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Description
Toujours tranquille, tête lourde et l’idée fixe :
l’internement du sculpteur Paul Dardé pendant la Première Guerre Mondiale.
* Assistant de Conservation du Patrimoine,
service des archives anciennes et privées des Archives départementales de l’Hérault
Les publications relatives au sculpteur languedocien Paul Dardé (1888-1963) laissent dans l’ombre un épisode sombre de sa vie, à savoir son internement à l’hôpital de Montpellier pendant la première guerre mondiale. Grâce un dossier médical provenant des archives de l’ancien hôpital Saint-Charles, aujourd’hui conservées aux Archives départementales de l’Hérault, le présent article cherche à combler cette lacune biographique. Les rapports des visites médicales dont il fait l’objet de juillet 1915 à janvier 1916, puis à nouveau du 8 novembre 1917 à janvier 1918, donnent de nombreux détails inédits, non seulement sur son état de santé, qu’il soit physique ou mental, mais également sur ses antécédents familiaux, voire même sur ses élans créatifs pendant cette période pour le moins troublée.
All the biographies relating to the french sculptor Paul Darde (1888-1963) fail to give precisions about a dark part of his life : his medical confinement in the hospital of Montpellier during the first World War. Thanks to medical records kept along with the archives of the Hospital Saint-Charles within the Archives Departementales de l’Herault, we here propose to fill the historical gap. The reports made during all his examinations, from July 1915 to January 1916, and then again from November 1917 to January 1918 give numerous details. Not only do they concern his mental and physical health, but they give insights on his family history, and assess his creative abilities in these most troubled times.
“Totjorn tranquil, tèsta pesuga e l’idèa fixa”
l’intèrnament de l’esculptor Paul Dardé [Pau Dardé]
pendent la Primièra Guèrra Mondiala
Las publicacions relativas a l’esculptor lengadocian Paul [Pau] Dardé (1888-1963) daissan dins l’ombra un episòdi solombrós de sa vida, a saber son intèrnament a l’espital de Montpelhièr pendent la Primièra Guèrra Mondiala. De mercé un dorsièr medical provenent dels archius de l’ancian espital Sant Carles, uèi conservat als Archius departamentals d’Erau, lo present article cèrca de comolar aquela manca biografica. Los rapòrts de las visitas medicalas que n’es l’objècte de julhet 1915 a genièr 1916, puèi tornarmai del 8 de novembre 1917 a genièr 1918, donan maites detalhs inedits , non solament sus son estat de santat, fisic o mental, mas tanben sus sos antecedents familials e mai sus sos lances creatius pendent aquel periòde almens trebolat.
Introduction
La vie et l’œuvre de Paul Dardé, célèbre sculpteur languedocien (1888-1963), sont relativement bien connues aujourd’hui. Le musée Fleury de Lodève lui consacre actuellement plusieurs salles. Quelques ouvrages permettent de suivre le récit de sa vie, qu’il s’agisse de biographies officielles, d’articles épisodiques, voire même des témoignages oraux complétés et même recomposés à titre posthume.
Ces publications ont néanmoins le point commun de présenter de manière très approximative une période relativement sombre de la vie du sculpteur. Il s’agit de son internement pendant la Première Guerre mondiale. Quelques mois après la mobilisation du mois d’août 1914, l’artiste est accusé de désertion. Emprisonné, il est interrogé et orienté vers les services psychiatriques de Montpellier. Lui-même évoquait peu cette période, et c’est à l’occasion de la commémoration du centenaire du Premier conflit mondial qu’un article s’interroge ouvertement sur cet épisode.
Que s’y est-il passé ? Nous avons la chance de conserver des archives à ce propos, archives médicales inédites à ce jour. Elles vont nous permettre de combler ici une lacune dans la biographie de Paul Dardé. Mais afin de bien saisir toute l’importance et la portée de ces documents, il convient de donner la parole à l’artiste lui-même, dans un témoignage qu’il en donne dix-sept ans plus tard.
Prologue
Le 4 mai 1933, Paul Dardé, demeurant alors au 3, avenue de la gare à Lodève, adresse un courrier au préfet de l’Hérault à Montpellier. Il y sollicite une audience pour exposer sa situation de « chômeur intellectuel », ainsi qu’il est inscrit à la mairie depuis le 15 novembre 1932. Mais c’est surtout pour présenter sa candidature à l’emploi d’architecte communal de la ville de Lodève.
Il y joint une « Lettre publique », imprimée à ses frais, et adressée aux Conseillers municipaux de Lodève. Sans revenir sur un litige de diffamation qui opposera pendant plusieurs années l’artiste et la municipalité, il nous semble opportun de reproduire ici un passage important. Il porte sur une accusation que l’on aurait formulée à son égard, à savoir celle d’avoir été un déserteur pendant le Premier conflit mondial. Voici comment l’accusé constitue sa défense :
« (…) Et alors, vous expliquerez bien des choses. Pourquoi par exemple, on s’est tant attaché à faire circuler le bruit que j’étais un déserteur, cela par dépit de n’avoir pu avoir ma peau pendant la guerre, quand j’étais en traitement dans les hôpitaux. Cependant, mes ennemis, ceux qui voulaient être mes maîtres étaient tout puissants à ce moment-là. C’était M. D., bannière, porte drapeau des super patriotes, représentant autorisé des partis de droite. C’était la direction du Génie, la Direction du Service de Santé, qui usèrent de tous les moyens qu’ils pouvaient avoir à leur disposition pour manœuvrer sans qu’il y paraisse le simple pioustre que j’étais, qui n’auraient pas manqué, si j’avais été déserteur, et simulateur, de me renvoyer au front, avec ces indications mystérieuses, qui accompagnaient ceux-là qui n’en devaient pas revenir. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2021 |
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Nombre de pages | 18 |
Auteur(s) | Rafaël HYACINTHE |