Description

Notes brèves et compte rendus n° 49 (2017)

Saint-Thibéry. Le village et l'abbaye,

de N. El hihi, L. Félix, Th. Lochard et D. Nepipvoda, éditions du Mont, 2017, 136 p.

Saint-Thibéry. Le village et l’abbaye, de N. El hihi, L. Félix, Th.Lochard

Saint-Thibéry. Le village
et l’abbaye, de N. El hihi,
L. Félix, Th.Lochard

La collection Connaissance et Patrimoines, diffusée par les éditions du Mont, à Cazouls-les-Béziers, vient de publier un ouvrage collectif (N. El hihi, L. Félix, Th.Lochard et D. Nepipvoda) sur l’histoire du village et de l’abbaye de Saint-Thibéry.

Le site est connu à divers titres : sous le nom de Cessero, comme une étape de la Voie Domitienne, avec un pont qui, romain à l’origine, a certainement été emporté et reconstruit au Moyen Age et comme l’établissement d’une abbaye bénédictine médiévale devenue l’une des cinq abbayes mauristes de l’Hérault (avec Aniane, Saint-Guilhem-le-Désert, Saint Chinian et Villemagne).

L’urbanisme villageois, avec les diverses extensions, les dessertes routières, le fleuve Hérault et les richesses patrimoniales accompagnent l’essentiel, l’abbaye fondée à la fin du VIIIème siècle : elle a subi les injures du temps et, après les guerres de religion, n’a dû sa survie que par la prise en charge par les bénédictins mauristes dont un très grand bâtiment, au sud, est leur œuvre (il y subsiste encore des cellules monacales dans leur jus).

Il ne s’agit donc pas d’une monographie complète mais d’un ouvrage destiné à un public de qualité qui pourra ainsi visiter les lieux avec un guide précis et documenté.

A la bibliographie finale manquent l’étude sur les moulins publiée par les Arts et Traditions Rurales mais aussi celle (en note seulement) concernant les orgues, œuvre de Dom Bedos, transférées, après la Révolution, dans l’église Notre-Dame des Tables de Montpellier où elles se trouvent toujours, malgré les démarches de la Commune, pendant de nombreuses années, pour obtenir leur retour ! Il y manque aussi les références aux dossiers manuscrits conservés à la Bibliothèque Nationale et qui proviennent des recherches des mauristes.

[Jean-Claude RICHARD RALITE]

Pierre Prion : un Rouergat au siècle des Lumières

Pierre Prion : un Rouergat au siècle des Lumières

Pierre Prion :
un Rouergat
au siècle des Lumières

Jacques Frayssenge, avec la collaboration de P. Ranum, O. Ranum et J.-L. Rigal, nous livre aujourd’hui les Mémoires de Pierre Prion, sous le titre Un Rouergat au siècle des Lumières. Voyages, aventures, contes, anecdotes, qui constitue le tome XXX des Archives Historiques du Rouergue publiées par la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron.

Pierre Prion est né à Réquista le 11 octobre 1687 et émigre en Languedoc en 1710. A la sortie du Pas de l’Escalette, à Saint-Félix-de-Lodez, il est enrôlé de force dans l’armée royale qu’il déserte à Pélissanne, et se réfugie en Arles. Il entre dans la domesticité du marquis de Saint Véran, Louis de Montcalm, pour lequel il effectue plusieurs missions en Rouergue avant de gagner Montpellier au service de MM de Belleval et de Boucaud. Enfin il obtient une place de copiste chez le marquis d’Aubais qu’il occupe pendant cinquante ans ! Ses Mémoires constituent l’essentiel de l’ouvrage et sont suivis d’extraits concernant le Rouergue. Il nourrit ses œuvres avec ses lectures et de nombreux voyages jusqu’à sa mort en 1759.

On trouvera dans l’ouvrage de nombreuses descriptions du monde qui l’entoure et de tous les lieux qu’il a visités. Les hasards de la vie l’ont fait se confronter aux classes sociales diverses et aux problèmes du temps, y compris dans le domaine religieux. Ses deux pages sur Montpellier sont pleines de saveur où sévissent les épées et les pendaisons mais « ‘on y voit les femmes faire le verdet et du prix de cette marchandise elles en achètent leurs bijoux et leurs toilettes ! »

On dispose ainsi d’un ouvrage détaillé sur la première moitié du 18ème siècle, pris sur le vif, et qui s’ajoute au corpus, encore trop peu fourni d’ouvrages inédits sur le Languedoc.

[Jean-Claude RICHARD RALITE]

Régine-Catherine et Bonet de Lattes,

de Daniele lancu-Agou, éditions du Cerf, 2017, 350 p.

