Les apports du notariat en généalogie sociale : trajectoires héraultaises
Les Vayssière, paysans de Saint-Jean-de-Fos, au beau XVIème siècle

* Docteur en histoire

[ Texte intégral ]

Tout historien a son sujet de prédilection. Tout au long de mes recherches, je n’ai cessé de m’intéresser à la généalogie sociale, autrement dit à l’inscription de l’histoire des familles dans l’évolution de la conjoncture économique et sociale. Je me suis particulièrement penché sur l’intéressant parcours de la famille Vayssière, devenue Bessier du fait d’une progressive déformation du patronyme : paysans puis gens de métiers sous l’Ancien Régime (potiers de terre et fontainiers à Saint-Jean-de-Fos au siècle de la Renaissance ; chirurgiens et apothicaires dans les vallées de l’Hérault et de la Buège sous Louis XIV et encore au siècle des Lumières ; facturiers en coton à Montpellier de 1760 à 1842, à la grande époque de l’indiennage), ils connaissent au XIXème siècle, celui des bourgeois conquérants, une nette et rapide ascension. Elle a pour cadre la petite ville de Mèze sur les rives de l’étang de Thau, et passe par deux voies : le tissu (plusieurs générations de marchands de nouveautés), et la vigne, en cet âge d’or du vignoble languedocien. Ils en subissent au siècle suivant les vicissitudes et s’orientent vers les activités liées à l’exploitation du littoral.

Je me suis passionné pour cette famille (à laquelle j’appartiens), je l’ai abordée à bien des reprises et de bien des manières, je lui ai consacré une thèse, deux livres et plusieurs articles 1.

Malgré ce, la première étape connue de la trajectoire de cette famille, ses racines paysannes à Saint-Jean-de-Fos au cœur de la moyenne vallée de l’Hérault, au beau XVIème siècle (selon la célèbre expression d’Emmanuel Le Roy Ladurie) était restée dans l’ombre, ou du moins dans l’imprécision (parfois dans l’erreur), faute de sources facilement accessibles, du moins pour celui qui – et tel est mon cas – ne maîtrise guère les arcanes et les secrets de la paléographie. Et c’est bien dommage, car elles ont en réalité abondantes : les compoix (ceux de 1512 et 1610), et bien davantage encore les archives notariales, les registres des notaires qui à Saint-Jean-de-Fos constituent une série continue depuis 1430. Fort heureusement, des généalogistes de Saint-Jean-de-Fos : Jean-Jacques Massol et Jean-Paul André en ont entrepris depuis quelques années le dépouillement systématique. Ce travail colossal a été mis en ligne (nouvelles technologies obligent) avec la création d’un site très riche : la généalogie des Massol où se trouvent rassemblés la quasi totalité des actes notariés concernant les familles de Saint-Jean-de-Fos (et même de certaines localités voisines, et ce depuis le XVème ou la première moitié du XVIème siècle). Ce dépouillement se poursuit. Le site ne cesse de s’enrichir 2.

Ce sont par conséquent essentiellement les sources notariales que nous allons utiliser pour suivre le parcours des Vayssière, paysans de Saint-Jean-de-Fos de 1450 à 1580 environ.

« L’histoire de notre pays, son histoire économique et sociale, celle de la vie quotidienne, de la province comme de la capitale est essentiellement contenue dans les faits et actes retracés par les notaires qui ont écrit l’histoire ou du moins qui ont consigné les faits qui sont le tissu de l’histoire » ont écrit Jean Roufol et François Rico dans leur ouvrage consacré au notariat 3. Cette affirmation est précisée par Jean-Louis Laffont : « Pour qui s’attache à l’étude de la famille sous l’Ancien Régime, les archives notariales représentent un passage obligé de l’investigation » qui constate par ailleurs que leur exploitation n’en est qu’à ses débuts : « En effet lorsque l’on considère d’une part la multiplicité et la diversité des types d’actes qui au travers des trois catégories que sont les actes en rapport avec le mariage et la vie conjugale, les actes à titre gratuit et à finalité de dernières volontés, les actes de règlement successoraux, lesquelles catégories constituent un ensemble que l’on appelle les actes relatifs au droit de la famille, et d’autre part les actes qui ont effectivement retenu l’attention des historiens de la famille soit essentiellement les contrats de mariage et les testaments (comme on va le voir avec les Vayssière), et plus récemment les inventaires après décès, on mesure aisément l’ampleur des territoires qui restent à explorer » 4.

A l’aube des Temps Modernes, au XVIème siècle, sous le règne de François Ier, et par conséquent à l’époque qui nous occupe, l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), revêt une particulière importance dans l’évolution du notariat et renforce encore son importance. Elle impose aux notaires de tenir registre des testaments et contrats. Elle leur demande d’en conserver les minutes et d’en faire le répertoire. Ils doivent abandonner le latin et rédiger leurs actes en français, et non autrement. L’accès à la profession est contrôlé par des juges. Mais le recrutement continue à se faire en fait, et ce depuis le XIVème siècle, par le biais de la vénalité des charges.

J’ai publié moi-même un article sur le sujet, paru dans Études Héraultaises, en 2004-2005, je m’y suis efforcé à partir de trajectoires familiales (se rattachant déjà aux Vayssière-Bessier), de démontrer l’importance des apports du notariat en généalogie sociale 5.

Les données des actes notariés sur les Vayssière, paysans de Saint-Jean-de-Fos au beau XVIème siècle, devront bien sûr être confrontées aux travaux des historiens de la paysannerie, principalement à la magistrale thèse d’Emmanuel Le Roy Ladurie : paysans du Languedoc, publiée en 1966 6, qui a travaillé principalement sur les compoix, vieilles matrices cadastrales, confectionnées seulement dans les pays de taille réelle, qui servent à asseoir cet impôt et qui rendent possible une histoire longue de la propriété (il s’est beaucoup moins intéressé au notariat). Il en a tiré d’importantes conclusions pour ce qui est des campagnes languedociennes, de ce qu’il est le premier à qualifier de Beau XVIème siècle.

L’augmentation du nombre des hommes – et donc des paysans – d’abord. Ce que prouvent les registres de taille. Les hommes, nous dit-il, se multiplient « comme des souris dans une grange » 7, ce qu’il explique par un phénomène de « récupération démographique » (rendue nécessaire par la terrible saignée provoquée par les malheurs des temps à la fin du Moyen Âge, guerre de Cent Ans, mais aussi famines et épidémies, telle la terrible peste noire de 1348). L’ « éruption démographique » est le fait éclatant du XVIème siècle languedocien, elle est due à un recul (relatif) de la mortalité, et plus encore à l’afflux des immigrants, descendus de la montagne vers les plaines.

Les compoix montrent comment la reprise du peuplement s’accompagne d’une extension des terres cultivées par défrichements et remise en culture des terres marginales (les mauvaises garrigues).

Ils montrent aussi la fidélité des paysans du Languedoc, à la vieille polyculture méditerranéenne, avec sa trilogie : le froment, la vigne, l’olivier avec peu de changements si ce n’est une relative progression de la vigne, et surtout de l’olivier.

Ces paysans, dans leur ensemble, ne semblent guère beaucoup s’enrichir « au grand banquet de la vie en ce Languedoc du XVIème siècle, le nombre de convives s’accroit beaucoup, sans que la pitance donnée aux dîneurs soit substantiellement augmentée » 8. Mais la société rurale reste très inégalitaire, avec ses seigneurs, ses paysans aisés (les riches laboureurs, les coqs de village) et surtout ses petits paysans (les plus nombreux), sans oublier les manouvriers. L’évolution se fait cependant vers un excessif morcellement foncier, vers un excessif morcellement des parcelles. La croissance démographique suscite – malgré la terrible loi de l’élection d’héritier – un amoindrissement des héritages, un appauvrissement des héritiers. Nous aurons à revenir sur ce point.

Emmanuel Le Roy Ladurie est revenu sur ses conclusions, en les élargissant à l’ensemble du Royaume, dans un ouvrage plus récent, portant sur l’histoire des paysans français de la peste noire à sa Révolution 9.

Les autres historiens du Languedoc s’en sont inspirés 10.

Les sources notariales, au travers de l’exemple (de l’étude de cas pourrait-on dire) de la famille Vayssière permettent-elles de les préciser ?

I) Les Vayssière, à Saint-Jean-de-Fos au cœur de la moyenne vallée de l’Hérault

C’est à Saint-Jean-de-Fos, un joli petit village situé à l’entrée des gorges de l’Hérault, non loin du Pont du Diable et de l’abbaye de Gellone, village rendu célèbre par ses potiers de terre, qu’ont pu être retrouvées les traces les plus anciennement connues à ce jour des Vayssière, patronyme dont la forme latine est Vaxeri, et qui est ensuite, lorsqu’il s’en dégage, dans sa première moitié du XVIème siècle, diversement orthographié : Vayssière, Vaissière, Vaissier, Vessière… L’acte notarié le plus ancien les concernant est le contrat de mariage de Bertrand Vayssière et de Marguerite Laurens, passé en 1452 11. À la fin du XVème siècle et surtout dans la première moitié du XVIème siècle, les actes notariés et documents les concernant devenus plus nombreux, permettent comme on le verra la reconstitution de leur trajectoire.

La moyenne vallée de l’Hérault est à bien des égards un espace privilégié, il l’était au Moyen Âge, il l’est plus encore au XVIème siècle, à l’aube des Temps Modernes.

C’est d’abord un lieu de passage symbolisé par le célèbre Pont du Diable (du XIème siècle) qui est encore au XVIème siècle le seul point de passage des environs, pratiquement le seul moyen de franchir l’Hérault. Cet espace sert de trait d’union entre la plaine et la montagne, il se trouve sur les chemins qui mènent vers le Massif Central, le Rouergue ou l’Auvergne ou qui en viennent : par Saint-Guilhem-le-Désert, Montpeyroux, le Pas de l’Escalette, il est possible d’escalader le Causse du Larzac, ou d’en descendre. Saint-Guilhem (avec son Pont du Diable) est le grand passage pour aller au Cévennes et à la montagne, ou en revenir. En témoignent les descentes de moissonneurs, et l’activité incessante des muletiers et voituriers (notamment à Montpeyroux). En témoignent aussi l’intensité des relations commerciales, très actives à toutes les périodes de l’Histoire.

La moyenne vallée de l’Hérault comprend à la fois – comme l’a bien montré Paul Marre – de vastes étendues caillouteuses (à défricher) et des terroirs agricoles variés, avec des terres propres à recevoir des céréales, et d’autres, « les terrasses caillouteuses » propres à recevoir vignes, arbres fruitiers et oliviers (au XVIème siècle, il existe trois moulins à huile à Saint-Jean-de-Fos. L’élevage y est important : « chaque mas possède un troupeau de moutons » 12.

« À ces denrées s’ajoutent les produits industriels fabriqués dans les ateliers locaux, à partir de l’économie pastorale : tannage des peaux de moutons (Aniane), industrie de la laine ; petite draperie et fabrication des draps, pour le Levant. La présence de bancs d’argile favorise à partir du XVIème siècle le développement de l’industrie de la céramique (à Saint-Jean-de-Fos, Clermont-l’Hérault) » 13. Les potiers de terre feront la gloire de Saint-Jean-de-Fos.

Cette moyenne vallée de l’Hérault abrite par conséquent des petites cités (villages et bourgs) très actives : Saint-Jean-de-Fos bien sûr mais aussi Aniane, Gignac, Montpeyroux, Saint-André-de-Sangonis.

Au XVIème siècle, l’augmentation sensible du nombre des taillables témoigne qu’il s’y produit une véritable éruption démographique.

Au Moyen Âge, à l’époque carolingienne, s’y sont édifiées de belles et riches abbayes bénédictines, au très grand rayonnement : les abbayes de Gellone (Saint-Guilhem-le-Désert) et d’Aniane qui deviennent les pôles économiques, sociaux et bien entendu religieux de la région. Leur influence politique et culturelle est tout aussi importante. Elles ont constitué un très riche patrimoine seigneurial et foncier. Elles ont laissé deux précieux cartulaires : ceux d’Aniane et de Gellone 14. Les abbés de Saint-Guilhem sont seigneurs de Saint-Jean-de-Fos (ils interviennent à ce titre dans divers actes notariés, notamment les mutations comme on le verra à propos des Vayssière).

Le rayonnement de ces abbayes, très grand au Moyen Âge, persiste encore au XVIème siècle, alors que progresse la Réforme et que sévissent les guerres de Religion. La moyenne vallée de l’Hérault, en effet, se situe un peu à la limite du Languedoc papiste et du Languedoc protestant, ce qui contribue à renforcer en importance stratégique. Le village de Saint-Jean-de-Fos reste catholique, les Huguenots y sont très minoritaires comme il sera dit à propos de Guillaume Vaissière, le seul protestant de la famille (qui teste en 1608).

Cadastre St Jean de Fos 1825
Cadastre St Jean de Fos 1825

Au XVIème siècle, le village de Saint-Jean-de-Fos a déjà une longue histoire derrière lui 15. Ses églises sont mentionnées dès 804. Le 14 décembre de cette année Sancti Johannis et Sancti Genesu sont donnés à l’abbaye de Gellone par Saint-Guilhem. L’abbé de Saint-Guilhem sera seigneur de Saint-Jean-de-Fos. Il reçoit, du moins à partir du XIVème siècle, le serment des trois syndics élus afin d’administrer la communauté.

Du fait de sa situation à l’entrée des gorges de l’Hérault, le village est d’abord désigné sous le nom de Sancti Johannis de Gorgiti nigri. En raison de la présence de fortifications, il devint par la suite Sancti Johannis de Forto, qui s’est transformé en Saint-Jean-de-Fos.

Au XVIème siècle, le village est toujours enserré dans ses remparts du XIVème siècle, mais déjà se développent les faubourgs, principalement en direction du sud et de l’ouest (faubourgs du Barry, du Caminol, de la Pont des Orts où sont implantés les Vayssière).

Au début du XVème siècle, Saint-Jean-de-Fos compte entre 47 et 66 chefs de famille. Le nombre de taillables (personne payant la taille qui, en Languedoc, pays deux tailles réelles et perçue sur les biens) est en diminution : 156 en 1404, 103 en 1408, 97 en 1409.

Au début du XVIème siècle, pourtant un peu plus de 200 personnes sont comptées dans le compoix (celui de 1512), pour atteindre 500 personnes à la fin du XVIème siècle, ce qui démontre après la chute marquée de la première moitié du XVème siècle (due aux malheurs des temps : la guerre de Cent Ans ne prend fin qu’en 1453) d’une incontestable récupération démographique.

Dans la première moitié du XVIème siècle, la principale ressource de Saint-Jean-de-Fos est l’agriculture. Les productions agricoles y sont diverses à l’image de celles de la moyenne vallée de l’Hérault. La vigne y est la culture la plus répandue, vient ensuite l’olivier (ce qui explique la présence des 3 moulins à huile déjà mentionnés). Mais les céréales sont également présentes ainsi que l’élevage du mouton et du vers à soie.

La présence de bancs d’argile favorise cependant, et ce depuis le XVème siècle, le développement de la poterie. Mais au tournant du XV-XVIème siècle, elle semble connaître un déclin, voire une disparition. Il faut attendre 1526 pour que la présence d’un nouveau potier soit signalée. Ils deviennent plus nombreux à la fin du XVIème siècle, époque à laquelle, comme il sera dit, les Vayssière cessent d’être paysans pour devenir potiers de terre et fontainiers.

Les Vayssière sont-ils originaires de Saint-Jean-de-Fos ? C’est très possible mais non absolument certain.

Le patronyme Vayssière est en effet un patronyme d’origine topographique faisant le lien entre la toponymie (étude des noms de lieux) et l’anthroponymie (étude des noms de personnes).

Tous les spécialistes sont en accord sur ce point. Telle Marie-Thérèse Morlet 16 (après Adrien Dauzats 17).

Vaisse-Vaysse : ancien nom du noisetier, nom de hameau fréquent : la Vaisse (Massif Central) ; avec le suffixe collectif Vaissade, plantation de noisetiers, comme Vaissière (Massif Central, Languedoc, Gascogne), variantes : Vayssière, Veissière, Veyssière ; les masculins : Vayssier, Vaissier, désignant l’habitant d’une vaisse.

Vayssière est donc un patronyme dérivant d’un nom de lieu d’origine prélatine, celtique (Vaissia, noisetier) répandu principalement dans le Massif Central, mais pouvant aussi se rencontrer en Languedoc.

Il est sûr que dans le Massif Central particulièrement en Gévaudan et en Rouergue de nombreux lieux dits, portent le nom de la Vaissière ou Vaissière, parfois sous la forme Bayssière ou Bessière par francisation phonétique du V occitan en B français. Ils ont donné naissance à des noms de famille 18.

Il n’est donc pas impossible que les ancêtres des Vayssière aient migré à une époque indéterminée, peut-être à la fin du Moyen Âge, de la montagne vers la plaine, et d’autant plus que, comme il a été dit, Saint-Jean-de-Fos est situé sur un lieu de passage des hautes terres du Massif Central vers la vallée de l’Hérault. Les migrants ont alors contribué au repeuplement du Languedoc et à sa reprise démographique.

Mais il existe une autre hypothèse séduisante.

Le cartulaire de Gellone fait, à plusieurs reprises, allusion à un mas (ou mansoun), de la Vaissiera (Vaixeria, Vaxeri) 19, domaine faisant partie du patrimoine foncier de l’abbaye de Gellone, sis selon certain à Cornus en Rouergue, mais plus probablement selon Christian Pioch à la Vacquerie (donc sur le Larzac). Ce mas est attesté pour la première fois en 1145. En 1153, il est inféodé par l’abbé de Saint-Guilhem aux hospitaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Les frères hospitaliers ne bénéficient pas seulement du droit d’exploiter la terre, mais s’engagent solennellement à construire sur les terres concédés au moins 5 maisons (Vestaciones) dont chacune aura un jardin d’une sétérée de superficie. Les frères hospitaliers pourront en construire autant qu’ils le voudront, mais seulement 12 disposeront d’un jardin. Ces Vestaciones sont concédées à des paysans. C’est en effet au cours de cette période que les moines-soldats (Hospitaliers et Templiers) mettent en place en Larzac des Communautés paysannes, afin de mettre en valeur les immensités Caussenardes 20.

Mais il ne s’agit pas que d’une hypothèse, invérifiable, en l’état actuel ses sources et des recherches.

La présence des Vayssière est de toute façon – comme il a déjà été dit – attestée à Saint-Jean-de-Fos dès la seconde moitié du XVème siècle (même s’ils semblent alors bien peu nombreux), c’est-à-dire dès la fin du Moyen Âge, comme le prouve le contrat de mariage conclu en 1452 entre Bertrand et Marguerite Laurent. Le dépouillement d’autres sources : les registres de Tailles (1404, 1408, 1409) 21, la liste des chefs de famille participant à l’élection des syndics de Saint-Jean-de-Fos (entre 1401 et 1445) 22, permettra peut-être de remonter quelque peu la filiation et de répondre à la question : les Vayssière sont-ils originaires de Saint-Jean-de-Fos ou sont-ils migrants ? Quoiqu’il en soit leurs racines paysannes semblent évidentes.

II) Une famille de laboureurs de Saint-Jean-de-Fos

Même si leur état (au sens ancien du terme) n’est jamais précisé, les Vayssière apparaissent bien comme des paysans. Cela peut se déduire de leur présence dans les compoix (celui de 1512 et celui de 1610) 23 et surtout de l’analyse des actes notariés (contrats de mariage, testaments, transactions, baux…) même si n’y figure jamais la terminologie propre à la paysannerie : laboureur, ménager, manouvrier… il en est d’ailleurs de même pour l’immense majorité des familles avec lesquelles se font les alliances 24.

Une famille prolifique, participant à la récupération démographique25.

En l’absence de registres paroissiaux pour le XVème siècle et même pour le XVIème siècle (l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, demandant aux curés de tenir registre des baptêmes, mariages, sépultures, n’ayant pas eu d’effet immédiat), la seule source pour appréhender les comportements démographiques réside dans le notariat, forcément imprécis, même s’il est possible d’extraire quelques données des contrats de mariage et des testaments (le nombre d’enfants par famille par exemple). Les dates de naissances et de décès sont très approximatives, déduites de la présence des individus dans tel ou tel acte notarié, d’où les mentions avant ou après dans le développement qui va suivre. L’âge au mariage est la plupart du temps impossible à déterminer avec suffisamment de précision.

Les générations Vassière semblent bien peu fournies, dans la deuxième moitié du XVème siècle, époque à laquelle, rappelons-le, leurs premières traces ont été repérées. La récupération démographique, rendue nécessaire par les malheurs des temps, ne semble pas, du moins en ce qui les concerne, avoir commencé.

L’acte notarié le plus ancien est le contrat de mariage daté du 7 janvier 1452 conclu entre Bertrandus Vaxeri (Bertrand Vassière) et Marguerite Laurent 26. De Bertrand nous n’apprenons rien. Aucun de ses parents n’y figure. Marguerite est la fille de Pierre Laurent, décédé, et de N. Aurable, présente et consentante ; elle est veuve, en premières noces de Déodat Rattier, et en deuxième de Pierre Decamp (contrat de mariage en 1443) 27 originaire du Rouergue. Il s’agit donc de son troisième mariage. Les Laurent semblent être une ancienne famille de Saint-Jean-de-Fos.

Le couple Vaissière-Laurent apparait encore vivant dans une reconnaissance de dette datée de 1470 28.

De cette union sont nés (ou du moins ont survécu) deux enfants (ce qui est peu) mais il faut tenir compte de l’âge de Marguerite : Jehan et Guilhem, qui apparaissent auprès de leur mère Marguerite (qui se trouve à nouveau veuve, Bertrand étant décédé), lors d’une transaction en 1483 29.

Les choses changent brusquement au début du XVIème siècle, moment où l’on voit émerger une nombreuse génération Vayssière, se composant de deux fratries : l’une restreinte, issue de l’union de Guilhem Vayssière (avant 1475 – après 1515) et d’Astrugue (avant 1475 – après 1515), mariés avant 1495, elle comprend deux enfants : Raymond et Jehan ; l’autre plus large, issue de l’union de Jehan Vayssière (avant 1475 – après 1519) et de N. Cécile (décédée avant 1519), mariés avant 1499, elle comprend cinq enfants : Jacques, Audibert (dit le vieil), Audibert (dit le jeune), Jehan, Laurens. Au total sept frères ou cousins. Cette nombreuse progéniture est le reflet de la grande vitalité démographique du début du XVIème siècle.

Raymond et Jehan, fils de Guilhem Vassyère, nés, semble-t’il, avant 1495, contractent mariage, tous deux en 1515 avec deux sœurs de la famille Figuier, bien connue à Saint-Jean-de-Fos, d’où peut-être le surnom de Figon, mangeur de figues 30 qui sera donné plus tard à un de leurs parents, Anthoine Vayssière, qui sera à partir de 1580 le premier potier de terre de la famille. C’est en effet, à partir du XVIème siècle qu’un patronyme, désormais fixé, s’ajoute un troisième élément : le surnom.

Raymond épouse le 7 mars 1515, Marguerite Figuier (avant 1478 – après 1515), fille de Pierre Figuier et de Alénote, veuve Destan. Mais cette union s’est vite interrompue du fait du décès de Raymond (avant 1519), un seul enfant semble en être issu, il est par la suite question de l’héritier de Raymond Vayssière sans autre précision.

Son frère Jehan, dit plus tard le plus vieil (par opposition à un autre plus jeune) bénéficie d’une plus grande longévité (il teste en 1557). Il épouse (le même jour) le 7 mars 1515 Catherine Figuier, fille des mêmes Pierre et Alénote. De cette union deux enfants subsistent : Guilhem (avant 1534 – 1599) et Agnès (avant 1546, avant 1570), mariée en 1563 à Etienne Joullyé, appartenant à une prolifique famille de Saint-Jean-de-Fos qui fournira plus tard des potiers de terre.

Jacques, né avant 1499, semble l’aîné de la seconde fratrie, il épouse en 1521 Jehanne André, fille de Martin André et de Anthoinette Arbosse, mariés en 1462, appartenant à l’importante famille André dont il va être question à propos d’Audibert le jeune. Mais ici aussi, rupture d’union du fait du décès de Jacques en 1522. De cette brève union sont nés deux enfants : Guilhem et Jacques.

Vient ensuite Audibert Vayssière dit le plus vieil (avant 1503 – après 1560), il teste en 1546) qui est qualifié de junior en 1519 et qui épouse en 1523 Béatrix Cavalie, qui – c’est exceptionnel dans la famille – n’est pas originaire de Saint-Jean-de-Fos, mais de Ceyras ou Seyras, non loin de Clermont-l’Hérault.

De cette union est issue une assez nombreuse descendance qui peut être suivie jusqu’au début du XVIIème siècle.

Deux fils :

Thomas (avant 1530 – après 1561) qui épouse en 1560 Anthoinette Escot, originaire du diocèse de Nîmes.

Jehan (avant 1526 – après 1592), dit le plus jeune, qui épouse en première noce en 1546 Jacquette Taconet, et en deuxième en 1576 Jeanne Chaulet, originaire de Saint-Guilhem-le-Désert, fille du cordonnier Pierre Chaulet.

Thomas décède jeune et sans descendance.

Deux autres enfants semblent être nés d’une précédente (ou autre) union : Anthonie Fabre (mariée en 1525 à Raymond Sinadie), et peut-être Jehan dit le majeur. Nous aurons à les retrouver.

Du premier mariage de Jehan (dit le plus jeune) naissent quatre enfants : Béatrix (avant 1555 – après 1595), Guillaume (avant 1561 – après 1573), Anthoine (décédé probablement très jeune) et Jean. Cette progéniture relativement nombreuse montre que la croissance démographique se poursuit. Il n’est est pas de même aux générations suivantes. Seul Jean laisse une descendance, son fils Guillaume (avant 1550 – 1608-1610) n’est père que de deux filles : Françoise (1570 – 1640) mariée au laboureur Jean André, et Marie (avant 1607 – après 1641).

À peu près du même âge qu’Audibert est Laurens, né avant 1503, et qui teste en 1567. Il est le père d’un autre Laurens qui épouse en 1562 Marguerite Villar, lui-même père de deux enfants : Pierre et Jehanne, mariée en 1579 à Etienne Vernis, venu du diocèse de Saint-Flour.

Audibert Vayssière, dit le plus jeune (il est né avant 1510) 31 passe contrat de mariage en 1519 avec Marie André (avant 1504 – 1556). Il teste en 1559.

Le patronyme André – déjà rencontré – est selon Christian Pioch 32 très répandu dans la région de Saint-Guilhem-le-Désert. La famille est très anciennement implantée à Saint-Jean-de-Fos : le plus lointain ancêtre connu est Pierre André, dit Sénior, né avant 1403.

Marie André est la veuve de Jean Solier (décédé avant 1514, dont la famille est originaire du Rouergue). De cette première union sont nés cinq enfants. Elle est fille d’Anthoine André (avant 1426 – avant 1508) et de Marguerite Ermengarde Sergeant (avant 1429 – avant 1508), parents de huit enfants, ce qui contrairement à ce qui a été dit à propos des Vayssière semble indiquer une forte vitalité démographique dès la seconde moitié du XVème siècle.

De l’union Audibert Vayssière Marie André, sont issus quatre enfants, ce qui ici encore témoigne du fait que la croissance reste assez élevée : Catherine qui épouse en 1546 Jean Roudil, Florette qui épouse en 1548 Pierre Sage (de Saint-André de Sangonis), Guilhem, Anthoine marié en 1554 à Anthoinette Deleuze. De cette dernière union sont encore issus trois enfants : Anthoine marié en 1586 à Jeanne Joullié (d’Aniane), il sera comme il a été dit le premier potier de terre de la famille. Marie qui épouse en 1571 Raymond Durand, et Catherine qui convole en 1582 avec Anthoine Joullié (frère d’Anthoinette). Devenue veuve assez jeune, Anthoinette Deleuze se remarie avec Arnaud Durand (frère de Raymond). Comme on le voit, les familles de Saint-Jean-de Fos ne cessent de s’entre-épouser. Elle teste en 1585.

Difficile à placer dans la fratrie est Jehan Vayssière, dit lui aussi le plus vieil (avant 1510-1560). Il pose un problème particulier. Son mariage n’a pas été retrouvé. Dans ces conditions, il serait tentant de le confondre avec l’autre Jehan le plus vieil, fils de Guilhem Vayssière, époux de Catherine Figuier. Cela semble impossible, car les parents ne semblent pas être les mêmes. Le débat reste ouvert.

Cette évolution confirme-t’elle les conclusions d’Emmanuel Le Roy Ladurie et des divers historiens du Languedoc, concernant sa croissance démographique au beau XVIème siècle, qui va dans le sens d’une récupération démographique, voire d’une éruption, d’une fureur démographique, mais avec des rythmes différents tout au long du siècle : « la joyeuse fureur démographique n’a sévi que sur un peu plus de deux générations : 1490-1570 ; cet essor démographique tend à retomber nettement à partir des années 1560-1570, principalement en raison de la guerre civile (les guerres dites de religion), de l’interminable affrontement des Huguenots et des Papistes » 33.

Les effectifs des générations Vayssière, nous l’avons vu, semblent confirmer le fait : peu nombreux dans la deuxième moitié du XVème siècle (1 à 2 représentants, mais tel n’est pas le cas pour d’autres familles comme les André), ils augmentent brutalement au début du XVIème siècle (7, dont 5 faisant partie d’une large fratrie), et à la génération suivante : 15 représentants. Ils diminuent effectivement par la suite vers la fin du siècle, même si cette chute ne doit pas être majorée (encore 8 représentants), du fait de l’extinction de certaines branches : celles issues de Raymond, de Jehan dit le plus vieil et de Jacques ; les branches issues d’Audibert le plus vieil et de Laurens s’éteignent ou tombent en quenouille au début du XVIIème siècle ; seule subsiste la branche issue d’Audibert le jeune et de Marie André, relativement prolifique, qui va assurer l’avenir de la famille aux siècles suivants (les Bessier), c’est donc à l’aube du Grand Siècle qu’a lieu vraiment la décroissance.

Mais si brève qu’elle ait été, comment expliquer cette fureur démographique ?

Emmanuel Le Roy Ladurie l’explique plus par une légère baisse de la mortalité que par une hausse de la fécondité ; mortalité qu’il estime inférieure à celle du XVIIème siècle : « en raison de l’aisance céréalière de la Renaissance, l’absence brusque de famines, le régime nutritif relativement bon dont jouissent les classes inférieures, du relatif assagissement des pestes : la peste reste endémique en Languedoc jusqu’en 1516, après cette date et surtout après 1525 la terrible maladie s’attenue, les contagions s’espacent, elles ne se produisent que tous les 10 ans en plus contre tous les 1 ou 2 ans auparavant, à cela s’ajoute l’éradication radicale de la lèpre à partir de 1536-1556. L’emprise de la mort n’est pas suffisamment forte pour être en mesure d’interdire, comme elle le fera au XVIIème siècle, tout essor démographique de longue durée » 34.

Les Vayssière confirment : les 7 membres des fratries arrivent à l’âge au mariage, 5 atteignent un âge alors avancé (autour de 60 ans), 3 enfants d’Audibert le vieil sont encore vivants lors du testament de leur père (1546) et atteignent l’âge au mariage, tel est aussi le cas des 4 enfants d’Audibert le plus jeune. Il existe quelques beaux exemples de longévité, tel est le cas au XVème siècle des parents de Marie André : Antoine André (avant 1426 – avant 1508) et Marguerite Sergeant (avant 1529 – avant 1508) qui approchent ou dépassent les 80 ans. Mais la mort précoce (infantile ou juvénile) n’a pas disparue, comme en témoignent celle des deux enfants de Jacques Vayssière, celle d’Anthoine, petit-fils d’Audibert le vieil, ou celle de Pierre (1567), petit-fils de Laurens. En témoignent aussi les ruptures d’unions liées au décès de l’un des conjoints : celles de Raymond et de Marguerite Figuière (1519), de Jacques et de Jehanne André (1522), de Thomas et de Marie Escotte (1560), parfois suivies de remariage : Marguerite Laurens, au XVème siècle, il est vrai, se marie trois fois ; Marie André, veuve de Jean Solier en 1514, épouse en 1519 Audibert le jeune ; une génération plus tard, Jehan le plus jeune, veuf d’Anthoinette Escotte, se remarie avec Jeanne Chaulet (1576), Anthonia Deleuze, veuve d’Anthoine, avec Arnaud Durant. Malgré un léger recul, la terrible faux de la mort reste bien présente. Mais un simple coup d’œil sur les tableaux généalogiques montre que la vie l’emporte largement 35.

La fureur démographique semble s’expliquer aussi par la précocité » de l’âge au mariage : « l’âge tardif au mariage, arme contraceptif par excellence de l’Europe classique semble avoir été manié de façon moins lourde qu’il ne le sera aux XVIIème-XVIIIème siècle, quand les filles se marient régulièrement à 25 ans, voire 25 ou 28 ans » 36. Nos sources semblent confirmer, mais sont à cet égard assez imprécises : au sein de la grande fratrie, Audibert le plus jeune né avant 1510 passe contrat de mariage avec Marie André dès 1519 ; Audibert le plus vieux, et dans la proche parenté, Raymond et Jehan n’ont guère plus d’une vingtaine d’années. Il semble en avoir été de même avec les générations suivantes.

La fécondité, par contre, toujours selon Emmanuel Le Roy Ladurie, ne semble pas avoir été plus élevée au XVIème qu’au XVIIIème siècle. L’on trouve pourtant quelques familles nombreuses : la fratrie, mais aussi les André-Sergeant et leurs 8 enfants, les 5 enfants de Marie André et de Jean Solier, les 4 enfants de cette même Marie André et d’Audibert Vayssière, les 4 enfants de Jehan, le plus jeune, et d’Anthoinette Escote. Mais il est juste de préciser que le remariage permet d’augmenter les effectifs des frères et sœurs, comme le montre le double mariage de Marie André. Et l’on trouve aussi des familles moins nombreuses : 2 enfants pour Audibert le vieil et Béatrix Cavalie : Jean le plus jeune et Thomas ; Jehan le plus vieux ne laisse que 2 enfants ; Laurens un seul, semble-t’il.

Mais plus que par le croît naturel, l’augmentation de la population, le repeuplement du Languedoc, s’expliquent par l’afflux des immigrants descendus de la montagne (le Massif Central) vers la plaine, mais le suivi de la famille Vayssière, pour la période envisagée, c’est-à-dire 1450-1580 (dates rondes), n’apporte à cet égard que peu d’éléments nouveaux. Les mariages se font pour l’essentiel entre familles de Saint-Jean-de-Fos, si l’on excepte les épouses venues de Ceyras (les Cavalie) de Saint-Guilhem (les Chauvet) et du diocèse de Nîmes (les Escot). À la fin du XVIème siècle, cependant, Jehanne Vayssière, petite fille de Laurens, épouse Etienne Vernis, venu du diocèse de Saint-Flour. Au XVème siècle, deux familles alliées sont originaires du Rouergue : les Decamp (Pierre Decamp qui épouse en 1443 Marguerite Laurent) et les Solier (Jean Solier qui épouse Marie André ; l’on ne peut ici que penser au Solier qui rouergats eux aussi feront fortune dans les cargaisons d’indiennes au XVIIIème siècle et que Louis Dermigny a si brillamment étudiés) 37.

Les mariages donnent donc l’impression, dans le cas des Vayssière, d’une forte endogamie (les unions se font entre familles de Saint-Jean-de-Fos), ce qui permet de minorer l’importance des flux migratoires ; cette vision des choses serait pour partie modifiée, s’ils n’étaient pas originaires du village et étaient eux-mêmes des migrants, si Bertrand qui émerge dans le courant du XVème siècle était lui-même migrant (ce qui semble impossible car il serait né à Saint-Jean-de-Fos avant 1433), ou issu de migrants. La question a déjà été posée, mais compte tenu des sources dont nous disposons actuellement (notariales pour l’essentiel) ne peut recevoir de réponse satisfaisante.

Pas plus que ne peut être entièrement satisfaisante la réponse à la question, les Vayssière participent-ils à la récupération démographique du XVIème siècle mise en évidence par Emmanuel Le Roy Ladurie. Les registres paroissiaux font ici cruellement défauts, et les sources notariales ne permettent guère – on l’a dit – de sortir de l’imprécision. Les conclusions auxquelles nous sommes parvenues reposent sur l’hypothèse (solide cependant) que le particulier contient et exprime le général, que la macrohistoire prend appui sur la microhistoire, même si les échelles sont évidemment différentes. Les familles semblent donc pour l’essentiel représentatives de l’évolution démographique générale à laquelle elles contribuent. Ce qui n’exclut pas les comportements démographiques originaux (dans le détail les Vayssière ne confirment pas toujours les affirmations d’Emmanuel Le Roy Ladurie). Mais un simple coup d’œil sur les tableaux généalogiques montrent bien leur participation à la récupération démographique.

Une famille de moyenne paysannerie ?

Le dépouillement des actes notariés, très divers : contrats de mariage et testaments, bien entendu, mais aussi transactions (achats et ventes), baux, ventes de fruits, échanges et permutations, donations, estimations de biens, reconnaissances de dettes, quittances, perceptions des droits de mutation par le seigneur… dessine les contours d’une famille paysanne de Saint-Jean-de-Fos, dans les limites chronologiques de notre étude. Tous n’ont pas, à l’heure actuelle, été dépouillés, mais nous disposons d’ores et déjà d’une centaine d’actes notariés, ce qui constitue un corpus suffisamment représentatif.

Cette densité d’actes notariés s’explique par le fait que les Vayssière apparaissent en tant que propriétaires de divers biens : maisons et pièces de terre (petites et grandes parcelles), essentiellement situées aux faubourgs, celui de la Font des Horts (ou Orts) (des jardins), en particulier, un tènement (orthographie Vayssière ou Veyrières y portent peut-être leur nom. Mais ils possèdent des parcelles dans divers autres tènements : Combacal, Combals, les Briesse, le Puech Salazar, les Yssarts, Greneys, de Salesort. Ils possèdent en outre quelques parcelles en dehors de Saint-Jean-de-Fos : à Aniane, à Saint-Guilhem, terroir tout proches et même à Montpeyroux.

Au moins trois membres des fratries possèdent une maison : Audibert le vieux, Audibert le jeune, Jehan le vieux, où sont passés la plupart des actes notariés les concernant. La maison la plus souvent citée est cependant celle d’Audibert le jeune.

En 1519, il est question de la maison de Pierre de Reus (ou de Rieux, sans qu’il s’agisse de noblesse puisqu’il est issu d’un maréchal ferrant) que « tient » le dit Vayssière (le terme n’est guerre facile à définir, sous l’Ancien Régime tenir se distingue cependant de posséder). Il s’agit d’une « maison située audit lieu de Saint-Jean-de-Fos, laquelle confronte avec la maison de Marc Arbosse (prêtre, apparenté ; l’épouse de Pierre de Reus, Catherine, étant une Arbosse), avec la maison appartenant à Aloysette, avec la maison de Raymond Barral, et la rue traverse ». Dans un testament du 22 novembre 1512, Pierre 38 a désigné sa fille Jacquette, héritier universel. Elle est donc propriétaire de la maison. Par la suite, de nombreux actes notariés sont passés dans la maison d’Audibert le jeune, mais rien n’indique qu’il s’agisse de la précédente.

En 1530, Audibert le vieux achète une maison à Jehan le plus vieux 39.

En 1537, Jeanne Andrieu baille une maison à Jehan Vayssière pour 4 ans, moyennant 2 livres tournois par an 40.

Plusieurs des membres de la génération suivante sont également propriétaires de maisons : en 1551, Thomas et Jehan, fils d’Audibert le vieux, achètent le droit de construire sur la paroi de la maison dudit Audibert 41. Dans un testament en 1554, Anthoine, fils d’Audibert le jeune, désigne sa femme Anthoinette comme « seigneurre et usufruitière de sa maison » 42.

La majorité des actes notariés (si l’on excepte testaments et contrats de mariage, envisagés plus loin) sont des transactions (achats et ventes) qui, plus que sur les maisons, portent sur des pièces de terre. 25 actes ont été dépouillés, pour ce qui est de la période 1524-1554, ce qui constitue un échantillon représentatif. La majorité, 13, sont passés au sein des fratries de leur descendance immédiate ou avec des familles apparentées (André, Taconet…). Ce qui témoigne du désir de maintenir le patrimoine familial. L’immense majorité s’effectue entre paysans propriétaires de Saint-Jean-de-Fos, au sein du même terroir. 3 se font avec des propriétaires d’Aniane, 1 avec un propriétaire de Saint-Guilhem-le-Désert.

Les plus actifs dans ces transactions sont Jehan le vieux (cité 15 fois en tant qu’acheteur ou vendeur, mais nous avons vu qu’il semble exister deux Jehan, l’un étant fils de Guilhem, l’autre d’un autre Jehan), Audibert le jeune (cité 11 fois), Laurens et son fils (6 fois), Audibert le vieux seulement 4 fois (il semble pourtant être le plus aisé au vu de son testament, mais peut-être a-t-il été héritier, du moins du côté maternel). Ses enfants Jean et Thomas sont cités 3 fois.

Dans ces transactions figure un cazal (sans doute un petit bâtiment rural) et des pièces de terre de natures variées : arrivent en tête les jardins potagers et verdiers (7, ce qui n’a rien d’étonnant pour des paysans implantés au faubourg de la Font de Orts), sont également présentes les vignes (4, jeunes vignes, ce qui n’est pas sans signification) et les olivettes (4 également), ou champs complantés d’oliviers, ce qui reflète la percée déjà signalée de la vigne et de l’olivier dans la polyculture méditerranéenne de la moyenne vallée de l’Hérault – seulement deux achats de champs ont été repérés). Les friches et hermes (3) ne sont pas à négliger, il s’agit de terres à remettre en valeur, et ce dès le début du XVIème siècle : c’est ainsi qu’en 1518 Guilhem Bouscaron fait don à Audibert le jeune de terres, tènement des Yssarts, afin de travailler, planter la terre. La nature des 3 pièces de terre n’est pas précisée 43.

Ces transactions s’effectuent soit en monnaie réelle, métallique (les florins) soit en monnaie de compte (les livres et sols tournois) 44.

Elles sont soumises au contrôle seigneurial. Le seigneur qui, rappelons-le, est l’abbé de Saint-Guilhem-le-Désert, est le propriétaire éminent. Il perçoit un droit de mutation (appelé Lauzine). C’est ainsi que l’on voit intervenir, pour s’en tenir à quelques exemples : en 1526, Guilhem Calvin, procureur de noble et religieux homme Raymond de Saint-Merin (abbé) et de plus celérier du monastère 45 ; toujours en 1526, noble et religieux homme Jean Dupont, moine official de Saint-Guilhem-le-Désert 46 ; en 1529 Pierre de Verboys, procureur du révérend père Michel Baconet, abbé du monastère 47.

Les échanges et permutations sont assez fréquents : une dizaine entre 1519 et 1560, 4 au sein de la famille, ce qui, comme les transactions, permet d’éviter une trop grande dispersion du patrimoine familial ; 3 avec des propriétaires de Saint-Jean-de-Fos, 2 avec des propriétaires de Saint-Guilhem-le-Désert (parmi lesquels Anne Guiraud de la Blanque), 1 avec un propriétaire d’Aniane (Jean Marti). Olivettes et vignes y sont en majorité.

L’année 1519 est particulièrement significative pour ce qui est des donations, échanges et permutations au sein de la famille. Jehan et Guilhem qui sont à l’origine des deux fratries sont décédés. Cette année-là voit la disparition de Raymond, Audibert Vayssière le plus vieux est qualifié de junior (venant immédiatement après l’aîné, sans doute Jacques).

Par testament en date du 8 mai 1519, Pierre André, plus jeune, donne à Marotte, sa sœur, épouse d’Audibert le plus jeune, un champ situé en la juridiction de Saint-Jean-de-Fos, tènement des Brieysse (provenant de la succession d’Anthoine André, leur père ; ladite Marotte, de licence d’Audibert son mari, lui donne en échange un champ situé en mauvaise garrigue (cet échange est fait dans la maison de Pierre de Reus que tient ledit Vayssière) 48.

Par testament du 9 septembre 1519, Jacques Vayssière, donne à Audibert le plus jeune, son frère, un potager, situé dans les faubourgs de Saint-Jean-de-Fos, confrontant avec l’héritier de Raymond Vayssière 49.

Ce même jour, Audibert le plus jeune, du consentement de Marotte son épouse, donne à Jacques, son frère, une pièce de terre avec oliviers, juridiction de Saint-Jean-de-Fos, tènement des Plantades, confrontant l’héritier du même Raymond Vayssière 50.

Les deux Audibert font également quittance à leur frère Jacques, de biens qu’il leur a attribué – comme il sera dit ultérieurement – du fait de leur légitime (part dans la succession de leurs parents Jehan Vayssière et N. Cécile) 51.

Assez nombreux – à mi-chemin entre les transactions et les baux – sont les ventes de fruits (généralement pour 5 années, 5 récoltes ou 5 cueillettes). Dans un de nos documents les plus anciens, datant de 1483, Marguerite, veuve de Bertrand Vayssière, et ses deux fils, Guilhem et Jehan, vendent à Audibert Figuier, les fruits d’une olivette pour 5 années 5 récoltes, tènement de Curta, moyennant 2 florins d’or 52. 6 autres ventes ont été répertoriées entre 1483 et 1530, parmi lesquelles 4 portant sur des olivettes.

Les baux sont moins nombreux, seulement 4 entre 1521 et 1552. L’un concerne l’abbaye de Saint-Guilhem. En 1521, Pierre Dupont, déjà cité, moine official de Saint-Guilhem-le-Désert, baille à Jehan Vayssière une pièce de terre en friche, tènement du Puech Salazar, 42 deniers tournois, afin probablement de la mettre en culture 53.

Les dettes et reconnaissances de dettes sont bien présentes. 6 repérées entre 1470 et 1537. En 1470, Bertrand et Marguerite Vayssière déclarent devoir 54 à Jehan Vallat une demi-charge d’olives, en raison d’une vente faite au prix de 3 florins ½. Au XVIème siècle, les paiements se font en monnaie : en 1539, Jehan Vayssière déclare devoir à Anthoine Delpy une somme de 17 florins ¾ pour achat de quantités de blés 55. Dans 2 cas, les débiteurs habitent Plaissan, au diocèse de Béziers : en 1527, Durand Imbert déclare devoir à Laurens Vayssière 8 florins d’or, 5 sols tournois (compte final entre eux). L’année suivante en 1528, Eugène Alleman déclare devoir à Audibert Vayssière le plus jeune 18 florins, 15 sols tournois 56.

Des contestations peuvent évidemment survenir. En 1543, le contentieux porte sur un Cazal que Béatrix et Audibert le vieux dirent avoir acheté à Stephan Estang, ce que ce dernier conteste. Béatrix se résigne, pour le calmer, à lui verser la somme de 8 florins 57.

Tout cela montre sans nul doute que les Vayssière sont des paysans propriétaires, des laboureurs, mais quelle est la consistance de leurs biens ? Et comment se transmettent-t’ils ? L’étude des contrats de mariage et des testaments – offerts en abondance par le notariat – peut apporter des éléments de réponse. Un lien existe d’ailleurs entre ces deux sources, les testaments tenant compte de ce qui a été donné (en avancement d’hoiries dirait-on aujourd’hui) au moment du mariage. Elles permettent de percevoir dans la durée les phénomènes d’ascension sociale, ou au contraire de régression et de déclassement.

Une bonne quinzaine de contrats de mariage, et autant de testaments, ont été repérés (et souvent dépouillés) pour ce qui est des Vayssière par MM Massol et André.

Le contrat de mariage est très fréquent chez les Vayssière qui ne font point preuve à cet égard d’originalité, tel est le cas, en effet, dans les sociétés d’Ancien Régime. Notre plus ancien document est le contrat entre Bertrand Vayssière et Marguerite Laurent (1452). Jehan et N. Cécile passent contrat (avant 1499). Ainsi que la quasi-totalité des membres des deux fratries : Raymond et Jehan, avec Marguerite et Catherine Figuie, le même pour, le 7 mars 1515, viennent ensuite Audibert le plus jeune et Marie André (1519), Jacques et Jeanne André (1521), Audibert le vieux et Béatrix Cavalié (1523). Les contractant restent nombreux à la génération suivante : Thomas et Anthoinette Escot (1540), Jehan et Jeanne Chaulet (1554), Anthoine et Anthoinette Deleuze (1554), Florette et Pierre Sage (1542), et encore à la fin du siècle Jehanne et Etienne Vernis (1579, Anthoine et Jeanne Jolye (en 1586).

Les testaments sont également très nombreux car ils permettent la transmission et le partage des biens, ainsi que la désignation ou l’institution d’un héritier, problème sur lequel nous aurons à revenir. Ont été entre autres retrouvés et dépouillés les testaments de Jacques (1521), d’Audibert le vieil (1547), le jeune (1559), de Laurens (1557) et pour ce qui est de la génération suivante : de Thomas (1561), d’Anthoine (1566), sans oublier ceux des épouses ou veuves : Béatrix Cavalie (1554) et Marie André (1556).

Testament d'Audibert Vayssière du 14 avril 1547
Testament d'Audibert Vayssière du 14 avril 1547

Le document fondateur est, répétons-le, le contrat de mariage de Bertrand Vayssière et de Marguerite Laurent, conclu le 7 janvier 1452, le prince Charles (VII) étant roi de France (les notaires n’omettent jamais de préciser le nom du souverain). Marguerite est veuve de Pierre Decamp avec lequel elle avait passé contrat le 1er septembre 1443. Sa mère Aurable, veuve de Pierre Laurent, est présente.

Ladite Marguerite a « donné, constitué et assigné, audit Vayssière, futur mari, tous ses biens meublés et immeubles, présents et futurs ».

De son côté, ledit Vayssière « sera tenu de faire continuellement son mariage dans ledit lieu de Saint-Jean-de-Fos et dans la maison de ladite Marguerite, sous peine de 40 livres tournois au seigneur abbé de Saint-Guilhem-le-Désert », qui, l’on s’en souvient, est seigneur de Saint-Jean-de-Fos.

De plus, « ledit Vayssière sera tenu de porter 30 moutons d’or dans la maison de ladite Marguerite ». Il sera également tenu « de donner à ladite Marguerite une cote de tissu blanc de la ville de Perpignan, à la solennisation dudit mariage ».

Le contrat est passé dans la maison de « ladite Marguerite », en présence de plusieurs témoins et devant Maître Ambierle, notaire 58.

L’on ne saurait tirer de ce pacte d’excessives conclusions, sur le statut et la condition sociale de Bertrand Vayssière, paysan de Saint-Jean-de-Fos. Est-il, selon la classification classique des historiens du Moyen Âge, un paysan libre, un serf (mais ils ont quasiment disparu), ou un hôste, ce qui est très fréquent dans les monastères ? Tout ce qu’il est possible de dire est qu’il semble uni par un certain lien de dépendance à son seigneur, l’abbé de Saint-Guilhem. Cela se comprendrait mieux s’il était un nouvel arrivant venu participer au repeuplement, et à la remise en culture de la contrée. Cette reconstruction se fait en effet à l’initiative des seigneurs. Ils offrent aux immigrants (en majorité des laboureurs munis d’un pécule) des contrats avantageux : distribution de tenures moyennant le paiement d’un cens, des charges et services modérés, mais aussi des devoirs et contraintes à respecter : défricher et remettre en culture les terres attribuées, et parfois s’engager à la résidence. Mais en l’état actuel de cette recherche, il ne peut s’agir que d’une hypothèse invérifiable.

Les contrats de mariage des membres des fratries, ayant été repérés, mais non encore dépouillés, nous nous limitons pour ce qui est du XVIème siècle, aux deux Audibert et à leurs descendance, car c’est pour ces deux branches familiales que les sources sont à ce jour les plus abondantes – en particulier les testaments, qui semblent plus riches en renseignements que les contrats, et qui permettent de situer assez bien les Vayssière dans la société paysanne.

Essentiel est le testament d’Audibert le vieil, daté du 14 avril 1547, « régnant prince François Ier, par la grâce de Dieu roi de France ». Il teste car « il n’y a chose plus certaine que la mort et plus incertaine que l’heure d’icelle », bien que n’étant « affligé d’aucune maladie de son corps » Il lègue : 20 sols à chacun de ses frères : Audibert (le jeune), Laurens et Jehan.

Un long développement est consacré à sa femme Béatrix Cavalié, avec laquelle il a passé contrat en 1523. A « honnête femme Béatrix, sa vie vêtue et chaussée en la qualité de sa personne et faculté et valeur des biens la fait et constitue maîtresse et usufruitière de tous et chacun de ses biens tant qu’elle vivra en ce monde », de plus « il lègue à ladite Béatrix la grande oliveraie de Cabanès et toutes les vignes de Gasteffières pour sa vie et durant icelle. Et après son décès et trépas de ce monde a voulu que lesdites oliveraies et vignes parviennent à ses héritiers ».

Il lègue à son fils Jehan (dit le majeur) le grand champ des Bouisses. Il institue –et c’est là un point essentiel – ses deux fils « légitimes et naturels » Jehan et Thomas, héritiers universels par égale parts et portions, et ordonne que « s’ils mourraient sans héritiers de leurs propres mariages », l’autre héritier « succèdera » (ce qui sera effectivement le cas, du fait du décès relativement précoce de Thomas).

Il est précisé que ce testament est fait dans la maison d’Audibert le jeune, devant le notaire Vitalis.

Dans ce testament, Audibert le plus vieil, apparait somme toute comme un laboureur d’une certaine importance, aux biens assez consistants (avec deux grandes parcelles, ce qui est assez rare), les mots utilisés pour qualifier sa femme Béatrix semblent indiquer qu’il jouit d’une certaine considération sociale 59.

Les positions acquises se maintiennent avec les deux fils et héritiers d’Audibert le vieil : Jehan le jeune et Thomas (dont la disparition relativement rapide permet de reconstituer le patrimoine familial).

Thomas épouse en 1560 Anthoinette Escot, native de Saint-Marcel au diocèse de Nîmes. Lors du contrat de mariage conclu le 16 janvier 1559, elle lui apporte 100 livres de dot (ce qui au XVIème siècle est loin d’être négligeable, mais cette somme est, il est vrai, à partager avec Anthoine, son frère). Mais Thomas décède peu après. Il teste le 20 juillet 1561. Il fait son frère Jehan, maître de tous ses biens (conformément à ce qui avait été prévu dans les dispositions testamentaires d’Audibert le vieil). Il institue de plus son neveu Guillaume, fils de Jean héritier universel. Il laisse 20 livres à son autre neveu Jean. Il lègue 15 livres à Anthoinette Escot sa femme. Et petit mystère : 5 sols à Anthoinette Fabre, sa sœur, veuve de l’orjolier Raymond Sinadié 60.

Jehan épouse en premières noces en 1548 Jacquette Taconet, qui, en document ultérieur le prouve, dispose d’un certain nombre de biens : une maison dans les faubourgs, un mas avec un jardinet, quatre oliveraies ou champs avec oliviers, un champ, un pré, une vigne… sis pour l’essentiel au tènement du mas Puech 61. Après son décès, leurs deux enfants Guillaume et Béatrix se partagent ses biens (1573).

Jehan, devenu veuf, se remarie à Jeanne Chaulet (1576), native de Saint-Guilhem-le-Désert, fille du cordonnier Pierre Chaulet, et veuve d’Anthoine Calvin (ou Calvy). Lors du contrat de mariage, Pierre Chaulet donne à « ladite Jeanne tout ce qu’il lui a été constitué lors de son mariage avec Anthoine Calvin son premier mari : à savoir la somme de 30 livres tournois, plus 3 robes nuptiales en draps de Bourges (qui eux aussi semblent jouir d’une certaine réputation). À quoi vient s’ajouter 12 livres tournois de robes appartenant à Catherine Abric, sa femme 62.

Jehan vit très avant dans le siècle. Dans un premier testament, le 23 janvier 1588 (Henri III, étant roi de France), il donne de façon assez surprenante la moitié de tous ses biens, meubles et immeubles, à un certain Guillaume Gailhac de Saint-Guilhem-le-Désert, « non déçu et sachant avoir en plusieurs circonstances, en plusieurs endroits et nécessités plusieurs courtoisies et plaisirs de Guilhem Gailhac » 63 Guilhem Gailhac est en fait un parent éloigné de sa femme Jeanne Chaulet. Catherine Calvin, sa fille, née de son premier mariage, avait épousé Guilhem Gailhac. C’est un curieux personnage ! Fils du meunier Jacques Gailhac, il se dit noble, sieur de la Farelle, sans doute du fait de son mariage avec Anne de la Farelle. Il s’est marié trois fois : en 1565 avec Catherine Calvin, en 1571 avec Fulcrande de la Farelle (se rattachant à une famille de noblesse du diocèse de Nîmes, veuve Portal, et par ce biais apparentée aux Chaulet), et en 1581 avec Anne Montalieu, veuve Frêre, qui lui apporte la seigneurie des Bayssures (fermes des Monts de Saint-Guilhem). Il est gouverneur de Saint-Guilhem pendant les guerres de Religion. Sa descendance connaîtra une ascension sociale qui la conduira progressivement à la noblesse de robe, au XVIIIème siècle (des conseillers auditeurs à la Cour des Comptes, aides et finances de Montpellier) 64.

Mais Jehan se ravise : il teste à nouveau le 7 décembre 1592 (Henri IV roi de France et de Navarre régnant). Il déclare que la donation faite à M. Gailhac n’a plus de valeur car ce dernier n’a « tenu ni observé les pactes contenus en icelle ». Il institue héritière générale et universelle Jehanne Chaulet, sa femme. Il lègue aux enfants de sa fille Béatrix, en plus de ce qu’il lui a donné lors de son mariage avec Domenge Bosc, 20 sols tournois. À ses neveux et nièces, 5 sols à tous (ce qui n’est pas grand-chose). Les legs pieux par contre s’élèvent à 7 livres tournois 65.

Le 19 août 1572, en effet, Béatrix Vayssière a passé contrat de mariage avec Domenge Bosc, natif de Saint-Etienne-des-Hermes, juridiction de Montpeyroux. À cette occasion Jehan Vayssière, père, lui a donné en dot : 4 journal(s) de vigne nègre, juridiction de Saint-Jean-de-Fos, un champ de 5 cartelades, juridiction de Montpeyroux et un champ d’une sétérée à Aniane. À tout cela s’ajoute la moitié du tiers de toute la succession de tous les biens qui lui étaient parvenus par le décès d’Anthoine, son fils, frère de Béatrix. Ainsi que la moitié des biens de Jacquette Taconet, sa mère. Au total une jolie dot 66.

Mais les bonnes positions acquises par la branche issue d’Audibert le plus vieil ne semblent guère se maintenir à la génération suivante, celle qui entre dans le XVIIème siècle. Le petit fils de Jehan, Guillaume (fils de Guillaume) devenu représentant masculin d’une branche qui tombe en quenouille, finit pauvrement et tristement « oppressé de vieillesse et de maladies », il teste le 30 mars 1608 : il institue ses deux filles, Marie et Françoise (nées de son mariage avec Catherine Bonniol), héritières universelles (seulement deux pièces de terre au Compoix en 1610), il laisse 2 sols, 6 deniers à tous ses neveux et nièces et autres parents (ce qui est bien peu). Il laisse surtout une longue liste de créances et de créanciers 67.

Il est inhumé selon le rite de la RPR (religion prétendue réformée) – il est en effet le seul protestant de la famille (et un des rares de Saint-Jean-de-Fos, tous les autres sont restés catholiques) – sans pompe ni funèbre. Les guerres de Religion qui depuis 1560 sévissent dans le Royaume et en Languedoc, et qui touchent aussi la paysannerie, expliquent-elles le déclin final de sa famille ? À cela s’ajoute une conjoncture moins favorable. Le Beau XVIème siècle est terminé.

Une consolation posthume cependant : sa fille Françoise épouse en 1612 le laboureur Jean André qui figure au Compoix pour une maison au faubourg et 8 pièces de terres. Ce qui est loin d’être négligeable 68.

Plus modeste que celui d’Audibert le vieil est le testament de son frère cadet, Audibert le jeune, daté du 13 mai 1559, le prince Henri II régnant sur la France. Le testament nous apprend qu’il est catholique, ce qui n’est pas sans importance en ce temps ou la Réforme progresse en Languedoc. Il institue son fils Anthoine, héritier universel, et confirme la donation faite au moment de son mariage. Il lègue de plus 20 sols à Anthoinette Deleuze, sa belle fille. Les autres légataires doivent se contenter du minimum réglementaire (pour les enfants qui ne sont pas héritiers) de 5 sols. 5 sols à son autre fils Guilhem, 5 sols à chacune de ses filles : Fleurette, épouse Pierre Sage, de Saint-André-de-Sangonis, Catherine, femme de Jean Roudil ; auxquels s’ajoute pour Fleurette sa constitution dotale. 5 sols chacun, à ses frères Laurens et Jehan, derniers survivants de la fratrie 69.

Son épouse Marie André a déjà testé en 1556, donc quelques années avant lui. À cette occasion, elle a fait Audibert, son mari, héritier universel. Elle a légué à Anthoine, son fils, 5 livres tournois, à son autre fils Guilhem « s’il vit encore » 20 sols tournois (est-il alors en campagne, dans les armées de Henri II qui sont en guerre contre la Maison d’Autriche, et qui affrontent les troupes de Charles Quint puis de Philippe II ?) ; elle a légué 5 livres tournois à chacune de ses deux filles : Catherine et Fleurette. Et pour faire bonne mesure, elle a légué 5 autres livres tournois à Jehan Solier, son fils, né de son premier mariage avec Jean Solier 70.

Les donations, dans l’un et l’autre testament, peuvent sembler modiques, mais l’essentiel est ici contenu dans les contrats de mariage.

Le contrat de mariage conclu entre Anthoine Vassière et Anthoinette Deleuze, d’abord le 21 août 1554. À cette occasion, Audibert donne à son fils la moitié de tous ses biens meubles et immeubles (mais leur consistance n’est pas précisée. Marie André y ajoute – du bon vouloir de son mari – un champ. Raymond Deleuze et Marguerite Pastresse donnent et constituent à leur fille diverses pièces de terre : 1 olivette, 1 champ, 1 petit champ avec oliviers. Guilhem Deleuze, orjolier (un pionnier dans l’industrie de la céramique, et une des plus hautes figures de potiers de Saint-Jean-de-Fos, qui va contribuer à la nouvelle orientation de la famille), lui lègue la somme de 13 livres tournois, à laquelle s’ajoute une robe de drap 71.

Un contrat de mariage a aussi été conclu comme l’indique le testament d’Audibert entre Florette et Pierre Sage. Le 29 novembre 1548. A cette occasion, Audibert et Marie André donnent en dot, à leur fille, la somme de 40 livres tournois ainsi que diverses robes, dont deux en drap. Marie André y ajoute la somme de 5 livres tournois 72.

Intéressant est aussi, à la génération suivante, le testament d’Anthoine, fils d’Audibert, marié, comme il vient d’être dit, en 1554, à Anthoinette Deleuze.

Il teste, le 30 juillet 1566 (donc finalement peu d’années après son père, et alors qu’il est encore jeune), le prince Charles IX étant roi de France. Les legs sont nombreux et pour certains assez consistants.

Pour la première fois apparaissent les legs pieux : 10 livres tournois, ce qui n’est peut-être pas sans signification : papistes et huguenots s’affrontent désormais ouvertement en Languedoc. Il institue son fils Anthoine (alors très jeune enfant) héritier universel. Il hérite, selon la formule consacrée, de tous ses biens meubles et immeubles, mais avec certaines limites : il substituera Catherine et Fleurette ses sœurs par égales parties et portions (ce qui en clair signifie qu’il devra leur verser une légitime). Une vigne et une olivette (sise à Saint-Jean-de-Fos et à Saint-Guilhem) sont données de plein droit à sa femme Anthoinette. Les filles, Marie et Catherine, reçoivent 50 livres tournois chacune (25 livres le jour du mariage, plus 10 livres chaque année). Suivent les legs plus modiques. 10 sols tournois à chacune de ses sœurs : les même Florette et Catherine, et 5 sols entre tous à ses neveux et nièces, et la suite de sa parentèle. Et enfin à Anthoinette Deleuze, sa femme (maîtresse et usufruitière dans sa maison), 10 livres tournois si elle se remarie (ce qu’elle fera). Les exécuteurs testamentaires, sa femme et Guilhem Dupin, reçoivent, suprême largesse, 10 livres tournois. Il est précisé que le testament est fait, devant maître Vitalis, dans la maison dudit Anthoine 73.

Ce testament témoignent d’une certaine aisance et peut-être d’une ascension de cette branche de la famille qui est, semble-t’il, la plus cadette. Anthoine possède une maison, des pièces de terre (dont la consistance n’est une fois de plus pas précisée), ses legs s’élèvent au total à 122 livres tournois (ce qui n’est pas négligeable, du moins au XVIème siècle).

Comme il sera dit ultérieurement, les dispositions prévues dans le testament seront mises en œuvre : Anthoine II versera (même si c’est seulement une vingtaine d’années plus tard), leurs légitimes à ses sœurs, Catherine et Marie (accords passés en 1586 et 1588). Anthoinette Deleuze se remariera (comme l’avait prévu son mari) dès 1571 avec Arnaud Durand, elle testera à son tour le 6 novembre 1585 74.

À cette date ; Anthoine II, entré en apprentissage chez le cousin germain de sa mère, Guilhem Deleuze, en juillet 1580, est en passe de devenir orjolier (potier de terre et fontainier), ouvrant ainsi une voie nouvelle à cette branche de la famille. Le 23 janvier 1586, il se fiance et passe contrat de mariage avec Jeanne Jolyé (d’Aniane), fille de Pierre Jolyé : « Et comme il est de coutume et ordre légal de tout temps observer que mariage ou unions ne se fera sans constitution de dot quant à la partie des femmes, pour supporter les charges de mariage qui sont portées », Pierre Jolyé constitue en dot à sa fille : 1 pépinière d’oliviers (ce qui en montre bien l’essor), 1 vigne, 1 champ (sans oublier un corset noir d’étamine de Sauve). Anthoine Jolyé, son frère (mari de Catherine Vayssière) en tant qu’héritier de leur feue mère, lui donne en dot la somme de 13 écus 1/3 75.

Malgré le changement d’orientation chez les Vayssière, les biens fonciers constituent encore l’essentiel de la dot. Les racines paysannes ne sauraient si vite s’oublier.

Reste le point le plus délicat. Est-il possible de situer les Vayssière dans la société rurale ? Il s’agit incontestablement de Laboureurs (et non évidemment de manouvriers), mais dans quelle catégorie les ranger ? Sont-ils petits, moyens, ou gros ? La réponse est loin d’être aisée, en l’état actuel de nos sources (notariales pour l’essentiel).

Il faut de toute façon introduire avec Emmanuel Le Roy Ladurie et les divers historiens du monde rural, beaucoup plus de nuances qu’on ne le faisait autrefois, dans la hiérarchisation de la société rurale. « La grande majorité des actifs agricoles, peut-on lire dans l’Histoire des paysans français, était autrefois présentée comme divisée en deux groupes : une élite minoritaire de laboureurs, possesseurs d’attelage d’argent, et même de quelques terres, promis au rôle de fermier dans les grands domaines. Et d’autre part une majorité de manouvriers, pauvres, prolétaires et semi-prolétaires, voués au besognes d’exécution, ils n’ont pour eux que leurs bras et parfois un lopin minuscule. Il faut nuancer, du moins au XVIème siècle cette affirmation. En fait la masse fondamentale du monde rural de la Renaissance est formée, non point par une majorité de manouvriers mais par une majorité de laboureurs qui forment les deux tiers des actifs agricoles » 76.

Mais ces laboureurs (appelés plus fréquemment ménagers dans le midi), qui sont-ils ? Il serait erroné de voir en eux les capitalistes ou entrepreneurs du monde rural. Il s’agit pour la plus grande partie de paysans, minuscules : la masse possède par chefs de famille moins de 1 hectare, la majorité moins de 2,5 ha. Rares sont ceux qui possèdent plus de 10 ha, très rares plus de 15 ha.

Le laboureur parcellaire, le plus petit laboureur, est tenancier de moins de 1 ha. Il possède un bétail minuscule, fréquemment un cheval qui constitue la justification de son titre de laboureur. Un petit outillage (avec parfois une charrue). Quelques meubles (un coffre). Le tout valant en bien meubles 100 à 150 livres tournois.

Au dessus (la tranche de 1 à 5 ha étant moins significative), le groupe de laboureurs possédant entre 5 et 10 ha. Laboureurs moyens inférieurs serait-on tenté de dire. Ils possèdent une relative aisance : bétail, charrue, terre. Les meubles ne dépassent pas la valeur de 200 livres tournois.

Au dessus encore, les laboureurs aisés qui constituent la classe moyenne supérieure du monde rural. Ils afferment ou exploitent un domaine d’une dizaine d’hectares (les bailleurs sont généralement des nobles ou des bourgeois urbains). Dans le train de culture, tout est double ou triple. Le cheptel est plus nombreux. L’ensemble du capital mobilier peut s’élever à 300 livres.

Au sommet, les vraiment riches, les gros et très gros fermiers. Infime minorité possédant plus de 15 ha de terre (avec chose rare en milieu paysans quelques grandes parcelles). Ils prennent en fermage 50 à 100 ha. Leur capital mobilier dépasse le millier de livres. Il peut osciller autour de 1500 livres. Ils sont fermiers des redevances et collecteurs des seigneurs. L’on parle, dès le XVIème siècle, de coqs de village 77.

Ni manouvriers, ni coqs de village, les Vayssière nous semblent devoir être rangés dans la moyenne paysannerie sans autre précision, la prudence s’impose en effet pour ce qui est de leur situation dans cette position médiane.

La plupart des paysans de Saint-Jean-de-Fos nous semblent d’ailleurs – du moins au vue de ceux rencontrés dans les sources notariales – être de petits et moyens paysans (tel est le cas de la plupart de ceux recensés aux Compoix de 1512 et 1610).

Faut-il rattacher à la famille Anthoine Vaissière, fils de Jehan le vieux (habitant de Fontès), marié en 1531 (contrat de mariage le 27 janvier à Saint-Jean-de-Fos) à Jehanne Ebrard, fille de Pierre Ebrard 78 de Fontès, un village du Biterrois bien étudié par Emmanuel Le Roy Ladurie, en raison de l’exceptionnelle densité des documents fiscaux, qui lui ont permis de suivre de très près l’évolution du morcellement foncier. Il donne l’exemple d’Anthoine Ebrard (sans doute parent de Pierre) : « voici en 1504-1505, les deux caciques du village Anthoine Ebrard et Pierre Peyron, 15 % du terroir en valeur cadastrale à eux deux » 79 (voilà des coqs de village !). Le patronyme Vaissière est encore attesté à Fontès dans la première moitié du XVIIème siècle. Mais le raccordement avec les Vayssière de Saint-Jean-de-Fos est du moins pour l’instant impossible. L’affirmer relèverait du roman historique.

Famille paysanne bien implantée à Saint-Jean-de-Fos depuis plusieurs générations, les Vayssière n’en changent pas moins d’orientation à la fin du Beau XVIème siècle, à partir de 1580 très exactement, profitant de l’essor de l’industrie de la céramique en ce lieu, ils abandonnent le travail de la terre et deviennent potiers et fontainiers. Pourquoi cette mue professionnelle et sociale ? Outre l’essor de l’industrie de la céramique, sa raison essentielle n’est-elle pas à rechercher, comme l’a montré Emmanuel Le Roy Ladurie, dans l’excessif morcellement foncier, dans l’appauvrissement du monde paysan suscité par l’essor démographique ?

III) Amoindrissement des héritages, appauvrissement des héritiers

L’évolution, en effet, étant donné l’augmentation du nombre des héritiers, de génération en génération, ne peut se faire chez les Vayssière, que dans le sens d’un morcellement foncier.

Comme il a déjà été dit, deux frères seulement, Guilhem et Jehan, se partagent à la fin du XVème siècle, les biens de Bertrand Vayssière dont nous ignorons à ce jour la consistance. Au début du XVIème siècle, ils sont 6 ou 7 à hériter de ceux de Guilhem et Jehan (les deux fratries). Ils sont encore plus nombreux à la génération suivante, une bonne quinzaine ! 8 enfants succèdent aux deux Audibert qui testent en 1546 et 1559. Le décès précoce de Thomas permet de reconstituer les biens d’Audibert le vieil, au profit de Jehan. Ultime morcellement en 1586 et 1588 : les 3 petits enfants d’Audibert le jeune, Anthoine, Catherine et Marie, se partagent de façon inégalitaire, il est vrai, les biens provenant de la succession de leur père Anthoine, à savoir une maison et au moins 9 pièces de terre (1 jardin, 5 champs, 2 olivettes, 1 vigne).

Ces divers partages sont bien l’illustration du problème soulevé par Emmanuel Le Roy Ladurie, du morcellement foncier et de l’amoindrissement des héritages, et par conséquent de l’appauvrissement des héritiers, et ce en raison de leur trop grand nombre, du fait de l’exubérance démographique (moindre cependant à la fin du XVIème siècle). Les paysans, comme il a été dit, sont trop nombreux pour être heureux.

Mais le processus du morcellement successoral, par partages successifs, est à nuancer fortement, en raison de l’existence, en Languedoc, de la liberté d’avantager (tel ou tel enfant) de l’élection de ce que l’on nomme l’héritier. Et ce, contrairement aux coutumes de la France de l’Ouest, où domine l’égalitarisme. En Languedoc, en raison de l’influence du droit romain, le chef de famille – le père – a des pouvoirs considérables.

« Le père languedocien des temps modernes, écrit Emmanuel Le Roy Ladurie, redevient plus romain que chrétien. Le pater familias occitan utilise pour lutter contre le morcellement, la liberté d’avantager le préciput, la donation entre vifs et l’absolutisme testamentaire du droit écrit, tout cela étant destiné en fin de compte à tailler plus grande le part d’un des enfants qui n’est pas nécessairement l’aîné, le descendant privilégié succédant pour l’essentiel à la terre ou au lopin familial. Tandis que les autres enfants doivent se contenter de dots plus ou moins conquises de miettes testamentaires ou d’une légitime qui n’est qu’une réserve coutumière. Dès lors ces rejetons défavorisés risquent de tomber dans le prolétariat quand ils viennent du peuple ou dans l’état ecclésiastique ou militaire quand ils viennent des classes moyennes 80 ».

Henri Michel confirme : « L’époque des rois absolus est encore celle des pères absolus. Le droit de tester en privilégiant un héritier est un des fondements les plus sûrs de la monarchie paternelle. Le père n’a en fait qu’une limite à sa liberté de régler sa succession, c’est celle de reverser 5 sols aux autres enfants (nous avons a plusieurs reprises pu le constater dans les divers testaments Vayssière), laissant à chacun le soin de réclamer sa légitime ». Cette légitime est une part de l’héritage paternel que le cadet peut réclamer. L’aîné est chargé de payer aux autres leurs légitimes 81 ».

Ainsi que Michel Péronnet : « Malgré la terrible faux de la mort tranchant le fil de la vie de la moitié d’une classe d’âge avant l’adolescence, la terrible élection d’héritier écarte cadets et cadettes de l’activité principale du père, plus encore il leur faut trouver état ou mari » 82.

D’où l’importance des testaments, fort nombreux, comme on vient de le voir chez les Vayssière : « Le Midi, contrairement à l’ouest, utilise le testament comme une arme efficace pour répandre l’inégalité, perpétuer l’arbitraire paternel et conserver l’unité du lien de famille » 83.

Mais le système est peut-être plus libéral qu’il n’y paraît. L’héritier n’est pas toujours l’aîné, un cadet de naissance peut prendre la place de l’aîné s’il est jugé plus digne. Mais ce fait a été difficile, sinon impossible à percevoir chez les Vayssière en raison de la grande imprécision des dates de naissance, qui compte tenu de la nature des sources sont très approximatives.

Le nombre d’héritiers peut être de 2 (du moins au XVIème siècle) : c’est ainsi qu’en 1546 Jehan et Thomas sont les deux héritiers d’Audibert le plus vieil. Une fille enfin peut être héritière : en 1567 dans son testament, Laurens Vayssière, deuxième du nom, institue sa fille Jehanne héritière universelle (elle épousera plus tard en 1579 Etienne Vernis), son fils Pierre doit se contenter des 5 sols réglementaires. Mieux encore : en 1585, Anthoinette Deleuze, veuve d’Anthoine Vayssière, institue ses deux filles Marie et Catherine, héritières universelles, son fils Anthoine doit se contenter d’une pièce de terre (mais il est vrai que ce dernier avait été l’héritier de son père, sa veuve ne fait que rétablir l’équilibre) 84.

La pratique de l’élection d’héritier, on l’a vu en effet, a été très fréquente chez les Vayssière, comme dans les autres familles de laboureurs de Saint-Jean-de-Fos (et du Languedoc).

Jacques semble être l’héritier, au sein de la fratrie issu de l’union de Jehan Vayssière et de N. Cécile. Né avant 1499, il est peut-être l’aîné. Le 22 avril 1519, il attribue semble-t’il une légitime à 2 de ses frères : à Audibert le plus vieil un champ tènement de Brieysse, à Audibert le plus jeune 6 livres tournois, plus un champ au même tènement des Brieysse. « Et ce fut fait pour raison de légitime et encore succession ou supplément de légitime et encore legs dans les biens de sage homme Jehan Vayssière et de Cécile, décédés, mariés 85. Dans son premier testament en date du 13 mai 1524, Audibert le plus vieil, peut-être héritier du côté maternel, donne à Audibert le plus jeune un jardin, tènement de Saint-Geneys à son frère Audibert le jeune, ce dernier promet de ne plus rien lui demander des biens maternels 86.

La suite est mieux connue, du moins pour ce qui est de la descendance des deux Audibert, comme on a pu le voir au travers des testaments. Dans son testament, en 1546, Audibert le plus vieil institue comme héritier ses deux fils Jehan et Thomas, Jehan le majeur, peut-être issu d’une autre union, reçoit le grand champ des Bouisses.

Dans son testament, en 1559, Audibert le jeune institue son fils Anthoine. Ce dernier à son tour en 1566 institue son fils Anthoine, deuxième du nom (même s’il est encore petit enfant). La veuve Anthoinette Deleuze rétablit l’équilibre en 1585 – comme il vient d’être dit – en avantageant les deux filles.

L’héritier universel peut être le conjoint, nous avons vu qu’en 1554 Marie André institue son époux Audibert, Jehan dit le plus jeune fait de même avec Jehanne Chaulet en 1592.

Anthoine deuxième du nom, orjolier dès 1580, tarde à remettre leur légitime à ses sœurs : Marie (épouse Raymond Durand) et Catherine (épouse Anthoine Jolyé) qui en font la demande, les parties « voulant demeurer en bonne paix et concorde, et voulant éviter dépenses et frais de justice, finissent par conclure transactions et accords ». Le 28 août 1586, il baille à sa sœur Marie « un devant de maison, étable et un solier, sis au faubourg rue de la fontaine, 2 champs (13 cartelières), la moitié d’une olivette, une pipe (barrique) contenant un demi-muids » 87. Le 17 octobre 1588, il baille à son autre sœur, Catherine, la moitié d’une olivette, un tiers de champ, la moitié d’une vigne avec champ joignant un champ complantée d’oliviers… 88. Anthoine, l’héritier, conserve cependant l’essentiel. Le 8 octobre 1576, il baille à titre d’arrentement à Jehan Bertrand tous et chacun des se biens, meubles et immeubles, comme sa maison, jardin, champs, vignes, olivettes. Quelques années plus tard, il baille à Guilhem André « tout un bien, immeubles, champs, olivettes, hormis les maison et jardin qu’il réserve pour les temps ultérieurs de cinq années » 89.

Mais cet amortisseur qu’est l’élection d’héritier (ou d’héritières) ne semble pas avoir été suffisant, la part échue à Anthoine II, dit Figon, n’a peut-être pas été assez conséquente pour vivre décemment, comme l’ont fait ses père et grand-père. Ce qui explique en partie – outre le fait du développement rapide de l’industrie de la céramique à Saint-Jean-de-Fos – sa mise en apprentissage, dès 1580, alors qu’il est encore bien jeune, chez le cousin germain de sa mère Guilhem Deleuze 90, et son orientation vers le métier de potier de terre et de fontainier, qu’il va exercer ainsi que ses quatre fils (encore une fratrie). Ses cousins Jean et Thomas Vayssière, signataires en 1556 du testament de Jean Sivadié, semblent déjà avoir tenté de s’engager dans cette voie 91. Mais c’est la branche semble-t’il la plus cadette, celle issue d’Audibert le jeune représentée désormais par Anthoine II, qui, plus inventive et entreprenante que la branche plus aînée, va réussir dans l’exploration de cette voie nouvelle que lui offre la conjoncture, et engager durablement le destin de la famille, les Vayssière vont fournir deux générations de potiers et fontainiers, et exercer leur métier jusque vers 1645-46, c’est-à-dire pendant environ 65 ans.

Cette évolution pose le problème du rôle des cadets dans la société d’Ancien-Régime. Si la majorité d’entre eux se trouve déclassée et prolétarisée, certains d’entre eux, contraints à gagner leur vie, se montrent plus créatifs et imaginatifs que leur aînés, et réussissent finalement mieux. La suite de l’histoire des Vayssière le montrera, car c’est la branche la plus cadette (des cadets de cadets) qui fera fortune au XIXème siècle et connaîtra une rapide ascension sociale. L’histoire des Vayssière devenus Bessier a été comme a pu l’écrire Michel Peronnet « L’épopée des cadets du Languedoc » 92. Patrick Cabanel a écrit de très belles choses sur sort des cadets, sur lesquels il a développé une réflexion profonde 93.

Les biens fonciers, le travail et l’exploitation de la terre ne deviennent dès lors pour les Vayssière – du moins pour ceux qui ont choisi la voie de la céramique – qu’un appoint. L’on vient de voir qu’Anthoine a arrenté à deux reprises la totalité de ses biens. Le lien avec la terre n’est pas totalement rompu. Au Compoix de 1610, Anthoine et sa femme Jeanne Joullié apparaissent en tant que propriétaires de deux mascols, d’un pré, de deux vignes et de trois olivettes. Mais c’est désormais le métier de fontainier qui le fait vivre. Les autres branches familiales par contre continuent à vivre du travail de la terre, mais elles ne vont pas tarder à s’éteindre : trois de leurs représentants figurent au Compoix de 1610 : Pierre (une maison), Guilhem (2 vignes), Jean (une maison et 3 vignes) 94.

Même s’ils possèdent toujours quelques pièces de terre, les Vayssière, à partir des années 1580, cessent, et ce pour plusieurs siècles, d’être paysans. Désormais et jusqu’au milieu du XIXème siècle, ils ne cessent plus – comme il a été dit en tout début – d’être des gens de métier, même si ces derniers ont varié. Après 1850, l’essor du vignoble languedocien fait d’eux des propriétaires rentiers, ils investissent dans les vignes le capital accumulé dans le commerce de nouveautés. Ils font l’acquisition du domaine de la Grange Basse à Mèze. Mais se n’est qu’au XXème siècle que Raymond Bessier (qui compte parmi ses ancêtres, le premier Raymond, fils de Guilhem, marié en 1515 à Marguerite Figuier – le domaine de la Grange Basse rapportant moins du fait de la crise de la viticulture – se décide à travailler lui-même ses terres. « Le maître de rentier s’est mué en travailleur de terre, retrouvant ainsi les origines lointaines de la famille » 95.

Conclusion

Le suivi de la trajectoire des Vayssière entre 1450 et 1580 (dates rondes), par conséquent à l’extrême fin du Moyen Âge et à l’aube des Temps Modernes (le beau XVIème siècle), a bien montré – s’il en était encore besoin – que l’apport du notariat à la généalogie sociale est considérable. Il a permis (l’État civil faisant défaut) la reconstitution généalogique de cette famille, ainsi que sa contribution à l’éruption démographique du XVIème siècle, qu’elle confirme pour l’essentiel. Il a mis en évidence ses racines paysannes et a permis de la situer assez bien dans la société rurale des laboureurs, une moyenne paysannerie. Il a laissé percevoir, en lien avec l’évolution de la conjoncture, une assez longue ascension, suivie à la fin du XVIème siècle d’un nécessaire changement d’orientation, du fait, sans doute, du trop grand nombre des héritiers.

Mais bien des zones d’ombre subsistent : le dépouillement des archives notariales de Saint-Jean-de-Fos, à l’initiative de MM Massol et André, est encore en cours ; elles ne peuvent de toute façon, à elles seules, déterminer l’origine géographique de cette famille ; point capital qui reste à élucider. Le notariat n’est d’ailleurs pas la seule source de l’histoire rurale : les compoix en sont une autre – et majeure – comme l’a bien compris Emmanuel Le Roy Ladurie. Mais il est sans doute, depuis son apparition au XIIIème siècle, l’un des plus fidèles miroirs de l’évolution des sociétés humaines.

NOTES

1. PORCER, Didier : Trajectoires familiales et professionnelles, contribution à l’histoire économique et sociale du Languedoc, XVI-XXème siècle, thèse sous la direction de GAVIGNAUD-FONTAINE, Geneviève, université Paul-Valéry, Montpellier, 2004. Les Bessier en Languedoc de la Renaissance à nos jours, Lacour, 1994. JM Frédéric Bonnet, évêque de Viviers, de la Séparation à Charles de Foucauld, la Bouquinerie, 2007.

2. Adresse du site internet, généalogie des Massol, du village de Saint-Jean-de-Fos et des environs : http://massoljj.free.fr/ (7 024 patronymes, 18 024 familles, 51 076 individus).

3. RIOUFOL, Jean et RICO, Françoise : Le notariat, Presses Universitaires de France – PUF, Que sais-je ?, 1979, mise à jour en 2004, p. 7.

4. LAFFONT, Jean-Louis : « Le visage testamentaire de la famille à l’époque moderne, en pays de droit écrit. Réflexions méthodologiques critiques » : Famille et familles dans la France méridionale à l’époque moderne, Actes du colloque de 1991, UPV, 1992.

5. PORCER, Didier : « Les apports du notariat en généalogie sociale : trajectoires héraultaises », Études Héraultaises, revue n° 35, 2004-2005.

6. LE ROY LADURIE, Emmanuel : Paysans du Languedoc, thèse, centre de recherches historiques, École Pratique des Hautes Études, VIème section, Paris, S.E.V.P.E.N., 1966. Édition abrégée, Flammarion, 1989. Les citations faites ici sont empruntées à cette édition, ainsi que les exemples fournis.

7. Ibid., thèse, op. cit., p. 59.

8. Ibid. : Histoire du Languedoc, Privat, nouvelle édition, 2000, p. 291.

9. LE ROY LADURIE, Histoire des paysans français, de la Peste Noire à la Révolution, édition Seuil, collection L’univers historique, PUF, 2002, « chap. II : la Renaissance rustique : une récupération ? (fin XV- Beau XVIème siècle) ». Voir aussi DUBY, Georges et WALLON, Armand : Histoire de la France rurale, 4 vols, Paris, Seuil, 1972-1975. Voir tome II « l’âge classique – de 1340 à 1789 », 1975.

10. Voir les principales synthèses sur l’histoire du Languedoc, outre celle de LE ROY LADURIE, Emmanuel, op. cit. : Histoire du Languedoc, sous la direction de WOLF, Philippe, édition Édouard Privat, 2ème édition, 2000, chapitre VIII « Difficulté d’être et douceur de vivre : le XVIème siècle » toujours par LE ROY LADURIE, Emmanuel. L’Hérault, de la Préhistoire à nos jours, sous la direction de CHOLVY, Gérard, éditions Bordessoules, Saint-Jean-d’Angély, 1993. Le Languedoc et le Roussillon, civilisations populaires régionales, sous la direction de CHOLVY, Gérard, édition Horvath, 1982.

11. Arch. dép. Hérault, II E 63/11 (Guilhem Ambierle, notaire de Saint-Jehan-de-Fos).

12. Voir MARRES, Paul : « Caractères géographiques de la moyenne vallée de l’Hérault », pp. 2 à 25, Études sur Pézenas et sa région, II n° 3 1971.

13. Voir Le canton de Gignac. Inventaire général du patrimoine et richesses artistiques de la France, DRAC Languedoc Roussillon 1992.

14. Cartulaire de Gellone, Société archéologique Montpellier, édition Pierre Clerc, 1994. Cartulaire de l’abbaye d’Aniane et de Gellone, Société archéologique Montpellier, Jean Martel aîné, 1997. La bibliographie des abbayes d’Aniane et de Gellone est très vaste. On se reportera à Saint-Guilhem-le-Désert et sa région, publié par l’association des amis de Saint-Guilhem, éditions 1986, 2005 (plusieurs articles de RICHARD, Jean-Claude se rapportent au village et à l’abbaye). Plus récemment : Saint-Guilhem-le-Désert, la grâce de l’abbaye de Gellone, sous la direction de Mgr CARRE, Pierre-Marie ; direction scientifique de DESACHY, Matthieu, LE BLEVEC, Daniel et MALLET, Géraldine, Place Victoires / Nuée Bleue, Strasbourg, 2018.

15. Sur Saint-Jean-de-Fos, l’ouvrage fondamental est celui de VAYSSETTES, Jean-Louis : Les potiers de terre de Saint-Jean-de-Fos, publié avec le concours du CNRS, 1987.

16. MORLET, Marie-Thérèse : Dictionnaire étymologique des noms de famille, Perrin, 1991.

17. DAUZAT, Adrien : Dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France, Paris, Larousse, 1945, 3ème édition revue et augmentée, 1977.

18. Pour le Rouergue, voir LANDES-MALLET, Anne-Marie : La famille en Rouergue au Moyen Âge (1269-1345). Étude de la pratique notariale, publication de l’Université de Rouen, 1985. Pour le Gévaudan, voir MAURICE, Philippe : La famille en Gévaudan au XVème siècle (1380-1483), publication de la Sorbonne, 1998. Sur la commune de l’Hospitalet-du-Larzac se trouve le site gallo-romain de la Vayssière fouillé entre 1981 et 1995 lors de l’aménagement de l’A75. Il s’est développé le long d’une voie romaine qui reliait Rodez à la voie domitienne. L’on y a trouvé une importante nécropole.

19. Cartulaire de Gellone, op. cit., édition Pierre Clerc : La Vaisseira. Le mas de la Vaisseira (p. 198), la Vaixeria (p. 303), mansum de la Vaixeria (pp. 303, 368, 376), Vaxeria (p. 426).

20. PIOCH, Christian : La seigneurie foncière de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault) et l’économie rurale du Moyen Age dans les causses et garrigues du Languedoc oriental d’après les pouillés du cartulaire de Gellone (XIIe siècle), Cahier d’études anianaises et gellonaises n° 2 ; janvier 1999. Les Templiers, puis les Hospitaliers (à partir de 1312) sont également présents à la Couvertoirade, l’un des plus beaux villages de France, enserré dans ses fortifications du XVème siècle. La présence d’un patronyme Vayssière y est attestée à la fin du XIVème siècle, dans les archives de l’abbaye de Saint-Guilhem, à l’occasion de la vente le 23 février 1396, par Jean Vayssière, de la Couvertoirade, à André Perrin, de Saint-Guilhem, d’une vigne au terroir de Saint-Saturnin-de-Lucian, appartenant à la directe de l’infirmier de Saint-Guilhem (depuis 1269). Voir Arch. Dep. Hérault 261 EDT 91.

