquables, que l’on retrouve encore aujourd’hui, surtout dans l’Hérault, mais aussi dans les départements voisins, de l’Aude au Gard, en passant par les Pyrénées-Orientales et au-delà dans les territoires limitrophes, notamment en Aveyron.

Après les historiens Emile Bonnet et André Joubin 1, Jean Claparède 2, conservateur du musée Fabre entre 1945 et 1965, a attiré l’attention des amateurs sur la grande qualité de plusieurs ensembles de gypseries montpelliéraines du XVIIe siècle, tout en soulignant le manque de connaissance sur leur histoire et les artistes qui les ont réalisées. Il cite, entre autres, dans son article publié en 1969, les gypseries de l’hôtel de Manse, celles de l’hôtel de Castries et de l’hôtel de Mirman. Ces œuvres, nous le verrons, pourraient être attribuées au sculpteur Jean Sabatier.

La découverte récente d’une abondante documentation permet d’esquisser une biographie de ce fils de maître-gipier biterrois, qui deviendra dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, l’un des plus grands sculpteurs du Bas-Languedoc.

Autour du retable des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes, des cheminées du palais épiscopal d’Uzès et du décor de l’église du chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet du même artiste, cette étude propose également de s’intéresser à un ensemble d’œuvres diverses (plafonds, cheminées, retables) réalisées par un même atelier 3. Très proches des gypseries citées par Jean Claparède, elles présentent toutes de grandes qualités esthétiques et plastiques et pourraient, elles aussi, être attribuées à Sabatier.

Hôtel de Castries, détail du décor de la cheminée
Fig. 1 - Hôtel de Castries, détail du décor de la cheminée. Cl. D. Nepipvoda

Le début de la carrière de Jean Sabatier à Béziers

Comme de nombreux artistes du XVIIe siècle, Jean Sabatier est issu d’une famille d’artisans. Son père Guillaume exerce à Béziers le métier de maître-gipier. Marié à Antoinette Capelle 4 aux alentours de 1618-1620, Guillaume a deux autres enfants, Marquise et Jeanne.

Guillaume semble actif jusqu’à sa mort survenue en 1657. Il est référencé dans divers actes. En 1654, il reconstruit le four du maître pâtissier Michel Girandel. Comme les maîtres-gipiers de son temps, il « mahonne » les sols (pose le carrelage de terre cuite), construit des « bougets » – cloisons légères – et refait de vieilles cheminées en plâtre, autant de travaux ordinaires pour un plâtrier du XVIIe siècle. On peut citer pour exemple, le travail réalisé en 1655 pour Charles de Vaissière, conseiller du roi et auditeur à la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier. Guillaume réalise deux cheminées dans la maison que le conseiller a achetée à Pierre Dumas, sieur de Mus, l’une dans la salle basse « en laquelle il n’y avait point auparavant » ; l’autre à la salle haute. Il déplace le « bouget » qui sépare la salle haute de la chambre et refait à neuf le pavé en mauvais état. La cheminée dont le « manteau fort élevé est à l’ancienne mode », est remise au goût du jour. L’armoire qui la flanque est déplacée ; Sabatier la reconstruit entre la salle et l’antichambre. Il reprend les grandes ouvertures qui se trouvaient entre l’armoire et la cuisine, dont la muraille est « rhabillée ». Le sol de l’antichambre est pavé de « mahons ». Il fournit tous les matériaux nécessaires aux réparations et touche 125 livres. Le jeune Jean a probablement été formé dans l’atelier paternel. C’est certainement de là que lui viendra le goût pour le travail du plâtre.

Jean épouse en 1638 Jeanne Pascal, originaire de Caux. Le jeune époux reçoit 1 500 livres de son père et le ménage s’installe chez ses parents. Il obtient son premier contrat en1640. Les consuls lui confient la réalisation d’un groupe statuaire pour le vœu de Saint-Joseph. Dans le prix fait, le jeune homme est nommé sculpteur et non plâtrier. Il a probablement complété l’enseignement reçu de son père par une formation chez un sculpteur dont le nom ne nous est pas parvenu. Peut- être est-il allé se former à Toulouse auprès de Pierre Affre, lui aussi originaire de Béziers 5, ou d’Artus Legoust 6.

Cette première œuvre documentée est exécutée en pierre. Elle comprend la réalisation d’un groupe sculpté et du décor d’architecture, destinés à être placés sur la porte des Carmes. Elle a été commandée suite au « vœu fait à Saint Joseph à ce quil obtint que la présente ville fut exampte de la maladie contagieuse dont elle estait menacée » 7. Le sculpteur s’engage à réaliser « trois figures de pierre de taille fine de Lespignan scavoir est de Jésus Marie et Joseph lesquelles figures il sera tenu de faire de la hauteur de sept pans pour les deux de Marie et Joseph et l’autre à proportion quil posera sur la porte de la ville dite des Carmes du costé de la ville ». Le jeune homme s’engage aussi à refaire le décor d’architecture de la niche devant abriter les statues. Il doit « surhausser le grand arseaux de lad porte de quatorze pans d’haulteur et de largeur de douze pans et quatre demy d’espaisseur et fera monter les piliers dud arseau de bonne pierre de taille et par dessoubs led arseau fera un autre arseau de dix pans de large auquel il fera un cartouche de pierre blanche dud Lespignan avec une table de marbre noir de Roquebrun où il sera tenu de graver en lettre d’or l’inscription que bon semblera aud consuls et par-dessus le cartouche il fera une corniche portée par deux consolles et mettra par-dessus la corniche lesd trois figures et fera à l’entour du grand arseau par le dedans de pierre d’architecture quy seront depuis lad corniche tout à lentour dud arseau et fera la face de la murailhe quy sera derrière lesd figures de pierre de taille et pardessus led grand arsseau il mettra les armes de lad ville quy auront quatre pans et plus d’autheur de la mesme pierre desd figures et fera le surplus du bastimant nécessaire à son honneur et profit de la ville ».

Les consuls fournissent au sculpteur un modèle de l’ensemble probablement réalisé par le peintre Barral, qui fait aussi à cette époque office d’architecte de la ville 8. Sabatier perçoit pour son premier contrat connu deux cent cinquante livres. Les matériaux restant à la fin du chantier appartiendront au sculpteur.

Au grand désarroi de son père, Jean occupe l’atelier familial et vit au crochet de ses parents. Malgré les contrats qu’il obtient et contre les pratiques en usage à l’époque, le jeune homme laisse son père payer les frais de bouche et d’entretien des compagnons qui travaillent sur ses chantiers 9.

En 1647, après le décès de sa première femme, Jean épouse en seconde noces Marie Ollier, originaire de Servian 10. Au moment du mariage, la jeune fille est au service de Charlotte de Plantavit, qui lui donne la somme de mille livres : six cents livres sont payées lors de la signature du contrat, les quatre cents autres lui seront payées dans deux ans. Elle apporte, en plus, une dot de trois cents livres. Tout cela confère au ménage une réelle aisance financière. Malgré ce, les mariés continuent à vivre au dépens de Guillaume Sabatier et à occuper la maison et l’atelier paternels, bien que Jean Sabatier obtienne plusieurs contrats importants, susceptibles de lui procurer une certaine indépendance.

Le 23 juin 1647, Antoine Landes lui commande le décor de la chapelle qu’il possède dans l’église des Carmes 11. Le contrat prévoit la réalisation de la voûte « en plastre du même ordre que celle de saint Joseph saulf quil l’enrichissera davantage que celle de Saint Joseph, les piédestals seront de pierre blanche de Lespignan, faira le restable avec quatre colonnes et les enrichissements nécessaires, aussy faira une balustrade de pierre blanche de Lespignan, faira l’autel en pierre de taille, finallement faira un tableau painct à l’huille, représentant le trépassement de la Vierge, l’Assomption et Couronnement ». La réalisation de la peinture est probablement sous-traitée à un artiste local et tous les matériaux nécessaires à la réalisation du décor sont fournis par le sculpteur. Antoine de Landes se charge du transport de la pierre et de la chaux. Le plâtre provenant de Narbonne est transporté jusqu’à Vendres, puis de Vendres à Béziers où il doit être déposé devant l’église. Le contrat est signé le 23 juin et Sabatier dispose de 6 mois pour réaliser l’ouvrage. Il recevra 750 livres.

A cette époque, Sabatier s’approvisionne en plâtre auprès de gipiers de la région. En décembre 1648, Jean Cabanes, maître-gipier de Cazouls, promet de fournir au sculpteur 300 sétiers de plâtre. Le contrat précise : « de celui de la terre de l’Abbé de Fontcaude, proche Garigoule, moyennant 8 sols par setier ». La totalité de la commande doit être livrée en janvier. Il est probable que le plâtre utilisé pour la chapelle Saint-Joseph ait la même origine, à moins qu’il ne s’agisse du plâtre de Peyriac dans l’Aude aussi utilisé par le sculpteur. Plus tard, il utilisera du plâtre provenant de Marseille.

Le départ pour Montpellier

Les choses semblent s’envenimer entre le père et le fils. Probablement conscient d’un talent supérieur à celui de son père, Jean se démarque par un caractère difficile et fait preuve de malhonnêteté envers le cercle familial. En 1649, alors qu’il n’est pas encore majeur, Jean quitte précipitamment la maison familiale en emportant « tous les meubles (de son père) après cestre faict esmanciper… par force et violance ». Dans son testament, Guillaume précise qu’il ne lui reste plus « que le lict ou il est à présant et (que) le peu des autres meubles quy sont à présant dans sa maison sont et appartienent à Jeanne Sabatier sa fille ».

Jean et son épouse s’installent alors à Montpellier. Il se voit confier en 1653 le décor de la grand-salle de l’audience du présidial de la ville 12. Sabatier est chargé de réaliser le plafond, qui doit adopter la forme d’une voûte d’arêtes au centre de laquelle il aménagera un compartiment ovale destiné à recevoir une peinture 13. Ce dispositif n’est pas sans rappeler celui du plafond de l’hôtel de Castries à Montpellier et celui du château de Savignac-le-Haut, à Cazouls-lès-Béziers, qui pourraient être l’œuvre de Sabatier. Le plafond de la Cour, réalisé en « plastre de Peyriac » et « plastre blanc de Marseilhe », était décoré de fleurs de lys « de plastre blanc de Marseilhe de l’espaisseur et grosseur quon avisera tant plain que vide ». La naissance de la voûte doit être soulignée « d’un cordon de feuilhe de chesne de la hauteur de deux pans et espaisseur à proportion ». Ce décor se poursuit sur les arêtes de la voûte et tout autour de l’ovale du compartiment central.

Tout en résidant à Montpellier, Sabatier conserve des liens avec la ville de Béziers. Il s’y rend en juin 1655 et y prête à Pierre Nougaret « habitant du lieu de Caux » la somme de 120 livres 14. En juillet 1657, le Révérend Père Romuald de l’Enfant Jésus, prieur du couvent des Carmes de Béziers, et Père Claude de la Nativité de la Vierge, syndic, reconnaissent devoir à Jean Sabatier la somme de 1 500 livres, dont 1 058 livres contenues au contrat passé le 12 juillet 1645, plus 42 livres d’intérêts ainsi que 400 livres que Sabatier vient de leur prêter pour la construction de la chapelle de Sainte-Thérèse. En échange du paiement de la somme reçue, les religieux cèdent à Sabatier un mandement de pareille somme, daté du premier juin 1657 et à retirer auprès de M. Rech, trésorier de la Bourse des États. Le même jour, le sculpteur regroupe sous une même créance les sommes dues par le peintre Barthélémy Aurès 15. Celui-ci doit à Jean Sabatier « cent livres contenus dans une promesse pour amiable (5 octobre 1654) ; pareilhe somme de cent livre en une autre promesse employée pour un habit de deuil (13 janvier 1656) et la somme de mil deux cent livres pour la consigner aux héritiers de Douysset et Chalier » de Florensac. Le peintre promet de payer la somme de 1 400 livres dans un an, à compter du jour de la signature de l’acte.

Le 18 juillet, les Carmes de Béziers lui commandent le décor de la chapelle Sainte-Thérèse située dans leur église 16. La chapelle doit faire le pendant de celle décorée pour le sieur de Landes. Sabatier s’engage à réutiliser le tableau qui se trouve dans la chapelle et « sera tenu de faire peindre dans la voutte de lad chapelle les tableaux nécessaires suivant les dessains que led Révérand Père luy bailhera et metra les armes de feu Boudet en relief sur le dessus de lad chapelle ».

Le soubassement portant le retable de plâtre et les balustres fermant la chapelle seront réalisés en pierre de Lespignan. Le contrat prévoit l’ouverture d’une fenêtre. Le sculpteur fournira « la pierre sable, chaux, plastre, bois et autres choses nécessaires pour la construction » et dispose d’un délai de 9 mois pour réaliser l’ensemble. Les montants des travaux s’élèvent à 700 livres, dont 400 sont payées à Sabatier le jour de la signature du contrat. Le restant lui sera versé après réception de l’ouvrage.

Le mois suivant, il est à nouveau présent à Béziers. Le 29 août, il prête sans intérêts 550 livres aux frères Garenc, de Caux. Ils lui promettent solidairement de rendre la somme dans un an 17.

La même année 1657, survient la mort de Guillaume Sabatier. Dans son testament, daté du 22 novembre 1649, il demande que son fils se contente de la somme de 1 500 livres reçue lors de son premier mariage et qu’il rende l’argent dépensé par son père durant des années (de 1638 à 1649) pour « la despence de nouriture et d’entretienemant de luy, de lad feu sa femme et compagnons quil a tenus pour travailler à ses prix faicts… et continué lad despans après son second mariage avec Marie Ollier… (qu’il) a aussy nourrie et entretenue et lesd compaignons à son pot et feu à ses frais et despans jusque à la fin du mois du moys juilhet » 1649.

Au moment de l’ouverture du testament, un différend oppose Jean à ses sœurs Marquise et Jeanne 18. Le sculpteur prétend n’avoir jamais reçu les 1 500 livres données par son père lors de son premier mariage. Ses sœurs affirment le contraire et évoquent une quittance, jadis en possession de leur mère. Elles demandent que soit respectée la volonté de leur père. A quoi, faisant preuve de mauvaise foi, le sculpteur rétorque que sa sœur Marquise a reçu 6 louis d’or au moment de son mariage avec Noël Clavier, maître cordonnier de Béziers, et qu’elle ne peut prétendre à plus rien. Le sculpteur accuse ses sœurs d’avoir empêché leur père de rédiger un nouveau testament en sa faveur. Il fait saisir les biens délaissés par son père et menace de porter l’affaire devant le Parlement. Afin d’éviter tout procès, les deux sœurs reconnaissent, à contre-cœur et malgré la quittance jadis signée par leur frère, que la somme n’a pas été payée à Jean, qui pourra la retirer sur l’héritage laissé par leur père. Il pourra aussi récupérer les frais qu’il a engagés pour l’enterrement de leur mère, les frais de justice entrainés par leur différend ainsi que ceux occasionnés par les réparations qu’il a faites à la maison familiale. Elles reconnaissent, en plus, avoir été bien dotées par leur père Guillaume. Jeanne avait épousé Anthoine Aymes, cordier originaire de Béziers. Elles abandonnent à leur frère la maison et tous les biens laissés par leur père.

La réputation du sculpteur dépasse largement les limites des diocèses de Montpellier et de Béziers. En 1662-1663, le Chapitre de Saint Paul de Fenouillet confie à Jean Sabatier la réalisation du décor de sa chapelle 19. La paroisse du village lui passe commande d’un grand retable et d’un décor pour les fonds baptismaux. En 1670, le sculpteur se trouve à Uzès, où il réalise trois cheminées pour l’évêque, Monseigneur de Grignan.

Le 26 juin 1671, Jean Sabatier achète, à Dame Marie de Lespignan une maison proche du couvent des Augustins, pour la somme de 2 400 livres. Située prés de la porte de Montpellieret, la demeure est dotée à l’arrière d’un jardin s’ouvrant sur l’esplanade 20.

En 1673, il est en procès avec Françoise Bertrand, veuve et héritière de Nicolas Charpentier, « vivant hoste » de Montpellier 21. La raison de ce différend n’est pas connue. Afin de faire respecter l’ordonnance du sénéchal, Françoise Bertrand fait saisir les meubles du sculpteur, qui s’empresse de lui rendre l’argent qu’il lui devait afin de récupérer ses biens.

Jean Sabatier est aussi présent à Narbonne. En 1677, il y loue à Marie de Grasset, veuve d’Henry Delors, seigneur de Sérignan, une boutique lui servant probablement d’atelier pour une durée de 4 ans 22. Le texte précise que le bien loué est composé d’une « cave et le dessus de la cave ou est une petite boutique joignant, l’escurie et le pailler qui est dans l’enclos dud bien non compris dans lad afferme ». L’ensemble, loué pour une durée de 4 ans, est situé dans « l’isle St Michel » et présente un caractère agricole avec son tinel et son pressoir. La location d’un atelier à Narbonne correspond probablement à l’obtention de commandes par le sculpteur qui continue à habiter à Montpellier. L’installation provisoire de Jean Sabatier à Narbonne a peut-être été motivée par une commande de l’archevêque Pierre Bonzi. Le sculpteur travaille au palais de l’archevêque. Un dessus de porte de la salle des gardes de l’appartement du prélat peut lui être attribué. Il est probablement l’auteur des dessus de portes de l’une des salles de la maison dite « de l’archidiacre ». Il pourrait avoir travaillé à l’hôtel de Saint Félix, qui conserve un dessus de porte représentant une Annonciation et des consoles destinées à recevoir des bustes, proches des œuvres de Sabatier 23. L’atelier loué à Madame de Sérignan se trouve à côté de l’hôtel de Saint-Félix 24.

La même année 1677, les Pères Minimes de Notre-Dame de Consolation, près de Béziers, lui commandent un retable pour une chapelle secondaire 25. Le 9 octobre, le « Révérand Père Raphaèl religieux Minimes du couvent de Perpignan, en suivant l’ordre du Père Boussac présentemant exprovincial et du provincial présant » désirant faire « orner une chapelle dans l’esglise de Notre Dame de Consolation au terroir de Béziers vis à vis celle de feu Monsieur Espanhac » fait appel à Jean Sabatier. Le décor doit-être conforme à celui de la chapelle d’Espanhac « à la réserve des collomnes qui seront torses et ouvrées conformement à celles du grand hautel ». Les matériaux « comme plastre blanc et gris, pierre blanche et autres » sont achetés par le sculpteur. Les 80 quintaux de plâtre nécessaires sont conditionnés pour le transport dans des sacs. Le frère Raphaèl prend en charge « le charroy de la pierre et plastre blanc quy viendra de Marseilhe despuis les escluses de Villeneuve jusque à Nostre Dame de Consolation tant seullemant ensemble fera faire le charroy de l’eau ». Le montant des travaux est évalué à 500 livres, achat des matériaux compris. Jean Sabatier reçoit 100 livres à la commande ; le reste lui sera payé au fur et à mesure de l’avancement du chantier.

Un heureux évènement survient dans la famille Sabatier en 1683. Cette année-là, la fille unique de Jean et de son épouse Marie Ollier se marie avec Jean Farret « citoyen de Thézan fils légitime et naturel de Thomas Farret et Anne Vergnes aussy citoyens dud lieu ». La promesse de mariage est signée à Caux, le 1er septembre 26. Thomas Farret, « ayant led mariage pour agréable a donné et donne à son fils en faveur d’icelluy la moitié de tout et chacun ses biens présants et advenir quitte de toute charge se réservant la jouissance pendant toute sa vie en tant moinq de lad moitié led Farret père promet et s’oblige payer à son fils la somme de quatre mile livres dans quatre ans à compter de ce jourd’hui quest mile livres chaque année et pour le dernier payemant lui cède une debte de mile livres de capital qui luy sont deubt ». Jean Sabatier promet de donner à sa fille la moitié de ses biens, « une maison sise dans la ville Béziers et dans la rue allant de la citadelle aux récollets » et de payer la somme de 4 000 livres en argent. Les fiancés reçoivent la jouissance de terres situées à Béziers, Caux et Florensac.

Le mariage est de courte durée. Marie, malade, se réfugie chez son père. Le jeune ménage se sépare en 1688 27. Par acte du 7 décembre, les jeunes époux déclarent « quils demeureront et vivront dés à présant et pour toujours séparés de corps et de biens et qua cest effet la demoiselle de Sabatier jouira des fruits de ses droits dotaux dés aujourd’hui ainsi et comme bon luy sembler ». Un arrangement est trouvé entre les parties. Marie s’installe à Montpellier, dans la maison de ses parents.

Entre les années 1670 et 1690, Jean Sabatier travaille souvent pour les Augustins de Montpellier (cf. infra). Il réalise en 1673 le décor de la chapelle dédiée à saint Jean l’évangéliste et à saint Luc. Suivront, en 1686, le retable du maître autel, puis le décor du presbytère (chœur) en 1690. Tout en travaillant pour le couvent, le sculpteur accepte d’autres missions. Parmi ces dernières, figure notamment la décoration du collège des Jésuites, dont la pose de la première pierre du corps de logis principal a eu lieu en 1682 28. La partie du musée Fabre correspondant à l’ancien collège conserve un décor de porte également attribuable au sculpteur, qui réalise par ailleurs, en 1687, le retable de la chapelle des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes 29.

A la mort de Marie Ollier, son épouse, survenue après 1688, le sculpteur se retire au couvent des Augustins de Montpellier, où les religieux mettent une chambre à sa disposition. Il y décède dans le courant du mois mars 1702 30.

Les liens de la famille Sabatier avec l’ordre des Augustins

La famille Sabatier entretient des liens importants avec les Augustins. Elle possède une maison près de leur couvent de Béziers. Le père de Jean Sabatier, Guillaume, a probablement rendu, en tant que voisin, de menus service aux religieux. Il possède un caveau familial dans leur chapelle, dans lequel il souhaite être enterré 31. Son fils Jean conservera des rapports étroits avec les Augustins durant toute sa vie.

En 1641, le sculpteur fait don au couvent des Augustins de Montagnac de la somme de cent livres à prendre sur l’hérédité d’Antoinette Pascale, veuve de Jean Séverac, cordonnier de Pézenas, et sur Guilhaume, son fils et caution 32. Les Augustins pourront retirer cette somme quand bon leur semble. Huit ans après la donation, l’argent n’a toujours pas été retiré. Par un nouveau contrat, passé le 26 novembre 1649, Sabatier demande aux religieux de retirer cette somme pour l’employer « aux réparations et couvertures de lad esglise ». La rédaction de cet acte correspond à la période de reconstruction de l’église par François Forestier 33. En 1652, Jean Laffon réalise le lambris de la chapelle 34. Le sculpteur a pu intervenir à cette époque dans la décoration de l’édifice et pourrait être l’auteur des retables de plâtre toujours conservés dans la chapelle.

Le 30 octobre 1653, les Augustins de Béziers achètent une maison située dans la ville appartenant aux Augustins de Montpellier 35. Les religieux du Clapas l’avaient échangée avec Jean Bonnier, en 1643, contre une vigne situé à Montpellier. Les 300 livres provenant de la vente serviront aux Pères montpelliérains à acheter une maison appartenant à Madame de Rochegude, afin d’agrandir leur couvent de leur ville, dont la construction a commencé en 1643 36. Jean Sabatier bénéficie de la totale confiance des religieux qui le chargent de transporter à Montpellier l’argent provenant de la vente. Toutefois, comme les Augustins de Montpellier n’ont pas acquitté la taille sur la maison depuis deux ans, le sculpteur est autorisé à prélever la somme nécessaire sur le montant de la vente pour régler l’impôt aux consuls de Béziers 37.

A partir de 1671, le sculpteur réside à proximité du couvent des Augustins de Montpellier (voir supra).

En 1669, les Augustins de Montpellier reconnaissent devoir au sculpteur la somme de 643 livres 12 sols. Cette somme a été prêtée par le sculpteur, en 1647, pour la réalisation de travaux dans le couvent 38.

En 1670, il prête 300 livres au prieur du couvent de Montagnac 39. Cette somme doit servir à payer Delsol, vicaire de Montagnac « des condamnations qu’il a obtenu contre eux, pour servir aux frais de poursuite contre luy et autres nécessité dud couvent ».

Jean Sabatier est présent dans le monastère montpelliérain en 1673. Il est témoin, lors de la rédaction, d’un contrat passé entre les religieux et Thomas et Anthoine Chassefière, maçons de Montpellier, pour la construction d’un arc dans l’église du couvent 40.

Le sculpteur travaille à plusieurs reprises pour les religieux de Montpellier. Le 9 mai 1674, il reçoit la somme de 100 livres 10 sols 41. Au mois d’octobre, les religieux lui règlent la même somme « en déduction et à bon compte de ce que les révérends Pères (lui) doivent » pour un travail qui n’est pas mentionné 42. Il pourrait s’agir du paiement du décor de la chapelle placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste et de saint Luc 43. Le 25 janvier 1675, il reçoit 100 livres en déduction d’une somme de 500 livres. La même année, le sculpteur fournit du plâtre « pour la balustrade du chœur quil fera monté ayant donné la façon » 44. Les religieux lui paient 18 livres. Il a été aidé, pour la réalisation des diverses pièces du garde-corps, par un jeune garçon qui reçoit des religieux 6 sols 3 deniers 45. La balustrade est posée par Anthoine Boissac, maître gipier de Montpellier, qui réalise en même temps d’autres travaux dans le couvent 46. La même année, le sculpteur vend un muid de vins aux Augustins de Montpellier.

En 1686, Jean Sabatier réalise le retable du maître-autel de leur église. Il commande pour la réalisation du décor 106 « cestiers de plastre de Peyriac » et a fourni 13 setiers qu’il avait d’avance 47. L’œuvre, réalisée en collaboration avec son neveu, le sculpteur biterrois Guillaume Aymes, est achevée en 1687 48. Pendant la durée du chantier, Jean Sabatier et le jeune Guillaume sont nourris par les religieux 49. A la fin du travail, le jeune homme, ayant du rentrer à Béziers précipitamment pour affaire, n’a pas pu donner quittance pour les 200 livres qui lui ont été payées « pour deux cent journées de travail quil avait fait avec led Sabatier au retable de l’église dud couvant ». Jean Sabatier, jouissant de la totale confiance des religieux, s’engage à obtenir de son neveu le reçu attestant de son paiement. La même année, les religieux commandent à Antoine Ranc une grande toile « de doutze pans d’hauteur et neuf pans de large représentant Notre Dame de grâce » destinée au retable 50. Le décor du retable est complété en 1697 par la commande de 4 autres tableaux à Antoine Ranc 51.

Jean Sabatier intervient à nouveau dans le chœur de l’église en 1691. Dans une quittance datée du 21 juin, le sculpteur écrit : « je soubsigne et confesse d’avoir receue dud père Augustin Martin religieux du couvant des Augustins de la familhe de Montpellier, président dud chapitre, la somme de deux cent livres quil m’a donné pour perfectionner le travail du prebytère que j’ay déjà commencé, et de le conduire jusqu’au deux piliers quy sont auprés du balustre du grand autel ». Le travail doit être terminé au début du mois de septembre 52.

La même année, par contrat rédigé le 20 septembre, les religieux font don de la chapelle Saint-Jean-Baptiste et Saint-Luc à Jean Sabatier 53. Elle est située « du costé de main gauche en entrant confrontant d’un costé la muraille de la fassade de lad eglise et dautre la chapelle de la confrérie des maitre apothicaires laquelle chapelle led Sabatier a deja orné du retable garny de tableaux et enrichy des figures et ornements de rellief ». Ce décor correspond probablement aux payements reçus par Jean Sabatier en 1674. Les religieux cèdent la chapelle au sculpteur « tant en reconnaissance des services quil a rendu aud couvant quen considération de ce que led Sieur Sabtier quitte et donne aud couvant tout le travail et ouvrages quil a fait au retable du grand autel de lad église ». Le même jour, sachant « que les peintres sculpteur, doreurs et graveurs de cette ville sont dans le dessain de demander à Monseigneur l’évêque de Montpellier des statuts et réglements pour l’establissement d’une confrérie entre eux, et désirant favoriser leur dessain et contribuer autant quil est possible à l’establissement de lad confrérie pour la plus grande gloire de dieu et pour attirer les grâce de sa sainte miséricorde sur leur travail et sur leur familhes », Jean Sabatier fait don de la chapelle et de son mobilier à la confrérie naissante. Les syndics de cette dernière, le peintre Simon Raoux et le sculpteur François Bertrand, acceptent le don. Ils s’engagent à faire célébrer à perpétuité dans la chapelle, le lendemain de la fête de saint Luc leur patron, une messe pour le repos de l’âme des parents du sculpteur et, après la mort de Sabatier, une messe en son honneur. Les membres de la confrérie qui le voudront, pourront se faire enterrer dans le caveau situé sous la chapelle. Un document indique que le sculpteur a été syndic de la confrérie.

Probablement suite au décès de son épouse, qui a lieu après 1688, le peintre fait de sa fille son héritière universelle. Il quitte alors sa maison pour s’installer dans une chambre du couvent, que les religieux ont mis à sa disposition. Jean Sabatier tombe malade. C’est de son lit, où il « gist malade », que Jean Sabatier fait enregistrer un codicille à son testament le 19 janvier 1702 54. Sa santé se dégrade, il ne se souvient plus du notaire chez lequel il a fait rédiger ses dernières volontés à Béziers. On sait par ailleurs qu’un premier testament a été rédigé à Montpellier en 1672 du vivant de son épouse 55. Par cette dernière disposition, en 1702, il lègue aux Augustins la somme de 1 171 livres 10 sols qui lui sont dues : 50 livres par « Jacques Nougaret du lieu de Caux par son billet du seizième novembre mil six cent quatre vingt dix huit, sicx cent vingt une livre dix sols dud lieu par ses deux billets du neuvième décembre mil six cent quatre vingt dix neuf et sixième mars mils sept cens et cinq cent livres par le Sr andré Nougaret marchand dud Montpellier par son billet princé du troisième août mil six cents quatre vingt seize lequel avec autre billet de pareille somme de cinq cent livres que led Nougaret luy avait fait avant le susd et que led sabatier a esgaré ». L’argent doit être récupéré par André Belpel, provincial de l’ordre. Mille livres de cette somme seront placées pour assurer une rente qui servira à payer les études à Paris de son neveu, le frère Aymes, novice du couvent de Montpellier et pour la célébration, à perpétuité, d’un service annuel pour le défunt le jour anniversaire de son décès, dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste où il veut être enseveli, ainsi que 20 messes de Requiem dans le courant de l’année.

Décédé en mars 1702, le sculpteur est enterré dans la chapelle de la confrérie des peintres, sculpteurs, doreurs et graveurs de Montpellier. L’enterrement est organisé par les religieux 56. Les Augustins conservent le mobilier et les effets que le sculpteur avait apportés dans leur couvent. Malgré les demandes de Marie Sabatier, ils ne veulent rien lui rendre. Elle a besoin des papiers de son père pour plaider plusieurs affaires. Le 10 janvier 1703, un huissier est envoyé chez les Augustins pour leur intimer l’ordre, au nom du Présidial, de rendre les archives de Jean Sabatier à sa fille.

Il faudra un an pour que Marie puisse retirer du couvent les affaires de son père. Son cousin, Frère Jean-Baptiste Aymes, lui remet, le 4 janvier 1704 tous les papiers de son père : un manteau, une médaille en argent et la somme de 34 livres 11 sols 57. Quelques mois après, le 7 juillet, elle reçoit quelques effets supplémentaires, parmi lesquels on trouve « une statue du Roy avec deux autres, un a Me Sabatier et l’autre a N[otre] Dame, une cane avec une pomme d’yvoire, des livres contenent les figures de Rome avec d’autres paisages et, tous ses outils deux barquetz, deux cabas, une vierge58 ».

Jean Sabatiers et les gipiers languedociens

Un personnage à part…

On retrouve dans les minutes notariales la trace de nombreux gipiers à Béziers, Montpellier et Pézenas, dés le début du XVIIe siècle. Comme nous l’avons vu pour Guillaume Sabatier, leur travail se résume à des travaux de second œuvre de maçonnerie.

Toutefois, certains documents, rares il est vrai, attestent de la réalisation d’ouvrages décoratifs dans la première moitié du XVIIe siècle. Les comptes de la Fabrique de l’église de la Madeleine de Béziers indiquent que le retable, dont la polychromie a été réalisée par le peintre Pierre Barral en 1625, était en plâtre 59. Il sera remplacé, en 1677, par un retable de bois réalisé par Jean Calvet, maître sculpteur habitant Pézenas. En 1637, Pierre Becachel, peintre de Pézenas, reçoit la commande d’un retable « avec gip orné de feuillages et de fruits suivant l’ordre d’architecture selon l’hauteur quest pour la présant au grand autel de l’esglise paroissiale saincte Anathalie dud lieu de Fos, avec un ange sur chacun piedestal des deux pilastre quy sont aud autel quy seront de gip en relief ou boys à platte peinture, et led retable susd sera peinct à l’huille60 ». En association avec le peintre vitrier biterrois et Jean Cannabassier, il réalise le vitrage des croisées de la maison de Fulcrand de Boudoul en 1635.

En Bas-Languedoc, les décors de plâtre de la 1ère moitié du XVIIe siècle sont assez rares, contrairement à la région d’Aix-en-Provence, où ils s’avèrent très nombreux 61. Quelques ouvrages pouvant, par leur style, être rattachés à cette période sont conservés. On peut citer par exemple la cheminée du château de Puisserguier ou celle, en plâtre et incrustations de marbre, de l’étage noble du château de Cambous. Ces ouvrages ont été réalisés par des artisans qui ne sont pas connus.

Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, le travail du maître-gipier se diversifie en Bas-Languedoc. Il continue toujours à « perboquer » (combler les vides entre les moellons) les murs, « mahonner » les sols, enduire et blanchir les parois, mais réalise aussi des éléments décoratifs. Le développement des décors de gypserie à cette époque est certainement lié au prix peu élevé de la matière première et à la recherche de lumière. « Le plâtre laissé dans sa blancheur originelle et simplement rehaussé d’or couvre non seulement les murs mais encore les plafonds se substituant aux vieux planchers de charpente lourdement peints et d’effets obscurs avec leurs recoins d’ombre entre les solives : la pièce entière devient donc une sorte de déflecteur » 62. En plus de leur travail traditionnel, les gipiers se mettent à réaliser des dessus de porte, des cheminées, des décors muraux servant d’écrin à des plafonds de plâtre.

On peut citer pour exemple le prix-fait passé 25 août 1684 par Pierre Verdier à Jean Destan, maître plâtrier, qui se targue du titre d’architecte 63. Le contrat prévoit la réalisation d’un « un degré de plastre à deux noyaux pour monter au plus haut de la maison où y aura vingt deux marches ou environ marche rase, le bouget jusqu’au couvert, lesd marches panvées de briques ou mahons ». Jean Destan s’engage à « enduire toutes les murailles de lad maison en dedans dhaut en bas sans rien excepter fort proprement et blanchir tant les membres que les degrés et dessous d’iceux, plus fera le pavé du galletas de bonne briques bien jointes ensemble le pavé des autres trois membres de lad maison avec grands bars de pierre retaillés et bien joints et posés proprement sur bon mortier. » Il « briquera le couvert et mettra les tuilles pardessus et se servira des tuilles qui y sont… plus sera tenu de faire un degré plastre et bois pour monter au lieu commun qui doit estre fait sur le toit, ensemble quelques placards et autres choses de giperie qui pourront être nécessaire à lad maison ». A côté de ce travail relevant de la maçonnerie, Destan promet de réaliser trois cheminées. La première « au bas de lad maison… sera faite suivant le lieu d’une grandeur raisonnable… laquelle cheminée sera faite avec plastre gris et architecture d’une honnête fasson et blanchira avec plastre blanc » ; La seconde, située au premier étage est la plus richement décorée. Elle sera faite « avec ses ornements plastre blanc et son cordon percé à jour feulhes de vigne et sa frize au dessoubs avec un enbrassament denfants qui fera la naissance de la frize, et au dessoubs sera fait un bas-relief avec un cadre d’ornement d’une honnête fasson et le plus à la mode, et comme la place pourra le permettre avec ses arrière corps où sera fait de festons de fleurs ou de fruits avec son porte chandelier, à la gorge de lad cheminée sera fait des ornement où il y aura une teste dans le millieu jusqu’aux coings et son chambranle d’une honneste fasson, au dessus duquel il sera fait quelques ornements qui seront trouvés à propos ». La troisième cheminée destinée au second étage sera « fassonée avec architecture aussy plastre gris aves ses corniches, cadres, porte chandeliers, chambranle et arrière corps ». Destan se charge de la réalisation et de la décoration d’une alcôve. Il « formera lance de pagnier » afin de constituer la gorge du plafond « et faira les architectures et les ornemants nécessairesé » avec « une frise au devant de lad alcove avec deux consolles comme il se pratique présentemant ». Le décor de la pièce à alcôve est complété par la réalisation d’un dessus de porte décoré d’une « corbeille de fleurs ou fruits avec son pied destail d’une honneste fasson et son architecture comme la place et l’espasse quy sy trouvera le pourra permettre le tout plastre blanc ».

Jean Sabatier se distingue de l’ensemble des artisans travaillant le plâtre. Il s’est consacré, toute sa vie, exclusivement à la réalisation d’ouvrages décoratifs de plâtre. Il n’est jamais mentionné en tant que maître-gipier, mais toujours comme sculpteur dans les divers documents le concernant ; un document le mentionne même comme « sculpteur en plâtre ». Comme nous l’avons vu plus haut, Jean Sabatier, après s’être formé à Béziers auprès de son père Guillaume, est probablement parti pour Toulouse compléter sa formation dans un atelier de sculpture. Il a pu aussi collaborer avec l’un des maîtres-gipiers actifs dans le Haut-Languedoc à cette époque. Parmi ces derniers, Nicolas Bor, originaire du Cousserans, anime un important atelier itinérant qu’a pu fréquenter le jeune sculpteur. A Toulouse, le maître gipier Jacques Mouret réalise la structure du retable commandé par la confrérie des chirurgiens de Toulouse à Pierre Affre 64. Originaire de Béziers, Mouret a pu prendre sous sa coupe son jeune compatriote et lui faire découvrir le milieu des sculpteurs et plâtriers toulousains.

Après son apprentissage, Jean Sabatier retourne à Béziers. Il y reçoit sa première commande documentée en 1640. Les consuls de la ville lui confient la réalisation d’un groupe statuaire de pierre et de sa niche d’architecture, suite au vœu fait par la ville à Saint-Joseph. Il s’agit de la seule œuvre de pierre connue par les sources, réalisé par le jeune Sabatier. Il est probable que pendant sa longue carrière le sculpteur ait réalisé d’autres ouvrages de pierre. L’hôtel de Manse à Montpellier a été construit entre 1667 et 1669 par Antoine Arman. La conception de la loge de l’escalier ne peut revenir, selon Bernard Sournia et Jean Louis Vayssettes, à cet architecte. Ils soulignent, dans la création de cette façade novatrice, le rôle important du sculpteur, qui en a réalisé le décor et mettent en avant sa grande connaissance des règles de l’architecture.

La cage est ornée de deux pots à feu et de bas-reliefs décorés de scènes bibliques et mythologiques. On peut rapprocher leur décor de celui du vase placé sur la cheminée de la grande salle de l’évêché. On y retrouve le même style menu et fouillée et pourraient être l’œuvre du même artiste (Fig. 2 et 3). Sabatier, qui réalise à la même époque le plafond d’une chambre à alcôve de la demeure, a très bien pu réaliser les sculptures de la façade et pourrait être l’initiateur de cette création pionnière. On peut aussi rapprocher des vases de l’hôtel de Manse, les pots à feu ornant la salle capitulaire de l’abbaye de Valmagne. En 1687, Sabatier reçoit la commande du retable des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes. La façade de l’édifice modifiée à la même époque présente un fronton orné de motifs végétaux, proches de ceux utilisés par le sculpteur.

Hôtel de Manse, détail d’un des vases ornant la galerie de l’escalier
Fig. 2 - Hôtel de Manse, détail d’un des vases ornant la galerie de l’escalier. Cl. D. Nepipvoda
Evêché d’Uzès, détail du vase ornant la hotte de la cheminée de la grande salle
Fig. 3 - Evêché d’Uzès, détail du vase ornant la hotte de la cheminée de la grande salle. Cl. D. Nepipvoda

L’atelier de Jean Sabatier

Jean Sabatier semble bien intégré dans la vie montpelliéraine. Ses deux mariages lui apportent une certaine aisance financière. La possession de terres cultivables à Béziers, Caux et Florensac est une source de revenus complémentaire. Le sculpteur possède, en plus de la maison de Montpellier, celle de son père à Béziers, qui peut lui servir ponctuellement d’atelier ainsi qu’une maison à Caux. Cette aisance financière, conjuguée à son talent, lui apporte du crédit auprès des ses commanditaires ainsi que de nombreuses commandes. Le sculpteur réalise d’imposants retables, des décors intérieurs d’un grand raffinement, témoins de sa grande culture artistique et de sa connaissance des modes et courants de sont époque. Le rayonnement de l’atelier est important. Jean Sabatier obtient des commandes qui l’amènent à s’éloigner de Montpellier. Il travaille à Uzès, Millau, Limoux, Saint-Paul de Fenouillet, Béziers, Narbonne et Pézenas entre autres. Il n’hésite pas à louer une maison à Narbonne pour y installer ponctuellement son atelier.

On ne connait presque rien de l’atelier animé par le sculpteur. On sait tout au plus qu’il engage en 1675 un jeune garçon pour l’aider à réaliser la clôture du chœur de l’église des Augustins de Montpellier. Le salaire de l’aide est payé par les religieux. En 1686, il s’associe avec Guillaume Aymes, fils de sa sœur et d’Anthoine Aymes, lui aussi sculpteur, pour la réalisation du retable principal de l’église des Augustins de Montpellier.

Jean Sabatier a certainement admis dans son atelier de jeunes apprentis, comme le veut le système de formation de l’époque. Il a aussi engagé de nombreux compagnons pour travailler sur ses chantiers, la réalisation d’un retable ou d’un plafond de plâtre nécessitant l’intervention de divers corps de métiers.

Tout d’abord, des maçons installent le soubassement de pierre du retable ou la structure maçonnée destinée à recevoir le décor de plâtre. Des menuisiers et charpentiers interviennent aussi à ce stade de la réalisation de l’œuvre. On peut citer le cas de la voûte de la « grand salle de l’audience du palais neuf » de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier. Le président de la cour fait réaliser la structure en bois du plafond indépendamment du travail de Jean Sabatier. Le contrat passé avec le charpentier prévoit que l’échafaudage construit pour la réalisation de la structure de bois soit laissé en place durant l’intervention du sculpteur.

Il est probable que pour d’autres chantiers, le sculpteur, comme d’autres gipiers travaillant à Montpellier à la même époque, ait directement sous-traité le travail de charpente. La mise en place de telles structures demande un savoir faire que seuls les menuisiers possèdent. On peut citer à titre d’exemple celle, complexe, que Jean Desfour, maître-gipier, doit réaliser pour le plafond de la chambre du premier étage de l’hôtel de Joseph Deydé 65. Le plafond doit mesurer quatre toises de longueur sur environ trois toises trois pieds de largeur (environ 7,20 mètres sur 5,70 mètres). Il sera « charpenté en la manière suivant : il y sera fait dans le plan un renfoncement d’environ deux toises et demy longueur sur environ deux toises largeur avec deux bon et gros poutres bois de Quillan par le long et deux demy poutres par le bout qui porteront sur toute l’espaisseur des murailles ». Sous le caisson central, des pièces de bois courbes doivent être posées. Elles seront fixées sous les poutres et dans les murs de la pièce, de manière à former tout autour la voussure du plafond. L’ensemble de la charpente sera « latté avec litteaux bois sapin d’un pouce ou environ largeur cloués avec cloux de grosseur ordinaires ».

Une fois les structures de pierre, briques ou bois mises en place, l’apprenti peut recouvrir l’ensemble d’une première couche de plâtre. Elle est recouverte d’une deuxième couche en plâtre blanc. Puis, le compagnon réalise les motifs répétitifs, alors que Jean Sabatier intervient sur les parties les plus délicates.

Le matériau

Dans le cadre de la réalisation de ses divers ouvrages, Jean Sabatier se charge de l’achat de matériaux. Pour le retable qu’il réalise en 1647 pour Antoine de Landes dans la chapelle des Carmes de Béziers, il se procure de la pierre de Lespignan, du sable et de la chaux servant à réaliser la structure du décor et certains éléments sculptés, ainsi que du plâtre. Le transport de ce dernier est pris en charge par le commanditaire. Il provient de la région de Narbonne et doit être acheminé jusqu’à Vendres et de là à l’église des Carmes. Il s’agit probablement de plâtre de Peyriac dans les Corbières. Jean Sabatier l’utilisera à plusieurs reprises dans sa carrière. Il l’emploie, en 1653, pour la voûte de la salle d’audience de la Cour des Aides de Montpellier avec du plâtre de Marseille. Le plâtre de Peyriac, de moins bonne qualité que celui de Marseille, est mis en œuvre mélangé à du mortier « en glacis pour desfandre la voûte de l’eau des goutières, en sorte que quand ils auront quelques goutières l’eau puisse couler dehors sans porter domage à lad voûte ». Il sert aussi à réaliser la première couche de plâtre directement passée sur la structure de bois du plafond. Cette première couche sera recouverte de plâtre de Marseille et l’ensemble aura au moins 3 pouces d’épaisseur. Le plâtre de Marseille doit servir à la réalisation des parties sculptées comme les cordons ornés de feuilles de chênes, qui soulignent la structure du plafond ainsi que les fleurs de lys disposées « tant plain que vide ». La fourniture de plâtre s’accompagne d’achat de « chaux, sable, bois et fer nécessaire pour faire tenir led plastre et rendre l’ouvrage parfait ». Le plâtre utilisé pour la réalisation du retable des augustins de Montpellier en 1686 provient aussi de la petite bourgade de l’Aude.

Jean Sabatier achète parfois du plâtre de provenance différente. Il commande à Jean Cabanes, maître gipier de Cazouls-lès-Béziers 300 sétiers de plâtre 66. Il provient de la terre de l’Abbé de Fontcaude, « proche Garigoule », et sera payé 8 sols par sétier. En 1670, pour les décors de l’évêché, le sculpteur se procure du plâtre auprès d’un maçon local, Jean Claude Baren. L’origine du matériau n’est pas précisée dans la quittance. Il est probable que pour l’hôtel de Sambucy, à Millau, Jean Sabatier a utilisé le plâtre de la Loubière, carrière de gypse située prés de Saint-Afrique67.

Les modèles

Le sculpteur peut aussi travailler en collaboration avec des peintres. Les décors de l’hôtel de Sambucy sont un bon exemple de ce type de collaboration où Sabatier a pu agir en véritable entrepreneur. Les fonds sur lesquels se détachent les décors de plâtre de la maison, sont entièrement décorés de peinture mettant en valeur la blancheur du matériau et le modelé vigoureux des sculptures. Il est probable que Jean Sabatier possédait de nombreuses estampes ainsi que des recueils d’ornements lui permettant d’élaborer ses décors. C’est probablement l’un des premiers à réaliser dans la région de Montpellier le plafond à voussure. En vogue à Paris dans les années 1650 67, ce dernier connaitra, grâce à l’estampe, un important succès dans le reste du royaume au cours des années 1670-1680. Le plafond de l’hôtel de Castries, à Montpellier, probablement réalisé par Jean Sabatier, reproduit de manière fidèle la gravure d’un plafond à voussure publié par Jean Cotelle en 1647 (Fig. 4 et 5). D’autres œuvres sont réalisées par le sculpteur à partir d’emprunts à diverses estampes que l’artiste juxtapose pour créer des œuvres personnelles. On peut citer pour exemple la cheminée de la salle de l’évêché d’Uzès, qui associe une niche et une urne empruntées à deux estampes de Lepautre, auxquelles il rajoute deux putti. Il serait intéressant de savoir comment un artiste Languedocien du XVIIe siècle pouvait se tenir au courant des dernières nouveautés parisiennes et se procurer les recueils d’ornements en vogue dans la capitale.

Plafond, gravure extraite du recueil
Fig. 4 - Plafond, gravure extraite du recueil « Livres de divers ornements pour plafond, cintres surbaissés, galleries et autre de l’invention de Jean Cotelle, peintre du roy, gravé par F Pouilly, Mariette, 1647 » © Ecole nationale supérieure des beaux-arts, Paris. Photo : Jean-Michel Lapelerie
Hôtel de Castries, détail du plafond
Fig. 5 - Hôtel de Castries, détail du plafond où on retrouve les dispositions de la gravure de Cotelle. Cl. D. Nepipvoda

Pour terminer cette évocation des modèles gravés, il convient de citer le plafond de la chambre de Mademoiselle de Fontange à l’hôtel de Sambucy L’une des scènes y figurant s’inspire du tableau de Titien représentant Vénus et Adonis, que Sabatier ne peut connaître que par l’estampe (Fig. 6 et 7). Après son décès, sa fille unique récupère chez les Augustins quelques livres « contenent les figures de Rome avec d’autres paisages ».

Vénus et Adonis, gravure d’après le tableau peint par Titien
Fig. 6 - Vénus et Adonis, gravure d’après le tableau peint par Titien, gravée par John Smith publié par Alexender Browne en 1684. Collection privée
Hôtel de Sambucy, détail du plafond de la chambre dite de Mademoiselle de Fontage
Fig. 7 - Hôtel de Sambucy, détail du plafond de la chambre dite de Mademoiselle de Fontage. Détail représentant Vénus et Adonis reprenant les dispositions de la gravure de Smith. Cl. D. Nepipvoda

Jean Sabatier a probablement fait des émules. On conserve plusieurs retables fortement marqués par les œuvres de Sabatier, réalisés par des artisans moins talentueux. Peut-être s’agit-il d’artisans passés dans l’atelier du sculpteur ou bien de gipiers qui ont pu observer les œuvres du maître. On peut aussi imaginer que ces retables sont l’œuvre du neveu de l’artiste, Guillaume Aymes.

On peut citer à titre d’exemple les deux petits retables de plâtre, et la chaire conservée dans l’église Notre-Dame-des-Grâce de Gignac (Fig. 8).

L’atelier de Jean Sabatier a fonctionné pendant plus de cinquante ans. On ne conserve que très peu d’œuvres réalisées ou attribuées au grand sculpteur. La plupart, passées de mode, ont disparu au XVIIIe siècle. A cette époque, les vastes salles sont fractionnées en pièces plus petites. Les imposants décors en haut relief prisés à la fin du XVIIe siècle font place à un décor en plus faible relief. Le répertoire décoratif inspiré des gravures de Lepautre et de ses contemporains disparait au profit d’un répertoire plus léger ayant pour thème les Saisons, les Éléments ou bien les allégories des Arts. La cheminée devient plus petite et perd son lourd décor de gypseries. Avec Jean Sabatier le travail de gipier avait atteint un niveau artistique jamais égalé ; avec le XVIIIe siècle il redevient un travail plus mécanique.

Eglise Notre-Dame-des-Grâces de Gignac Chaire
Fig. 8 - Eglise Notre-Dame-des-Grâces de Gignac, détail du décor de la chaire. Cl. D. Nepipvoda

L'œuvre de Jean Sabatier

Autour du retable des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes,
des cheminées de l’évêché d’Uzès et du décor de Saint-Paul-de-Fenouillet

Le décor de l’église du chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet, réalisé en 1663, les cheminées de l’évêché d’Uzès, commandées vers 1670 69 et le retable de la chapelle des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes, datant de 1687 70 (Fig. 9) sont les seules œuvres de Jean Sabatier conservées et documentées. L’attribution au sculpteur du décor de Saint-Paul-de-Fenouillet repose sur trois quittances publiées par Carbonnel-Lamothe 71. Il présente, comme le retable d’Aigues-Mortes, une très grande qualité plastique. On conserve pour les cheminées d’Uzès une quittance, relative à la vente de plâtre, signée par un maçon local, Jean Claude Baren, qui précise avoir reçu « trente livre pour la vente de plastre ou manons employés par le Sr Sabatier aux cheminée de la salle, chambre et arrière salle » 72 du palais épiscopal (Fig. 10).

Retable de la chapelle des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes
Fig. 9 - Retable de la chapelle des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes. Cl. D. Nepipvoda
Cheminée de la chambre de l’évêque, palais Episcopal d’Uzès
Fig. 10 - Cheminée de la chambre de l’évêque, palais Episcopal d’Uzès. Cl. D. Nepipvoda

Ces trois ensembles sont le reflet d’une maîtrise technique étonnante du travail du plâtre ainsi que d’une très grande virtuosité. On y retrouve des fruits charnus et des fleurs au modelé vigoureux disposés en imposantes guirlandes, d’élégantes figures d’angelots potelés, des allégories ou des scènes religieuses sculptées en bas-relief, qui sont de véritables signatures du sculpteur. Un certain nombre de gypseries du XVIIe siècle, rencontrées dans tout le Languedoc, présentent de nombreuses similitudes avec les œuvres de Sabatier et pourraient avoir été réalisées par le sculpteur. La liste en sera dressée. Elle n’est pas exhaustive. Il est à espérer que de nouvelles découvertes viendront enrichir le corpus des œuvres de Jean Sabatier. Toutefois, il semble difficile d’en établir la chronologie précise.

Le plafond du château de Savignac à Cazouls-lès-Béziers semble être l’œuvre la plus ancienne. Il pourrait être antérieur aux décors de Saint-Paul-de-Fenouillet. Dans cette œuvre, la maitrise technique est déjà acquise et le type de guirlande de fleurs et de fruits que l’on retrouvera tout le long de la carrière du sculpteur est déjà présent. Le plafond est décoré d’amours et d’aigles, deux motifs fréquemment utilisés par Sabatier. Toutefois, l’œuvre est empreinte d’une certaine lourdeur et on y trouve certains motifs d’inspiration maniériste, comme les masques feuillagés et les termes féminins qui décorent les imposants cartouches à enroulement du plafond. Ces motifs seront absents des œuvres postérieures de Sabatier. La Victoire du caisson central annonce les grands tableaux de plâtre que l’on trouvera tout au long de la carrière de l’artiste aussi bien dans ces œuvres religieuses que dans ses commandes privées.

Les décors de la chapelle des Augustins de Montagnac présentent de grandes analogies de style et de motifs avec le décor du chapitre et de l’église paroissiale de Saint-Paul-de Fenouillet. Ils pourraient avoir été réalisés à la même époque. Ces œuvres de jeunesse sont empreintes d’une certaine lourdeur qui disparaîtra dans les œuvres plus tardives. Il suffit de comparer les colonnes torses ornées de pampres plaqués sur le support du retable de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul avec celles du retable d’Aigues-Mortes, datant de la fin de la carrière de Sabatier, où les feuillages de vignes sont complètement détachés du support, pour percevoir l’évolution du style du sculpteur. On s’aperçoit que la très grande maitrise des procédés de la gypserie, acquise progressivement par Sabatier, lui a permis d’aller au-delà de ce que la technique autorisait de faire au gipier de cette époque.

Dans les décors montpelliérains des hôtels de Mirman, de Manse, de Bocaud, de Castries, de Boulhaco, la fraîcheur des premières œuvres fait place à un certain classicisme inspiré des compositions de Lepautre, qui se retrouve aussi dans les décors d’Uzès. Cet ensemble d’œuvres a pu être réalisé dans les années 1670-1690. Cette fourchette de datation est confirmée par les sources. L’hôtel de Manse est reconstruit entre 1667 et 1669 par Antoine Arman. Les décors de gypserie de la chambre à alcôve ont pu être réalisés à cette époque. L’hôtel de Boulhaco fait l’objet d’une importante campagne de travaux, menée par Antoine Arman et Jean Savy entre 1676 et 1678. La décoration de la cour et de la cage d’escalier pourrait avoir été mise en place à l’issue de cette campagne.

Le décor de la chapelle des Augustins de Limoux occupe une place à part dans cet ensemble. Bien que les grands ta-bleaux de plâtre soient proches des œuvres réalisées par Saba-tier, l’ordonnance du retable en est éloignée. Dans la plupart des retables réalisés par le sculpteur, le décor est soumis au cadre architectural qui structure l’ensemble. A Limoux, ce cadre disparaît presque au profit de l’ornementation. Cette composition unique, ainsi que le programme iconographique complexe du retable, sont peut-être le signe d’un travail réalisé sous la conduite des Augustins, qui ont pu fournir à Sabatier le programme iconographique et le modèle du retable. A moins qu’il ne s’agisse d’une œuvre réalisée en collaboration avec l’artiste.

Réalisé en 1687, le retable d’Aigues-Mortes 73 peut être considéré comme le chef d’œuvre de Sabatier. Il témoigne du talent exceptionnel et de la virtuosité acquis par un sculpteur qui n’a rien à envier aux grands artistes de son époque. Les anges porteurs des instruments de la Passion, assis sur les frontons, peuvent rivaliser avec les productions de Pierre Mercier, de Marc Arcis ou des Legoust. La tradition attribuait le tableau primitif du retable à Charles Lebrun et l’érudition pensait qu’il était antérieur au retable. Un document inédit, conservé dans les archives de la confrérie, permet d’affirmer que le tableau a été commandé en même temps que le retable et qu’il a été réalisé par Antoine Ranc. Le texte précise qu’en 1687 : « le 1er octobre le prix fait du retable fut donné par délibération au Sr Sabatier de Montpellier pour le prix de 575 livres pour la main seule, et que tous les matériaux seront fournis par lad compagnie ». L’année suivante, Jean Gilly écrit : « il est décidé d’emprunter une somme de 1 000 livres pour employer au payement du retable et du tableau qui doit estre mis dans led retable, et que l’emprunt sera fait par quatre confrères sy nommés auxquels la compagnie donne charge et pouvoir d’emprunter sous leur nom ». Il nous apprend que la même année, les confrères ont fait paver l’église et commencer la construction du lambris. Il termine l’évocation de la commande du retable en indiquant que « 28 mars 1689, il y a quittance de Mr Ranc peintre de Montpellier de la somme de 180 livres pour le grand tableau du retable qui représente une descente de croix ». Le tableau actuel, acheté en l’an VII de la République (1798), serait aussi une œuvre d’Antoine Ranc 74. La quittance finale de Jean Sabatier, datée du 17 juin 1688, nous apprend que le sculpteur a réalisé, en plus du retable, le décor des arcades de la nef 75. Au lieu des 575 livres prévues par le prix fait, Sabatier reçoit 740 livres. Cette somme comprend aussi « la somme de vingt livres que led Sieur Sabatier avait fourny et advancé pour drogues et paintures », probablement achetées à Montpellier.

Dans son article, Joël Puisais ayant étudié de manière approfondie les cheminées d’Uzès, les lecteurs peuvent se reporter à ce travail (cf. note 71).

L’église du chapitre de Saint-Paul de Fenouillet (Pyrénées-Orientales)

C’est probablement à l’initiative de Nicolas Pavillon, évêque d’Alet, que d’importants travaux de décoration sont réalisés au chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet dans les années 1660. Le décor de l’église capitulaire, réalisé en 1663, est probablement l’un des plus importants conçu par Jean Sabatier. Le sculpteur réalise la décoration complète de cette église. Il met en place le retable du maître-autel ainsi que les retables des six chapelles latérales. L’arc triomphal, la nef et la tribune de l’orgue, reçoivent aussi un décor de gypseries. A la Révolution, l’édifice est transformé en maison d’habitation par la mise en place de murs de refends et de planchers. Jusqu’à une époque récente, il abritait aussi un fenil et une écurie 77. La mise en place de ce cloisonnement a fait disparaître une grande partie du décor de plâtre.

Toutefois, l’importance des vestiges et leur grande qualité ont motivé le classement de l’ensemble au titre des M.H.

Du retable principal, il ne reste plus qu’une partie du soubassement et le deuxième corps, la partie centrale ayant été détruite au début du XIXe siècle. Les piédestaux du soubassement supportant colonnes torses et statues sont ornés de putti semblant tenir un cartouche à enroulement. L’ensemble se termine par une vigoureuse coquille. Les chutes de fleurs, d’un style que l’on retrouvera tout le long de la carrière de Sabatier, cantonnent la composition. Entre ces supports, venaient prendre place des panneaux sculptés, bordés d’un cadre octogonal, représentant les vertus théologales et cardinales. Le seul panneau conservé représente l’Espérance, reconnaissable à l’ancre quelle porte. Le panneau voisin, lacunaire, nous montre une femme tenant un calice représentant la Foi. Les autres panneaux ont disparu. Le décor du soubassement du retable n’est pas sans rappeler certaines gravures de Lepautre, où le sculpteur fait figurer des scènes diverses dans les mêmes cadres octogonaux. La travée centrale du retable était à l’origine cantonnée de colonnes torses ornées de pampres, les quatre travées latérales de statues. Chaque travée abritait un cadre de plâtre.

Deuxième corps du grand retable de l’église du chapitre de Saint-Paul de Fenouillet
Fig. 11 - Deuxième corps du grand retable de l’église du chapitre
de Saint-Paul de Fenouillet. Cl. D. Nepipvoda

Le deuxième corps, placé en haut de la composition, est orné en son centre d’un médaillon circulaire représentant Dieu le Père, dont le cadre est fait de fruits. L’entablement qui couronne le tout est porté par deux anges engainés (Fig. 11).

La voûte du chœur a reçu un décor de plâtre. Raies de cœur, perles et tores de laurier enrubannés soulignent les modénatures. Les fenêtres du sanctuaire sont encadrées par une guirlande de feuillage. L’arc triomphal, sur lequel sont assis deux anges, est orné de caissons à motifs végétaux.

La nef de l’église est découpée en 3 travées par des pilastres à dosseret surmontés d’un chapiteau corinthiens de plâtre de très belle facture. Ils supportent une frise décorée de rinceaux d’acanthes, ordonnée autour d’un visage féminin. Au dessus des pilastres, la frise forme un petit ressaut occupé par une tête de femme, d’où s’échappent de petites chutes de fruits. La nef était décorée d’exceptionnelles croix de consécration disposées à l’origine dans de médaillons bordés d’une guirlande de laurier, suspendus par des rubans plissés se terminant par des pompons.

Les huit chapelles latérales étaient entièrement ornées de gypseries. Ce décor est seulement conservé dans les parties hautes. Les grands arcs s’ouvrant sur la nef conservent un décor de caissons analogue à celui de l’arc triomphal. Les nervures de voûtes, décorées comme la voûte du chœur, retombent sur des petites consoles décorées d’angelots.

Quelques éléments conservés dans l’une des chapelles permettent de reconstituer la partie basse des retables. Le premier corps était constitué d’un grand cadre en fort relief orné de feuilles de laurier enrubannées, flanqué de chutes de feuillage. Au dessus, un entablement conservé porte le deuxième corps du retable. Il est décoré d’angelots différents d’un décor à l’autre.

Dans une chapelle, une colombe placée au centre de l’entablement est encadrée par deux angelots. Dans le deuxième corps, qui se plie à la forme en ogive de la voûte, le sculpteur a placé une représentation de Dieu le Père (Fig. 12). Dans une autre, l’entablement, très abîmé, est occupé par des angelots tenant une guirlande de fleurs. Au dessus, un médaillon à enroulement abrite une représentation de saint Joseph tenant l’Enfant Jésus. De vigoureux rinceaux d’acanthes, auxquels sont suspendues de petites chutes de fruits, sortent des enroulements placés au bas de la composition.

Deuxième corps d’un des retables des chapelles latérales
Fig. 12 - Deuxième corps d’un des retables des chapelles latérales. Cl. D. Nepipvoda

Un autre décor présente sept angelots tenant des couronnes de fleurs. Le médaillon qui surmonte la frise est orné d’une représentation de Saint-Antoine au milieu d’une nuée d’anges. Des enroulements sortent des termes engainés tenant des chutes de fruits. Au dessus de la composition, Sabatier, dans le peu de place qui lui restait, a placé une représentation de Dieu le Père.

Sur la frise d’un autre retable, deux anges tiennent un cartouche. La partie supérieure est ornée d’une colombe du Saint-Esprit. Le reste du décor est plus simple. L’élément central est encadré de deux grandes volutes, décorées de pots à feu et se terminant par des têtes d’anges.

Les angelots peuvent se couronner mutuellement, comme dans la frise de la chapelle voisine. Le médaillon central abrite une représentation de saint Jean-Baptiste. Sabatier fait preuve de beaucoup d’invention. Le décor du cartouche est encore différent. Dans sa partie haute, il sert de gaine à un petit personnage ; dans la partie basse, il se transforme en motifs végétaux.

Le dernier retable est dédié à la Vierge. Au centre de la frise, un angelot tient un cartouche portant le monogramme de la Vierge. Le médaillon représente l’Assomption de Marie, traitée d’une façon peu courante : elle est accueillie dans les cieux par Dieu le Père, Jésus et la colombe du Saint-Esprit. Les cadres des médaillons sont décorés d’entrelacs, de motifs cordiformes, que Jean Sabatier utilisera tout au long de sa carrière.

Pour être complet dans l’évocation de ce grand décor, il faut aussi mentionner deux panneaux de gypseries qui ornaient la tribune de l’orgue. Ils sont décorés de tête d’anges et de chutes de fruits semblables à ceux visibles dans le reste du décor.

Le décor de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet

L’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet conserve deux œuvres pouvant être attribuées à Jean Sabatier : un retable monumental placé dans le chœur et le décor des fonts baptismaux près de l’entrée de l’église. A ce jour, aucun document ne permet de savoir si les décors du chapitre ont été commandés avant celui de l’église paroissiale ou bien le contraire. La réputation du sculpteur a probablement créé l’émulation : chapitre et paroisse ont voulu chacun avoir un décor du grand artiste biterrois.

Le retable, réalisé en plâtre, reprend la disposition des retables de bois de la même époque. (Fig. 13) Il comprend un soubassement, aujourd’hui dénaturé, scandé par des socles destinés à porter les colonnes du premier corps. Chaque socle est décoré d’un ange, assez proche dans la facture, de la Victoire que l’on peut voir au centre du plafond du château de Savignac-le-Haut. Le premier corps du retable est composé de trois travées : une travée centrale, en léger retrait, destinée à abriter un tableau aujourd’hui disparu, flanquée de deux travées de même taille placées en avant de la travée centrale. Elles sont ornées des statues des saints patrons placées dans des niches. L’ensemble est scandé par d’imposantes colonnes torses ornées de pampres. Disposé à l’avant du chevet plat, le retable est complété par deux grands tableaux de plâtre placés sur les murs latéraux du chevet : l’un représente le Christ au Jardin des Oliviers, l’autre le Portement de la croix.

Les trois travées du retable sont unifiées par un imposant entablement qui épouse la disposition de la partie basse. Il est décoré d’une frise ornée de rinceaux d’acanthes, proche de celle que l’on peut voir à la naissance de l’ancienne voûte de l’église du chapitre. On retrouve sur les deux travées latérales, au centre du rinceau, des mascarons de facture analogue à ceux visibles sur la frise du chapitre.

Retable de l’église paroissiale de Saint-Paul de Fenouillet
Fig. 13 - Retable de l’église paroissiale de Saint-Paul de Fenouillet. Photographie ancienne, collection particulière

La travée centrale a reçu un deuxième corps, surmonté d’un fronton triangulaire. La traditionnelle figure de Dieu le Père, que l’on retrouve souvent à cet emplacement, a été remplacée par le Christ ressuscité. Les travées latérales, placées légèrement en avant, sont surmontées de frontons triangulaires, ornés d’un vase flanqué d’anges allongés.

Cette œuvre est contemporaine du décor de l’église du Chapitre. L’artiste est âgé d’environ trente ans au moment de la commande. Elle atteste d’une bonne maîtrise du travail du plâtre. L’entablement, avec son architrave, sa frise et sa corniche à modillons, ainsi que les chapiteaux corinthiens, sont le signe d’une bonne connaissance de l’architecture. Les grands tableaux en reliefs, probablement inspirés d’estampes, dénotent une grande culture. Comme de nombreux artistes de l’époque, Sabatier doit posséder dans son atelier des traités d’architecture, des recueils d’ornements ainsi que de nombreuses estampes en feuilles lui permettant de créer à l’infini des modèles pouvant répondre à la demande d’une importante et diverse clientèle. Toutefois, cette œuvre de jeunesse est empreinte d’une certaine lourdeur, qui disparaîtra dans les œuvres plus tardives. Il suffit de comparer les colonnes torses ornées de pampres plaqués sur le support du retable de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul avec celles du retable d’Aigues-Mortes, datant de la fin de la carrière de Sabatier, où les feuillages de vignes sont complètement détachés du support, pour voir l’évolution du style du sculpteur. On s’aperçoit que la très grande maîtrise des procédés de la gypserie, acquise progressivement par Sabatier, lui a permis d’aller au-delà de ce que la technique permettait de faire au gipier de cette époque.

L’église conserve un autre décor attribuable à Jean Sabatier : celui des fonds baptismaux. La cuve de pierre est placée à l’angle nord de l’église, sur une petite plateforme. Les deux murs, à l’angle de la nef, sont ornés d’un décor de gypseries. La partie basse de ce décor est formée d’une balustrade de plâtre à hauteur d’appui. Au dessus, deux grands tableaux de plâtre, séparés par une élégante colonnette, terminent le décor. L’un représente le Baptême du Christ, l’autre le baptême de l’eunuque par Philippe.

Le Christ occupe la place centrale du tableau. Il est debout dans le Jourdain, de l’eau jusqu’aux genoux. Sur la rive du fleuve, saint Jean-Baptiste accomplit le geste du baptême. Au dessus, conformément au texte de l’Évangile, apparaît la colombe du Saint-Esprit 78. La diagonale formée par les deux principaux protagonistes de la scène se poursuit dans l’angle gauche par un jeune nageur, qui confère un certain naturalisme à la scène. La berge est évoquée par quelques touffes de végétation et se prolonge, au deuxième plan, par un trait sinueux en léger relief, l’onde étant représentée par de petits traits. La rive du Jourdain est peuplée de baigneuses nues disposées en deux groupes. Le sculpteur, dans cette partie, a peut-être illustré un thème mythologique : le premier groupe représentant des nymphes ; le deuxième, où intervient un personnage masculin, pourrait illustrer le thème de Diane surprise par Actéon. La frontière entre le monde religieux et le monde mythologique est assurée par le fleuve. (Fig. 14)

Le deuxième tableau illustre un texte tiré des Actes des apôtres, le baptême de l’eunuque 79. La scène représente le moment où l’eunuque, descendu du char, demande à Philippe qui voyageait en sa compagnie sur l’ordre reçu de l’ange, s’il peut être baptisé. La scène est traitée de manière très simple; les deux personnages sont opposés face à face. Seule la présence du char, des chevaux et la gestuelle des personnages permettent d’identifier la scène L’eunuque, les mains jointes dans un signe d’humilité, écoute la parole de Philippe qui, de la main droite, montre l’eau de la rivière dans laquelle l’eunuque sera baptisé et, de la gauche, pointe le ciel. La cuirasse à lambrequins de l’eunuque et la forme du char, démontrent une bonne connaissance des modèles antiques.

Baptistère de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet
Fig. 14 - Baptistère de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet, le baptême du Christ. Cl. D. Nepipvoda
Retable de Saint Joseph, église ND de Marceille, Limoux
Fig. 15 - Retable de Saint Joseph, église ND de Marceille, Limoux. Cl. D. Nepipvoda

Le retable de la chapelle Saint-Joseph
de l’église Notre-Dame-de-Marceille à Limoux (Aude)

Bien que repeint au XIXe siècle, le retable présente un certain nombre de points communs avec les œuvres de Jean Sabatier. La figure de saint Joseph et de l’Enfant Jésus rappelle les statues de saint Pierre et saint Paul de l’église de Saint-Paul-de-Fenouillet. Le deuxième corps du retable abrite un bas relief sculpté représentant un Christ ressuscité. Ce motif se retrouve aussi sur le retable de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet. Ce retable et le décor d’Espéraza forment un ensemble d’œuvres proches des gypseries de Saint-Paul-de-Fenouillet et pourraient dater des années 1660-1670. (Fig. 15).

L’église d’Espéraza (Aude)

L’église Saint-Michel d’Espéraza conserve les vestiges d’un important décor de gypserie d’une très grande originalité. Le décor se développe sur le mur diaphragme qui ferme la nef ainsi que sur le chevet carré qui lui fait suite. L’ensemble est habillé d’un lambris de bois, sur lequel est placé le décor de plâtre. Il est composé de pilastres cannelés portant un entablement terminé par un imposant attique.

Sur le mur diaphragme, les pilastres encadrent les statues des saints Pierre et Paul. D’élégantes chutes de fruits accompagnaient les représentations figurées. L’attique est décoré d’un fronton à médaillon ovales. Il supporte une grosse moulure torique ornée de feuilles de laurier. Une petite console coupe l’attique à l’aplomb du pilastre et porte un pot à feu qui termine la composition. Sur l’arc triomphal, le sculpteur a mis en place une structure charpentée, aux formes mouvementées, entièrement recouverte d’un décor de plâtre. En son centre, un édicule surmonté d’un fronton, abrite une représentation de saint Michel terrassant le dragon, semblant flotter dans le vide.

Le décor d’architecture se poursuit dans le sanctuaire. A la place des statues, le sculpteur a placé sur les murs latéraux deux grands tableaux de plâtre dans des cadres, surmontés d’une table carrée ornée d’un petit fronton, qui brise l’entablement. Celui de gauche représente l’Annonciation ; celui de droite l’Adoration des bergers (Fig. 16). Le traitement de ces tableaux de plâtre est proche de ceux visibles dans l’église paroissiale et dans la maison canoniale de Saint-Paul-de-Fenouillet. On y retrouve le même type de personnages ainsi qu’un modelé vigoureux en moyen relief. L’attique est occupé par un imposant fronton à enroulement décoré de palmes. La composition de l’ensemble rappelle les retables gravés par Abraham Bosse.

Le mur de fond du sanctuaire a perdu une grande partie de son décor du XVIIe siècle. Seules les moulures de l’attique sont en partie conservées. Des cartes postales du début du XXe siècle montrent une gloire peuplée d’anges. Elle a été supprimée à une époque récente afin de rouvrir d’anciennes fenêtres. La mauvaise qualité des documents conservés ne permet pas de savoir si ce décor correspond à celui d’origine, ou s’il a été rajouté au XVIIIe siècle.

Eglise d’Espéraza, décor du chœur, l’Adoration des bergers
Fig. 16 - Eglise d’Espéraza, décor du chœur, l’Adoration des bergers. Cl. Bruno Lafitte, Esperaza

Le retable de la chapelle de la Vierge de l’église Saint- Aphrodise de Béziers (Hérault)

L’église Saint-Aphrodise de Béziers conserve dans une chapelle dédiée à la Vierge un imposant retable, pouvant être attribué à Sabatier. Il est composé d’une seule travée, cantonnée entre des groupes de deux pilastres à chapiteaux composites, portant un entablement sur lequel repose un fronton brisé orné d’anges couchés. Le type de chapiteau est très proche de celui utilisé à Aigues-Mortes. Les pilastres reposent sur des bases ornées d’une tête d’angelot posée sur une imposante chute de fruits. Un décor analogue se retrouve sur les deux pilastres placés de part et d’autre du retable d’Aigues-Mortes et sur les pilastres de la nef de la chapelle. Le deuxième corps du retable, encadré par deux petits termes engainés, se développe autour d’une niche abritant une statue de la Vierge de plâtre. Le motif de termes se retrouve à Saint-Paul-de-Fenouillet.) (Fig. 17)

Le retable de Béziers a été entièrement repeint au XIXe siècle à l’époque de la réalisation des peintures murales qui décorent la chapelle. Seuls deux reliefs situés dans le soubassement du retable ont été laissés dans leur état premier. Ils représentent deux allégories : la Charité à gauche et l’Espérance à droite. On peut rapprocher la représentation de l’Espérance de celle visible dans le décor de Saint-Paul-de-Fenouillet : même silhouette anguleuse des genoux, même traitement des draperies.

Retable de La Vierge collégiale Saint-Aphrodise
Fig. 17 - Retable de La Vierge collégiale Saint-Aphrodise, Béziers. Cl. D. Nepipvoda

Le retable était accompagné d’un décor peint, dont certains éléments subsistent intégrés au décor du XIXe siècle. On peut voir de part et d’autre de la chapelle deux médaillons polylobés, l’un, à gauche, figurant le Christ, l’autre la Vierge, à droite. Ils sont entourés de petits médaillons représentant les Mystères du Rosaire, disposés dans la présentation actuelle en forme de chapelet. La chapelle a pu être destinée au XVIIe siècle à l’usage d’une confrérie du Rosaire.

Les décors de la chapelle des Augustins de Montagnac (Hérault)

Les liens étroits de Jean Sabatier avec l’ordre des Augustins lui ont permis de bénéficier d’appuis auprès des religieux et d’obtenir d’importantes commandes. Les fortes ressemblances des retables des chapelles du couvent de Montagnac et du grand retable du couvent des Augustins de Limoux avec les œuvres du sculpteur permettent d’avancer pour ces œuvres le nom de Sabatier.

La chapelle des Augustins de Montagnac conserve quatre retables de gypserie situés dans les chapelles latérales. Entièrement repeints au XIXe siècle, en même temps que les chapelles qui les abritent, ces retables n’avaient pas attiré l’attention des amateurs. Ils étaient considérés comme des œuvres du XIXe siècle, contemporaines des peintures décoratives. Bien que modestes, ils présentent de grandes qualités plastiques, qui rappellent le décor des chapelles latérales de l’église du chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet.

Le retable de la chapelle de la Vierge est le mieux conservé. La niche centrale, modifiée au XIXe siècle, est encadrée par deux colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens. Elle est surmontée de deux putti tenant une couronne. L’entablement est interrompu par une nuée de têtes d’angelots assurant la transition avec le registre supérieur où est représenté Dieu le Père. La scène est contenue dans un fronton arrondi, de la largeur du retable, de faible profondeur. L’entablement est surmonté de deux vases en forme de cratère antique décorés de scènes mythologiques. (Fig. 18)

Partie haute du retable de la Vierge, église des Augustins de Montagnac
Fig. 18 - Partie haute du retable de la Vierge, église des Augustins de Montagnac. Cl. D. Nepipvoda

Le retable de Saint-Augustin, composé de la même manière, semble avoir perdu son couronnement. La niche centrale abrite une statue du saint de grande qualité, probablement due à Sabatier. Elle repose sur un socle godronné, visible à droite derrière l’autel du XIXe siècle.

Les deux derniers retables étaient destinés à recevoir une peinture aujourd’hui disparue. Celui situé du côté de la chapelle de la Vierge conserve un cadre de plâtre. Les colonnes sont remplacées par deux réseaux coupés dans leur partie haute par des coquilles pour former des niches. Dans le fronton brisé couronnant le premier corps du retable, le deuxième corps abrite une statue de saint Jean Baptiste. Les montants de la niche sont décorés de petites consoles à têtes d’ange se terminant par d’élégantes chutes de fruits. Le dernier retable de cet ensemble comporte un entablement porté par des colonnes et chapiteaux analogues à ceux des chapelles de la Vierge et de Saint-Augustin. Au centre de l’entablement, sur l’architrave, sont assis deux angelots tenant une couronne de fleurs. Le monogramme DM semble avoir été rajouté postérieurement. Au dessus de la corniche, le deuxième corps du retable est couronné d’un fronton arrondi, porté par de petites niches, dans lesquelles sont attachées des petites chutes de fleurs. Le panneau central est décoré d’un médaillon central sur lequel figure le Saint-Esprit. Deux angelots tenant une couronne, assis sur le petit fronton, couronnent l’ensemble.

Le retable de l'église des Augustins de Limoux (Aude)

Retable du maître-autel, église des Augustins de Limoux
Fig. 19 - Retable du maître-autel, église des Augustins de Limoux. Cl. D. Nepipvoda

Le retable de l’église des Augustins de Limoux (Fig. 19), bien qu’entièrement repeint au XIXe siècle, est de très grande qualité. Il se démarque par sa structure des retables des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes et de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet. Il est composé d’un premier corps formé de trois travées, surmonté d’un deuxième corps d’une travée. L’ensemble repose sur un imposant soubassement, destiné à recevoir l’autel majeur au centre et deux autels latéraux. La travée centrale, cantonnée par des colonnes torses, a reçu un imposant tableau de plâtre représentant une extase mystique de saint Augustin. Pour les deux travées latérales, Jean Sabatier fait preuve d’invention. Les traditionnelles colonnes torses sont remplacées par des colonnes abritant des niches. Chaque niche a reçu une statue placée sur un socle arrondi, qui contribue à animer l’ensemble. Au centre, le sculpteur a installé un tableau de plâtre illustrant un épisode de la vie de saint Augustin : sur celle de gauche, on peut voir la conversion du saint ; sur celle de droite, son baptême. Les niches abritent des statues de saints et de saintes proches de l’Ordre des Augustins. L’entablement, qui couronne le premier corps du retable est interrompu, au niveau des travées latérales, par un énorme médaillon qui devait abriter à l’origine une peinture. Le deuxième corps est structuré par deux colonnes lisses entourées de pampres de vigne. De chaque côté, Jean Sabatier a placé deux anges portant des instruments de la Passion. L’ensemble est couronné par un fronton curviligne décoré de motifs végétaux. La partie centrale est occupée par un tableau. Il représente saint Augustin au pied de la croix, avec la Vierge tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux.

Après avoir mis en avant le caractère exceptionnel de l’ordonnance du retable, il convient de revenir sur son iconographie. Les décors des panneaux latéraux figurant la conversion et le baptême de saint Augustin sont facilement identifiables. Le panneau du corps central, représentant l’extase du saint, relève d’une grande connaissance de la vie de ce dernier et de la symbolique religieuse. Dans son extase, saint Augustin, soutenu par sa mère sainte Monique et des anges, voit le Christ triomphant entouré des symboles de la Trinité et d’une multitude d’angelots portant divers objets difficiles à identifier. L’un tient un sceptre, un autre une hostie, un fouet et peut-être des objets de mortification. Il est probable qu’une telle image, dont le sens échappe au commun des mortels, n’ait pu être conçue que par un religieux ayant de grandes connaissances théologiques. Jean Sabatier a peut-être travaillé selon un dessin ou une gravure fourni par l’un des religieux du couvent de Limoux.

Le retable de Lauroux (Hérault)

L’église paroissiale Notre-Dame-de-Lauroux conserve un retable en gypserie (Fig. 20). Il est composé d’une seule travée cantonnée entre quatre colonnes, supportées deux par deux par un piédestal en forte saillie. Le premier corps est surmonté d’un entablement classique qui épouse la forme du soubassement et supporte un fronton curviligne brisé. Le deuxième corps, modeste, est décoré d’une niche abritant une Vierge. Il est surmonté d’un fronton arrondi, sur lequel est placée une corbeille, d’où sort une guirlande de fleurs. Malgré une certaine lourdeur dans le traitement des anges assis sur le fronton du premier corps et des chutes de fruits placées à l’arrière de colonnes, le retable de Lauroux présente de grandes qualités plastiques et est très proche des œuvres de Jean Sabatier. On peut aisément imaginer, que pour une commande destinée à un petit village des piémonts du Larzac, le sculpteur a conçu le retable et en a confié la réalisation à son atelier.

Retable, église de Lauroux
Fig. 20 - Retable, église de Lauroux. Cl. D. Nepipvoda
Pézenas, « maison blanche », cheminée détruite dans les années 1980
Fig. 21 - Pézenas, « maison blanche », cheminée détruite dans les années 1980.

La cheminée de la « Maison blanche » à Pézenas (Hérault)

Il existait à Pézenas une cheminée attribuable à Jean Sabatier. Elle a disparu en 1995 lors d’un d’incendie. La cheminée n’est connue que par la reproduction d’une photographie ancienne 80, dont l’original n’a pas été retrouvé

L’imposant attique est décoré d’une scène mythologique. Sur la hotte, un rideau est relevé pour laisser apparaître un buste féminin placé dans une niche circulaire. L’ensemble est surmonté d’un cordon ajouré à motifs végétaux. Les parties latérales, nommées arrières corps dans les prix faits du XVIIe siècle 81, étaient décorées de chutes de fleurs. Le décor de la cheminée s’inspire des modèles de Lepautre.

Les cheminées de Caux (Hérault)

Caux, cheminée de la maison Niel
Fig. 22 - Caux, cheminée de la maison Niel. Cl. D. Nepipvoda

Il existe à Caux trois cheminées en gypserie datant du XVIIe siècle et probablement réalisées par le même artiste (Fig. 22, 23). Deux d’entre elles, provenant – d’après la tradition orale – de l’ancienne maison consulaire, ont été remontées dans la maison Bousquet. La troisième, toujours en place dans la maison Niel est la seule à être entièrement conservée. Elle a gardé son manteau de bois simplement mouluré. Sur la tablette, l’attique peu développé est orné en son centre d’un médaillon fleurdelisé, encadré d’un rinceau d’acanthes. 

Caux, cheminée de l’ancienne maison consulaire
Fig. 23 - Caux, cheminée de l’ancienne maison consulaire, avant son démontage et réemploi dans la maison Bousquet.

Au dessus, la hotte est agrémentée d’un imposant médaillon, décoré d’un personnage cuirassé représentant probablement le roi. Il est placé dans un cadre de plâtre reprenant les modèles de cadres de bois doré contemporains. Le reste de la hotte est occupé par des trophées d’armes. On trouve de part et d’autre des chutes de fleurs semblables à celle que l’on peut voir dans les retables de Béziers et d’Aigues-Mortes ainsi qu’à Saint-Paul-de-Fenouillet. L’ensemble est couronné par une moulure en quart-de-rond décorée d’une frise végétale ajourée. Sabatier utilise fréquemment ce type de décor virtuose pour former des encadrements de tableaux en stuc ou peints, ou bien pour des cimaises dans les salons.

Les deux autres cheminées ont été remontées dans d’intéressants décors du début du XXe siècle dans la maison Bousquet. L’une d’elles présente, sur un imposant attique, une frise d’attributs militaires, disposés de part et d’autre d’un casque vu de face. Ce décor est assez proche de celui figurant sur la cheminée Niel. Sur la hotte, une niche arrondie abrite la représentation d’un personnage cuirassé, sans doute le roi. De chaque côté, des rideaux relevés sont maintenus par des embrasses fleurdelisées. La partie assurant la liaison entre l’attique et la hotte plus étroite est décorée d’une couronne de lauriers, à l’intérieur de laquelle figure un masque solaire, emblème du roi. Le reste du décor est constitué de palmes, de branches de laurier, végétaux symbolisant la Gloire et la Victoire, mêlées de manière élégante à un phylactère. Au sommet de la composition, dans les écoinçons, deux angelots portent une couronne de feuilles de chêne. Ils sont, par leur modelé, typiques des œuvres de Sabatier.

Mauguio, ancienne maison des Comtes de Melgueil
Fig. 24 - Mauguio, ancienne maison des Comtes de Melgueil. Cl. Yvon Comtes

La cheminée du château des comtes de Melgueil à Mauguio (Hérault)

La cheminée du château des comtes de Melgueil, à Mauguio (Fig. 24), bien que présentant un décor différent de celui des cheminées de Caux, peut aussi être attribuée à Sabatier. Sur la partie pyramidale de la hotte, on retrouve une guirlande de lauriers. L’attique, peu développé, est orné d’un masque viril, placé au centre d’un rinceau d’acanthes au modelé vigoureux. Au dessus, on trouve l’un des motifs favoris du sculpteur : les aigles affrontés tenant dans leurs becs une opulente guirlande de fruits. Ce motif aquilin se retrouve dans le plafond de l’hôtel de Castries à Montpellier, au château de Savignac-le-Haut ainsi qu’à l’hôtel de Laurès à Gignac. La partie haute est décorée d’un panier rempli de fruits et de pampres de vignes. Le motif de la corbeille se retrouve sur les dessus-de-porte de l’hôtel de Manse et de l’hôtel de Mirman à Montpellier, attribuables aussi à Sabatier. La guirlande de feuilles de laurier est très proche de celle utilisée pour la cheminée de la grand-salle de l’évêché d’Uzès.

La cheminée de l'hôtel d’Antoine Ranchin à Montpellier

Cette cheminée, signalée par Jean Claparède, est aussi mentionnée par Bernard Sournia et Jean-Louis Vayssettes. Sur le manteau, l’attique rectangulaire flanqué, de deux pots-à-feu, est décorée d’une scène de sacrifice antique. La composition, centrée autour d’un trépied sur lequel est allumé un feu, renvoie probablement par sa précision à un bas-relief antique que le sculpteur n’a pu connaitre que par l’estampe.

Au dessus, de l’attique, un médaillon soutenu par deux aigles abrite un portrait d’empereur romain. Ce décor rappelle les bustes d’empereurs visibles dans l’escalier de l’hôtel de Bocaud à Montpellier, et dans le plafond de l’hôtel de Laurès et celui de l’ancien escalier de l’hôtel de Sambucy à Millau (cf. infra). Cette proximité stylistique renforce l’idée de décors conçus par la même personne et réalisés par le même atelier.

Château de Savignac-le-Haut à Cazouls-lès-Béziers

Le plafond d’une salle du premier étage du château de Savignac-le-Haut (Fig. 25) présente certaines similitudes avec les œuvres de Sabatier. Il a réalisé avant 1671, année de la mort de François de Maureilhan de Poilhes, auteur des embellissements du château 82. On y retrouve les mêmes angelots sculptés dans le plâtre en fort relief ainsi que les mêmes guirlandes. Le renfoncement central est orné d’une Victoire très proche des anges visibles sur le soubassement du retable de l’église paroissiale de Saint-Paul-de-Fenouillet. Sa structure s’apparente à celle du plafond la grand-salle de l’audience du Présidial de Montpellier et n’est pas sans faire penser à celle du plafond de l’hôtel de Castries à Montpellier.

Le château devait abriter d’autres décors réalisés par Sabatier. Un auteur anonyme du XIXe siècle écrit : « Au manoir féodal du XIIIe ou XIVe siècle a succédé un bâtiment moderne dont les plafonds regorgent de dessins et de figures de plâtre, genre de décoration lourd par son abondance et pauvre dans sa richesse » 83. On trouve, au premier étage du château, des nombreuses traces des décors de plâtre. La petite salle précédant la salle au plafond de gypserie conserve une cheminée dont la hotte est décorée d’un buste féminin ayant perdu sa tête ; sur les portes, des petites consoles devaient supporter des bustes. Ce décor de consoles se retrouve dans l’escalier. La naissance du plafond est soulignée par un cordon de feuilles de laurier. D’autres pièces conservent des éléments de cordon végétal.

Cazouls-lès- Béziers, Château de Savignac le Haut
Fig. 25 - Cazouls-les- Béziers, Château de Savignac le Haut, plafond de la salle. Cl. D. Nepipvoda

Maison canoniale de Saint-Paul-de-Fenouillet (1, rue du Docteur-Monnier)

L’une des maisons canoniales fait l’objet de travaux de décoration lors du passage de Jean Sabatier. Le sculpteur réalise une cheminée dont le manteau de bois est surmonté d’un tableau de gypserie représentant l’Annonciation. Contrairement à ce qu’avance Fabienne Fortier, citée dans le dossier de protection, l’ensemble est d’une très grande qualité. Il est très proche par son style des tableaux de plâtre surmontant les retables de l’église du Chapitre. L’ensemble de la cheminée est recouvert d’une peinture moderne, empâtant les reliefs, ne permettant pas d’apprécier ce décor à sa juste valeur. Jean Sabatier y déploie déjà un vocabulaire décoratif d’une grande richesse. La scène centrale, probablement inspirée d’une gravure contemporaine, comporte de nombreux détails pittoresques, comme le prie-Dieu de la Vierge, la corbeille de linge ou le bouquet de fleurs…

Au deuxième étage, la structure de bois du plafond est totalement dissimulée sous un habillage de plâtre. Le décor est d’une grande simplicité. La naissance du plafond est soulignée par une frise de raies-de-cœur. La partie centrale du plafond est décorée d’un blason surmonté d’un heaume portant les armes (non identifiées) d’un chanoine, un échiqueté à quatre tires, avec en chef trois rocs d’échiquier. Ce blason pourrait appartenir à la famille de Roquefort du Vivier, dont l’un des membres a été doyen du chapitre de 1673 à 1689.

L’hôtel de Laurès à Gignac (Hérault)

Bien que de petites dimensions, le plafond de l’hôtel de Laurès 84 à Gignac (Fig. 26 et 27) peut être rattaché aux productions de Sabatier. Il adopte une structure analogue à celle des plafonds déjà cités et n’est pas sans évoquer la structure des plafonds à l’italienne. Dans la voussure soutenant le panneau central ont été placés des médaillons accostés de motifs végétaux. On peut voir face à face deux personnages à l’antique et deux personnages aux coiffures contemporaines. Il pourrait s’agir d’une représentation du jeune Louis XIV et de son épouse. La position du monarque, de profil, vêtu à l’antique et couronné de laurier, est très proche des portraits que l’on peut voir sur les monnaies de l’époque. Ces médaillons peuvent être rapprochés de ceux ornant le plafond de la salle de l’hôtel de Castries, de l’hôtel de Sambucy et du décor d’une cheminée de l’hôtel de Manse. Le caisson central est décoré d’un sujet mythologique représentant l’enlèvement de Ganymède. Il serait facile de multiplier les rapprochements entre ces diverses œuvres. Le plafond a été laissé à l’abandon depuis quelques années et s’est en partie effondré. La municipalité de Gignac, qui doit transformer la demeure en logements sociaux, n’a pas prévu de restaurer le plafond, qui risque ainsi de disparaître à tout jamais.

Gignac, plafond de l’Hôtel de Laurès en 1971
Fig. 26 - Gignac, plafond de l’Hôtel de Laurès en 1971. Service Régional de l’Inventaire LR, photo Descosy, 1971
Plafond de l’Hôtel de Laurès aujourd’hui
Fig. 27 - Plafond de l’Hôtel de Laurès aujourd’hui. Cl. D. Nepipvoda

L’hôtel de Mirman à Montpellier

L’hôtel de Mirman conserve au premier étage un exceptionnel plafond en gypserie attribuable à Jean Sabatier (Fig. 28). La partie haute du mur de la pièce est décorée d’une frise de rinceaux d’acanthes peuplée de putti. La voussure a disparu. La frise est surmontée d’une petite corniche à modillon assurant la transition avec le plafond. Les quatre angles du plafond sont décorés de médaillons entourés d’un tore à feuille de laurier. Chaque médaillon représente une vertu, sculptée en haut relief, reconnaissable à ses attributs : la Charité, la Justice, la Force et la Tempérance. Entre chaque médaillon, des panneaux lobés abritent des bouquets de palmes et de branches de laurier. Ces motifs végétaux se rencontrent souvent dans les décors de Jean Sabatier. La partie centrale du plafond est occupée par un caisson octogonal, bordé d’un imposant cordon végétal ajouré. Les parois intérieures sont décorées de deux putti affrontés dont les corps se transforment en rinceaux. Les frises semblent directement inspirées de modèles de Lepautre. Les deux portes de la pièce ont conservé leur encadrement de feuilles de laurier et sont surmontées de dessus de porte de plâtre, contemporains du plafond.

Montpellier, Hôtel de Mirman, plafond situé au premier étage
Fig. 28 - Montpellier, Hôtel de Mirman, plafond situé au premier étage. Cl. D. Nepipvoda

Une autre pièce de la demeure conserve un décor de gypserie de la même époque moins bien conservé (Fig. 29). La hotte de la cheminée, qui a perdu une partie de son décor, est surmontée d’un médaillon circulaire, orné d’une scène tirée de l’histoire antique. Trois dessus de porte sont décorés de scènes, probablement tirées de la même histoire, inscrites dans des panneaux octogonaux.

Montpellier, Hôtel de Mirman, vue d’ensemble du décor d’une autre pièce.
Fig. 29 - Montpellier, Hôtel de Mirman, vue d’ensemble du décor d’une autre pièce.
Cl. Jean-Louis Vayssettes

L’hôtel de Castries à Montpellier

Avec le retable d’Aigues-Mortes, le décor de l’Hôtel de Castries (Fig. 30) est certainement l’un des plus accomplis réalisés par Sabatier. La salle du premier étage conserve une cheminée et un plafond, où se retrouvent la plupart des éléments décoratifs caractéristiques des œuvres de Sabatier. Pour la description de l’ensemble, on se réfèrera à l’ouvrage de Bernard Sournia et Jean Louis Vaysettes 86. L’ensemble est, à lui tout seul, un véritable catalogue des motifs utilisés par le sculpteur. Les dispositions du décor du plafond s’inspirent d’une gravure de Jean Cotelle publiée en 1647 87. On y retrouve, disposés dans les voussures, les mêmes aigles et les mêmes putti et, dans les angles, les mêmes urnes. La partie la plus étonnante de ce décor reste l’imposante cheminée qui, avec son attique en tombeau, rappelle les œuvres de Lepautre.

Montpellier, Hôtel de Castries, vue d’ensemble du plafond
Fig. 30 - Montpellier, Hôtel de Castries, vue d’ensemble du plafond. Cl. D. Nepipvoda

L’hôtel de Manse à Montpellier

Montpellier, Hôtel de Manse, plafond de l’alcôve
Fig. 31 - Montpellier, Hôtel de Manse, plafond de l’alcôve. Cl. D. Nepipvoda

Comme cela a déjà été évoqué plus haut, Jean Sabatier pourrait être le concepteur de la façade novatrice de l’hôtel (Fig. 31 et 32). Il a réalisé, au premier étage de la maison, le décor d’une chambre à alcôve. Le compartimentage des plafonds de la chambre et de l’alcôve s’inspire de gravures de Lepautre.

Gravure de Lepautre ayant servi de modèle au compartimentage du plafond de l’alcôve
Fig. 32 - Gravure de Lepautre ayant servi de modèle au compartimentage du plafond de l’alcôve. Collection particulière

Le sculpteur y place quelques uns de ses motifs de prédilection. On peut y voir des cornes d’abondance très proche de celles du plafond de l’hôtel de Laurès, ainsi que des têtes féminines coiffées d’un nœud qu’il se plait à placer dans de nombreuses œuvres. Le panneau octogonal de l’alcôve, orné d’une représentation de l’Hymen, est bordé d’un cordon végétal ajouré d’une très grande virtuosité. On retrouve ce type de cordon, par exemple, sur les cheminées d’Uzès ou le retable d’Aigues-Mortes.

Maison, 8, rue des Sœurs-Noires, Montpellier

Ce plafond (Fig. 33), de petites dimensions, est situé au premier étage de la maison. Le dessin des divers compartiments structurant le décor s’inspire, à nouveau, des œuvres de Lepautre. Le caisson central abrite une peinture allégorique représentant « Le Temps découvrant l’Aurore ». Deux petites scènes peintes, au sujet indéterminé, sont placées sur les côtés de la composition de plâtre. Ces trois peintures sont très proches, par leur style, du tableau ornant le centre du plafond de l’hôtel de Castries, représentant l’Aurore, et des toiles ornant les plafonds des escaliers de l’hôtel du Pont de Gout et de l’hôtel des Trésoriers de France. La grande allégorie du plafond de cette dernière demeure, représentant « le Temps et la Justice découvrant la Vérité » a été peinte en 1670 par Jean de Troy 88 qui pourrait être l’auteur de l’ensemble de ces peintures. La commande passée par les Trésoriers de France à Jean de Troy permet de situer la réalisation du plafond de la rue des Sœurs-Noires dans les années 1670.

Montpellier, 8 rue des Sœurs Noires, vue d’ensemble du plafond
Fig. 33 - Montpellier, 8 rue des Sœurs Noires, vue d’ensemble du plafond.
Cl. D. Nepipvoda

L’hôtel de Graves de Maussac à Pézenas

L’hôtel, construit dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, a été complètement remodelé au siècle suivant (Fig. 34). Toutefois, la demeure conserve les traces de décors appartenant à la construction d’origine. Dans la cage d’escalier, le palier du premier étage est décoré de dessus-de-porte en gypserie, encadrés d’une bordure d’entrelacs ornés de rosettes. Ce motif se rencontre souvent dans les œuvres de Sabatier. Au centre du panneau, une console en forme de coquille porte un buste à l’antique : un empereur cuirassé et lauré fait face à une divinité féminine. Ces petits socles sont assez proches de ceux conservés dans la cage d’escalier du château de Savignac-le-Haut.

Une salle du premier étage, dont le plafond a été rabaissé au XVIIIe siècle et qui a été divisée en deux parties, conserve des dessus-de-porte contemporains de ceux de l’escalier. On y retrouve un ensemble de motifs fréquemment utilisés par Jean Sabatier. L’un des panneaux présente une corbeille de fleurs, un autre, un vase proche de celui figurant sur la cheminée de la grand-salle de l’évêché d’Uzès. 

Pézenas, Hôtel de Graves de Maussac, décor de la cage d’escalier
Fig. 34 - Pézenas, Hôtel de Graves de Maussac, décor de la cage d’escalier.
Cl. D. Nepipvoda

Le même panneau est orné d’un rideau se soulevant, dont la tringle, les pitons de fixation et le système de levage de l’étoffe sont identiques à ceux visibles sur le manteau de la cheminée de la chambre de l’évêque à Uzès. Le dernier dessus de porte est décoré d’angelots sortant d’un rinceau d’acanthes, comme le sculpteur se plait à en placer dans les frises de ses décors.

Les décors d’escaliers

Deux cages d’escalier de Montpellier conservent des décors proches des œuvres de Sabatier. Le plus complet, malgré le décroutage des murs de la cage, se trouve à l’hôtel de Bocaud, 12, rue de la Salle-l’Evêque. L’ensemble des portes s’ouvrant sur l’escalier est surmonté de dessus-de-porte à médaillons ornés de bustes d’empereurs romains, de profils semblables à ceux que l’on peut voir sur la hotte de la cheminée de l’hôtel de Manse et très proches des médaillons du plafond de l’hôtel de Laurès à Gignac ainsi que des médaillons de l’hôtel de Sambucy à Millau. La naissance du plafond est marquée par une imposante frise d’acanthes peuplée de putti, semblable à celle visible à l’hôtel de Mirman et à celle de la demeure millavoise.

L’hôtel de Boulhaco (ou Richer de Belleval) conserve dans la cage de son escalier un ensemble de douze consoles portant des bustes d’empereurs. Toutes les consoles sont différentes. Elles sont décorées de cartouches sur lesquels sont sculptées de petites scènes à l’antique.

Dans les deux escaliers, chaque portrait est individualisé. Les bustes s’inspirent probablement de bustes antiques d’empereurs, que Jean Sabatier a pu connaître par les gravures de l’époque.

Les chantiers narbonnais

Jean Sabatier intervient au moins à trois reprises à Narbonne, entre 1677 et 1681 (période durant laquelle il loue un atelier à Madame de Sérignan), puis aux alentours de 1688.

C’est probablement lors de son premier séjour à Narbonne, que Jean Sabatier a décoré la maison dite « de l’archiprêtre ». On conserve de ce décor en mauvais état trois dessus-de-porte, ornés de niches circulaires abritant des bustes aujourd’hui disparus. Le reste du décor est composé de motifs végétaux.

La salle des gardes de l’appartement de l’évêque conserve un imposant dessus de porte. Deux anges, assis sur une nuée, portent un cartouche surmonté d’une couronne comtale, d’un chapeau d’archevêque et d’une croix archiépiscopale. Le sculpteur est intervenu au palais à la demande de Pierre de Bonzy, archevêque de Narbonne de 1673-1703. Le cartouche central est entouré d’un cordon de l’Ordre du Saint-Esprit. Pierre de Bonzy, nommé par Louis XIV commandeur du Saint-Esprit le 31 décembre 1688 a été le seul archevêque de Narbonne à accéder à cette dignité. C’est probablement à cette époque que le dessus-de-porte a été réalisé. Les armes du cardinal de Bonzy ont été remplacées, à une époque récente, par celles de Claude de Rébé, archevêque de Narbonne de 1628 à 1659.

L’hôtel de Saint-Félix (Fig. 35), proche de l’atelier loué à Madame de Sérignan, conserve quelques éléments de gypserie attribuables à Jean Sabatier. Un dessus-de-porte représentant une Annonciation peut être rapproché des œuvres du sculpteur.

Narbonne, Hôtel de Saint-Félix, dessus de porte
Fig. 35 - Narbonne, Hôtel de Saint-Félix, dessus de porte. Cl. Jean-Louis Vayssettes

L’hôtel de Sambucy à Millau (Aveyron) 89

Jacques Duchesne 90 entreprend, entre 1672 et 1674, la construction d‘un pavillon hors les murs de la ville. Situé dans le quartier de l’Ayrolle, il est construit entre cour et jardin. La maison était composée à l’origine d’un corps central comportant un rez-de-chaussée surmonté d’un étage inscrit dans la toiture à l’impériale. Il est flanqué de deux ailes latérales surmontées de combles brisés. L’ensemble de la demeure a été décoré vers les années 1680. Les éléments décoratifs conservés sont très proches des œuvres réalisées ou attribuées à l’atelier de Jean Sabatier. On trouve à l’hôtel de Sambucy les mêmes aigles qu’à l’hôtel de Bocaud. Les médaillons ornés de bustes de profils d’empereurs romains sont proches de ceux visibles à l’hôtel de Manse ou à l’hôtel de Laurès. Il serait facile de multiplier les comparaisons. Il est tentant d’attribuer l’ensemble des décors de l’hôtel millavois au sculpteur montpelliérain. Jean Sabatier agit en véritable entrepreneur. D’un commun accord avec le propriétaire, il définit le programme iconographique et dessine les esquisses. L’atelier du sculpteur réalise le décor de plâtre, les décors peints sont probablement sous-traités à une équipe d’artistes, dont les noms restent inconnus.

Les pièces du rez-de-chaussée ont perdu leur décor d’origine, à l’exception du salon central, où se trouve une imposante cheminée de plâtre (Fig. 36). Le manteau de marbre rouge porte une hotte, sur laquelle figure, à droite, un personnage féminin tenant une branche de laurier symbolisant la Paix et, à gauche, la représentation de l’Abondance. Les deux femmes, vêtues à l’antique, sont assises sur un socle décoré d’un relief représentant une scène de danse féminine. L’ensemble, réalisé en haut-relief, est surmonté d’un aigle, symbole de force et de pouvoir. Le répertoire ornemental du socle est une fois de plus inspiré de l’oeuvre gravée de Lepautre.

Avec les agrandissements et les transformations du XIXe siècle, les pièces du deuxième étage n’ont plus servi de pièces d’habitation. C’est grâce à cela qu’une grande partie du décor d’origine a été conservé.

Millau, Hôtel de Sambucy, cheminée du grand salon
Fig. 36 - Millau, Hôtel de Sambucy, cheminée du grand salon. Cl. D. Nepipvoda

Le grand salon donnait accès à l’escalier. Le degré a aujourd’hui disparu. L’espace a été divisé en deux par la construction d’un plancher au XIXe siècle. La partie basse est devenue une salle à manger faisant suite au salon. La partie haute est aujourd’hui accessible par un escalier aménagé à la même époque. Le plafond de l’escalier du XVIIe siècle est divisé en deux parties inégales : un grand espace correspondant à l’escalier proprement dit et un espace en longueur, formant à l’origine le palier du degré permettant d’accéder aux diverses pièces de l’étage. Chaque espace a reçu une décoration différente. Le plafond du palier est divisé en deux caissons, dont l’un porte les armes de la famille Duchesne, l’autre le chiffre du propriétaire. Le plafond de l’escalier est divisé en compartiments par de petites baguettes.

Le dispositif s’inspire d’une gravure de Lepautre éditée en 1661 91. Les quatre angles sont occupés par des médaillons bordés de tores de laurier enrubannés. Le sculpteur y a placé des allégories reprenant les modèles utilisés à l’hôtel de Mirman. Des médaillons, inscrits dans des panneaux rectangulaires, décorés de profils d’empereurs, complètent le décor de la voussure. Le panneau central du plafond, de forme octogonale, est occupé par un caisson central circulaire, dont les parois sont ornées d’aigles et de guirlandes de laurier.

Millau, Hôtel de Sambucy détail de la partie centrale du plafond de la chambre de Mlle de Fontange
Fig. 37 - Millau, Hôtel de Sambucy détail de la partie centrale du plafond de la chambre de Mlle de Fontange. Cl. D. Nepipvoda

Depuis le palier de l’escalier, on accédait à la « chambre de Melle de Fontange » (Fig. 37). Une tradition sans fondement prétend que les décors de l’hôtel auraient été réalisés pour la favorite de Louis XIV. La pièce conserve son plafond en gypserie ainsi qu’une grande partie de son décor peint. La partie centrale du plafond est occupée par un caisson carré, dont les parois sont ornées de rinceaux d’acanthes portant en leur centre les armes et le monogramme des Duchesne. Ce décor sert de cadre à une représentation de Vénus et l’Amour traitée en fort relief. La scène est bordée d’un tore ajouré décoré de branches de chêne. Le reste du décor de la partie centrale du plafond est composé de quatre panneaux semi-circulaires placés autours du caisson. Inscrits dans un carré, ils représentent des scènes mythologiques: le triomphe de Vénus, l’enlèvement d’Europe, Vénus et Adonis et probablement l’enlèvement de Proserpine. Les écoinçons sont ornés de guirlandes. Deux bandes ornées de panneaux à motifs végétaux flanquent l’ensemble.

La pièce la plus extraordinaire du deuxième étage est le salon dit « de Diane ». Son décor, soumis à l’architecture de la toiture du corps central de la maison, est intégralement conservé. Les deux registres inférieurs sont entièrement peints d’animaux et de scènes de chasse. Le plafond allie peintures et gypseries. Comme pour la chambre dite « de mademoiselle de Fontange », le décor de plâtre a été conçu pour être vu de près en raison du peu de hauteur des plafonds. Il est extrêmement soigné et fouillé. A l’hôtel de Castries, le ciel du plafond culmine à plus de 7 mètres de hauteur. Le décor est conçu pour être vu de loin et est moins détaillé malgré sa grande qualité.

Le premier registre du plafond de la chambre de Diane, fortement incliné pour épouser la forme du toit, est décoré de guirlandes de laurier. Sur les petits côtés de la pièce, la guirlande se déploie de part et d’autre des armes et du monogramme des propriétaires. Elle se poursuit sur les grands côtés, entre les fenêtres. L’ensemble est ponctué par dix médaillons peints sur toile marouflée, illustrant les travaux d’Hercule. Le fond du registre est rehaussé de discrets rinceaux bleus peints directement sur le plâtre. Les quatre angles de ce premier registre sont occupés par des cartouches à enroulements ornés d’une tête classique, très proches de celles visibles dans diverses œuvres du sculpteur.

Le deuxième registre de gypseries, moins incliné que le premier, est décoré de rinceaux d’acanthes. Sur les deux grands côtés de la pièce, le rinceau sort de la tête d’un masque à l’allure faunesque. Sur les petits côtés, deux figures féminines structurent la composition végétale. Les rinceaux sont peuplés de putti adoptant des attitudes différentes : l’un porte le pétase de Mercure, un autre tient la lyre d’Apollon. Plus loin, un autre putto effraie son compagnon à l’aide d’un serpent, tandis que dans un coin, un autre décoche une flèche pour tuer un monstre menaçant. Le rinceau est loin du style un peu sec que l’on rencontre dans la première moitié du XVIIe siècle. Il se développe dans un style opulent d’une grande souplesse, rappelant les œuvres de Jean Lepautre ou de Paul Androuet du Cerceau 92.

Au dessus de la frise, le plafond est porté par une corniche à modillons. Il est orné en son centre d’un imposant caisson carré portant, dans un ovale, une représentation de Diane. Le cadre du tableau central est décoré de pompons de feuilles de laurier ; les écoinçons sont garnis de branchages. Les parois du caisson sont ornées d’un rinceau d’acanthes, surmonté d’une vigoureuse frise d’oves. Deux panneaux, occupés en leur centre par deux tableaux peints circulaires débordant du cadre, sont placés de chaque côté du caisson central. Les tondi peints sont flanqués de guirlandes de fruits en haut-relief, très proches de celles placées par le sculpteur sur la cheminée de l’hôtel de Castries ou sur le retable de Pénitents Gris d’Aigues-Mortes. Panneaux latéraux et compartiment central sont bordés de tores de laurier enrubannés.

Conclusion

Il est à espérer que la redécouverte de la vie et l’oeuvre de Jean Sabatier relance les recherches sur les gipiers Languedociens des XVIIe et XVIIIe siècles. Avant Sabatier, il existait en Bas-Languedoc des artisans capables de réaliser d’imposantes cheminées de plâtre de très grande qualité. Après Sabatier, il y a les suiveurs et les imitateurs comme en témoignent les décors de Notre-Dame-des-Grâces. Le travail du plâtre se poursuit durant tout le XVIIIe siècle ; il suit alors l’évolution des arts décoratifs de la capitale. Après le style classique de la fin du XVIIe siècle, arrive le temps de la rocaille, auquel fera suite le style « à la grecque ». Si cette évolution est perceptible dans les décors conservés dans la région de Montpellier, les artistes qui les ont réalisés ne sont pas connus et méritent d’être découverts.

Annexes

— I —

1640 : ADH, 2 E 11 40, Prix fait bailhé à Jean Sabatier sculteur à faire ouvrages nécessaire pour le vœu fait à Saint Joseph.

[f° 755v] « L’an mil six cent quarante le sixième jour du mois d’aoûst dans Béziers après midy, régnant très chrétien prince Louis par la grâce de dieu roy de France et de Navarre par devant moy notaire royal de lad ville et tesmoins bas nommés establys en leurs personnes Messieurs noble Alexandre Barbier escuyer, Jacques Durant controlleur des tailhes, Bathélémy Espanhac marchand, Jacques mestre greffier et Raymond Molinier mtre orphèvre consuls la présente année dud Béziers, lequels pour et au nom de lad ville et en suivant la deslibération du conseil de sant ont bailhé et bailhent à prix fait à Jean Sabatier mtre esculteur habitant le lad ville à faire la besoigne et ouvages suivants pour le veu fait à Saint Joseph à ce quil obtint que la présente ville fut exampte de la maladie contagieuse dont elle estait menacée, premièrement à faire trois figures de pierre de taille fine de Lespignan scavoir est de Jésus Marie et Joseph lesquelles figures il sera tenu de faire de la hauteur de sept pans pour les deux de Marie et Joseph et ’autre à proportion quil posera sur la porte de la ville dite des Carmes du costé de la ville ausquelles fain led Sabatier fera surhausser le grand arseaux de lad porte de quatorze pans dhaulteur et de largeur de douze pans et quatre demy d’espaisseur et fera montr les pilier dud arseau de bonne pierre de taille et par dessoubs

[f° 756] led arseau fera un autre arseau de dix pans de large auquel il fera un cartouche de pierre balnche dud Lespignan avec une table de marbre noir de roquebrun où il sera tenu de graver en lettre d’or l’inscription que bon semblera aud consuls et par-dessus le cartouche il fera une corniche portée par deux consolles et mettra par-dessus la corniche lesd trois figures et fera à l’entour du grand arseau par le dedans de pierre d’architecture quy seront depuis lad corniche tout à lentour dud arseau et fera la face de la murailhe quy sera derrière lesd figures de pierre de taille et pardessus led grand arsseau il mettra les armes de lad ville quy auron tquatre pans et plus d’autheur de la mesme pierre desd figures et fera le surplus du bastimant nécessaire à son honneur et profit de la ville le tout suivant le dessain quy luy a esté bailhé par lesd sieurs consuls, ladite besoigne il aura faite et parfaite entre icy et tout le mois d’octobre prochain moyennant le prix et somme de deux cent cinquante livres, payables scavoir présentement les quatre vingt quatre livres que lesd sieurs consuls luy ont payé en un mandement de pareilhe somme d…. sur Jean Giraudon et Bernard Lafargue par led Sabatier receue dont en quite lesd sieurs consuls et les huit vingt six livres de reste ils poremttent de payer aud Sabatier la moitie lors quil aura fait ma moitié de lad besoigne et l’autre moitie lors qu’icelle besoigne sera faite et au …

[f° 756 v°] paravant que lesd figures soient mises et posée à leur place, avec pacte que la pierre quy restera après lad besoigne faite sera et appartiendra aud Sabatier et en cas il en manquera ou que celle quy est ne puisse servir led Sabatier a fournira à ces frais et despans comme la chaux et sable nécessaires, et pour tout ce dessus fère tenir gardé et observé lesd Sieurs Consuls ont obligé les biens de lad ville de Béziers et led Sabtier les siens présant et advenir quont soubmis à toute rigueur de justice et les renonciations necessaire et ainsi l’ont promis et juré fait et récitté en la mason consulaire dud Béziers, présant Jacques Cros et Jean Bonnal tesmoins requis, soubsigné avec parties et moy Jean Guibal notaire royal de la ville ».

— II —

1647 : ADH, 2E 97/61, prix fait d’une chapelle en l’esglise des Carmes pour Antoine Landes contre Jean Sabatier

[ff.1 45-146] « L’an mil six cent quarante sept et le vingt troisième jour du mois de juing dans Béziers après midy régnant très chrétien prince Louis par la grâce de dieu roy de France et de Navarre pardevant moy notaire royal et tesmoins en personne estably le sieur Anthoine Landes habitant de Béziers lequel désirant faire construire un autel et chapelle dans l’esglise des révérand Pères Carmes du couvant de Béziers, en la p…, permission et consentemant du Révérand Père Jean Sudre prieur et frère Jean Barbier faisant pour eulx et au nom des religieux du monastère a bailhé et baile à prix fait la construction d’une chapelle à Jean Sabatier sculteur habitant dud Béziers préant stipulant et acceptant, cest à savoir que led Sabatier promet et s’oblige de faire à lad esglise une chpelle voutée en plastre du même ordre que celle de saint Joseph saulf quil l’enrichissera dvantage que celle de Saint Joseph, les piédestals seront de pierre blanche de Lespignan, faira le restable avec quatre colonnes et les enrichissements nécessaires, aussy faira une balustrade de pierre blanche de Lespignan, faira l’autel en pierre de taille, finallement faira un tableau painct à l’huille, représentant le trépassement de la Vierge, l’Assomption et Couronnement, auquel prix fait led Sabatier fournira pierres, sable, chaux, plastre, journée et maneuvres et out se quy y sera nécessaire sans que led Landes soit tenu de fournir autre chose que le charroy de la pierre et plastre, leq plastre led Sabatier faira aporter du costé de Narbonne au lieu de Vandres

— Et dud Vandres led Landes le faira aporter au devant de l’esglise des fraires Carmes, à laquelle chapele led Sabtier mettra le nom et l’année à l’endroit quil jugera plus propre et plus commode, lequel prix fait ledict Sabatier promet et s’oblige de randre à sa perfection dans six mois à conter du premier juliet et pour leque prix fait led Landes promet et s’oblige de payer aud Sabatier la somme de sept cent cinquante livres ».

— III —

1653 : ADH, 2 E 57 233, prix fait de la voûte du palais

[f° 224 v°] « Ce jourd’hui dix neuvième du mois de juillet mil six cent cinquante trois après midy à Montpellier pardevant moy notaire royal soubsigné présant les tesmoins soub nommés ont esté en leur personne Messire Claude de la Roche conseiller…

[f° 225] du roy en son conseil présidant en la souveraine cour des comptes aydes et finances de Montpellier Messieurs Messire Jean de Rignac et Jean de Lespine conseiller du roy en lad cour, lesquels pour eux et au nom de lad cour comme commissaire et dépputtés d’icelle ont bailhé et bailhent à prix fait au Sr Jean Sabatier esculteur demeurant aud Montpellier présant stipulant et acceptant à faire le travail de plâtre de la voûte de la grand salle de l’audience du palais neuf de lad cour suivant que sera sy après exprimé, scavoir que led Sabatier entrepreneur sera tenu comme promet de faire lad voûte de plastre de peyriac et conduira de plastre blanc de Marseille au-dedans, l’espaisseur de lad voûte y compris le plastre blanc sera pour le moing de trois pouces par tout, couvrira led entrepreneur de plastre de Peyriac de l’espaisseur des traverses de doibt [?] les combes quy paraistront pardessus la voûte, et le dessus de la voûte sera enduit dud plastre de peyriac meslé esgallement avec du mortier en glacis pour desfandre la voûte de l’eau des goutières, en sorte que quand ils auront quelques goutières l’eau puisse couler dehors sans porter domage à lad voûte, led entrepreneur parsemera le dedans de lad voûte de fleurs de lis de plastre blanc de Marseilhe de l’espaisseur et grosseur quon avisera tant plain que vide, d’avantage fera led entrepreneur tout autour de la voûte et comme…

[f° 225 v°] pour lui servir d’imposte un cordon de feuilhe de chesne de la hauteur de deux pans et espaisseur à proportion, lequel cordon sera par dehors de plastre blanc de Marseilhe, led entrepreneur fera régner led cordon aux ogives despuis leurs pointes jusqu’à l’ovalle du milieu, laquelle ovalle il fera de deux canes et demy de longueur ou plus comme il era advisé par lad cour et lad ovalle fera à trois parties, et led entrepreneur fera régner led cordon aux ogives despuis leurs pointes jusqu’à l’ovalle du milieu, laquelle ovalle il fera de deux canes et demy de longueur ou plus comme il era advisé par lad cour et lad ovalle fera à trois parties, et led entrepreneur pourra se servir si bon lui semble de l’eschafau que le charpentier est obligé de laisser par son prix fait, sans que les d commissaires soient obligés de lui fournir autre chose, à l’effet duquel ouvrage led entrepreneur fournira tous matériaux comme plastre, chaux, sable, bois et fer nécessaire pour faire tenir led plastre et rendre l’ouvrage parfait, ce que led Sabatier promet et s’oblige d’avoir bien et duement fait et parachevé dans le terme de deux mois à compter du jour que led charpentier aura parachevé sa besoigne, et ce pour et moyennant le prix et somme de neuf cent livres quy est le mesme prix que la moins ditte dud Sabatier pour lequel la deslivrance du présant prix fait luy avait esté faite par led sergent commissaire de lad cour comme dernier moins disant, lequel prix de neuf cent livres sera payé aud entrepreneur, scavoir …

[f° 226] la moitié quest quatre cent cinquante livres dans huit jours, et les autres quatre cent cinquante livres lors que lad ouvrage sera parfait, et pour l’entière obligation de tous ce dessus les parties ont respectivement engagé leurs biens présant et advenir et encore led entrepreneur sa personne propre, soubmis aux rigueurs des cours de Mr le Sénéchal siège présidial petit scel royal dud Montpellier… ».

— IV —

1657 : ADH, 2 E 14 234, prix fait pour la construction de la chapele Ste Thérèse du couvant des Carmes bailhé par less Révérand Pères Carmes aud Jean Sabatier esculteur

[f° 169 et 170] « L’an mil six cent cinquante sept et le dix huitième juillet dans Béziers par devant moy notaire royal de lad ville et tesmoins bas nommés estably en personne Révérend Père Romuald de l’Enfant Jésus prieur du couvant des Carmes de la présente ville et Père Claude de la Nativité sindic dud couvant faisant pour et au nom de leur Couvant et en suivant le testament de feu Guillaume Boudes bourgeois de la présente ville de vingt huit décembre dernier contenant le légat au couvant de la somme de sept cent livres pour servir à la construction de la chapelle St Thérèse ont bailhé et bailhent à faire la construction de lad chapelle à Jean Sabatier esculteur habitant de lad ville icy présant stipulant et acceptant aux pactes suivants, scavoir que led Sabatier sera tenu de faire dans lad église à l’endroit où se trouve l’autel de St Thérèse une chapelle voutée en plastre du mesme ordre et de la mesme fasson que celle que le Str de Landes à fait faire joignant icelle avec les ornements et figures conformes à celles dud Landet saulf du grand tableau quy est sur l’autel lequel sera remis et laissé à la chepelle à la place où il est présentemant et ne sera tenu led Sabatier de fournir ny de bailher autre grand tableau, sera tenu de faire peindre dans la voutte de lad chapelle les tableaux nécessaires suivant les dessains que led Révérand Père luy bailhera et metra les armes de feu Boudet en relief sur le dessus de lad chapelle, les piedsetal de la chapelle quy soustiendront les colonnes seront de pierre blanche de Lespignan comme les balustres de lad chapelle quy seront semblables aux autres et les colonnes de plastre et la fensetre et vitres que convient de faire a lad chapelle pour la fermer les fera faire à se despans tout le surplus dud travail, led Sabatier fera et parfaira et fournira la pierre sable chaux plastre bois et autres choses nécessaires pour la construction le pout pour et moyennant la somme de sept cent livres en déduction de laquelle lesd Pères Carmes ont payés aud Sabatier la somme de quatre cent livres en louis d’argent et monnoyes faisant lad somme receue et retirée par led Sabatier au veu de moy notaire, et les trois cent livres restants lesd Pères Carmes lorsque led Sabatier aura fait la totalité du travail, laquelle chapelle il promet de rendre parfaite entre icy et la feste de Pasque prochain et commmencera à travailler après la feste de Ste Thérèse prochain et pour l’observation de ce dessus… dans le refectoire dud couvant présantMe Jean Donat procureur au sénéchal de Béziers et Vidal Roques ».

— V —

1680 : ADH, 2 E 10 30, prix fait bailhé par frère Raphaèl Religieux Minimes aud Sr Sabatier sculteur

— [f° 187 et suiv.] « L’an mil six cent quatre vingt le neuvième jour du mois d’octobre avant midy dans Béziers, régnant très chrétien prince Louis par la grâce de dieu roy de France et de Navarre, pardevant moy notaire royal de lad ville et tesmoins bas nommés a esté présant et constitué en personne Révérand Père Raphaèl religieux Minimes du couvent de Perpignan, lequel en suivant l’ordre du Père Boussac présentemant exprovincial et du provincial présant qui estait alors son collègue, bailhe à prix fait au Sieur Jean Sabatier esculteur de la ville de Béziers résidant à Montpellier pour faire orner une chapelle dans l’esglise de Notre Dame de Consolation au terroir de Béziers via à vis celle de feu Monsieur Espanhac et conformement à icelle à la réserve des collomnes qui seront torses et ouvrées conformement à celles du grand hautel, pour lequel travail le frère Raphaèl luy donne la somme de cinq cent livres et le charroy de la pierre et plastre blanc suy viendra de Marseille despuis les escluses de Villeneuve jusque à Nostre Dame de Consolation tant seullemant ensemble fera faire le charroy de l’eau, etlesd Sieru Sabatier à fournir tous les matèriaux nécessaires compe plastre blanc et gris pierre blanche et autres, s’oblige deplus led Sabatier de faire commander et trasser la pierre dès aujourd’hui et continuer incessament sont travail, deplus s’oblige led Sabatier de prendre et de recevoir le plastre blanc quy viendra de Marselhe dans les sac pour son compt du poids de quatre vingt quinteaux pourvu quil soit bien conditionné et de recepte et se chargera encore desd sac pour son compte le tout suivant que la lettre de voiture marquera, et a son compte du prix fait led frère Rafaèl a bailhé et deslivré aud Sabatier acceptant la somme de cent livres présentemant réellement et de comptant en escus blanc et moneys jusque au parfait de la somme par led Sabatier comptée vérifiée et receue à son contentemant en présence de moy notire et tesmoins et promet et s’obligede payer aud Sabatier les quatre cent livres restantes dud prix fait à proportion que le travail avancera et ce faisant pendnat que led travail se fera les Pères relligieux de Nostre Dame de Consolation seront tenu et obligés de nourrir led Sabatier et tous les autres ouvriers quy travailleront à lad chapelle promettant led Sabatier de travailler incéssament aud prix fait et de faire icelluy de la manière quy luy a esté prescrit cy dessus à peyne de despans dommanges et intherests et pour observr tout ce dessus led frère Rafaèl et led Sabatier… ».

Notes

 1.  Emile BONNET,André JOUBIN, Montpellier aux XVIIe et XVIIIe siècles – Architecture et décoration, Paris, Bulloz, 1912.

 2.  Jean CLAPAREDE, « Gypseries montpelliéraines de la seconde moitié du XVIIe siècle ». Arte antica et moderna, n° 19, Florence, 1962, p. 267-279.

 3.  Joël PUISAIS, dans un article paru en 2006, avait déjà émis la même hypothèse. Aujourd’hui plusieurs œuvres nouvelles viennent étayer le propos.

 4.  AD34, 2E 97/61, f°150-151, 7 juillet 1647 : Contrat de mariage de Jean Sabatier, maître sculpteur, de Béziers, fils de Guillaume Sabatier, maître plâtrier, et d’Antoinette Cappelle, avec Marie Olive, fille de feu Jean Olive et d’Alaissette Bories, de Servian.

 5.  L’âge d’or de la sculpture, Artistes toulousains du 17e siècle, Éditions Somogy, 1996, p 60.

 6.  Ibidem, p. 40 -45

 7.  AD 34, 2 E 11 40, f° 755 v et suiv. Prix fait bailhé à Jean Sabatier sculpteur à faire ouvrages nécessaire pour le vœu fait à Saint Joseph. Cf. annexe I.

 8.  Article à paraître.

 9.  AD 34, 2 E 14 206, testament de Guillaume Sabatier.

10. AD 34, 2E 97/61, f°150-151. 7 juillet 1647, contrat de mariage de Jean Sabatier, maître sculpteur, de Béziers, fils de Guillaume Sabatier, maître plâtrier, et d’Antoinette Cappelle, avec Marie Olive, fille de feu Jean Olive et d’Alaissette Bories, de Servian.

11. AD 34, 2E 97/61, f° 145-146, registre de maître Jean Vaissière, notaire à Béziers. 23 juin 1647, Prix fait d’une chapelle en l’esglise des Carmes pour Antoine Landes contre Jean Sabatier. Cf. annexes.

12. Jean NOUGARET, Montpellier monumental. Paris, Monum / Éditions du Patrimoine, 2005, volume I, p 209.

13. Le prix fait cité par Jean Nougaret est publié en annexe III.

14. AD 34, 2 E 14 233, debtes pour Jean Sabatier mtre esculteur contre Nougaret.

15. AD 34, 2 E 14 247, f° 362,363, 364. 28 juillet 1657, Compte final portant debte pour led Sabatier contre le Sr Aures paintre.

16. AD 34, 2 E 14 234, f° 169 et 170. 18 juillet 1657. Prix fait pour la construction de la chapelle Ste Thérèse du couvant des Carmes bailhé par less Révérand Pères Carmes aud Jean Sabatier esculteur. Cf. annexe IV.

17. AD 34, 2 E 14 234, f° 194. 29 août 1657, Debte pour Sabatier esculteur contre Anthoine et Blaise Garenc frères de Caux.

18. AD 34, 2 E 14 234, f° 198 et suiv. Accord et transaction entre Jean Sabatier, esculteur, et Marquise et Jeanne Sabatier ses sœurs.

19. Régis MARTIN, « Le chapitre de Saint Paul de Fenouillet un projet de reconquête ». Revue de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, n°187, 1993, p. 94-97.

20. AD 34, 2 E 55/155, f° 192 : achapt par Sabatier de la Dame de Lespignan Girard.

21. AD 34, 2 E 58 157, f° 98 v et 99. 16 mars 1673, quittance fait à Sabatier esculteur par Bertrande veuve de Charpentier.

22. AD 34, 2 E 10 27, f° 45. 29 janvier 1677, arrentement de boutique madame de Sérignan à Jean Sabatier.

23. Renseignement fourni par M. Jean-Louis Vayssettes.

24. Renseignement fourni par Dominique Moulis.

25. AD 34, 2 E 10 30, f° 187. 9 octobre 1677, prix fait bailhé par frère Raphaèl Religieux Minimes aud Sr Sabatier sculteur. Cf. annexe V.

26. AD 34, 41 H 7, extrait du registre de indignations de la cour royalle et ordonnances de Montpellier.

27. AD 34, 41 H 7, 7 décembre 1688, extrait de l’acte de séparation.

28. Jean NOUGARET, op. cit., tome 1, p 138-143.

29. Inventaire du canton d’Aigues-Mortes, Paris, Imprimerie Nationale, 1972, p. 67-68

30. AD 34, 41 H 7, 21 mars 1702, Mémoire des frets de l’anteremant de feu Mr Sabatier sculteur en plastre.

31. AD 34, 2 E 14 206, Testament de Guillaume Sabatier.

32. AD 34, 2 E 1 246, f° 246v °, f° 247. 16 novembre 1649, donation faite par Sabatier au couvent d’Augustins de Montagnac.

33. Thierry VERDIER, Architecture à Montagnac sous l’Ancien Régime. Montpellier, Éditions de l’Espérou, 1977, p. 41.

34. Ibidem.

35. AD 34, 2 E 14 247, f° 207-211. 1645 : Vente perpétuelle d’une maison par les Augustins de Montpellier aux Augustins de Béziers.

36. Jean NOUGARET, op. cit. p 136-137.

37. AD 34, 2 E 14/247. 26 mai 1654, Contrat de consentement passé entre le RR PP Augustins réformés du couvant de Béziers en faveur des PPRR Augustins réformés de Montpllier et Sabatier Mtre esculteur.

38. AD 34, 2 55/153, f° 80, 8 juillet 1669 : obligation pour Sabatier par les Augustins.

39. AD 34, 2 E 58/154, f° 221 v°. 13 juin 1670, obligation faite à Sabatier par les Augustins de Montagnac.

40. AD 34, 41 H 21. Prix fait passé par les Augustins à Thomas et Anthoine Chassefière, maçon.

41. AD 34, 41 H 21. 9 mai 1674, quittance de Sabatier.

42. AD 34, 41 H 21.13 octobre1674, quittance de Jean Sabatier (la quittance du 25 janvier 1675 est rédigée sur le même document.)

43. Cf. infra.

44. AD 34, 41 H 36, compte du mois d’avril 1675.

45. Ibidem

46. Ibidem : Le 15 avons donné à Mr anthoine boissac mtre gippier à carroner le cœur, bastir la balustrade et l’enduire, à blanchir le courroir des 5 chambres le carroner de long en long, faire quatre bu… desd chambre et une cheminée à la galerie sur le cloistre la sortie hors du toit, nous fournissant sa main, à la some de 50 livres dont il a receu de comptant et par advance la some de 25 livres.

47. AD 34, 41 H 21. 1er mai 1686, achat de plâtre de Peyriac. Monsieur Sabatier sculpteur de Montpellier a payé cent et six cestiers de plastre de Peyriac à 6 sols 9 deniers le cestier, monte avec trante deux sols de louage, sans conter treze que je luy en ey fait et preté gratis, les 32 à 11 sols chasque sac ioint à cent six cestier plastre monte la somme de trante cinq livres trois sols six Deplus donné au charrieur de plastre cinq sols cest en tout 35 livres 8 sols 6 denier Tout lequel argent Monsieur Sabatier a fourny pour payer ce que dessus en foy de quoy jay signé le 16 avril 1686.

48. AD 34, 41 H 21. Quittance.

49. AD 34, 41 H 36. Compte du mois de mai 1686.

50. AD 34, 2 E 55/171, f°61. Quittance d’Antoine Ranc du 26 mars 1687.

51. AD 34, 41 H 21 quittance d’Antoine Ranc : « J’ay receu du RP Martin R augustin la somme de soixante livres pour quatre tableaux que le luy ai fait dans le retable de l’autel de son église, représentant St Martin, St Simplician, St jean faconde et Ste Claire de Montfaucont dont le quite, fait à Montpellier le vingtième juilhet mil six cent quatre vingt dix sept ».

52. AD 34, 41 H 7. 21 juillet 169, quittance de Jean Sabatier.

53. AD 34, 41 H 7. 1691, Coppie du contrat de donation faite par le couvant d’une chapelle à Monsieur Sabatier en conséquence de laquelle led Sr Sabatier a fait don de lad chapelle sous le bon plaisir de la communauté aux peintres, sculteurs, doreurs et graveurs de Montpellier

54. AD 34, 41 H 7. 19 janvier 1702, copie du codicille rédigé par Jean Sabatier.

55. AD 34, 2 E 58 156, f° 368 et suiv. : Testament de Jean Sabatier esculteur.

56. AD 34, 41 H 7. 21 mars 1702, Mémoire des frets de l’anteremant de feu Mr Sabatier sculteur en plastre : pour les sierges, 9 livres 1 sol 3 deniers ; pour le suère, 2 livres 13 sols ; pour la quèse, 4 livres ; pour lanteremant, 4 livres; pour 4 porteurs 4 livres, J’ay donné à l’anterremant quatorze livres de l’argent du dernier novice pour payer les sierges et la bière de Mr sabatier. Ce 21 Mars 1702.

57. AD 34, 41 H 7. Quittance de Marie Sabatier, 19 juillet 1704.

58. AD 34, 41 H 7. quittance de Marie Sabatier, 7 juillet 1704.

59. Archives municipales de Béziers, GG 205, Fabrique de l’église de la Madeleine.

60. AD 34, 2 E 68/6. Prix faict bailhé à Pierre Becachel mtr Peintre par Me Jean Gavine religieux et chanoine régulier de Notre Dame de Cassan.

61. Joël PUISAIS, Diffusion et évolution de la gypserie en France du 16e au 19e siècle, Gysperies, gipiers des villes, gipiers des champs. Gréaphis, 2005, p 11-28

62. Bernard SOURNIA, Jean-Louis VAYSSETTES, Montpellier. La demeure classique. Paris, Ministère de la Culture [Coll. Études du Patrimoine], 1991, p. 202.

63. AD 34 2 E 56/482, f° 398 et suiv.

64. Catherine BOURDIEU-WEISS, « Pierre Affre, sculpteur toulousain du XVIIe siècle : aspects méconnus de sa vie ». Dix-septième siècle, 2/2001 (n° 211), p. 215-231.

65. AD 34 2 E 55/197, f° 380 v ° et suiv. Prix fait pour 900 livres

66. 1648 ADH, 2E 97/61, f° 532, registre de maître Jean Vaissière, notaire à Béziers, 30 décembre 1648, Contrat d’entre Jean Sabatier et Jean Cabanes.

67. Nicole ANDRIEU, « Les plâtres de la Loubière et leur emploi dans le décor des intérieurs rouergats du XVIIe au XIXe siècle ». Rouergue, carrefour d’histoire et de nature. Actes du 54e congrès de la Fédération Historique de Midi-Pyrénées. Millau, mai 2002, p 497 à 504.

68. [Appel manquant] Alain MEROT, « L’art de la voussure ». Revue de l’Art, 1998, n°1, p. 27-37.

69. Joël PUISAIS, « Les cheminées du palais épiscopal d’Uzès ». Bulletin de la Société Historique de l’Uzège, n° 39, décembre 2006

70. Dr Eugène TEISSIER, Choses d’autrefois. Une vieille chapelle de Pénitents à Aigues-Mortes. Nice, Imprimerie de l’éclaireur de Nice, 1929.

71. Régis MARTIN, « Le chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet, un projet de reconquête ». Revue des Monuments Historiques, 1993, p 98, note 1.

72. Joël PUISAIS, Les cheminées du palais épiscopal d’Uzès

73. Aigues-Mortes, Gard. Paris, Inventaire général des Monuments et des richesses artistiques de la France, Imprimerie Nationale, 1973, p. 67-70.

74. Abrégé de tout ce qui est contenu dans les livres des délibérations des Pénitents Gris de la ville d’Ayguesmortes depuis 1701 jusques en 1702, fait par moy Jean Gilly secrétaire de la susd confrérie. Archives de la confrérie des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes.

75. Renseignement communiqué par M. Laurent Hugues.

76. [Appel manquant] Archives de la Confrérie des Pénitents Gris d’Aigues-Mortes et AD 30, 6 M. 691

77. Régis MARTIN, Le chapitre de Saint-Paul-de-Fenouillet, un projet de reconquête

78. Marc, I 9-11.

79. Actes des Apôtres, 8 26-38.

80. Albert-Paul ALLIES. Une ville d’États. Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles. 2e éd. Montpellier, Éditions des Arceaux, 1951, p. 157.

81. Pour exemple, AD 34 2 E 56/482, f° 398 et suiv..: le plâtrier Destan, de Montpellier, est chargé de faire une cheminée « avec ses arrière corps où sera fait de festons de fleurs ou de fruits avec son porte chandelier ».

82. Anne TOUZERY-SALAGER, Les châteaux du Bas-Languedoc. Éditions Espace Sud, 1996, p 322.

83. Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, tome 3, 1839, p 17.

84. Michèle FRANCOIS, dossier de protection des bâtiments de l’enclos du chapitre. CRMH, DRAC Languedoc-Roussillon, juin 2009.

85. [Appel manquant] Dossier d’inventaire. Service régional de l’Inventaire.

86. Bernard SOURNIA, Jean-Louis VAYSETTES, op. cit., p. 203.

87. Jean COTELLE, Livres de divers ornements pour plafond, cintres surbaissés, galleries et autre de l’invention de Jean Cotelle, peintre du roy, gravé par F Pouilly. Mariette, 1647. Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Est. 1066.

88. Bernard SOURNIA, Jean-Louis VAYSETTES, op. cit., p 200-201

89. Millau sous l’Ancien Régime. Parcours du Patrimoine. V. VIIe de Millau, p 50-65

90. Jacques Duchesne était conseiller du roi, maître particulier des Eaux et Forêts en Rouergue et receveur des tailles en l’élection de Millau

91. Grands Carts de Plafons a la Romaine inven. et gravez par I. le Pautre. Avec privil. 1661. Se vendent à Paris chez Pierre Mariette rue S. Jacques à l’espérance. Suite gravée de six feuilles en largeur publiée par Pierre II Mariette en 1661 et rééditée par Jombert en 1751.

92. Alain GRUBER (sous la direction de), L’art décoratif en Europe. Classique et Baroque. Paris, Citadelles et Mazenod, 1992, p. 103-107.