Régine-Catherine et Bonet de Lattes, de Danièle Iancu-Agou,

Régine-Catherine
et Bonet de Lattes,
de Danièle Iancu-Agou

Voici un livre bien intéressant à plus d’un titre. Par son auteure d’abord. Daniele Iancu, directrice de recherche au CNRS et membre d’une famille bien connue a Montpellier, entre Université Paul Valéry et Institut culture! Maïmonide. C’est une spécialiste reconnue du judaïsme provençal et plus largement méditerranéen, sur une époque, le bas-Moyen-Age, qui connut la papauté avignonnaise puis l’âge d’or du « bon roi René ». Ses recherches ont porté sur l’histoire des communautés juives autour d’Aix C la charnière des XVe et XVIe siècles, et sa thèse sous la direction de Georges Duby, a fouillé le destin tumultueux de ces familles ballotées au gré des vents contraires, et écartelées entre fidélité a leur foi et conversions parfois forcées, plus souvent « encouragées », au christianisme.

De ses fouilles inlassables dans les profondeurs des dépôts d’archives, elle a ainsi tire de l’oubli des personnalités exceptionnelles, proprement romanesques, et tout particulièrement ce couple formé de Régine Abram et Bonet de Lattes, mariés a Aix en 1469, et dont les itinéraires, vite divergents, alimentent des épisodes foisonnants.

Enfin, le livre que nous propose Daniele Iancu trouve sa singularité dans un projet d’écriture peu conventionnel dans le milieu des érudits médiévistes. Souhaitant révéler a un public plus large que celui de sa thèse, les résultats qu’elle avait obtenus, elle a choisi de présenter un récit débarrassé de son appareil critique, mais qui ne s’écarte jamais de la rigueur documentaire qui a présidé à son élaboration. Pas de notes de bas de page, donc, mais une copieuse bibliographie pour le lecteur sourcilleux. Daniele Iancu ne verse pas pour autant dans le roman historique, et se refuse au brouillage, qui fait flores de nos jours, de la ligne de partage entre fiction et histoire, et qui lui permettrait de combler par l’imagination les trous de la documentation. Par contre, elle n’hésite pas à rompre avec une histoire « objective » qui maintient l’auteur impassible à distance de ses personnages, et réintroduit le « je » du chercheur aux prises avec ses archives et les hasards de ses découvertes, acteur du présent en interaction permanente avec ceux du passé. Ce choix d’écriture donne un ton particulier et, pour mon goût, bienvenu, en ce qu’il fait entrer le lecteur dans la cuisine où se mijote le plat qui lui est préparé. Pour autant, les aventures de Régine-Catherine et de Bonet de Lattes ne se lisent pas comme un roman — faute peut-être d’avoir poussé l’expérience jusqu’à des formes de style proprement littéraires : l’historienne scrupuleuse est bien présente qui privilégie toujours les rigueurs du métier. Peut-être peut-on parfois regretter, au fil des pages, une complexité difficile a surmonter du fait de l’entrelacement des situations familiales décrites (les tableaux généalogiques en annexe !) et des aléas dans l’avancée de la recherche.

Tel qu’il est, le livre permet de découvrir un pan entier de la Provence au temps du roi René, dans la seconde moitié du XVe siècle, celui de la place et du rôle des communautés juives, et surtout de leurs fluctuations. Oscillations entre périodes d’intégration sociale et économique (« heureux comme un juif en Provence ? »), et périodes de violence suivies de l’éviction des communautés hors de la province devenue française a la fin du siècle. Cette mobilité de la population juive met en évidence le phénomène central des néophytes, comme sont nommés les juifs convertis, et leur statut instable. Régine Abram, de la communauté de Draguignan, illustre cette instabilité, qui change de religion à l’occasion de ses manages successifs, d’abord avec son coreligionnaire l’Aixois Bonet de Lattes, puis avec des chrétiens, ce qui entraine son changement de prénom, Régine devenant Catherine. Quant à Bonet, resté juif, sa mobilité est surtout géographique, qui le conduit à Rome comme astronome-astrologue réputé et médecin du pape.

Si l’analyse des milieux de néophytes offre l’occasion d’une riche réflexion sur les mécanismes d’intégration sociale des minorités dans la société provençale – bien des grandes familles chrétiennes actuelles descendent de ces marranes du XVe siècle -, la figure romanesque de Régine-Catherine conduit à s’interroger sur le statut des femmes dans cette société à la jointure du Moyen-Âge et de la Renaissance. Exceptionnelle ou pas, cette vie qui collectionne les maris (quatre, semble-t-il) et, plus inattendu encore, une union libre ? L’auteure hésite a répondre, mais elle nous donne assurément une vraie et belle leçon de pratique historienne.

[Guy Laurans]

Provence et Languedoc à l'opéra en France au XIXe siècle : cultures et représentations,

sous la direction de Jean-Christophe Branger et Sabine Teulon-Lardic,
Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2017, 407 p.

Provence et Languedoc à l’opéra en France au XIXe siècle

Provence et Languedoc
à l’opéra en France
au XIXe siècle

L’Université de St-Etienne publie les actes d’un colloque tenu en 2014 dans la capitale du Forez puis prolongé au Carré d’Art de Nîmes, et qui réunit plusieurs musicologues accompagnés d’une poignée d’historiens autour des relations entre l’opéra français du XIXe siècle et le Midi méditerranéen.

