Description
Les victimes du coup d’État du 2 décembre 1851 dans l’Hérault
Au mois de décembre 1851 et durant l’année suivante, la répression gouvernementale qui s’abat sur les républicains opposés au coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, frappe directement plus de 20 000 personnes en France.
Le département de l’Hérault est, de province, le plus touché. Près de 1 500 héraultais sont transportés en Algérie, une cinquantaine sont déportés en Guyane, et puis, à Béziers, comme à Clamecy dans la Nièvre, on élève la guillotine.
Après la publication par le Messager du Midi, de la dépêche télégraphique du 2 décembre annonçant la violation de la Constitution, les républicains s’organisent. Mais à Montpellier, le rassemblement de la Salle du Manège, à l’Enclos Boussairolles, est très vite contrarié par l’intervention de la force armée. 174 personnes sont immédiatement arrêtées.
Aux fébriles tentatives de révolte de l’Hérault oriental, succède l’explosion des arrondissements occidentaux. La nouvelle des arrestations se répand comme une traînée de poudre. Les ouvriers s’unissent aux paysans, brandissent le drapeau rouge, et imposent de nouveaux conseils municipaux à Saint-Thibéry, Alignan du Vent, Colombiers, Florensac, Marseillan, Neffiès, Quarante, Roujan et Servian. Dans l’arrondissement de Saint-Pons, St-Chinian est dirigée par une commission révolutionnaire. A Riols se massent près d’un millier de personnes prêtes à marcher sur la sous-préfecture.
Si parfois l’insurrection est évitée de justesse comme à Saint-Pons, les communes de Vias, Bessan, Pézenas et Capestang sont sujettes à la violence.
Mais c’est surtout à Béziers et à Bédarieux que l’émeute atteint son paroxysme. Devant la sous-préfecture, 6 000 personnes se massent, venues des villages alentours, pour déclarer le peuple souverain. On ne peut éviter les coups de feu, les barricades, les victimes de part et d’autre. A Bédarieux, c’est l’horreur. Les insurgés envahissent l’Hôtel de Ville abandonné par le Maire, et se jettent sur la gendarmerie, l’incendient et en massacrent les occupants que des années de vexations ont rendus impopulaires.
Le 5 décembre, le département est mis en état de siège. Les insurgés sont traqués, les républicains, fichés depuis longtemps, sont arrêtés par centaines. Le couvre-feu est imposé dans de nombreuses communes. Avec une incroyable rapidité, les prisons du département sont encombrées dès la fin du mois de décembre.
Alors, se met en place un formidable instrument de justice expéditive. Au début de l’année 1852 sont créées les commissions militaires, pour examiner les dossiers des républicains qui se sont opposés par les actes ou par la pensée, au coup d’État du 2 décembre. Elles sont remplacées par les commissions mixtes, juridictions exceptionnelles départementales qui renvoient les plus coupables devant les conseils de guerre.
Près de 2 600 personnes sont jugées par la commission mixte de l’Hérault. Sur ce nombre, 81 inculpés sont renvoyés devant le conseil de guerre, 10 repris de justice sont condamnés à la déportation à Cayenne, 798 personnes sont condamnées à la transportation en Algérie (plus) et 776 à la transportation en Algérie (moins) – Algérie (plus) signifiant que le condamné est considéré comme des plus coupables et qu’il doit être transporté dans un pénitencier d’Algérie ; Algérie (moins) traduit une culpabilité mineure, et accorde théoriquement au condamné le droit de choisir sa résidence en Algérie – 37 personnes sont expulsées définitivement du territoire français. L’internement, c’est-à-dire l’obligation de résider dans une localité déterminée, est le lot de 42 condamnés. La surveillance de la police générale est exercée sur 327 d’entre eux. 15 personnes sont renvoyées en police correctionnelle pour des délits mineurs, et enfin, 552 sont libérées sans surveillance.
Le 10 avril 1852 est la date de la 31e et ultime séance de la Commission Mixte de l’Hérault. A ce jour, le sort de tous les inculpés n’est pas scellé. Les deux Conseils de Guerre de la 10e Division Militaire ont pris la relève pour statuer, du printemps jusqu’à l’automne, sur les détenus coupables de meurtre ou d’excitation à la guerre civile.
Mais déjà, les navires de la compagnie « André & Abeille » ont effectué plus d’une navette, entre les ports de Cette et d’Algérie, chargés – à l’aller – de dizaines de condamnés à la transportation qui perçoivent enfin, ballottés par le roulis, leur tragique destinée. D’autres, cloîtrés dans leurs cellules, parfois depuis près de cinq mois, se demandent encore ce qui a pu être décidé pour eux.
Les paragraphes qui suivent sont tirés d’un mémoire de Maîtrise traitant des victimes de décembre 1851 dans l’Hérault, donc d’un travail plus vaste contenant l’étude des appareils de jugement, (commissions militaires, commission mixte et conseil de guerre), des inculpés suivant leurs catégories, des peines encourues, des grâces et affranchissements, et enfin des pensions versées aux victimes ou ayants-droit. Cette étude, composée sous la direction de monsieur le professeur Raymond Huard, a été déposée aux archives départementales de l’Hérault ainsi qu’à la bibliothèque de l’université Paul Valéry de Montpellier.
Les prévenus
Après l’arrestation, la détention préventive des accusés, avant l’examen de leurs dossiers et la condamnation proprement dite, nécessite une attention particulière car elle constitue un chapitre non négligeable de la répression. Quelle que soit la décision de la Commission Mixte, tout condamné arrêté, séjourne en prison, de la date de son arrestation à une date postérieure au jugement définitif. Ce laps de temps peut être très court, de quelques journées seulement, mais bien souvent, cette attente se prolonge au-delà du trimestre.
Les prisons de l’Hérault, pour la plupart de petites maisons d’arrêt à capacité réduite, sont loin de pouvoir accueillir les inculpés qui, chaque jour, sont arrêtés par centaines. Et pourtant, l’administration remédie tant bien que mal à ce problème. Ici, l’on fait de la place : « Le Préfet a l’intention de faire transférer sur Agde 136 arabes des prisons de l’arrondissement de Béziers qui doivent faire place aux prisonniers dernièrement arrêtés ». Là, de nouveaux locaux sont créés : en avril 1852, les détenus de Pézenas sont répartis entre la prison (45 prévenus) et le collège qui accueille 167 prisonniers. Ce même collège a accueilli au début de la répression, 362 détenus. La prison peut contenir 120 personnes (femmes comprises) mais on décide, à cause de la chaleur et de l’hygiène, de les laisser au collège. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1990 |
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Nombre de pages | 12 |
Auteur(s) | Marcel HÉNAUX |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |