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Description

La table d’autel de Mourèze

Voici très exactement trente ans, au Ve Congrès international d’archéologie chrétienne qui se tenait à Aix-en Provence, j’ai introduit la table d’autel fragmentaire de Mourèze dans une étude d’ensemble des autels de Septimanie du Ve au VIIIe siècle. Depuis cette époque, on l’avait un peu oubliée, mais voici que, tout récemment, une série de travaux l’ont replacée dans le champ de l’actualité.

Une nouvelle description du fragment le plus important, qui est encastré au-dessus de la porte d’une remise, en face de la fontaine, a été donnée par Olivier Ginouvez et Laurent Schneider puis par Gaston Combarnous. dans son livre sur Mourèze – Ce dernier auteur. a publié en même temps la photographie d’un autre morceau de la table, plus petit, qui est sa propriété et dont je n’avais pu moi-même que signaler l’existence . Avant d’être acquis par M. Combarnous – « pour l’installation, entre 1940 et 1970, d’un dépôt-musée à Mourèze » – il était « inséré dans le mur extérieur de la maison d’un des trois coseigneurs (des XVIe et XVIIe siècles).

Par ailleurs, Élisabeth Chatel vient d’étudier l’iconographie de l’ensemble des autels paléochrétiens et du Haut Moyen Age du Sud-est de la France auquel se rattache les deux fragments de Mourèze, à partir d’une autre pièce du groupe, l’autel de Saint-Marcel de Crussol dans le département de l’Ardèche (commune de Saint-Georges-les-Bains), acquise par le Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. La situation résultant de la conjonction de ces deux séries de faits paraît favorable à la réouverture du dossier.

Définissons d’abord les caractères du groupe. Ce sont des tables rectangulaires dont les dimensions se situent entre 1 m 02 sur 0 m 56 pour celle d’Auriol au Musée Granet d’Aix-en-Provence et 1 m 78 sur 1 m 12 pour celle de Saint-Victor de Marseille. Leur partie centrale évidée est encadrée par une bordure. Elles sont ornées et leur décor, distribué essentiellement sur les tranches, gagne parfois le rebord. A Mourèze, ce dernier ayant été simplement mouluré – on aperçoit un large bandeau creusé de trois sillons – l’intérêt se concentrait exclusivement sur les tranches.

On peut affirmer que le plus grand des fragments – 0 m 50 de longueur pour une épaisseur de 0 m 10 – est une partie de la tranche antérieure, c’est-à-dire de la tranche principale, en raison de la nature de son iconographie, qui affirme sa priorité. Le centre de la tranche était marqué par un chrisme accosté de l’alpha et de l’oméga et entouré d’une couronne de laurier. Celle-ci est nouée en bas et elle encadre une fleur à la partie supérieure. Le rhô du chrisme présente une petite barre qui lui donne l’allure d’un R majuscule. En direction du monogramme se dirigeaient deux groupes de colombes. Il en demeure quatre à gauche et une seule à droite.

Le second fragment permet de compléter cette description. Il constituait l’angle antérieur droit de la table, avec une colombe ayant appartenu elle aussi à la tranche principale, et le départ d’un rinceau végétal sur le petit côté de droite. On peut déjà conclure que la double théorie des colombes constituait avec le chrisme la totalité du décor de la tranche antérieure, compte tenu également de petits arbustes aux allures de cyprès, très stylisés, qui se dressent à côté des colombes. Ce dernier élément est d’ailleurs d’une importance capitale, car il signifie que le milieu évoqué était le paradis.

Que représentaient alors les colombes ? On reconnaît généralement en elles les apôtres. Ce symbolisme est même spécifié dans la description d’un décor d’abside que Saint Paulin avait fait réaliser à Nola près de Naples. C’est en 394 que ce riche et noble bordelais vint s’établir au « cimetière » de cette ville, près du tombeau de Saint Félix – un prêtre syrien mort en odeur de sainteté peu de temps après la Paix de l’Église – dans cette Campanie où ses parents possédaient de grands domaines fonciers. Il éleva dans les premières années du Ve siècle un ensemble de constructions qu’il décrit complaisamment dans une épître à Sulpice Sévère, l’historien chrétien aquitain, et dans deux poèmes. Dans la conque absidale de la basilique principale la main divine, symbole de Dieu le Père, apparaissait au milieu des nuées. Au-dessous, le Saint-Esprit était représenté par une colombe aux ailes étendues ; plus bas encore, une grande croix rayonnait dans une auréole d’or sur laquelle douze colombes, désignées comme la représentation des apôtres, formaient une couronne autour du Rédempteur. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1985

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Marcel DURLIAT

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf