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Description

Découverte du cahier de doléances de Loupian ?

* Professeur à l’Université Paul-Valéry, Montpellier III.

Grâce à la découverte par le professeur Gérard Pyguillem et Jean-Claude Richard d’un cahier de doléances, celui de Loupian, on peut disposer aujourd’hui d’un élément nouveau pour comprendre quelles étaient les demandes d’une communauté languedocienne en 1789. Ce document, dont les onze pages sont reproduites ici en fac-simile, oblige cependant à se poser plusieurs questions sur son origine, sa nature et son contenu, ainsi que sur le contexte de son écriture dans l’espace et dans le temps, et par conséquent sur sa place dans l’ensemble des textes que nous avons publiés en 1989, grâce au Conseil général et aux Archives départementales de l’Hérault.

Ce document isolé  ne fait pas partie du fonds des archives communales de LOUPIAN, déposé depuis quelques années aux Archives départementales de l’Hérault. Mais l’écriture du scripteur ne fait aucun doute, même pour de non-spécialistes en graphologie : c’est le secrétaire greffier de la communauté, Assas, qui a réalisé cette transcription, attribuée par tradition orale jusqu’à aujourd’hui à Renouvier, avocat et notable de LOUPIAN, dont on possède d’ailleurs dans les registres de délibération des exemples d’écriture et de signatures, qui ne correspondent pas aux graphes d’Assas.

Si on compare le Cahier de l’assemblée du tiers état du lieu de Loupian au diocèse d’Agde, sénéchaussée de Béziers aux autres cahiers que nous avons retrouvés, on constate immédiatement qu’il ne porte aucun signe d’authentification : il n’est pas incorporé, comme nous venons de le voir, dans un cahier ou registre de délibérations, comme c’est le cas pour Puissalicon, Cazouls-lès-Béziers, Lespignan, Sérignan, Baillargues, Frontignan, Lunel, Poussan ; il ne porte pas les signatures des membres de l’assemblée électorale qui l’aurait composé ou approuvé, comme à Mèze, Saint-Gervais, Saint-Saturnin, Fabrègues, Le Caila ; il ne fait pas partie des liasses gardées dans les coffres d’archives, comme à Aimargues, où alternent les écritures du premier consul maire Londès et de son correspondant nîmois Vincens le fils, ni des cahiers expédiés directement à Versailles, comme celui de Joncels, ou conservés dans les archives de l’Intendance, tel celui d’Aigues-Mortes ; il ne peut pas davantage être comparé aux cahiers incomplets de Nézignan-l’Évêque, Saint-Maurice-de-Navacelles, rongés par les rats ou l’humidité, ou à celui de Clermont-Lodève, qui parait n’être qu’un brouillon, inachevé, dont l’écriture change en cours de rédaction, comme celui de Sommières, apparemment complet, qui sont conservés dans les liasses « révolutionnaires » des fonds départementaux ou municipaux. On a affaire, avec le cahier de LOUPIAN, à un cahier complet, soigneusement mis en forme, dont on peut bien penser qu’il est le cahier authentique de la communauté, dont un témoin a voulu garder la trace par une copie parfaite, effectuée par le greffier du lieu.

« Enfin, nous avons remis à M. Rey, du consentement de ses codéputés, le cahier général des doléances de l’ordre du tiers-état, celui des marchands-fabriquants de drap de la province, qui a été joint à ce cahier général ; les divers cahiers particuliers des doléances de toutes les villes, bourgs et communautés de notre ressort, consistant en cent quatre-vingt-seize pièces différentes, le cahier des instructions données aux députés de cet ordre, et un extrait de nos procès-verbaux » : ces quelques lignes qui terminent le long Procès-verbal dressé par le juge mage de Béziers Gleises de Lablanque, président de l’assemblée du tiers état, enlèvent tout espoir de comparaison entre le cahier de LOUPIAN, tel qu’il se présente, et l’original « en forme » emporté à Versailles par les députés biterrois, vite dépassés par les événements, et qui n’ont plus bientôt besoin de conserver entre leurs mains des reliques d’un Ancien Régime qu’ils détruisent.

Cette découverte et la disparition de l’original – qui lui était peut-être identique – doivent-elles empêcher le chercheur d’aller plus loin ? Déjà, le titre, puis le préambule et les trois parties annoncées, ont un air de déjà-vu : le « cahier-modèle » du diocèse d’Agde, le cahier de Mèze, celui de Nézignan-l’Évêque, quoique incomplet, et celui de Pézenas. Nous avions rencontré, il y a une dizaine d’années, une copie manuscrite – incomplète – du « cahier-modèle », puis des exemplaires imprimés de ce même cahier – avec des corrections manuscrites – dans les archives communales d’Agde et de Beaucaire, et dans celles de Carcassonne, déposées aux Archives départementales de l’Aude.

La comparaison entre le « cahier-modèle » et les trois cahiers du diocèse d’Agde qui subsistent est très intéressante : A Mèze, on recopie scrupuleusement les trois chapitres du modèle, à l’exception de l’article XVI du chapitre III, puis on lui ajoute quatre articles qui sont la véritable expression des doléances locales sur son port, cause de conflit avec l’évêque d’Agde, sur la nécessité d’un cadastre général, qui tienne compte des changements survenus dans le Royaume, sur les eaux de vie et les inspecteurs sétois, et sur la pêche dans les étangs. A Nézignan-l’Évêque, compte-tenu du mauvais état du document, la comparaison n’est possible qu’avec une quinzaine d’articles du chapitre III, seul retenu par les rédacteurs, qui ont modifié le texte et supprimé quelques lignes, voire des articles qui leur paraissaient compliqués ou gênants, tel les sixième et septième sur les administrations provinciales, probablement parce qu’ils mettaient en cause l’institution des États de la province, dont leur seigneur et décimateur, l’évêque d’Agde, était membre « né », le quatorzième sur les Tribunaux, le seizième sur les annates, qui avait fait l’objet d’une modification à Mèze. La numérotation est ainsi décalée et le fait que le document soit […]

Informations complémentaires

Année de publication

1996

Nombre de pages

12

Auteur(s)

Jean-Pierre DONNADIEU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf