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Description

Une nouvelle vie de Saint Fulcran de Lodève

Monsieur François Dolbeau a publié dans les Analecta Bollandiana (Tome 100, 1982, pp. 515-544), la revue bien connue d’Hagiographie Chrétienne, une vie inédite de saint Fulcran, évêque de Lodève. C’est cette « Vie » que l’on ma demandé de traduire et de présenter aux lecteurs d’Etudes sur l’Hérault.

Saint Fulcran est mort le 13 février 1006, après avoir occupé le siège épiscopal de Lodève pendant 57 ans. L’action pastorale et la sainteté de vie du personnage en ont fait une des figures les plus marquantes et les plus vénérées de l’ancien diocèse de Lodève. Aujourd’hui encore, après un millénaire, sa mémoire et son culte sont toujours très vivants à Lodève ; ne sonne-t-on pas chaque soir, au clocher de la cathédrale, le « glas de saint Fulcran » pour rappeler son trépas, et la procession de ses reliques, le dimanche précédant l’Ascension, n’attire-t-elle pas la foule de ses dévots du Lodévois ?

Mais après tant de siècles écoulés, pouvons-nous avoir une idée exacte de ce que fut ce personnage ? Les hagiographes successifs n’ont-ils pas embellie sa physionomie ? Quelles sont les sources de sa biographie ? Depuis sa mort, et la récente découverte vient de le confirmer, presque chaque siècle a vu se lever un ou plusieurs biographes ; mais quel crédit peut-on leur accorder, alors qu’il est notoire que les hagiographes ont davantage le souci d’édification de leurs lecteurs que celui de l’historicité de leur récit ?

Saint Fulcran, bien sûr, n’a pas échappé à ce danger. Il faut donc faire œuvre de critique pour discerner ce qui est proche de la vérité et éliminer ce qui est manifestement légendaire. Ce travail n’a pas encore été fait de manière systématique, mais E.-Martin et L. Guiraud dans « Histoire de la ville de Lodève » (Montpellier 1900), J. Rouquette dans « Vie de saint Fulcran par Bernard Gui, traduite et annotée » (Montpellier 1911), et surtout H.-Vidal dans « La première « Vie » de saint Fulcran » et le triomphe de l’« épiscopatus lodévois au XIIe siècle » (Annales du Midi, tome 77, n° 71, janvier 1965), et François Dolbeau lui-même dans l’introduction à la « Vie inédite de saint Fulcran », ont bien déblayé le terrain et précisé quelques points particuliers. En attendant la publication d’une biographie critique, venons-en aux sources de cette biographie : elles sont de deux sortes, diplomatiques et hagiographiques.

Les actes concernant saint Fulcran ne sont pas nombreux, mais cela n’a rien de surprenant pour le Xe siècle. Ils suffisent cependant à situer son action pastorale et à cerner sa physionomie religieuse. Il est fidèle aux assemblées conciliaires de la province narbonnaise, tel le concile de Narbonne de 990 (Fliche T.7, p. 493), et hors de la province, tel le concile du Puy aux alentours de 990 (idem) qui légifera sur la question alors d’actualité : la paix dans le monde féodal en train de se constituer. C’était une préoccupation majeure pour l’Église, et les évêques, soucieux de défendre les populations victimes des luttes féodales, finiront par élaborer toute une législation pour réduire les conflits : elle est connue sous les noms de « Paix de Dieu » et « Trêve de Dieu ».

Il s’intéresse à la vie monastique en assistant à des consécrations d’églises ou d’autels, telle la consécration d’un autel dans l’église abbatiale Saint-Michel de Gaillac en 972 (H.G.L.T.V. col. 269270) ; les « Vies » évoqueront plusieurs cérémonies de ce genre dans des monastères auvergnats. Plus encore, il use de tout son pouvoir pour le rétablissement de monastères déchus de leur ferveur première, tel celui de Psalmodi au diocèse de Nîmes en 1004 (H.G.L.T. III, p. 233) ; les « vies » relateront la renaissance de celui de Joncels au diocèse de Béziers, qui fut son œuvre, et surtout la fondation de l’abbaye du Saint-Sauveur, auprès de sa cathédrale. Ces deux monastères ne furent pas oubliés dans son testament.

La reconstruction de sa cathédrale fut une des œuvres majeures de son épiscopat : l’acte de consécration de la nouvelle église (6 octobre 975) énumère les nombreuses donations qu’il fit à cette occation pour la magnificence du culte et l’entretien des chanoines appelés à la desservir (Cart. Lod., p. 469). Un acte de 998, dont l’original est encore conservé à la cathédrale de Lodève, favorise la fondation d’un luminaire en l’honneur de la Vierge Marie à l’autel qui lui est dédié dans l’Église cathédrale (Cart. Lod., pp. 19-20). Cette forme de dévotion, Fulcran l’avait déjà manifestée en l’honneur de la relique de la Croix, conservée au monastère de Gellone (Saint-Guilhem-le-Désert), en donnant un manse au territoire de Jonquières, dont le revenu permettrait d’entretenir perpétuellement un luminaire devant la précieuse relique (Cart. Gel., pp. 117-118).

Mais c’est le « Testament » qui est l’acte diplomatique le plus important par ses nombreuses donations, il nous permet, d’une part, de prendre conscience de la fortune de l’évêque de Lodève qui, à l’évidence, appartenait à une famille puissante et riche du Lodévois, et, d’autre part, il met en pleine lumière le fait que Fulcran fut essentiellement un homme d’Église, uniquement préoccupé d’assurer aux institutions ecclésiales pour lesquelles il avait tant œuvré, les moyens matériels nécessaires à leur stabilité et à leur durée : cathédrale qu’il avait reconstruite, chapitre qu’il avait réformé, abbaye du Saint-Sauveur de Lodève qu’il avait fondée, de Joncels qu’il avait rétablie, etc.

Deux autres chartes évoquent encore le rôle de Fulcran dans le monde féodal dont l’Église était partie prenante. La première, conservée dans le Cartulaire de Gellone (éd. Alaus, Cassan Mynial, p. 232), nous le montre exerçant l’office d’arbitre dans le différend qui opposait Raymond, comte de Toulouse et Amélius, évêque d’Uzès au sujet de l’honneur de saint Martin de Caux au diocèse d’Agde (972). La seconde, au Cartulaire de l’Église de Béziers (Livre noir, éd. Rouquette, p. 36), concerne l’échange que firent Fulcran, évêque de Lodève, et Bernard, évêque de Béziers, de l’alleu de Saint-Bauzille-d’Esclatian (com. de Vendres) possédé par le premier, contre l’alleu de Montels (com. de Lunas) possédé par le second (975). On peut penser que saint Fulcran donna ce dernier alleu à l’abbaye de Joncels, qu’il était en train de relever de ses ruines, car il ne figure pas dans son testament. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1988

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Gérard ALZIEU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf