Une administration vichyste : Le fonds de la préfecture régionale de Montpellier (1941-1944)
Une administration vichyste, la préfecture régionale de Montpellier (1941-1944)
* Secrétaire de documentation, Archives départementales de l’Hérault
P. 125 à 136
Les préfectures régionales ont été créées par la loi du 19 avril 1941. Elles sont un produit du régime de Vichy. La loi précise que leurs missions concernent deux domaines cruciaux : la police et les affaires économiques. L’article présente le fonds 18 W, récemment reclassé, des Archives départementales de l’Hérault, fonds généraliste qui permet d’avoir une vision globale de l’histoire de la région pendant la guerre. Il contient 284 articles et fait 18 mètres linéaires. Il est un témoignage des rapports de force au sein du pouvoir et permet d’aborder la vie quotidienne des habitants à travers le contrôle de l’économie et les secours et aides apportés à la population. Enfin, la machine répressive du régime est largement abordée à travers les activités de police (surveillance, arrestations et déportations)
A Vichy administration: Montpellier Regional Prefecture (1941-1944)
The regional prefectures were created by the law of April 19, 1941 under the Vichy Regime. The law specified that their mission concerned two crucial areas: the police and economic affairs. The article presents the recently reclassified 18 W collection of the Departmental Archives of Herault, a generalist fund (classified records) that provides a comprehensive view of the history of the region during the war. It contains 284 items and is 18 linear meters. It is a testimony to the balance of power within power and allows to approach the daily life of the inhabitants through the control of the economy and the relief and aid provided to the population. Finally, the regime’s repressive machinery is widely mentioned throughout police activities (surveillance, arrests and deportations
Una administracion vichysta : la prefectura regionala de Montpelhièr (1941-1944)
Las prefecturas regionalas foguèron creadas per la lei del 19 d’abril 1941. Son un produch del regim de Vichèi [Vichy]. La lei estipula que lors missions pertòcan dos domenis crucials : la polícia e los afars economics. L’article presenta los fons 18 W, recentament reclassat, dels Archius departamentals d’Erau, fons generalista que permet d’aver una vision globala de l’istòria de la region pendent la guèrra. Conten 284 articles e mesura 18 mètres linears. Es un testimoniatge dels rapòrts de fòrça al dintre del poder e permet d’abordar la vida jornadièra dels estatjants a travèrs lo contraròtle de l’economia e los secorses e ajudas portats a la populacion. Enfin, la maquina repressiva del regim es largament abordat a travèrs las activitats de policía (susvelhança, arrestacions e deportacions).
[Texte intégral]
Les préfectures régionales ont été créées par la loi du 19 avril 1941. Produit du régime de Vichy, elles disparaissent à la Libération. La « région de Montpellier » comprend l’Aude, l’Aveyron, l’Hérault, la Lozère et les Pyrénées-Orientales. Structure généraliste représentant l’État, elle a avant tout pour mission d’assurer l’ordre, de gérer les relations avec la puissance occupante sur le plan local et d’assurer le ravitaillement des populations. Le fonds de la préfecture régionale est conservé aux Archives départementales de l’Hérault. À l’origine, il était composé de deux versements, le 18 et le 111 W. Il a été entièrement reclassé et existe désormais sous la seule cote 18 W. Il s’agit d’un fonds de guerre à mettre en relation avec les fonds plus spécialisés relatifs aux Anciens Combattants, au Service du travail obligatoire, aux Travailleurs étrangers, aux Compagnons de France, au Ravitaillement et à l’Intendance des Affaires économiques.
La création des préfectures régionales : régionalisme ou renforcement du pouvoir central ?
Le régime de Vichy, qui veut mettre en œuvre la « Révolution nationale », entend promouvoir les traditions et identités locales, revenir aux provinces d’Ancien Régime et effacer le jacobinisme. Il s’agit de réaliser le projet maurrassien d’une France traditionnelle et corporatiste contre le projet égalitariste et niveleur de la Révolution française. C’est pourquoi la loi du 19 avril 1941 institue les préfectures régionales. L’idée est de créer « un échelon régional, intermédiaire entre le gouvernement et les départements, et qui constituera un centre coordonnateur à la fois pour l’information du gouvernement, le règlement sur place de certaines affaires et l’exécution des directives gouvernementales ». La loi précise que leurs missions concernent deux domaines cruciaux : la police et les affaires économiques. À cet effet, elle crée deux collaborateurs spéciaux, l’Intendant des Affaires économiques et l’Intendant de police. Cependant, l’ampleur de la tâche du nouveau préfet régional est telle que la fonction de préfet délégué est instituée, dont le rôle est d’administrer le département siège de la région, l’Hérault en l’occurrence.
Mais nous sommes en guerre, et le nouveau pouvoir est autoritaire (parlement suspendu, partis interdits, opinion muselée, tribunaux d’exception instituées). En principe, la création des préfectures régionales donne plus d’autonomie aux pouvoirs locaux, c’est un pas vers la décentralisation, c’est du moins la volonté de déconcentrer les pouvoirs. En réalité, il s’agit surtout pour le maréchal Pétain d’être plus efficace dans le contrôle de l’administration locale en concentrant les pouvoirs entre les mains de « super-préfets ». Cette institution se révèle donc dès le départ ambigüe : retour des libertés provinciales, mais contrôle accru du pouvoir central de l’autre (« on ne peut commander qu’à un nombre restreint de grands subordonnés » déclare d’ailleurs l’amiral Darlan), éloge réactionnaire de la France traditionnelle mais rationalisation « technocratique » et très moderne de l’administration. D’ailleurs, les préfets régionaux sont régulièrement convoqués à Vichy et Paris pour des « conférences » (on a gardé la trace des compte-rendus de treize d’entre elles en 1941-1942) 1. Comme ils sont dix-sept dans l’ensemble du pays, il est dans ces conditions plus facile au pouvoir central de faire passer ses ordres aux fonctionnaires que s’il fallait réunir la centaine de préfets départementaux.
Du reste, le découpage des dix-sept régions respecte-t-il les identités culturelles ? Pourquoi rattacher le Gard à la région de Marseille, ce que le gouvernement a décidé de faire ? Pourquoi ne pas créer la région Cévennes dont la Lozère ferait partie 2 ? Finalement, la logique économique semble avoir prévalu. Le maréchal Pétain annonce d’ailleurs, dans un discours en novembre 1940, que pour constituer les régions, il consultera par priorité les chambres de commerce et les chambres de métiers et déclare que dans les futures régions « on devra trouver tout ce qui est nécessaire à la vie » 3. On comprend mieux dans ces conditions la logique à l’œuvre dans la création de la « région de Montpellier» : celle-ci est basée sur le vin, richesse locale, et la présence de centres urbains importants (outre Montpellier, Béziers, Perpignan) garantit son influence. En 1941, les intérêts économiques (lobby viticole pour notre région) et la recherche de l’efficacité (nécessité de créer des régions qui tiennent leur rang) semblent l’emporter.
Si le découpage des régions, qui fait l’objet de nombreux projets et débats à Vichy, privilégie donc efficacité administrative et économique, le régionalisme identitaire, à travers la promotion du pays d’oc, n’est cependant pas absent des préoccupations et des réflexions gouvernementales. En effet, les défenseurs des traditions et de la langue occitanes bénéficient de la bienveillance des autorités : ici, pas de velléités séparatistes comme en Bretagne, pas de risque de récupération possible par les Allemands, suspectés par exemple d’utiliser les défenseurs de l’identité flamande au service du racialisme germanique : on peut donc sans risque célébrer la « petite patrie » occitane 4. Du reste, le régionalisme est encouragé durant la période, à travers l’activité du Comité du Folklore, des Journées régionalistes ou de manifestations comme « Languedoc en vitrine » qui incitent les commerçants de Montpellier à illustrer dans leur vitrine l’histoire et les traditions de la ville à travers leur spécialité. En ces occasions, le préfet régional, comme le relate la presse, ne manque jamais d’être présent. Le fonds de la préfecture régionale conserve d’ailleurs un certain nombre de brochures et d’études « régionalistes » 5.
Du reste, les départements ne sont pas supprimés, ce qui serait nécessaire si on allait au bout de la logique d’un véritable régionalisme. Le maréchal Pétain lui-même précise dans ce même discours que les préfets départementaux sont certes placés sous l’autorité des « gouverneurs » de région, mais il ajoute : « Nous gardons les départements sous l’autorité des préfets qui seront les maîtres » 6. Le mot gouverneur, assez fortement connoté (il rappelle les commandants militaires des provinces d’Ancien Régime, mais aussi les gouverneurs des états américains) et n’était réservé jusqu’à présent qu’aux représentants de l’autorité dans l’Empire colonial est d’ailleurs finalement remplacé par « préfet régional », terme plus administratif et moins prestigieux 7.
Quant aux municipalités, elles ne sont plus issues du suffrage universel, puisqu’il n’y a plus d’élections, et le pouvoir central nomme et révoque les maires comme il l’entend. La préfecture régionale reçoit de nombreuses notices individuelles et rapports des préfets départementaux sur ces derniers, s’informe des doléances et des plaintes de la population et, ainsi informée, suspend ou révoque régulièrement les édiles. Il faut cependant motiver les maires, car ils sont un rouage essentiel, étant donné leur proximité avec la population. On les flatte donc. Les maires de la région sont ainsi reçus par le maréchal Pétain lui-même les 5 et 6 février 1944. À l’occasion, sept photographies en cent-vingt-deux exemplaires sont conservées dans le fonds de la préfecture régionale. Les historiens pourront tenter de reconnaître sur ces clichés les personnalités choisies qui ont eu l’honneur d’être reçues par le chef de l’État 8. (Fig. 1)
Exercer le pouvoir consiste aussi à distribuer des places ou insignes honorifiques (les « hochets avec lesquels on domine le monde » selon le mot attribué à Napoléon). Le préfet régional intervient ainsi dans les propositions d’attribution de la francisque par le maréchal Pétain, et fait lui-même les propositions pour les membres du Conseil national issus de la région, « parlement » du régime.
Le préfet régional est à la tête d’une machine administrative, et nous avons un aperçu de son fonctionnement à travers des extraits de dossiers de personnels, des notices individuelles, de la documentation sur la révocation et les sanctions prises à l’égard de fonctionnaires, notamment quand ces derniers ont une attitude « antinationale ». À signaler, le dossier du grand historien Albert Soboul, professeur au lycée de garçons de Montpellier 9. À travers l’organisation des concours de la fonction publique, ont été gardées les copies des candidats, et donc les sujets, lesquels sont très évocateurs : « On a écrit le stupide XIXe siècle : que pensez-vous de ce qualificatif ? », « Le relèvement de la France après 1815. Comment a-t-il été rendu possible ? Comment s’est-il manifesté ? Exposez vos raisons d’espérer le relèvement actuel de la France ». Charles Maurras et les contre-révolutionnaires ont intérêt à inspirer les futurs fonctionnaires 10.
Le rôle des hommes : Olivier De Sardan et Hontebeyrie, préfets régionaux
La personnalité des préfets régionaux, qu’ils soient amenés à devenir de simples rouages du régime de Vichy ou des gouverneurs de province dotés d’une véritable autonomie (et nous avons déjà vu que c’est la première option qui va prévaloir), est essentielle pour appréhender l’action de la préfecture régionale.
Pierre Olivier de Sardan est conseiller d’État, chef de cabinet de Pierre Laval au ministère des affaires étrangères en 1935. Lors de sa suspension à la Libération (il est finalement réintégré en 1957), le comité départemental de Libération de l’Hérault (CDL) le décrit d’ailleurs comme dévoué à Vichy, « essentiellement opportuniste », qui « manque de caractère » et pointe l’orientation réactionnaire de sa politique, ses activités anti franc-maçonnes et antisémites ainsi que son impopularité 11. On ne peut certes s’attendre à ce que le CDL fasse preuve de mansuétude à l’égard d’un serviteur de Vichy, mais le fait est qu’Olivier de Sardan ne s’est jamais compromis avec les ultras du collaborationnisme et peut d’ailleurs poursuivre sa carrière après un temps de bannissement. Le 12 septembre 1942 d’ailleurs, il est limogé pour avoir manifesté une hostilité aux mouvements collaborationnistes. Sur l’intervention directe des Allemands, il est placé préfet hors cadre. Olivier de Sardan est le type même de ces hauts fonctionnaires certes plutôt marqué à droite mais avant tout choisi pour leur compétence supposée, très éloigné de toute sympathie véritable à l’égard de l’Ordre nouveau nazi.
Olivier de Sardan était-il impopulaire comme l’affirme le CDL ? Il est difficile de répondre en l’absence d’opinion publique libre et de sondages d’opinion. En tous cas, en 1942, la bourgeoisie héraultaise semble se montrer révérencieuse. Nous le percevons à travers les cartes de vœux de nouvel an et de félicitations envoyées au préfet régional à l’occasion de la naissance de son fils : c’est toute la notabilité du département qui envoie ces cartes, document précieux pour une étude sociologique et indice de la servilité des milieux dirigeants à l’égard du représentant du régime qu’est le préfet régional 12.
Son successeur s’appelle Alfred Roger Hontebeyrie. Né en 1895 en Algérie, ancien combattant de la première guerre mondiale, diplômé de Sciences politiques, il fait carrière dans les cabinets ministériels. Plusieurs fois préfet, il est chef de cabinet de deux présidents du Conseil, Camille Chautemps et André Tardieu. C’est un haut fonctionnaire dans l’âme, dévoué à la République, hostile au collaborationnisme idéologique. Avec Jean Benedetti, préfet délégué de l’Hérault, il s’installe dans une « autogestion contrôlée de la désobéissance » et utilise « toutes les marges possibles pour se soustraire à l’application des mesures les plus persécutrices du régime » 13.
Les vrais sentiments politiques du préfet Hontebeyrie transparaissent dans les archives. Ainsi, son horreur certaine de l’antisémitisme du régime de Vichy apparaît clairement dans cette correspondance émouvante avec l’ancien grand rabbin de Besançon replié à Béziers. Dans une lettre manuscrite, celui-ci écrit en effet en décembre 1941 alors qu’Hontebeyrie n’était pas encore en poste à Montpellier (la lettre est cependant conservée dans ce fonds) : « je n’ai pas oublié l’accord toujours plein de charme et de bienveillance que vous réserviez à toutes mes visites et la façon dont vous accueillez mes demandes. Et avec moi, tous mes amis… ». On ne peut être plus clair. Autre exemple, Hontebeyrie écrit à un ami en janvier 1943 : « j’ai maintenant la conviction très nette qu’il n’y a rien à tirer des Allemands et qu’on ne peut faire fond sur aucune de leurs promesses » 14.
À travers l’ensemble du fonds, la relation plus que tendue entre Hontebeyrie et les mouvements « nationaux » apparait régulièrement dans la correspondance échangée. Hontebeyrie fait d’ailleurs l’objet de lettres de menace, dont l’une est explicite, puisqu’on y lit que le préfet régional fait partie des « gaullistes à être exécutés » 15. Il reste que le préfet Hontebeyrie est aussi soupçonné d’avoir été à l’origine de l’arrestation du résistant René Poitevin et sera du reste malmené lors du procès Marty (dont il était d’ailleurs un ami d’enfance) en 1948.
Proche des résistants, viscéralement hostile aux Allemands, fonctionnaire courageux ou au contraire personnage ambigu dont l’action, parfois hostile à la Résistance, est plus complexe et loin d’être en tous points héroïque ? La seule certitude est qu’Hontebeyrie était jugé bien trop tiède aux yeux des occupants. D’ailleurs, Hontebeyrie est arrêté par les Allemands en février 1944, il est déporté et à cette date, la préfecture régionale cesse d’exercer le pouvoir réel. Son successeur, Augustin Michel, n’appartient pas aux cadres de la préfectorale, sa personnalité est faible. Le vrai pouvoir appartient au nouveau préfet délégué de l’Hérault, Marie-Joseph Reboulleau, qui est avant tout un milicien 16.
Ainsi, à travers l’action d’hommes comme Hontebeyrie et Benedetti, nous constatons les capacités de résistance plus ou moins larvées qui se nichent au cœur même du pouvoir administratif, et la complexité de cette période, où il est impossible de s’en tenir à la confrontation manichéenne entre Résistants et Collaborateurs.
Contrôler l’économie
On se souvient que le contrôle de l’économie est, avec la police, la mission essentielle assignée à la préfecture régionale. Les nécessités de la guerre annoncent en effet une rupture avec le libéralisme traditionnel de la Troisième République. Désormais, l’économie est dirigée par l’État, qui oriente la production de façon autoritaire en fonction des besoins de la population. Les pouvoirs des préfets régionaux sont d’ailleurs accrus en la matière dès le 25 août 1941. Ainsi l’Inspection du travail, la Production agricole, le Contrôle économique et les Ponts-et-Chaussées ont-ils désormais un échelon régional correspondant à celui de la préfecture régionale, contrairement à l’Éducation nationale, la Justice et l’Armée qui gardent des tracés différents. D’ailleurs, le préfet régional peut suspendre tous les fonctionnaires des administrations traitant des affaires économiques, et pas ceux de la Justice et de l’Armée.
Pour mener à bien cette tâche, l’existence de la préfecture régionale permet d’abord de centraliser les informations, grâce à des réunions d’informations régulières de tous les chefs des services économiques, sous l’égide du préfet régional, et les nombreux rapports des services. Ces derniers nous permettent d’avoir une vision globale, secteur par secteur, de la situation économique (par exemple, nous disposons pour la période 1942-1944 des rapports d’activités du Service des Mines et de l’Inspection générale de la Production industrielle) 17. Des commissions économiques régionales sont instituées, dont nous avons conservé les procès-verbaux de séances : alimentation du bétail, agriculture-ravitaillement, comité régional des prix, conseil régional de la chasse, commission de la main-d’œuvre agricole, commission régionale de répartition des impositions, comité régional de la production agricole, cependant que des réunions sont organisées pour réglementer les cultures vivrières.
Contrôler l’économie, c’est fixer les prix. La préfecture régionale et l’Intendance des affaires économiques placée sous son autorité inondent la population et les acteurs économiques d’arrêtés, la moindre transaction est fixée dans le détail, le tout dirigé par le Comité régional des prix.
Mais la grande affaire en temps de guerre, c’est assurer le ravitaillement des populations, dans un contexte d’autant plus tendu que l’Hérault, pays de monoculture fondée sur le vin, fait partie des départements « affamés » car manquant des denrées essentielles à la nourriture. Viande, fruits et légumes, pommes de terre, matière grasses, tout manque et doit être en grande partie importé. Pour se faire, la préfecture régionale est l’outil idéal pour centraliser les informations nécessaires à l’action. C’est le triomphe des statistiques. Par exemple, nous connaissons avec précision la situation des grands centres urbains : états numériques de l’approvisionnement, états numériques de répartition des denrées par département. Le souci du détail apparaît avec les états hebdomadaires de la consommation à Montpellier : sont précisés la nature des denrées, la ration théorique et la ration effectivement distribuée, la quantité moyenne reçue par habitant, et même le pourcentage de satisfaction des besoins 18.
Il ne suffit pas de produire et recevoir des denrées, il faut les distribuer, et les tickets de rationnement sont obligatoires. Les populations sont classées en catégories, certaines étant prioritaires et le ravitaillement sera différent selon que l’on appartient aux groupes suivants : travailleurs agricoles, colonies de vacances, hôtels, stations thermales, cantines scolaires, cantines ouvrières, internats, hôpitaux, mineurs de Graissessac…Le ravitaillement restera cependant toujours le problème crucial des populations, en proie aux carences et à la faim. Cela suscite de la colère, comme en témoignent les « manifestations de ménagère » qui se multiplient.
Les groupements professionnels, censés défendre les intérêts des producteurs dans une optique corporatiste (union des salariés et des patrons, en rupture avec la lutte des classes marxiste mais aussi avec l’individualisme libéral) mais qui ont surtout pour rôle de mieux contrôler les acteurs économiques, sont un rouage essentiel de l’économie dirigée en temps de guerre. Cela explique que l’on retrouve dans le fonds de la préfecture régionale de nombreux procès-verbaux de réunion de ces organismes, occasion de saisir, outre la vie économique, les rapports entre les producteurs locaux et les autorités.
Le contrôle de l’économie, c’est aussi la lutte contre les infractions aux lois économiques : hausse illicite des prix, marché noir, trafic de marchandises et de cartes de rationnement. La police économique est une prérogative essentielle du préfet régional, auquel remontent toutes les affaires. C’est un grand avantage pour l’historien, qui peut ainsi consulter les relevés mensuels des internements administratifs, fermetures de magasins et interdictions d’exercer une profession 19. Nous disposons aussi des procès-verbaux des séances des conférences régionales de police économique pour l’année 1942, ainsi qu’une collection des constats d’infractions (procès-verbaux de gendarmerie, rapports de police, notes de renseignements, et même quelques lettres de dénonciation) classés par département.
Secourir et aider la population
Si le contrôle de l’économie est une prérogative essentielle des préfectures régionales, celles-ci s’intéressent aussi à la solidarité. Là encore, les statistiques, nombreuses, permettent à la préfecture régionale de s’informer et par conséquent d’agir (nous disposons ainsi de l’état des disponibilités en médicaments et en équipes d’urgence de la Croix-Rouge de Montpellier, nous connaissons le nombre de lits dans les hôpitaux de Montpellier). Par le biais du Secours national, grand coordonnateur de la solidarité, le gouvernement prend en main le système de l’assistance privée et assure même une ébauche de sécurité sociale en mettant par exemple en place « la retraite des vieux ». Ces efforts resteront en partie vains faute de moyens mais l’intention, est réelle. Les demandes de la population sont il est vrai importantes. De nombreux citoyens n’hésitent pas à écrire directement au préfet régional, pour demander un secours, des pneumatiques pour leur bicyclette, et plaider leur situation de famille. Nombre de ces demandes émanent de femmes de prisonniers de guerre. Le préfet régional relaie les demandes, et intervient rarement personnellement, sauf quand ces doléances remontent directement au cabinet du maréchal Pétain et que celui-ci presse les autorités locales d’agir.
L’existence d’un nombre important d’enfants sous-alimentés inquiète particulièrement les gouvernants. Ceux-ci agissent en commandant des rapports aux médecins et en créant les colonies de vacances. Le fonds de la préfecture régionale conserve à ce sujet de nombreux rapports, règlements, et de la correspondance. Nous pouvons par exemple consulter le règlement de la colonie des enfants de la préfecture régionale, au château de Campestre, près de Lodève. Sont admis les enfants d’au moins six ans, pendant quatre semaines (juillet ou août au choix des parents). Sont exclus les « tuberculeux, débiles mentaux, pouilleux »… et les vaccins antivarioliques et antidiphtériques sont exigés. Les enfants doivent être munis de leur trousseau (on insiste sur la nécessité de vêtements chauds) et de leurs tickets d’alimentation. Ils sont logés dans des locaux ayant « tout le confort moderne : lavabos à eau courante, douches, WC… ». Une infirmière diplômée assure les soins médicaux. L’hygiène est une préoccupation constante. L’inspecteur d’académie rend compte des conditions d’installation à La Canourgue : les pavillons ont été désinfectés. En 1943, il note que « les enfants sont plus propres que l’an dernier (3 seulement sont passés au coiffeur (sic) ». Enfin, l’alimentation, sur le papier en tous cas, semble correcte. On le sait grâce aux menus de la semaine du 2 au 7 mars 1943 de la colonie de la Mothe, quatre-cent quinze enfants accueillis. Par exemple, le 3 mars, les enfants ont eu droit à : café au lait et pain au petit déjeuner, soupe ménagère, blanquette de veau, ragoût de lentilles et fromage blanc au déjeuner, trois morceaux de sucre et pain au goûter, soupe de légumes, ragoût de pommes de terre et confiture de pêches au dîner. Au passage, on en profite pour surveiller les sentiments de la population envers le pouvoir, en signalant au préfet régional si les enfants ont suffisamment chanté l’hymne au Maréchal et un rapport de gendarmerie dénonce l’attitude de l’administrateur du camp de Mauresque (Pyrénées-Orientales) qui demande aux enfants de chanter l’Internationale… 20.
Les autorités agissent aussi en créant des structures régionales, en cohérence avec la préfecture régionale, comme le Centre régional d’éducation sanitaire. « L’enfance malheureuse », selon la terminologie de l’époque, semble également préoccuper la préfecture régionale, puisque qu’on retrouve dans les archives les statuts et procès-verbaux des conseils d’administration et de la correspondance sur de nombreuses institutions (centre d’accueil des jeunes délinquants à Montpellier, Institut pour jeunes anormaux de Mende, Centre de triage et de perfectionnement pour filles à la Solitude de Nazareth…). Le même effort est fait pour la famille, autre pilier du régime de Vichy avec le travail et la patrie, comme on le sait. Les activités de la propagande familiale remontent au préfet régional, comme les enquêtes effectuées sur les familles souhaitant bénéficier du parrainage du maréchal Pétain (celui-ci parraine un enfant par famille nombreuse).
Surveiller la population
La loi spécifie que les pouvoirs de police sont une des missions fondamentales du préfet régional. Pour ce faire, le poste d’Intendant de police régionale, placée sous les ordres de ce dernier, est créé. En octobre 1943, Pierre Marty occupe cette fonction. À cette date, le préfet régional, supérieur hiérarchique théorique, détient-il vraiment les pouvoirs de police ? Marty ne travaille en fait qu’avec les Allemands et la Milice, et s’appuie sur des militants d’extrême droite dont il est sûr, la « brigade Marty », une véritable police politique dont l’obsession est de traquer les juifs, les résistants et autres réfractaires du Service du travail obligatoire (STO) 21. Quand on connaît les vrais sentiments du préfet Hontebeyrie, on comprend sans mal que le pouvoir réel n’est pas détenu par le « gouverneur de la province du Bas-Languedoc » qu’était censé être le préfet régional. Ami de la Gestapo, l’intendant Marty a plus d’arguments pour s’imposer et détenir les vrais pouvoirs de police.
Surveiller la population est la première tâche de la police. Le préfet régional est destinataire des rapports de police. Ils sont nombreux dans ce fonds. Nous disposons en particulier des rapports mensuels d’activités des services de l’Intendance régionale de février 1942 à avril 1944 (Groupes mobiles de réserve, Sécurité publique, Renseignements généraux, Police de sûreté) avec les statistiques des écroués, le signalement des affaires politiques, des attentats, ainsi que des bulletins hebdomadaires d’informations des Renseignements généraux pour la région et enfin des rapports du commandant de la Légion de gendarmerie du Languedoc 22.
Le contrôle et la surveillance de l’opinion publique est une obsession des autorités. Le service du contrôle technique postal, télégraphique et téléphonique est institué. La correspondance privée est lue par les autorités, qui effectuent pour le préfet régional des statistiques sur les interceptions postales. Pour les années 1942-1943, nous connaissons le pourcentage des opinions émises dans les lettres lues. En examinant la correspondance privée émise de mai à juillet 1944, les fonctionnaires des services du Contrôle technique établissent aussi l’ordre d’importance accordée par l’opinion publique aux différents sujets, et établissement même des statistiques sur les allusions recueillies. Au total, sur trois mois, 278 271 lettres sont lues et ainsi analysées. Le même travail concerne les Chantiers de jeunesse (nombre de lettres lues, sujets abordés, opinions) et les travailleurs indochinois. À travers toutes les rubriques du fonds de la préfecture régionale, de nombreuses notes de renseignements et rapports renseignent sur « l’état d’esprit » des populations, catégorisées avec soin : mineurs de Graissessac, ménagères, travailleurs agricoles, étudiants…
Le régime de Vichy a interdit les anciens partis politiques, mais les organisations favorables au pouvoir sont autorisées. Elles n’en sont pas moins étroitement surveillées : activités, propagande, opinions et d’état d’esprit, tout passe au crible des rapports et notes de renseignements. Ces organisations entretiennent une rivalité permanente, se haïssent même souvent, n’ont pas les mêmes opinions quant aux rapports à entretenir avec l’occupant, Laval et Pétain, le projet politique et social. Service d’ordre légionnaire, Légion française des Combattants, Milice, Parti populaire français, Légion française des Volontaires contre le bolchévisme, Collaboration, Rassemblement national populaire sont les plus importantes, sans oublier les « vieilles » organisations d’avant guerre mais autorisées, come le Parti social français ou l’Action française. Certains mouvements sont clairement fascistes, collaborationnistes, d’autres avant tout maréchalistes. Certains se contentent surtout d’organiser la propagande du pouvoir à travers des réunions ou des conférences (comme les conférences du professeur Grimm, organisées par le Collaboration), d’autres ont des activités plus concrètes et parfois franchement criminelles, comme la Milice (cela transparaît, pour cette dernière, à travers les multiples demandes d’autorisation de circuler, de carburants, de véhicules, de réquisitions d’armes et de matériel adressées au préfet régional). Si la Milice, à partir de1943, est très active, d’autres organisations végètent. Certains militants, tout en faisant partie de la mouvance « nationale » et donc favorables au régime, entreront dans la Résistance en raison de leur hostilité aux Allemands. Nous percevons les relations conflictuelles entretenues entre le préfet régional et ces groupements à travers la correspondance échangée. Par exemple, en 1943, un franc-garde (membre de la Milice) écrit une lettre dans lequel il dénonce le « double-jeu » du préfet délégué Benedetti, fidèle adjoint du préfet régional 23. C’est cependant la lecture de l’ensemble des archives relatives à ces mouvements et partis qui permet une analyse détaillée de ces relations.
Le fonds permet d’abord de connaître les membres de ces organisations, à travers des listes nominatives (nous connaissons les noms de cent-vint-neuf membres de la Milice de Perpignan, la liste des adhérents « notoires » de la plupart des organisations par département), des états numériques et les organigrammes de ces mouvements. L’opinion des militants nous est connue grâce à la transcription des courriers interceptés. Les rapports de police et de gendarmerie, bien fournis, nous renseignent sur les activités de ces partis (réunions, et souvent incidents provoqués par le comportement de certains militants, surtout les miliciens).
En particulier, le nom du chef héraultais de la Milice, Hoareau, apparait régulièrement. Les archives nous en apprennent aussi parfois sur les mentalités de l’époque. Ainsi un prêtre refuse-t-il en 1943 des obsèques religieuses à un membre de la Milice. On pourrait croire que c’est en raison des activités criminelles de ce dernier, mais pas du tout : c’est parce qu’il vivait en concubinage notoire 24… Entre deux rapports ou notes de renseignements, nous lisons des choses moins anecdotiques, et plus glaçantes, comme cette correspondance entre le préfet du Gers et le préfet régional sur l’arrestation d’un milicien : ce dernier possédait un carnet dans lequel on trouve la listes des personnes à abattre 25. Enfin, nous avons un aperçu des activités et de l’état d’esprit des « collabos » à travers le dossier d’un membre de la Légion des Volontaires français contre le bolchévisme, Joseph Laporte, dont nous avons conservé des lettres signées « Heil Hitler » et sa carte de membre de cette organisation 26.
Si la surveillance de la population s’exerce particulièrement à l’encontre des partis « nationaux », pourtant censés être en phase avec la préfecture régionale, la jeunesse, toujours susceptible d’être remuante, n’est pas oubliée. La police s’en prend en particulier aux « zazous ». Ces jeunes se réunissent notamment dans un « Hot jazz club » à Béziers ou au Little Club à Montpellier. Outre leur amour du jazz, musique suspecte, ils portent des jeans, ont les cheveux longs… Une apparence « indécente » aux yeux des autorités. Ces jeunes anticonformistes sont régulièrement « raflés » (le mot rafle était employé très largement à l’époque et n’avait pas la signification funeste qu’on lui donne aujourd’hui). Ils étaient certainement issus de la bonne société héraultaise, comme en témoigne la lettre de protestation d’un notable, conseiller municipal de Montpellier, contre l’arrestation de son fils, suspecté d’être un zazou. Une rumeur attribue même le départ du très influent intendant régional de police Marty à une opération menée contre les zazous en 1944 27.
Surveiller consiste aussi pour la préfecture régionale à établir des listes et à rédiger des notices individuelles des personnalités de la région (maires, diplomates, universitaires, ecclésiastiques, procureurs, présidents de tribunaux, directeurs de journaux, et même médecins, personnalités allemandes auxquelles le préfet peut rendre visite) 28. À signaler, la surveillance et l’arrestation de Vincent Badie, qui fait l’objet d’un dossier, dans lequel sont insérées ses lettres manuscrites au préfet délégué et au préfet régional 29.
Le cinéma est étroitement surveillé, car on craint les manifestations d’hostilité envers le pouvoir lors de la diffusion des actualités, ce qui arrive effectivement (une mère d’un prisonnier de guerre proteste contre les « cris » et « sifflets » entendus lors de l’apparition de Pétain et Laval) et on s’intéresse au contenu des films. Grâce à cette surveillance, les programmes des cinémas nous sont connus, ainsi que la liste des films « antiallemands » 30. Enfin, la presse étrangère fait l’objet d’une attention particulière, ce qui nous permet de consulter des revues de presse (les journaux espagnols, largement traduits, sont en particulier très fournis) et la transcription des écoutes de la radio étrangère (notamment Radio-Londres et Radio-Brazzaville) 31. La censure veille et nous connaissons son étendue à travers des compte-rendus de réunions des responsables chargés de cette besogne, de la correspondance sur la saisie des journaux, et le signalement d’articles « indignes » 32.
Arrêter, punir et déporter
La police a pour fonction de surveiller la population, mais aussi et surtout d’arrêter, réprimer et punir les éléments « indésirables » ou « déviants », en plus des criminels de droit commun « ordinaires ». L’État bénéficie pour cela d’un outil amené à être largement utilisé pendant la guerre, les internements administratifs et assignations à résidence. Le fonds de la préfecture régional est bien doté de ce point de vue. Outre les fichiers alphabétiques des personnes internées (informations y figurant : nom, prénom, nationalité, domicile, profession, lieu, durée et motif de l’internement), sont conservées des listes bien fournies par département ainsi que certaines listes pour les lieux extérieurs à la région (Fort-Barraux, Saint-Paul d’Eyjaux, Saint-Sulpice-la-Pointe, le Vernet) 33. Des dossiers individuels des internés ont été classés par ordre alphabétique. C’est parmi eux que l’on trouvera un dossier sur l’affaire Orliac, où est impliqué Jacques Renouvin, témoignage de l’activité d’un réseau de résistants. On notera aussi une recherche sur l’internement supposé de Marc Bloch. Dans la collection des arrêtés d’internement, se trouve un rapport de police sur les activités de résistance à la villa Jacqueline, rue de Nogaret à Montpellier, dans lesquelles sont impliqués des figures locales de la Résistance, Paloc et Poitevin. Nous disposons aussi d’un dossier sur les arrestations suivant les grandes rafles de février-mars 1943. Au total, parmi ces arrestations, on remarque, sans surprise, de nombreux juifs, communistes, gaullistes et résistants, mais aussi des proxénètes, des « oisifs », des propriétaires de jeux clandestins ainsi que des personnes impliquées dans le marché noir 34.
Mais la région de Montpellier est occupée par les Allemands depuis novembre 1942 et ces derniers procèdent eux-mêmes à de nombreuses arrestations, en particulier de juifs. Ils n’en réfèrent pas nécessairement aux autorités françaises, et la préfecture régionale se contente d’établir comme elle peut des fichiers et des listes des personnes arrêtées, sans avoir aucun pouvoir. Néanmoins, le fonds de la préfecture régionale est là encore assez bien pourvu, à travers un fichier alphabétique des arrestations (sont renseignés : nom, prénom, domicile, lieu de détention, mention de la libération éventuelle des personnes, mais aussi, marque de la petite marge de manœuvre de la préfecture régionale, mention des interventions des autorités françaises en faveur de ces détenus). Des listes ont également été établies (listes hebdomadaire du 25 février 1943 au 9 août 1944, listes mensuelles d’avril 1943 à juin 1944) ainsi qu’un état numérique pour la période décembre 1942 – décembre 1943 35.
Notons aussi le signalement de personnes recherchées, à travers les circulaires nationales du Secrétariat général à la police, du ministère de l’intérieur et des services régionaux de sûreté. Il s’agit de listes avec courtes notices individuelles portant essentiellement sur les individus à interner où s’étant évadés des camps d’internement. On remarque là encore le nom de nombreux juifs mais aussi des travailleurs nord-africains ayant abandonné leur travail sans autorisation 36. Le fonds conserve enfin les listes par département et par ville ainsi que des rapports de police et notices individuelles des fichés S 37.
La présence de ces archives montre l’étendue du fichage de la population. Celui-ci est très utile pour contraindre les jeunes à ne pas se soustraire au Service du travail obligatoire (STO), lequel fait l’objet d’un fonds spécifique, très fourni 38. Le fonds de la préfecture régionale a de particulier qu’il concerne un horizon géographique plus vaste, par définition. Il conserve en outre des statistiques des départs au STO et des effectifs à fournir par département, des listes ainsi que quelques témoignages précieux. Ainsi, ce travailleur (volontaire celui-là) en Allemagne qui affirme que « les travailleurs étrangers sont très heureux et libres de circuler en ville » (nous conservons d’ailleurs la liste des départs volontaires en Allemagne) 39. À signaler aussi un dossier sur une visite effectuée par une délégation de hauts fonctionnaires de la région en Westphalie pour rendre visite aux travailleurs français. Le rapport rédigé à cet effet nous donne un aperçu des conditions de vie et de l’état d’esprit des travailleurs, à prendre avec prudence bien entendu(on se doute que le rapport n’évoque pas choses qui fâchent). Enfin, nous disposons du témoignage de deux ouvriers de retour en France sur la vie à l’usine Herman Goering, beaucoup plus proche, sans doute, de la réalité concentrationnaire (ce camp regroupe aussi des prisonniers politiques). On apprend ainsi que les femmes russes, également présentes, son pieds nus par -35 degrés, que la mortalité est de 20 % et qu’il y a « chaque jour cinq à six cadavres dans le camp ». Sont indiqués le nombre de baraques, le nombre de personnes par baraque et les repas journaliers sont mentionnés : soupe, pommes de terre, cinq-cents grammes de pain, vingt grammes de margarine ou beurre, cinquante grammes de charcuterie. Les individus ont également droit à de la viande et de la confiture une fois par semaine 40 : on ne semble par mourir de faim, mais ce témoignage est là encore, évidemment, à prendre avec précaution, puisqu’il semble indiquer que seuls les Slaves sont maltraités.
Les Allemands arrêtent, punissent et déportent, mais la préfecture régionale doit gérer les relations avec l’occupant au mieux. Les archives en témoignent à travers les activités du Service des Relations avec les troupes d’occupation. Apparaissent les nombreuses demandes des autorités (elles portent notamment sur le ravitaillement des troupes, les restrictions à la liberté de circuler), les mesures sécuritaires contre la Résistance. On remarque une note de onze pages sur les demandes formulées par le Sicherheitsdienst (SD), une note manuscrite du préfet régional en date de novembre 1942 dans laquelle il écrit : « les autorités militaires allemandes ne doivent en aucun cas s’immiscer dans l’administration civile en zone libre ». On note des rapports sur les entretiens entre les autorités régionales et les Allemands, dont un rapport sur la rencontre entre l’intendant régional de police et les responsables de la police allemande du 7 décembre 1942 dans lequel des propositions d’internement, dont celle de Vincent Badie, sont évoquées, un compte rendu d’entretien entre Hontebeyrie et les Allemands (Juin 1943) 41.
La préfecture régionale doit aussi gérer les incidents avec les troupes d’occupation. Pour l’essentiel, ils sont dus à l’ivresse de nombreux soldats allemands, qui s’ennuient manifestement dans la région, et peuvent parfois déraper (on signale le viol d’une fillette de douze ans à Jacou par deux sous-officiers allemands en 1944). Par ailleurs, témoignage assez rare, une note de renseignements fait état du « dégoût et profond mépris » de la population face au comportement des occupants, cependant que l’attribution d’une loge au comandant militaire allemand de Montpellier au théâtre suscite des protestations 42.
La répression s’abat bien entendu sur les résistants, qu’on nomme « terroristes » ou simplement « gaullistes ». Sont conservés dans le fonds de la préfecture régionale de nombreuses notes de renseignements. Celles-ci sont courtes le plus souvent, ce qui est frustrant du point de vue de la recherche historique. Elles n’en sont pas moins précieuses car elles permettent d’appréhender l’activité de la Résistance au jour le jour, notamment dans les mois où le maquis prend le plus d’importance, en 1944. Très souvent, ces notes renseignent sur des vols commis ici ou là. Par exemple, elles permettent de reconstituer l’activité des maquisards en Lozère de mai à juillet 1944 (il ne se passe pratiquement pas un jour sans que des faits soient signalés).Sont conservés aussi de nombreux rapports sur des événements précis. Par exemple, un rapport détaillé du préfet de Lozère nous renseigne sur la fusillade dont vingt-sept maquisards sont victimes à Badaroux en mai 1944 (nous avons même une liste de dix tués). Quelques interventions sont à l’occasion signalées comme celle du pasteur lozérien Marc Donadille en faveur des réfractaires (13 juin 1944) 43. Des rapports synthétiques permettent d’avoir une vue d’ensemble de l’activité résistante : rapports quotidiens et rapports de police hebdomadaires pour la période du 21 septembre 1943 au 1er août 1944 pour l’ensemble de la région, contenant : observations concernant la formation et le développement des activités clandestines, signalement des difficultés économiques susceptibles d’influencer l’opinion publique ou pouvant être exploitées par la Résistance, signalement de la propagande, résultats des opérations de surveillance, analyse des rapports avec les troupes d’occupation 44.
Si les activités de la Résistance sont classées par département chronologiquement, signalons un dossier entièrement consacré au groupement Combat. On y remarque une liste des membres de l’organisation, des notices individuelles (dont une sur Jacques Renouvin), des copies de lettres de menace envers les collaborateurs 45. La propagande des résistants occupe une large place, ce qui nous permet d’avoir de nombreux tracts et papillons saisis par la police. Signalons un document précieux : des rapports rédigés par la Résistance et tombés dans les mains de la police (mouvements : FFI, FTPT, GMZ), souvent signés « Yves » ou « Durieux » où sont consignés la localisation des stocks d’armes, l’expédition de dynamite, des instructions sur la préparation d’attentats, des listes et notices individuelles des agents français à la solde de la Gestapo, des précisions techniques sur le matériel de sabotage 46.
Le parti communiste français fait l’objet d’une surveillance particulière. Nous avons accès à un état statistique et à des listes des dirigeants du PCF (parlementaires, membres du comité central, secrétaires régionaux, conseillers généraux maires, internés, détenus en fuite…). La police a aussi découvert un questionnaire interne du parti destiné aux responsables de cellule ou de groupes ainsi qu’aux militants avec les réponses de ces derniers (une vingtaine de questions où les militants évoquent leurs vies, leurs motivations, leurs responsabilités syndicales, leur culture marxiste, avril 1942). Sont conservées aussi les instructions générales données par le comité central du parti aux chefs de cellule (douze pages dactylographiées, septembre 1940), les directives de 1941, et des notes de l’inspecteur régional sur « l’inter IV » du parti (zone correspondant à la région). Il s’agit d’un résumé de l’arrestation de militants, comprenant le compte rendu de l’arrestation de Marcel Guyot, la liste des communistes de « l’inter IV» (cent-six noms) 47. Les activités communistes sont aussi relatées à travers les comptes rendus d’activités de la Section spéciale de la Cour d’Appel de Montpellier, qui jugeait de nombreux communistes. À noter : un rapport de police sur les événements survenus les 20-23 décembre 1943 à la Maison d’arrêt de Montpellier, où une importante révolte de détenus a eu lieu, et une notice individuelle sur le futur prix Nobel Georges Charpak 48.
Les étrangers, qui font partie, avec les juifs, les protestants, et les francs-maçons, des « quatre états confédérés » qui nuisent à la France selon l’expression de Charles Maurras, sont surveillés, pour beaucoup internés ou enrôlés de force dans les groupements de travailleurs étrangers. Le fonds de la préfecture régionale conserve un état numérique de cette population pour l’ensemble de la région, par département, sexe et âge 49. Mais ce sont surtout les Espagnols que l’on suspecte, car ils sont nombreux dans la région et nombre d’entre eux sont des républicains (beaucoup anarchistes et communistes) arrivés dans la région à la faveur de la Retirada de 1939. L’action du Parti ouvrier des travailleurs, d’inspiration anarchiste, et du parti communiste espagnol fait l’objet de rapports détaillés. Par ailleurs, les « événements d’Espagne » sont suivis avec attention : outre des rapports, notes de renseignements et tracts saisis, le fonds conserve la transcription d’articles de La Vanguardia et de Diario de Barcelona 50. Les autres ressortissants étrangers ne sont pas oubliés, même si les archives sont moins abondantes. Nous avons tout de même les listes des Allemands et Luxembourgeois, un état numérique des Russes et même une liste pour la Lozère, et des comptes rendus d’activité du Groupement d’assistance des Polonais en France 51.
Les ressortissants de l’Empire colonial, s’ils étaient traités avec plus d’égard, au moins officiellement (« les fils de l’Empire » comme on les appelait) sont étroitement surveillés. Nous possédons ainsi le plan des baraquements de la caserne Joffre à Montpellier occupés par la Compagnie des travailleurs indochinois. Ces derniers sont les oubliés de l’histoire, qui les évoque peu. Ils étaient pourtant nombreux dans l’Hérault : un groupe conséquent d’étudiants (une note de renseignements rend compte de la célébration de la fête du Têt par ces derniers) et surtout les travailleurs essentiellement employés dans les coopératives vivrières des plaines de Gignac et de Lattes, une création des autorités pour remédier au problème du ravitaillement. Nous conservons ainsi des fiches de renseignements avec indication des effectifs sur la main-d’œuvre annamite et un dossier individuel 52.
Mais si les étrangers sont suspects, autant les rendre « utiles », et pour ce faire ils sont souvent enrôlés de force dans les Compagnies de travailleurs étrangers pour faire face aux besoins de main-d’œuvre, surtout des Allemands, à travers notamment l’Organisation Todt 53. Outre des listes et états numériques, bien fournis, nous conservons des « rapports moraux » sur certains groupements de travailleurs étrangers, des rapports sur le problème de la main-d’œuvre 54.
Dès 1940, le régime de Vichy met en place une législation discriminatoire envers les juifs, à travers un statut adopté en octobre. Les Allemands, qui n’avaient rien réclamé de tel à cette date, mettent cependant en place des janvier 1942 la « solution finale » visant à déporter et exterminer cette population. Soixante-quinze mille juifs de France seront déportés, une minorité survivra. Les juifs étrangers sont les premiers visés, ainsi que les juifs français arrivés dans les années 1930, à qui on retire la nationalité française. La région de Montpellier prend sa part dans cette tragédie. On connaît déjà les vrais sentiments du préfet régional Hontebeyrie à travers sa correspondance avec le rabbin de Besançon. Mais les Allemands, avec la complicité active de la police française, sont les maîtres de l’heure. Nous disposons toutefois de lettres écrites par un abbé en faveur de juifs arrêtés, témoignage rare de l’action de « Justes » 55. On apprend aussi que le curé de Cerbère est soupçonné de baptiser des juifs. Les sympathies présumées des protestants apparaissent grâce à un courrier intercepté par la censure d’un pasteur de Perpignan et adressé au pasteur Marc Boegner 56. Un témoignage précieux sur ce que savaient réellement les Français nous est fourni par cette carte postale, interceptée par les services de la censure, dans laquelle le correspondant écrit que « des choses horribles se passent à Paris ». Le cachet de la poste indique que le courrier a été envoyé ou reçu le 18 juillet 1942, soit juste après la rafle du « Vel d’hiv » où des milliers de juifs seront déportés : la tragédie en cours n’échappait pas aux plus lucides des Français 57.
Le fonds de la préfecture régionale conserve les dossiers individuels, classés alphabétiquement, des « Israélites soupçonnés d’être en infraction avec les lois en vigueur ». Derrière cette terminologie, ce sont les activités économiques interdites aux juifs qui sont visées. Il s’agit de rapports de la délégation régionale de la section d’enquête et de contrôle du commissariat général aux questions juives et de rapports des préfets qui contiennent des notices individuelles avec état civil, domicile, motif de l’infraction et demande d’arrestation. La spoliation des biens juifs apparaît à travers des états numériques des affaires de spoliation entre août et octobre 1942. Un petit dossier nous éclaire concrètement sur la façon dont ces spoliations s’opéraient, avec l’Affaire du magasin la Ruche du Midi à Béziers, où un « administrateur provisoire » est nommé : une pétition du personnel et une lettre de protestation du sous-préfet, témoignent que ces actes suscitaient parfois des résistances 58. Il est difficile cependant d’appréhender l’état d’esprit de la population vis-à-vis de la « question juive » mais quelques incidents antisémites sont signalés et font l’objet de rapports de police et de saisie de tracts. On notera que de graves incidents provoqués par la haine antisémite ont lieu à Espalion en 1942, et qu’un juif est bousculé à la sortie de la synagogue de Montpellier en juin 1941 59.
Les cas individuels de juifs soupçonnés, recherchés ou arrêtés sont signalés, et nous connaissons la façon dont la police procédait à travers une enquête sur la « colonie juive d’Amélie-les-Bains » ou un rapport des Renseignements généraux sur la colonie de vacances d’enfants juifs étrangers à Palavas-les-Flots dirigée par Madame Zlatin 60.
Pour mener à bien leurs funestes desseins, les autorités devaient recenser les juifs. Le chercheur peut ainsi consulter des listes des juifs recensés et regroupés dans des centres spéciaux ou des compagnies de travailleurs étrangers, des états numériques dressés avec précision sur le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants 61.
Si de nombreux juifs sont arrêtés tout au long de la période (à commencer par les étrangers, résistants et communistes), deux grandes rafles ont été organisées, en août 1942 et février 1943. Dans les archives, les objectifs chiffrés de la police sont fixés, avec indication du nombre de juifs « ramassés » et du taux de réussite des opérations, car la police avait une obligation de résultat. Pour la rafle de1942, nous n’avons pas conservé de listes, mais nous disposons du procès-verbal de la réunion du 8 août 1942 présidée par le préfet régional avec les préfets départementaux et les chefs de la police, et dans lequel les mesures pour mener à bien cette opération sont prescrites, et de rapports des préfets rendant compte des opérations. Pour la rafle de 1943 en revanche, outre des comptes rendus, nous avons des listes bien fournies par départements. Témoignage de lucidité de certaines victimes, nous apprenons qu’une personne recherchée en Lozère tente de se suicider pour échapper à son sort 62.
Conclusion : la préfecture régionale, entre projet, réalité et avenir
À partir de février 1944 et la déportation du préfet Hontebeyrie, la réalité du pouvoir appartient à la Milice et la préfecture régionale est une coquille vide. Celle-ci devait signer le triomphe du régionalisme et le retour des provinces d’Ancien Régime. En réalité, la création de cette institution ne constitue en rien une authentique décentralisation. Il aurait fallu pour cela que les préfectures régionales aient une légitimité procédant de l’élection pour s’affirmer comme un véritable pouvoir face à l’État central, mais les nécessités de l’heure et la nature autoritaire du régime de Vichy interdisent cela. S’agit-il au moins d’une véritable déconcentration, ce qui serait une rupture par rapport au centralisme jacobin ? En fait, les pouvoirs de la préfecture régionale proviennent des départements, et celle-ci n’est « qu’une excroissance de la fonction préfectorale » 63. Les « gouverneurs » nouvellement institués sont dans l’esprit des gouvernants les hommes des conceptions d’ensemble, ce qui est vague, et la gestion quotidienne est laissée aux préfets départementaux. Le préfet régional devait, selon la loi, exercer pleinement son autorité dans deux domaines, l’économie et la police. Or, c’est l’État central qui prend en main la première. Une organisation professionnelle comme la Corporation paysanne par exemple, qui devait défendre les intérêts locaux et aurait pu s’appuyer sur la préfecture régionale pour remplir cette mission, n’est que l’expression d’un « étatisme autoritaire » 64, selon l’expression du politicien Édouard Barthe, qui plus est au service des intérêts agricoles du Nord. Quant à la seconde, elle échappe à l’autorité du préfet régional, qui doit s’effacer devant l’Intendant régional, en principe son subordonné, surtout quand celui-ci s’appelle Marty et qu’il a destin lié aux Allemands et à Laval. Il reste que le fonds de la préfecture régionale, et c’est ce qui intéressera les chercheurs et les amateurs de l’histoire, donne une vision d’ensemble de la période pour cinq départements, avec l’omniprésence de rapports, statistiques, états numériques et nominatifs, et de ces notes de renseignements frustrantes car courtes le plus souvent, mais qui permettent de saisir la chronologie des événements, l’opinion publique, la vie des partis et syndicats autorisés ou interdits, l’action concrète de la Résistance ou les difficultés du Ravitaillement.
À la Libération, la préfecture régionale disparaît, car il fallait effacer tout ce que Vichy avait fait. Pourtant, le projet régionaliste, dont nous avons vu qu’il était resté largement velléitaire, ne mourra pas. La Résistance elle-même rend un hommage involontaire à l’activisme administratif de Vichy, en mettant en place des inspecteurs régionaux, les circonscriptions, baptisées R 1 à R 6, correspondant aux préfectures régionales de la zone sud 65. Sur le plan économique, l’organisation régionale survivra quelques années, tant que le rationnement durera. Surtout, le gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle crée les commissaires régionaux de la République, nouveau nom des préfets régionaux. Dans l’esprit du père de la réforme administrative et créateur de l’École nationale d’administration (ENA) Michel Debré, il s’agissait bien d’accomplir une déconcentration véritable et la suppression des départements est même envisagée. Mais les habitudes jacobines ont la vie dure, et les commissariats de la République disparaissent dès 1946. Il faudra attendre les années 1960-1970 pour que les préfectures de région réapparaissent et que des administrations régionales déconcentrées et dotées de vrais budgets et personnels apparaissent enfin. Et 1983 pour réaliser vraiment la décentralisation, 1986 pour que des conseils régionaux élus au suffrage universel direct soient institués, 2015 pour que l’on créé de grandes régions de taille européenne. Cette œuvre n’est du reste pas achevée, et la France reste l’un des pays les plus centralisés d’Europe. Ainsi la création de provinces dotées d’une réelle autonomie prend seulement corps, longtemps après les premières expériences du régime de Vichy, et ce projet n’est toujours pas achevé.
BIBLIOGRAPHIE
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GUILLON 2003 : Guillon, (Jean-Marie), « L’affirmation régionale en Pays d’oc des années 40 », Ethnologie française, 2003 n° 3, pp. 425-433.
SECONDY 2019 : Secondy, (Philippe), Fabrication d’un collabo. Le cas Joseph Laporte, 1892-1944, Paris, CNRS, 2019, 278 pages.
NOTES
1. Archives départementales de l’Hérault, 18 W 84-85.
2. Depuis la création du mouvement régionaliste en 1900, les propositions de découpages régionaux se succèdent. Jean Charles-Brun, sur des bases plutôt culturelles et linguistiques, réduit le Languedoc aux trois départements Hérault / Aude / Pyrénées-Orientales, et renvoie le Gard vers le Vaucluse et l’Ardèche. Avec Clémentel privilégiant les structures économiques, le Gard est versé dans la région de Marseille. Au contraire Vidal de la Blache réunit les quatre départements méditerranéens des Pyrénées au Rhône. On le voit, il n’y a pas de consensus, faute d’accord sur les critères de choix – dont le moindre n’est pas le nombre de régions jugé souhaitable. Sur les questions anthropologiques soulevées par la constitution de régions, voir en particulier CHIVA 1981.
3. BARRAL p. 915. Voir aussi DURAND.
4. A ce propos, voir par exemple Laurent Abrate, ainsi que Guillon, Jean-Marie, « L’affirmation régionale en Pays d’oc des années 40 », Ethnologie française, 2003 n° 3, pp 425-433.
5. AD34, 18 W 145.
6. BARRAL, op. cit., p. 915.
7. A noter cependant que Vichy avait aussi des gouverneurs pour les colonies et pour l’Algérie en particulier. L’Héraultais Emmanuel Temple a été préfet d’Alger et gouverneur général de l’Algérie en 1942.
8. AD34, 18 W 1.
9. AD34, 18 W 22.
10. AD34, 18 W 24.
11. BENEDETTI.
12. AD34, 18 W 41.
13. BENEDETTI op. cit.
14. AD34, 18 W 40.
15. AD34, 18 W 40.
16. CHAUBIN p. 200.
17. AD34, 18 W 123.
18. AD34, 18 W 103.
19. AD34, 18 W 93.
20. AD34, 18 W 137.
21. CHAUBIN p. 202-203.
22. AD34, 18 W 149-156.
23. AD34, 18 W 200.
24. AD34, 18 W 200.
25. AD34, 18 W 200.
26. AD34, 18 W 202. Voir SECONDY.
27. AD34, 18 W 173.
28. AD34, 18 W 184-185.
29. AD34, 18 W 185.
30. AD34, 18 W 217.
31. AD34, 18 W 216.
32. AD34, 18 W 218.
33. Fort-Barraux : Isère ; Saint-Paul d’Eyjaux : Haute-Vienne ; Saint-Sulpice-la-Pointe : Tarn ; Le Vernet : Haute-Garonne.
34. AD34, 18 W 220-236.
35. AD34, 18 W 261-265.
36. AD34, 18 W 182.
37. AD34, 18 W 183.
38. Fonds de la direction départementale du travail et de la main-d’œuvre, 17 W, en cours de classement.
39. AD34, 18 W 275.
40. AD34, 18 W 277.
41. AD34, 18 W 259.
42. AD34, 18 W 260.
43. AD34, 18 W 196.
44. AD34, 18 W 190.
45. AD34, 18 W189.
46. AD34, 18 W 187.
47. AD34, 18 W 205.
48. AD34, 18 W 141.
49. AD34, 18 W 209.
50. AD34, 18 W 210.
51. AD34, 18 W 211.
52. AD34, 18 W 212.
53. Pour une approche exhaustive de la question, voir l’instrument de recherche du Fonds des services régionaux du secrétariat d’État au travail, 15 W.
54. AD34, 18 W 213.
55. AD34, 18 W 281.
56. AD34, 18 W 283.
57. AD34, 18 W 219.
58. AD34, 18 W 284.
59. AD34, 18 W 284.
60. AD34, 18 W 284.
61. AD34, 18 W 282.
62. AD34, 18 W 283.
63. BARRAL Pierre, op. cit., p. 935.
64. CHAUBIN Hélène, op. cit., p. 115.
65. BARRAL Pierre, op. cit., p. 937.