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Description

Architecture et liturgie à l’époque carolingienne dans la province de Narbonne

Une remarquable enquête conduite par M. Durliat et J. Giry a permis, naguère, d’inventorier, dans le département de l’Hérault, une bonne trentaine de petites églises à chevet quadrangulaire, d’époque préromane. L’attention ayant été ainsi attirée sur l’intérêt que représentait ce type de monuments, il n’est pas rare que l’on découvre parfois les ruines de quelques autres de ces édifices religieux ruraux dans nos campagnes.

Cette typologie se retrouve encore dans le Gard où l’on signale quelques exemples de ces églises préromanes et, surtout, dans l’Aude où une quinzaine subsistent, plus ou moins intactes. Une recherche de monuments ruinés dont il ne reste guère plus que les fondations n’a pas été entreprise aussi systématiquement que dans l’Hérault, mais une enquête analogue à celle qui a été conduite dans ce département permettrait certainement d’allonger la liste des églises audoises préromanes. La situation est identique dans les Pyrénées-Orientales où l’on dénombre autant de ces anciens lieux du culte ruraux que dans l’Aude.

S’il existe, ailleurs en Europe, des églises préromanes à chœur quadrangulaire, ces monuments, singulièrement nombreux dans l’ancienne province ecclésiastique de Narbonne, ont acquis un certain nombre de caractères particuliers qu’il convient de rappeler. Les mêmes caractères sont observables dans les multiples églises préromanes des diocèses catalans qui, entre le VIIIe et le XIe siècle, relevaient de la métropole narbonnaise.

Ces édifices possèdent une nef unique d’une longueur variant entre 12 et 16 m et d’une largeur de 6 à 8 m. Le chœur quadrangulaire, le plus souvent trapézoïdal, est rarement dans le même axe que la nef, mais il présente par rapport à celui-ci une déclinaison de quelques degrés vers le nord. Le sanctuaire est séparé de la nef par un mur dans lequel on a ouvert un arc triomphal, parfois outrepassé. Cet arc repose, en arrière, sur des piédroits qui ferment partiellement le chœur. Celui-ci est souvent voûté alors que la nef reçoit, presque toujours, une couverture en charpente. De rares fenêtres, en meurtrière, éclairent parcimonieusement l’édifice : l’une est toujours située dans le mur est du sanctuaire, d’autres sont parfois percées dans le mur sud du chœur ou de la nef, rarement à l’ouest, presque jamais au nord. Elles sont appareillées en moellons taillés ; un petit arc est échancré dans la pierre formant linteau. Quelquefois la meurtrière est tout entière taillée dans un monolithe. Elle possède un seul ébrasement intérieur. La maçonnerie des murs est constituée de pierres irrégulières, liées au mortier. Elles sont parfois disposées par assises en épi. Seuls, les angles sont dressés en gros blocs taillés, disposés en carreaux et boutisses.

Ces édifices sont rarement bien datés. On peut croire seulement que la majorité d’entre eux a été élevée au IXe et, surtout au Xe siècle. Il n’est pas impossible que quelques-uns puissent remonter au VIIIe siècle. Cette typologie a pu, dans quelques cas, se maintenir jusqu’à l’époque romane, mais il serait très imprudent d’attribuer la construction de ces églises aux temps wisigothiques. On n’a pas la preuve non plus que cette typologie s’est constituée avant le VIIIe siècle. C’est la raison pour laquelle on préférera parler d’églises « préromanes » ou « d’époque carolingienne ».

Il est particulièrement remarquable que la quasi-totalité des églises préromanes qui subsistent dans la région septimano-catalane, exception faite des cathédrales et des abbatiales, appartient à la typologie que nous avons définie. Il semble qu’elle se soit imposée aux petites communautés rurales qui ont eu à reconstruire leurs lieux de culte après les temps troublés de l’occupation arabe et de la reconquête franque. Pourquoi ce choix délibéré ? On a évoqué la facilité de construction et le faible coût de l’opération. Mais dans ce cas on aurait dû préférer un autre type d’édifice qui a connu probablement une certaine faveur à l’époque paléochrétienne : l’église aulique, la simple salle de réunion de la communauté. Or, celle-ci n’apparaît jamais. Si on lui a préféré, à l’époque carolingienne, une autre architecture plus complexe, c’est peut-être pour des raisons liturgiques. L’exemple de l’évolution que l’on peut observer dans l’église du Pic-Saint-Martin, à Siran, est très significatif et pourrait se révéler particulièrement éclairant.

Des fouilles conduites avec méthode, il y a quelques années, dans un centre habité du premier Age du fer jusqu’en plein Moyen Age, ont révélé une petite église qui, dans son état primitif, se présentait sous la forme d’une aula de 12 m de longueur sur 5,50 m de large. Le sol était uniformément bétonné sur toute la surface de la salle. Du côté de l’est, on pouvait repérer le socle de l’autel dans lequel était réservée une petite cavité pour les reliques. Dans ce premier état, le monument chrétien appartient à une période haute que l’on peut placer à l’époque wisigothique.

Dans un deuxième temps, les murs du chœur sont renforcés, sans doute pour supporter une voûte, tandis que l’ouverture sur la nef est partiellement fermée par des murettes qui devaient supporter un arc triomphal. Parallèlement, le niveau du sanctuaire est surélevé par rapport à celui du quadratum populi. Cette transformation ayant lieu avant une troisième étape qui verra le voûtement de l’ensemble de l’édifice, à l’époque romane, il faut la placer aux temps carolingiens. On voit ainsi se réaliser, dans un même édifice, par simple réaménagement, le passage de l’église aulique, à l’église à chœur fermé de l’époque préromane. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

6

Auteur(s)

André BONNERY

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf