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Description

Les Héraultais et la Grande Guerre

La guerre de 1914-1918 n’a épargné aucun département français. Partout il faut compter par milliers les pertes en vies humaines. L’Hérault n’échappe pas à cette règle et pourtant les Héraultais ne se sentaient pas directement concernés par les événements internationaux du début de ce siècle ; l’Allemagne était loin… Les autorités militaires ne leur pardonnaient pas aussi leur esprit frondeur et une certaine désinvolture. Certains remettaient en cause l’attitude des jeunes recrues du département. Sérieux les soldats du Midi ? Non ! Des gens inaptes à la guerre, « affaiblis par des traditions d’indiscipline, des gens à qui il manque le coup de fouet du voisinage de la frontière ». C’est en ces termes rageurs que le général Palat concluait son rapport sur les manœuvres de 1913. La fâcheuse impression des mutineries de 1907 qui avaient secoué la région ne s’était pas encore estompée. Avant l’orage d’août 1914, le conscrit héraultais n’avait pas bonne presse auprès de ses chefs. Pourtant quatre ans plus tard, le département pleure la disparition de 14 000 des siens tombés au champ d’honneur. L’Hérault a participé à la grande ordalie, test trop bien réussi de l’unité française selon l’expression de Pierre Chaunu. Comment ses populations ont-elles vécu ces années tragiques ?

Comme partout l’été 1914 s’annonçait bien, la saison battait son plein à Palavas-les-Flots où plusieurs milliers de baigneurs étaient attendus, les manifestations sportives se multipliaient au cours desquelles les équipes biterroises dominaient leurs rivales. Le 22 juillet, les parents impatients parcouraient avec intérêt la liste des reçus du certificat d’études, alors qu’à Montpellier le thermomètre atteignait 34 degrés L’horizon social était calme, excepté à Graissessac où les mineurs revendiquaient une réduction de leur journée de travail. Le Petit Méridional entretenait une passe d’armes avec l’Éclair au sujet d’une affaire de mœurs dans laquelle était impliqué un ecclésiastique. Mais en première page des quotidiens l’affaire de Sarajevo prend les proportions que l’on sait. La guerre éclate et contre toute attente, la mobilisation est bien accueillie. Le département ne faillit pas à sa tâche, tous les jeunes hommes partent ou presque. A Béziers, haut-lieu de l’agitation en 1907, le nombre des déserteurs n’atteint pas 1 % ! L’Union Sacrée rassemble toute la population comme partout en France.

Mais ce brusque départ des hommes entraîne immédiatement de graves difficultés surtout dans le monde agricole. La main-d’œuvre manque et les bêtes de somme sont réquisitionnées. En 1914 les vendanges sont rentrées, mais en 1915 la production de vin chute des deux tiers A l’opposé les prix s’envolent. Le maire de Lunel s’indigne d’une hausse de 30 % des prix du lait et de la viande dès avril 1915 Les femmes seules subsistent grâce aux allocations qui leur sont versées si l’époux est mobilisé. Mais ces sommes auront bien du mal à suivre la flambée des prix et les difficultés matérielles iront en s’aggravant. En 1917, les cartes d’alimentation pour le sucre sont imposées. Cependant le moral reste ferme. L’agitation sociale est des plus limitée, le département enregistre moins de deux mille grévistes par an au cours de la guerre. Les rapports de police ne mentionnent pas d’incident grave. Si les salles de cinéma font recette, les Héraultais n’en subventionnent pas moins de quarante associations ou œuvres de guerre qui secourent les aveugles de guerre, les mutilés, les prisonniers, les orphelins, les veuves, les réfugiés du Nord, ceux de Belgique… Cependant les responsables notent avec le temps un ralentissement sensible de la générosité publique. Lassitude ? Les fonctionnaires des municipalités de Béziers et de Montpellier ont accepté de ponctionner leurs salaires au profit des victimes. Mais il y a tant de monde à secourir. Les services de la préfecture reçoivent quotidiennement des demandes de secours, figures de femmes seules, chargées de famille, héroïques dans leur détresse. Elles tiennent, elles s’efforcent d’économiser afin d’envoyer le colis hebdomadaire ou mensuel qui relie l’absent à sa famille, mais les difficultés s’accumulent. Et pourtant tout reste calme. Les seules protestations contre le conflit ne relèvent que de quelques individualités qui soulèvent l’indignation de patriotes acharnés. N’est-il pas choquant d’entendre le principal du collège de Bédarieux proférer des propos défaitistes ? Les parents réagissent contre cette attitude surprenante, venant d’un homme « qui par devoir au moins devrait être patriote ; puisque la France lui a confié la garde de ses enfants ». Le reste n’est qu’anecdotes. Quelques affaires de vente de produits pour retenir les permissionnaires à la maison; une jeune femme qui déclare publiquement que les Allemands sont de beaux hommes et les Français des gringalets qui ne tiennent pas debout. Rien d’alarmant en fait, mais par mesure de prudence la police arrête un pasteur qui utilisait un cerf-volant lumineux la nuit à Palavas… Mais une autre affaire est révélatrice de l’angoisse des familles. Sept cartomanciennes sont incarcérées pour escroquerie, elles prétendaient retrouver les disparus, et prédisaient l’avenir des soldats sur le front. Car l’arrière, bien qu’installé dans la guerre de longue durée s’inquiète ; la liste des morts est longue du mois d’août 1914 au 11 novembre 1918. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1990

Nombre de pages

4

Auteur(s)

Odon ABBAL

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf