Le Bulletin du Commissariat de la République :
L’Information officielle à Montpellier

* *Docteur en Sciences de la Communication (Section Histoire) de l’Université Paris II Panthéon Assas :
Presse et pouvoir de 1944 à 1958. Contribution à l’histoire de la presse sous la IVe République, 1993, 1390 p.

[ Texte intégral ]

Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne en France durant la Seconde Guerre mondiale, ne manquait pas de perspicacité lorsqu’il écrit dans ses Mémoiresà propos de la situation politique dans le pays à la fin des hostilités : « À côté du problème militaire existait un problème politique. Qui prendrait le pouvoir après l’Occupation du pays par les alliés ? Le Comité d’Alger sous la direction du général de Gaulle ? Le mouvement de la Résistance intérieure où l’influence communiste se faisait de plus en plus sentir ? Un gouvernement légal, agréé par les Anglo-Américains et qui eût succédé en droit au Gouvernement de Vichy ?»  1 Les questions posées par le représentant d’Hitler commencèrent aussi à germer dans les esprits en France à partir de l’automne 1942. Déjà en décembre 1941, l’offensive japonaise contre Pearl Harbour avait modifié la donne dans les opérations militaires en provoquant l’entrée en guerre des États-Unis. Durant l’automne 1942, plusieurs événements sur le champ de bataille montrèrent que les troupes allemandes commençaient à marquer le pas un peu partout. En Afrique du Nord, la victoire britannique à El-Alamein 2 en novembre 1942 repoussa l’Afrika Korps vers l’Ouest et l’empêcha de progresser vers Alexandrie et le Canal de Suez. Le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 (Opération Torch) prit les Allemands en tenaille entre les Franco-Américains à l’Ouest et les Britanniques à l’Est. La prise de Tunis en mai 1943 et la reddition des forces allemandes et italiennes permirent aux Alliés de débarquer en Sicile en juillet 1943 et de prendre pied dans la péninsule italienne en septembre. Pendant ce temps, le rude hiver de 1942 stoppait l’offensive allemande devant Stalingrad, avant la capitulation des troupes de Von Paulus au début de l’année 1943.

Ces différents revers laissaient raisonnablement présager la fin de la domination allemande en France où l’invasion de la zone Sud, le 11 novembre 1942, avait fini de discréditer le pouvoir de Vichy, désormais dépossédé de son Empire et privé de ce qui lui restait d’armée et de marine. Sa légitimité était ainsi ébranlée dans l’opinion publique et la question de savoir qui allait le remplacer, une fois acquise la victoire sur l’occupant, commença à se poser un peu partout.

Bien évidemment, au fur et à mesure que la possibilité d’une victoire alliée se dessinait à l’horizon, un certain nombre de Français, occupant les positions sociales les plus variées et attachés jusque-là au régime de Vichy, ont commencé à manifester leur intérêt pour ceux qui luttaient pour libérer le pays. Certains prirent même contact avec la Résistance, lui apportèrent leurs concours et vinrent grossir rapidement les rangs de ceux que l’on a appelés par la suite, avec un certain mépris, « les résistants de la dernière heure ». Les recherches effectuées par certains historiens sur la fin de l’Occupation ont également montré que des personnalités de l’État français ont aussi tenté d’ultimes manœuvres afin de tirer parti de la situation dans laquelle se trouvait le pays. « Vichy, sur sa fin, révèlent les historiens Michèle et Jean-Paul Cointet, a bel et bien tenté une ultime opération de continuité et de transmission du pouvoir. Il importe de ne pas faire ici de confusion. Nous n’assistons pas à une banale et élémentaire opération de survie […] C’est bel et bien un principe, une philosophie de pouvoir que Vichy entendait transmettre et c’est ce qui rendait d’autant plus redoutable ces ultimes manœuvres » 3. Pour avoir quelques chances de succès, Pétain et Laval devaient avoir pour interlocuteurs les Américains qui pouvaient leur prêter une oreille complaisante en attendant les premières consultations électorales après la Libération. Or, contrairement à ce qu’ils espéraient, ce ne sont pas les Américains qui ont libéré Paris, mais les troupes françaises.

Les représentants de Vichy éliminés, restaient deux prétendants potentiels : la Résistance extérieure, c’est-à­dire le gouvernement d’Alger, et la Résistance intérieure. À travers le processus d’unification des différents mouvements au cours de l’Occupation, celle-ci avait fait un pas un important pour prétendre peser sur l’avenir du pays au moment de la Libération. La création du Conseil National de la Résistance (CNR) en mai 1943, à l’instigation de Jean Moulin, lui apporta la dimension politique qui lui manquait. Dès sa première réunion, il put se targuer de regrouper à la fois des représentants des mouvements de résistance (huit membres), mais aussi des partis politiques (six membres) et des organisations syndicales (deux membres). À travers cette composition, il était à même de faire valoir clairement aux alliés, et en particulier aux Américains, qu’il représentait le peuple français et il pouvait dès lors s’attacher à préparer le jour de la Libération pour qu’il n’y ait pas de vacance du pouvoir au moment où il faudrait prendre la suite du régime de Vichy. Pour cela, le CNR pouvait s’appuyer sur les Comités départementaux et locaux de Libération. Mais c’était compter sans les plans de la Résistance extérieure. Philippe Viannay en eut la brutale révélation lorsque, reçu le 24 juillet 1944 à Rambouillet par le chef de la France libre, il s’attira cette réplique après avoir évoqué devant lui la force politique de la Résistance : « Il y a trois forces en France : le capital, le parti communiste et de Gaulle. Du côté où se portera de Gaulle, la France basculera » 4.

Pendant que le CNR s’activait à préparer l’après-Libération, des organismes mis en place par Jean Moulin, au titre de représentant du général de Gaulle et de délégué du Comité national en zone libre ou avec son aval, travaillaient aussi pour préparer le pays à reprendre sa vie normale une fois la paix recouvrée. Ce fut notamment le cas du Comité Général d’Études (CGE) qui deviendra à partir de 1943 « un véritable Conseil d’État clandestin », selon Diane de Bellescize 5, et surtout la Délégation générale qui choisira durant la période clandestine les cadres (commissaires de la République, préfets) qui auront à prendre en mains le rétablissement de la légalité et de l’ordre républicains dans les régions et les départements où ils avaient été nommés. L’exposé des motifs de l’ordonnance du 10 janvier 1944 portant division du territoire de la métropole en commissariats régionaux de la République prévoyait pour leurs titulaires des pouvoirs accrus afin de faire face à toutes les nécessités du moment 6. Il stipulait notamment que, « par suite des difficultés de communications, ces autorités seront souvent les seuls représentants du pouvoir auxquels il sera possible de recourir pour des questions d’ordre gouvernemental, ou même législatif, dont il faudra trouver la solution immédiate pour maintenir les conditions indispensables à la sécurité des armées et à la vie des populations. Le gouvernement doit donc assurer à ces autorités les pouvoirs extraordinaires qui seraient nécessaires au moment de la Libération tout en limitant leur usage dans le temps, de manière à rétablir la légalité républicaine dès que les circonstances exceptionnelles qui les ont motivé auront disparu » 7.

Le commissaire de la République désigné pour la région Languedoc-Roussillon fut Jacques Bounin. (Photo 1) Dès sa prise de fonction, la nécessité de disposer d’un bulletin calqué sur le Journal Officiel, afin de faire connaître ses décisions, s’imposa à lui en raison des difficultés de communication avec les membres du Comité français de Libération, puis du Gouvernement, dont la plupart des membres n’avaient pas encore rejoint le territoire national au moment où commençait la libération du pays.

Jacques Bounin, commissaire de la République
Photo 1 - Jacques Bounin,
commissaire de la République

1 – La nomination de Jacques Bounin

Selon Charles-Louis Foulon 8, c’est à partir d’août 1942 que la Résistance extérieure a commencé à préparer la prise de pouvoir au lendemain de la Libération et à dresser le profil des hommes qui seront appelés à exercer ces responsabilités. Il fallait pour cela établir une liste des « indésirables » et, en même temps, des « dauphins » possibles dont les noms seraient retenus en raison de leurs compétences et de leur valeur patriotique et, accessoirement, pour les postes les plus importants, de leur appartenance à un parti politique.

Pour ce travail, les difficultés ne manquaient pas dans un pays en guerre où la Gestapo et les services de Vichy harcelaient et démantelaient régulièrement les groupes et les réseaux de Résistance. D’autre part, les mouvements se trouvant sur le territoire national tenaient à être consultés sur le choix des hommes qui allaient être appelés à prendre en main la direction des départements et des régions. Enfin les communications avec Londres où se trouvaient le Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA) et une partie des services du commissariat à l’Intérieur, et avec le gouvernement d’Alger sans lequel aucune nomination ne pouvait être faite, venaient encore compliquer la tâche de ceux qui étaient chargés de choisir ces futurs cadres de la nouvelle administration. Certaines difficultés tenaient aussi à la position des Mouvements à l’égard des structures administratives du pays, en particulier les préfectures régionales établies par le maréchal Pétain en avril 1941, et à l’ampleur de la liste des hommes à contacter et des noms à retenir pour les soumettre à Alger. « Notre première idée, écrit Émile Laffon en octobre 1943, avait été de proposer la suppression des préfectures régionales […] Mais il nous est rapidement apparu qu’il était difficile de trouver, pour les 90 préfectures françaises, 90 administrateurs irréprochables, patriote et compétents. Là aussi, la pénurie d’hommes se fait profondément sentir. Or, la nécessité s’impose d’aérer le corps préfectoral, de le rénover de fond en comble après ses compromissions malheureuses et sa lente, mais sûre, dégradation jusqu’à la guerre. Aussi avons-nous cru indispensable de maintenir provisoirement les divisions régionales, mais de proposer la désignation, à leur tête, d’hommes choisis en dehors de la carrière préfectorale et qui représenteraient dans les provinces l’esprit nouveau de la République. Ainsi est né le vocable de “ commissaires de la République ”, mandataires extraordi­naires du gouvernement provisoire, façonneurs et ordonnateurs de l’esprit, à une époque d’enthousiasme mais aussi de troubles, mainteneurs de l’ordre et de la légalité à un moment où les armées libératrices, mais étrangères, instaureront elles-mêmes l’ordre si l’ordre vacille » 9. (Photo 2)

Le Carcassonnais Émile Laffon (Musée de l’Ordre de la Libération)
Photo 2 - Le Carcassonnais Émile Laffon
(Musée de l’Ordre de la Libération)

Selon Charles-Louis Foulon 8, c’est à partir d’août 1942 que la Résistance extérieure a commencé à préparer la prise de pouvoir au lendemain de la Libération et à dresser le profil des hommes qui seront appelés à exercer ces responsabilités. Il fallait pour cela établir une liste des « indésirables » et, en même temps, des « dauphins » possibles dont les noms seraient retenus en raison de leurs compétences et de leur valeur patriotique et, accessoirement, pour les postes les plus importants, de leur appartenance à un parti politique. Pour ce travail, les difficultés ne manquaient pas dans un pays en guerre où la Gestapo et les services de Vichy harcelaient et démantelaient régulièrement les groupes et les réseaux de Résistance. D’autre part, les mouvements se trouvant sur le territoire national tenaient à être consultés sur le choix des hommes qui allaient être appelés à prendre en main la direction des départements et des régions. Enfin les communications avec Londres où se trouvaient le Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA) et une partie des services du commissariat à l’Intérieur, et avec le gouvernement d’Alger sans lequel aucune nomination ne pouvait être faite, venaient encore compliquer la tâche de ceux qui étaient chargés de choisir ces futurs cadres de la nouvelle administration. Certaines difficultés tenaient aussi à la position des Mouvements à l’égard des structures administratives du pays, en particulier les préfectures régionales établies par le maréchal Pétain en avril 1941, et à l’ampleur de la liste des hommes à contacter et des noms à retenir pour les soumettre à Alger. « Notre première idée, écrit Émile Laffon en octobre 1943, avait été de proposer la suppression des préfectures régionales […] Mais il nous est rapidement apparu qu’il était difficile de trouver, pour les 90 préfectures françaises, 90 administrateurs irréprochables, patriote et compétents. Là aussi, la pénurie d’hommes se fait profondément sentir. Or, la nécessité s’impose d’aérer le corps préfectoral, de le rénover de fond en comble après ses compromissions malheureuses et sa lente, mais sûre, dégradation jusqu’à la guerre. Aussi avons-nous cru indispensable de maintenir provisoirement les divisions régionales, mais de proposer la désignation, à leur tête, d’hommes choisis en dehors de la carrière préfectorale et qui représenteraient dans les provinces l’esprit nouveau de la République. Ainsi est né le vocable de “ commissaires de la République ”, mandataires extraordi­naires du gouvernement provisoire, façonneurs et ordonnateurs de l’esprit, à une époque d’enthousiasme mais aussi de troubles, mainteneurs de l’ordre et de la légalité à un moment où les armées libératrices, mais étrangères, instaureront elles-mêmes l’ordre si l’ordre vacille » 9. (Photo 2)

Jacques Bounin est né le 26 mars 1908 à Paris, mais c’est à Nice, où trois rues de la ville portent le nom d’un membre de sa famille, qu’il a fait ses études secondaires, avant d’entrer, en 1930, à l’École centrale des Arts et Manufactures où il obtint un diplôme d’ingénieur qu’il compléta à Paris en s’inscrivant au Centre de préparation à l’administration des affaires de la Chambre de Commerce. Il fit son entrée en politique en mai 1935 lorsqu’il fut élu conseiller municipal à Nice. L’élection de Jean Médecin au Sénat, dès le premier tour, le 10 janvier 1939 lui ouvrit les portes de l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une élection partielle au cours de laquelle il fut élu, au deuxième tour de scrutin, le 26 mars suivant avec le soutien du PSF, sous l’étiquette de républicain indépendant antimunichois, par 8 003 voix contre 4 843 à son adversaire. Il vota les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 et participa à la drôle de guerre, comme lieutenant au 94e R.A.M. Rendu à la vie civile après la signature de l’Armistice le 22 juin 1940, il commença à se rapprocher de la Résistance au lendemain de la rencontre de Montoire en octobre 1940. Il entra en contact en février 1941 avec les Forces Françaises Libres où, selon ses Mémoires, il fut immatriculé sous le nom de Jacques Bonhomme, n° AE 526, et reçut l’ordre de se battre en France 10. Il fut l’un des fondateurs du Front National en zone Sud, devint membre de son Comité directeur et le représenta à l’échelon national. Avec deux autres résistants, Léon Perrier et Pierre Julitte, il organisa aussi deux services de renseignements, les réseaux Groussard et Éric de Genève, dont il prit la direction après l’arrestation de ses deux compagnons en mars et mai 1943. C’est à la fin de cette même année, le 3 octobre, qu’il est nommé commissaire de la République pour la région, bien que sa nomination n’ait pas fait l’unanimité. Selon Charles-Louis Foulon, d’autres noms avaient été avancés, notamment ceux d’Yves Farge et de Paul Bertaux, qui seront finalement désignés pour occuper la fonction à Lyon et à Toulouse, et surtout Gilbert de Chambrun (Carrel), chef de l’Armée Secrète en Lozère, puis chef régional des Mouvements Unis de Résistance à partir de juillet 1943 et chef régional des FFI après le débarquement des troupes alliées en Normandie. Sa nomination se heurta à l’opposition des socialistes Francis Missa et Henri Noguères qui le considéraient comme un « communiste camouflé » 11. Malgré la réserve de d’Astier à son égard pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain, Jacques Bounin fut nommé à Montpellier et l’amitié que Laffon lui portait, n’y fut sans doute pas étrangère. En cette période où les pseudonymes fleurissaient parmi les résistants afin de brouiller les pistes pour la police et la Gestapo, c’est Michel Debré, à la tête de la Commission des désignations administratives depuis l’été 1943, mais par ailleurs grand amateur des romans de Georges Simenon, qui lui donna son nouveau nom d’homme de l’ombre. « Vous serez le commissaire Maigret », lui dit-il lors d’une rencontre avec Émile Laffon 12.

Parti le 5 juin 1944 de Nice, il arriva quatre jours plus tard, le 9 juin, à Montpellier où la ville était en pleine effervescence, à la suite du débarquement de Normandie. Deux mois plus tard, le débarquement des troupes alliées en Provence les 14 et 15 août allaient bientôt repousser les troupes allemandes vers le Nord et les obliger à se retirer de toutes les régions de la zone Sud qu’elles avaient occupées à partir du 11 novembre 1942. Dans l’Hérault, Béziers fut libérée le 22 août et Montpellier, le lendemain. La veille, Jacques Bounin s’était déjà installé à la préfecture, en même temps que le nouveau préfet, le polytechnicien André Weiss. Une nouvelle page de l’histoire de la région pouvait désormais se vivre et s’écrire.

Avant de pouvoir vivre et circuler librement, il avait cependant commencé à exercer ses fonctions dans la clandestinité. Sur le plan administratif, il rattacha à la région de Montpellier le département du Gard, qui dépendait de Marseille sous Vichy 13. Il prit contact avec les socialistes des Mouvements Unis de Résistance (MUR), réunit le 14 juillet dans la région de Bédarieux un comité régional de libération et procéda à la désignation des préfets, sauf en Lozère et dans l’Aveyron avec lesquels les liaisons étaient impossibles : Pierre Augé fut nommé dans l’Aude, Sauveur Paganelli dans le Gard, André Weiss dans l’Hérault et André Latscha dans les Pyrénées-Orientales. En l’absence d’Henri Noguères, nommé délégué régional à l’Information dans la clandestinité par Pierre-Henri Teitgen, mais fait prisonnier par les Allemands juste avant la Libération, il nomma un délégué provisoire, Georges Sadoul 14. La presse qui avait continué à paraître sous l’Occupation fut interdite. (Photo 3) Les deux quotidiens montpelliérains publièrent leurs derniers numéros le 20 août pour L’Éclair et le 21 pour Le Petit Méridional. Un journal provisoire et éphémère, L’Information du Languedoc, apporta aux habitants les informations nécessaires pour la vie concrète de chaque jour entre le 21 et le 26 août, avant de laisser la place à deux quotidiens de sensibilité différente : Midi libre, organe régional du Mouvement de Libération Nationale (MLN) et La Voix de la Patrie, le quotidien du Comité régional du Front National. Celui-ci avait été fondé dans la clandestinité le 11 septembre 1942 sous le titre Patriotisme et Insurrection, avant de s’intituler, au deuxième numéro Le Patriote du Midi, et de paraître au grand jour, comme son confrère, le 27 août 1944 15. Tous les deux pouvaient difficilement servir de relais pour faire connaître à la population les décisions administratives des nouvelles autorités. Un organe propre au commissariat de la République s’imposait. Il fut intitulé Bulletin du Commissariat de la République et il a paru à Montpellier du 11 septembre 1944 au 30 mars 1946.

Extrait du Bulletin Officiel du 17 septembre, sur le régime de la presse
Photo 3 - Extrait du Bulletin Officiel du 17 septembre, sur le régime de la presse

2 – Une publication nécessaire

Pour comprendre la nécessité pour le commissaire de la République d’avoir sous sa responsabilité une publication où il puisse faire connaître ses décisions à l’ensemble de la population, il faut se reporter à la situation dans laquelle se trouvait la France au lendemain de la Libération. L’un des principaux obstacles auquel chacun était confronté provenait de la difficulté de communication. Comme d’autres, Pierre-Henri Teitgen en a fait état lors d’un déplacement à Angers le 7 janvier 1945 en indiquant que la plupart des voies de circulation, routes, voies ferrées, canaux étaient très endommagées. Auguste Anglès, directeur régional à l’Information à Lyon, n’a eu connaissance de l’ordonnance du 30 septembre 1944, si importante pour la mise en place de la nouvelle presse à la Libération, que le 16 octobre, à l’occasion d’une réunion des directeurs régionaux à l’Information à Paris. De son côté, le directeur de cabinet de Pierre Bertaux, commissaire de la République à Toulouse, se plaignit un jour auprès de la direction du Journal Officiel de ne posséder la collection de l’édition d’Alger que jusqu’au 19 août 1944, et de n’avoir rien reçu depuis. Ces deux exemples illustrent bien la solitude dans laquelle se sont trouvés les commissaires de la République immédiatement après leur prise fonction et de la nécessité pour eux d’inventer les moyens pour l’exercer.

Cette nécessité de disposer d’un organe propre au commissariat s’est imposée assez vite à Jacques Bounin puisque le premier numéro est daté du 11 septembre 1944. Pour son lancement, il s’est conformé aux règles qui étaient imposées à tous les journaux qui voulaient paraître. Il adressa à la commission de la presse du Comité de Libération un questionnaire qui portait à la connaissance de ses membres des renseignements sur le nouveau titre, notamment son titre précis, Bulletin officiel du Commissariat de la République. Languedoc-Roussillon. Il y indiquait en outre un certain nombre de données techniques, comme sa périodicité, son format in-4° coquille (22 x 28 cm), son tirage et le nom de son imprimeur, la société Causse, Graille et Castelnau demeurant à Montpellier, 7, rue Dom-Vaisselle. Le tableau ci-après permet de synthétiser et de visualiser, pour chaque mois, l’évolution de sa périodicité, de sa pagination et de son tirage. (Photo 4)