La bonne quinzaine de communications, précédées d’une substantielle introduction des deux responsables éditoriaux, s’efforce de jalonner l’intersection de deux problématiques. La première, directement musicologique, s’attache à la représentation que l’opéra français de l’époque retient de la Provence – et accessoirement du Languedoc, comme sources d’inspiration, tandis que la seconde reprend la « question méridionale » qui court tout au long du siècle et illustre la difficulté de penser cette étrangeté latine au sein de l’ensemble national en construction.

Partant des pages célèbres de Nietzsche sur Bizet et sa Carmen comme antidotes à Wagner, les auteurs sont invités à s’interroger sur les représentations du Midi dans la production lyrique de la seconde moitié du siècle, en prolongeant ce jugement de Massenet sur la musique de Gounod : « En écoutant Mireille, on respire l’âme du Midi aimé ».

De fait le volume qui s’articule en quatre parties : Régionalisme et félibrige ; Affrontements et résistances ; Traverser les genres entre opéra, opérette et musique de scène ; Peindre et mettre en scène la Provence et le Languedoc – peine quelque peu à dégager clairement les problématiques que brasse l’ambition originelle du colloque. Mais c’est la loi du genre, qu’imposent la multiplicité des auteurs et l’hétérogénéité des approches, de présenter un panorama en pointillés.

Le lecteur suivra ainsi plusieurs fils enchevêtrés sur plusieurs plans distincts. Les rapports sociaux entre Paris et sa province, font que la grande majorité des opéras « méridionaux » par leur sujet et/ou leur auteur sont créés à Paris et pour un public parisien. La Mireille de Gounod est emblématique de ce destin, et Gérard Condé montre la construction d’une Provence vue de Paris, malgré les relations du compositeur avec Frédéric Mistral. De même, ce que les scènes parisiennes – Opéra-comique, plus qu’Opéra – retiennent de « méridionalisme » est largement conditionné par l’état du débat très prégnant sous la IIIe République sur la décentralisation et le régionalisme culturel, débat avivé par le succès de Mistral et du félibrige. Les articles de Philippe Martel et de Katharine Ellis sont particulièrement bien venus pour éclairer ces complexités idéologiques de la vie politique autant qu’artistique d’alors. Ph. Martel part à la recherche du félibrige musical, et montre l’incapacité du mouvement provençal à promouvoir une politique et une esthétique propres : affaire de rendez-vous manqués, comme à Orange. Quant à la musicologue britannique K. Ellis, elle s’étend sur les ambiguïtés entre la décentralisation politique susceptible de redonner vie aux activités provinciales et le régionalisme vu comme une affirmation identitaire de « l’âme » ou du style de chaque pays de France. Son analyse des positions de Déodat de Séverac à l’occasion de son Cœur du moulin créé sans succès à Paris en 1909, introduit à l’un des thèmes qui affleure à plusieurs reprises dans les diverses contributions, et concerne les limites acceptables en matière d’exotisme ou de pittoresque. La « danse des treilles » refusée à l’Opéra-comique est restaurée à Toulouse quatre ans plus tard, et aurait fait le succès de l’œuvre auprès d’un public méridional. On peut s’interroger sur cet exotisme régional mal vu par le goût national, mais aussi sur l’existence – ou non – d’un goût régional des publics d’opéras. Les contributions n’abordent pas cette question, centrées qu’elles sont sur les créateurs, compositeurs et librettistes. L’intensité de la vie lyrique dans les villes méridionales – Béziers, Orange, Nîmes, Arles -, est abordé essentiellement par ce que le climat méridional offre de particulier à l’art lyrique : de vastes scènes en plein air. Les représentations de l’Héliogabale de Séverac dans les arènes de Béziers, les projets félibréens autour du théâtre antique d’Orange illustrent cette voie. Mais il ne serait pas sans intérêt de mieux connaître les attentes du public populaire des scènes lyriques méridionales, au-delà d’un attrait supposé pour les prouesses vocales – mais est-il spécifique aux méridionaux ?

En définitive, les contributions qui nourrissent ce beau volume pourraient se lire selon une double problématique. En paraphrasant l’alternative bien connue dans l’art moderne : « peindre la révolution ou révolutionner la peinture ? », les auteurs posent tous, à des degrés divers, les questions : comment enmusiquer la Provence (ou le Languedoc, ou le monde méditerranéen) ? et peut-on provençaliser la musique ? Le lecteur, surtout s’il est musicien averti, trouvera dans leurs réponses matière à de fécondes réflexions, qui touchent autant à l’histoire sociale et culturelle qu’à la musicologie.

[Guy Laurans]

Informations complémentaires

Année de publication

2017

Nombre de pages

3

Auteur(s)

Guy LAURANS, Jean-Claude RICHARD RALITE

Disponibilité

Intégralement consultable en ligne, Produit téléchargeable au format pdf