21. Arch. dép. Hérault 267 EDT 70 – Fixation et perception des tailles, levée des tailles, préambule et impositions – 1360-1488. 267 EDT 71 – Fixation et perception des tailles, levée des tailles, préambule des impositions – 1590-1722.

22. CASSAN, Léon (abbé) : L’Administration Communale aux XIVe et XVe siècles dans quelques Communautés dépendant des Abbayes d’Aniane et de St-Guilhem Le-Désert, Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, 2ème série, tome II, Montpellier, 1907.

23. Arch. dép. Hérault 267 EDT 42. Du compoix de 1512 ne subsiste plus que le fragment des forains de Saint-Guilhem, possédant des biens à Saint-Jean-de-Fos. Mais il existe une copie de la matrice du compoix de 1512 faite en 1606. Les Vayssière (Audibert, Raymond…) figurent aux faubourgs. Le compoix de 1610 est numérisé. Sont consultables : Arch. dép. Hérault 267 EDT 47 – Copie de la matrice du compoix de 1610, pour l’enclos (dans les remparts), réalisée en 1640. Arch. dép. Hérault 267 EDT 48 – Copie de la matrice du compoix de 1610, pour les faubourgs, réalisée en 1640.

24. D’importants relevés ont été effectués dans le notariat héraultais, contrats de mariage et testaments, pour la période latine (avant l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539) par TOUREILLE, Jean-Claude, membre de l’association de recherches généalogiques occitanes et nationales. Il s’est intéressé aux communautés de Clermont-l’Hérault (1381-1491), Lodève (1404-1498), Saint-Saturnin (1483-1510), Soubès (1494-1522) et Saint-Jean-de-Fos (1443-1538). Le dépouillement systématique des actes notariés de Saint-Jean-de-Fos a été depuis entrepris par MASSOL, Jean-Jacques et ANDRE, Jean-Paul, depuis 1430. Il concerne tous les types d’actes. Il est encore en cours. Sont concernés, pour les XV-XVIème siècles les minutes et collations des notaires suivants :

  1. Guillaume Ambierle (1441-1483) Arch. dép. Hérault II E 36/1 – II E 63/18.
  2. Guillaume Ambierle et Bouzonnet (1489-90) II E 63/19.
  3. Guillaume de la Fabrie (1492-1534) II E 63/20 – II E 63/58.
  4. Jean Vitalis I (1424-1535) II E 63/50 – II E 63/65.
  5. Bertrand de Bourmis (1532-33) II E 63/66.
  6. Jean Vitalis II (1535-1570) II E 63/35 – II E 63/100.
  7. Jean-Aimé Vidal (1565-1570) II E 63/101 – II E 63/109.
  8. Jean Desfours (1572-1594) II E 63/110 – II E 63/133.
  9. Jean Vitalis III (1579-1614) II E 63/134 – II E 63/168.
  10. Antoine Capmal (1519-1615) II E 63/171 – II E 63/180.

25. Voir tableaux généalogiques ci-joints.

26. Arch. dép. Hérault II E 63/11, f 60 (notaire Guilhem Ambierle).

27. Arch. dép. Hérault II E 63/6, f 36 (notaire Guilhem Ambierle). Le « N » signifie que le prénom n’a pas pu être déchiffré.

28. Arch. dép. Hérault II E 63/25 (Guilhem Ambierle).

29. Arch. dép. Hérault II E 63/12, f 1 (Guilhem Ambierle).

30. PLUTARQUE Propos de table, Livre IV, Question IV (traduction de Jacques AMYOT).

31. Dans sa dernière mise à jour, en date du 15 février 2019, le site généalogie des Massol le fait naître avant 1499, ce qui ferait de lui l’aîné et non le cadet, mais peut-il être plus âgé qu’Audibert le plus vieil, né avant 1503 ?

32. PIOCH, Christian : Les Lavagnes. Histoire économique et sociale des écarts de la communauté de Saint-Guilhem-le-Désert et de la paysannerie gellonaise, 1997, 2002.

33. LE ROY LADURIE, Emmanuel : Histoire du Languedoc, Privat, op. cit., p. 266, ainsi que sa thèse, Flammarion, p. 59.

34. Ibid. : Histoire des paysans français, op. cit., p. 114.

35. À noter que cette descendance prolifique est issue d’un seul couple : Bertrand Vayssière et Marguerite Laurent, mariés en 1452, ou 1453 selon MM Massol et André qui tiennent probablement compte de l’Édit de Charles IX qui en 1564 rendra obligatoire le 1er janvier comme premier jour de l’année dans tout le Royaume. Antérieurement, l’année commençait soit le jour de l’annonciation (25 mars) soit le jour de Pâques.

36. Histoire des paysans français, op. cit., p. 115.

37. DERMIGNY, Louis : Cargaisons d’indiennes – Solier et compagnie, Paris, 1960, VIème édition École pratique des Hautes Études.

38. Arch. dép. Hérault II E 63/50 f 13 (Guillaume de la Fabrie) ainsi que II E 63/84 f 95 et II E 63/68 f 75.

39. Arch. dép. Hérault II E 63/60 f 190 (Jehan Vitalis).

40. Arch. dép. Hérault II E 63/68 f 182 (Jehan Vitalis).

41. Arch. dép. Hérault II E 63/81 (Jehan Vitalis).

42. Arch. dép. Hérault II E 63/95 f 81 (Jehan Vitalis).

43. Arch. dép. Hérault II E 63/49 f 55 (Guillaume de la Fabrie).

44. Au XVIème siècle, les monnaies sont d’une grande diversité ; elles comprennent des pièces d’or, d’argent ou de cuivre. Les principales pièces d’or sont l’écu ou l’henry. La monnaie la plus fréquemment utilisée est celle d’argent (franc, denier, sol parisis, florin, gros…). Le mouton d’or n’est utilisé qu’au XVème siècle. Il existe toutefois une monnaie de compte : la livre qui contient 20 sols. La livre porte aussi le nom de franc. Les sols sont parisis (s’ils sont de Paris) ou tournois (s’ils sont de Tours). A titre d’exemple, un cheval, instrument de travail du laboureur, coûte au XVIème siècle environ 15 livres.

45. Arch. dép. Hérault II E 63/55 f 65 (Jehan Vitalis).

46. Arch. dép. Hérault II E 63/34 f 300 (Guillaume de la Fabrie).

47. Arch. dép. Hérault II E 63/50 f 16 (Guillaume de la Fabrie).

48. Arch. dép. Hérault II E 63/50 f 13 (Guillaume de la Fabrie).

49. Arch. dép. Hérault II E 63/80 f 24 (Guillaume de la Fabrie).

50. Arch. dép. Hérault II E 63/25 f 25 (Guillaume de la Fabrie).

51. Arch. dép. Hérault II E 63/28 f 134 (Guillaume de la Fabrie).

52. Arch. dép. Hérault II E 63/12 f 1 (Guilhem Ambierle).

53. Arch. dép. Hérault II E 63/34 f 432 (Guillaume de la Fabrie).

54. Arch. dép. Hérault II E 63/16 (Guilhem Ambierle).

55. Arch. dép. Hérault II E 63/69 f 60 (Jehan Vitalis).

56. Arch. dép. Hérault II E 63/51 f 56 (Jehan Vitalis) et Arch. dép. Hérault II E 63/57 f 28 (Guillaume de la Fabrie).

57. Arch. dép. Hérault II E 63/73 f 164 (Jehan Vitalis).

58. Arch. dép. Hérault II E 63/11 f 60 (Guilhem Ambierle) et Arch. dép. Hérault II E 63/6 f 36 (Guilhem Ambierle) pour le contrat de mariage Pierre Decamp – Marguerite Laurent.

59. Arch. dép. Hérault II E 63/78 f 110 (Jehan Vitalis).

60. Arch. dép. Hérault II E 63/89 et 90 (Jehan Vitalis).
La filiation d’Anthonie Fabre n’a à ce jour qu’été imparfaitement reconstituée. Elle est fille de Béatrix Bourrel. Est-elle issue (telle est l’hypothèse la plus probable) d’une première union d’Audibert Vayssière le plus vieil ? ou de Béatrix Cavalie ? À moins qu’elle ne sont née d’une union illégitime. Née avant 1508, elle épouse avant 1525 Raymond Sinadié, le plus ancien potier connu de Saint-Jean-de-Fos. Il est actif dès 1526. Il teste le 23 décembre 1544 et meurt en 1545. Anthonie Fabre poursuit son activité et s’occupe de l’atelier. Ses fils Raymond et Jehan, potiers eux aussi, lui succèdent. Jehan teste le 26 octobre 1556, Jehan et Thomas Vayssière figurent parmi les témoins. Raymond Sinadié a aussi laissé 4 filles : Toumaze, Anthonia, Peyronne et Jeanne (qui épouse le potier Raymond Capmal). Les 4 sœurs se partagent les biens familiaux en 1573. En 1585, Jehan Vaissière (lequel ?) lui remet une légitime sur ses biens provenant de la succession de Béatrix Bourrel, leur aïeule.

61. Arch. dép. Hérault II E 63/76 (Jehan Vitalis).

62. Arch. dép. Hérault II E 63/114 (Jehan Desfours, Saint-Guilhem-le-Désert).

63. Arch. dép. Hérault II E 63/126 F 11 (Jehan Desfours, Saint-Guilhem-le-Désert).

64. Sur les Gailhac, voir PIOCH, Christian : Les Gailhac de Saint-Guilhem-le-Désert, seigneurs de Clamouse et leur essimage en Languedoc, à Ganges, Gignac, St-Pargoire, Montpellier et Toulouse : de la meunerie à la noblesse, une famille de notables languedociens, Montpellier, Cahiers d’Arts et traditions rurales, 2006, n° 17.

65. Arch. dép. Hérault II E 63/130 f 633 (Jehan Desfours).

66. Arch. dép. Hérault II E 63/104 f 179 (Jean-Aimé Vidal).

67. Arch. dép. Hérault II E 63/160 (Jehan Vitalis).

68. Arch. dép. Hérault 267 EDT 47 et 48.

69. Arch. dép. Hérault II E 63/87 (Jehan Vitalis).

70. Arch. dép. Hérault II E 63/86 f 91 (Jehan Vitalis).

71. Arch. dép. Hérault II E 63/84 (Jehan Vitalis).

72. Arch. dép. Hérault II E 63/78 (Jehan Vitalis).

73. Arch. dép. Hérault II E 63/95 f 81 (Jehan Vitalis).

74. Arch. dép. Hérault II E 63/123 f 487 (Jehan Desfours).

75. Arch. dép. Hérault II E 63/125 f 107 (Jehan Desfours).

76. LE ROY LADURIE, Emmanuel : Histoire des paysans français, op. cit. p. 221.

77. Ibidem, p. 222.

78. Arch. dép. Hérault II E 63/61 (Jehan Vitalis).

79. LE ROY LADURIE, Emmanuel : Paysans du Languedoc, op. cit. p. 102.

80. Ibid. : Histoire des paysans français, op. cit. p. 176.

81. MICHEL, Henri : in Le Languedoc et le Roussillon, civilisations populaires régionales, sous la direction de CHOLVY, Gérard, op. cit. p. 224.

82. PERONNET, Michel, in PORCER, Didier : Les Bessier en Languedoc de la Renaissance à nos jours, op. cit., préface, p. 7.

83. LE ROY LADURIE, Emmanuel : Histoire des paysans français, op. cit., p. 176.

84. Arch. dép. Hérault II E 63/123 f 407 (Jehan Desfours).

85. Arch. dép. Hérault II E 63/28 f 134 (Guillaume de la Fabrie).

86. Arch. dép. Hérault II E 63/28 f 132 (Guillaume de la Fabrie).

87. Arch. dép. Hérault II E 63/124 f 301 (Jehan Vitalis). Au sujet du Solier (ou Sollier), Emmanuel Le Roy Ladurie, dans Montaillou, village occitan (Gallimard, 1982), précise que « d’une façon générale, le fait d’avoir un solier (1er étage au-dessus de la cuisine, lequel communique avec le rez-de-chaussée par une échelle) est un signe extérieur de richesse. La construction d’un Solier est l’indice d’une promotion sociale ou du moins signifie la volonté d’ascension et d’ostentation sociale » (page 71).

88. Arch. dép. Hérault II E 63/125 f 462 (Jehan Desfours).

89. Arch. dép. Hérault II E 63/148 (Jehan Vitalis).

90. Arch. dép. Hérault II E 63/118 f 158 (Jehan Desfours).

91. Arch. dép. Hérault II E 63/86 f 131 (Jehan Vitalis).

92. PERONNET, Michel, préface, op. cit., p. 7.

93. CABANEL, Patrick : Cadets de Dieu, vocations et migrations religieuses en Gévaudan, XVIII-XXème siècle, CNRS éditions, 1997.

94. Compoix de 1610. Arch. dép. Hérault 267 EDT 47 et 48.

95. PERONNET, Michel, préface, op. cit., p. 6.