Le premier numéro du Bulletin officiel paru à Montpellier
Photo 4 - Le premier numéro du Bulletin officiel paru à Montpellier

a) Périodicité

Dans le questionnaire qu’il avait adressé à la Commission de la presse, Jacques Bounin indiquait une périodicité quotidienne qui, par référence aux journaux de la presse politique et d’information générale, supposait la parution de vingt-cinq numéros par mois. Le tableau ci-après montre que le journal n’a jamais atteint cette périodicité. Celle-ci a varié au gré des mois, atteignant un maximum de vingt-et-un numéros durant les trois premiers mois, si l’on fait abstraction du mois de septembre, mois du lancement. À partir de janvier 1945, cet objectif est loin d’être tenu. À partir de cette date, le nombre de numéros publiés chaque mois commença à baisser régulièrement pour arriver à cinq numéros en février 1946 et six, le mois suivant. Ce qui peut se comprendre aisément. À la différence des quotidiens politiques et d’informations générales, qui sont obligés de trier les événements portés à leur connaissance et qui, dans l’absolu, ont chaque jour assez de matières pour remplir plusieurs éditions s’ils le souhaitaient, le Bulletin officiel était tributaire du nombre de textes réglementaires que pouvait lui offrir son commanditaire et qui variaient tous les jours. Des abonnements groupés étaient prévus pour le prix de 100 francs par tranche de 50 numéros. Pour la distribution par la poste, l’imprimeur assura également l’impression des bandes d’expédition et la mise sous bande des numéros.

Tableau 1 – Nombre de numéros par mois, pagination et tirage16/ 17/ 18/ 19/ 20/ 21

b) Pagination

Lors des discussions préliminaires entre le commissariat et l’imprimeur, il avait été envisagé de faire paraître des numéros de 8 pages. « Un numéro sera imprimé toutes les fois qu’il nous aura été remis la matière à remplir 8 pages » fait savoir l’imprimeur avant le lancement du journal 22. En réalité, comme le montre la deuxième colonne de notre tableau, ce chiffre fut difficilement tenu. Si dix-neuf numéros comportent bien 8 pages en septembre et octobre 1944, quatorze d’entre eux ont déjà une pagination diminuée de moitié et la pagination à 4 pages tend ensuite à devenir la norme, sauf pour le numéro 18 du 6 octobre où 16 pages furent nécessaires pour porter à la connaissance des lecteurs, en dehors des matières habituelles, les textes concernant l’Assemblée consultative. Comme l’on sait, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, tant sur le plan national que sur le plan départemental et local, avaient été minutieusement préparés à Alger. Une ordonnance prise par le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) et datée du 21 avril 1944 en avait fixé les modalités. Sur le plan national, il était prévu une assemblée consultative composée des membres ayant siégé à Alger auxquels viendraient s’ajouter d’autres membres choisis dans la Résistance intérieure et parmi les parlementaires qui avaient refusé de voter les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Une ordonnance prise le 6 octobre 1944 en précisa le fonctionnement et une autre ordonnance datée du 10 octobre et publiée au Journal officiel le 12 octobre, en fixa la composition : 248 sièges répartis entre la Résistance intérieure (148 sièges), la Résistance extérieure (28 sièges), les représentants de la France d’Outre-Mer (12 sièges) et les parlementaires (60 sièges). Quatre autres numéros ont eu une pagination plus importante (44, deux fois 24 et 36 pages) pour publier les index matières sous forme analytique et chronologique afin de faciliter la consultation et l’utilisation des numéros parus.

c) Tirage

Le tirage varia aussi d’un numéro à l’autre, comme le montre le détail porté à la troisième colonne de notre tableau.

Il avait été initialement prévu de le tirer à 4 000 exemplaires destinés aux autorités et chefs de services du département de l’Hérault (61 exemplaires), aux autorités et à l’administration régionales (100), aux autorités et chefs de services des départements l’Aude, du Gard, de l’Aveyron, de la Lozère et des Pyrénées-Orientales (260), ainsi qu’aux communes de la région (1 900). Les trois premiers numéros furent tirés à 2 500 exemplaires, mais, bientôt, des demandes supplémentaires commencèrent à parvenir à l’imprimeur et il fut décidé de porter le tirage à 3 000 exemplaires. Parmi les nouveaux demandeurs, il y avait les différents journaux de la région, ainsi que les différents ministères et les autres commissariats de la République qui, pour la plupart, avaient aussi lancé leur Bulletin officiel et qui souhaitaient procéder à l’échange de leur publication pour s’informer des pratiques de leurs collègues. Aux tirages mentionnés dans cette troisième colonne, le souhait de plusieurs administrations de disposer d’une collection complète obligea bientôt le commissariat de la République, à la demande du ministère de l’Intérieur, de procéder à un nouveau tirage de 500 exemplaires pour les vingt premiers numéros et les numéros postérieurs qui étaient épuisés 23. Cependant, la modification du contenu, devait provoquer une diminution importante de la périodicité, du tirage et de la pagination à partir de décembre 1944 et janvier 1945.

d) Contenu

Comme les journaux politiques et d’informations générales, qui publient habituellement dans leur premier numéro un éditorial de présentation à leurs lecteurs, Jacques Bounin estima également nécessaire de préciser ainsi les objectifs de la publication qu’il venait de lancer : « Afin de faire connaître le plus rapidement possible l’essentiel du Droit désormais applicable dans la région, le Bulletin reproduira, dans ses premiers numéros, les plus importants des textes parus à ce sujet dans le Journal Officiel de la République française ». Il indiquait en outre que chaque numéro comprendrait trois parties : les ordonnances, décrets, arrêtés, décisions du gouvernement de la République ; les arrêtés du commissariat régional à Montpellier et des communications diverses. Ce plan devait connaître une entorse dès le premier numéro qui fut totalement consacré à des textes provenant du gouvernement d’Alger. Ce n’est qu’à partir du deuxième numéro que les premiers arrêtés du commissariat de la République commencèrent à être publiés. Ils portaient sur l’organisation de la radiophonie, la réorganisation de l’inspection du travail et de la main d’œuvre, le régime de l’enfant, le régime de la presse et l’interdiction de communiquer les collections de journaux datés du 31 août 1944, la carte de journaliste professionnel et la suspension des délais de publicité légale. Un examen attentif permet encore de déceler quelques ajustements dans la mise en page. La troisième partie, composée des communications diverses, disparaît après le 13 septembre 1944 (n° 3) tandis qu’une table des matières publiée à la fin de chaque numéro à partir du 14 septembre 1944 (n° 4) laissa la place à un « sommaire » publié en première page à partir du 27 septembre 1944 (n° 11). C’est également dans ce numéro que l’on voit apparaître les annonces légales. Dans un avis non daté, le commissaire de la République avait précisé aux personnes qui souhaitaient insérer ce type de publicité, ainsi qu’aux préfectures de la région, que ces annonces devaient être directement adressées à l’imprimeur. À partir du 5 octobre 1994, les différentes matières composant chaque numéro se trouvèrent réparties sous quatre rubriques différentes : les textes généraux du gouvernement, les textes du commissariat de la République, les décisions, avis et communiqués divers et, enfin, les annonces légales.

Deux événements conduisirent bientôt les services du commissariat de la République à revoir entièrement le contenu publié dans les Bulletins depuis sa création. D’une part la reprise des différents textes publiés à Alger fut pratiquement achevée fin septembre 1944 et l’un des objectifs du Bulletin, qui avait été de les porter à la connaissance des administrations et de la population, se trouva donc atteint. D’autre part, l’amélioration des communications entre Paris et la Province permit bientôt aux administrations et à tous ceux qui le souhaitaient, de recevoir le Journal Officiel de la République. Ces deux facteurs eurent pour conséquence de réduire non seulement le nombre des abonnés, mais aussi sa pagination. Si l’on souhaitait qu’il continuât à paraître, il fallait donc revoir entièrement sa conception et son contenu. (Photo 5) Pour cela, les services du commissariat imaginèrent, au-delà de la publication de textes juridiques, de faire une place plus grande aux activités du Gouvernement sur le plan national et à celles du commissariat, sur le plan régional, et de publier des discours, des interviews ou le compte rendu de manifestations. C’est ainsi que le numéro du 23 février 1945 a repris le discours de Jacques Bounin à la radio sur la situation du pays, celui du 6 mars a publié le discours du 2 mars du général de Gaulle à l’Assemblée Constituante et celui du 16 mars, son allocution du 14 mars à la radio.

Autre perspective envisagée : la reprise, dans une première partie, des textes réglementaires importants paraissant dans le Journal officiel, ainsi qu’un choix de circulaires présentant un intérêt essentiel. Une deuxième partie continua à publier les arrêtés du Commissaire de la République qu’une mise en page appropriée permit de mieux distinguer des autres documents, tels que les arrêtés émanant des deux secrétaires généraux aux Affaires économiques et à la Police. À la suite de cette réflexion, le plan suivant fut adopté à partir du 1er janvier 1945 :

Réorganisation de l’information. BO du 27 octobre 1944
Photo 5 - Réorganisation de l’information. BO du 27 octobre 1944

1ère partie

A. – Textes généraux

1ère partie : Proclamations, discours, textes officiels

2e partie : Ordonnances, décrets, arrêtés et décisions du Gouvernement provisoire de la République

3e partie : Circulaires et instructions ministérielles

B. – Textes régionaux

1ère partie : Arrêtés du Commissaire de la République

a) Arrêtés du Commissariat
b) Arrêtés du secrétariat général aux affaires économiques
c) Arrêtés du secrétariat général à la Police

2e partie : Circulaires et instructions du Commissaire de la République

3e partie : Décisions – Avis – Communiqués divers – procès-verbaux de réunions de commissions – Études éventuelles sur des questions présentant un certain intérêt.

4e partie : Proclamations, discours, manifestations, réunions du Commissaire de la République

C. – Annonces légales

Comme prévu, cette nouvelle organisation eut pour conséquence de diminuer la périodicité, comme l’indiquent les tableaux ci-dessus.

e) Les suspensions et les nominations

Sous l’Occupation, la Résistance, tant intérieure qu’extérieure, avait déjà fait valoir la nécessité de suspendre ceux qui s’étaient mis au service de Vichy et de l’occupant, et de les remplacer par des hommes neufs chargés de mettre en œuvre les réformes qui s’imposaient dès la Libération. Pour beaucoup d’entre elles, ces nominations avaient été préparées et adoptées durant la période clandestine et, pour la plupart, elles se trouvaient résumées dans la Charte du Conseil National de la Résistance. L’une des premières tâches du commissaire de la République fut donc de mettre en place les nouvelles institutions républicaines et, dans ce but, de procéder d’abord au remplacement des préfets, sous-préfets et hauts fonctionnaires en place durant la guerre. Cette réorganisation s’est effectuée dans un premier temps par leur suspension ou leur mise à la disposition du ministère de l’Intérieur, avant la nomination des nouveaux titulaires aux postes devenus vacants. Pour cette opération, chaque commissaire de la République pouvait s’appuyer sur l’ordonnance du 2 octobre 1943 permettant de suspendre temporairement certains fonctionnaires de leurs fonctions, sur celle du 10 janvier 1944 portant division du territoire de la Métropole en commissariats régionaux, sur celle du 27 juin 1944 relative à l’épuration administrative sur le territoire de la France métropolitaine et sur celle du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental. Le tableau ci-après permet de suivre le déroulement de ces deux types de décisions département par département pour la région Languedoc-Roussillon. Nous le faisons suivre de deux autres tableaux comprenant les décisions sur la Justice et sur la presse et l’information.

Tableau 2 – Suspensions ou remises à disposition du ministère de l’Intérieur

Tableau 3 – Nominations

Tableau 4 – Décisions concernant la justice

Tableau 5 – Décisions concernant la presse et l’information

Tableau 5 - Décisions concernant la presse et l’information

L’amélioration des relations entre Paris et la Province a apporté des modifications dans le contenu du Bulletin Officiel. La mise en place progressive des différents ministères, mais encore l’obligation de faire des économies à tous les échelons au niveau national finirent aussi par remettre en question l’existence des commissariats de la République et par provoquer l’arrêt du Bulletin Officiel en Languedoc-Roussillon, comme dans les autres régions. Le dernier fascicule régulier est numéroté 230 et daté du 30 mars 1946, quatre jours après la promulgation de la loi qui supprimait les commissariats. Il sera suivi de trois autres numéros : celui du 29 juin 1946, numéroté de 231 à 238, qui est constitué de la table des matières des numéros 153 à 230, publiés entre le 1er juillet 1945 et le 30 mars 1946. Deux autres numéros de 38 et 32 pages furent encore publiés en 1948 afin d’épuiser les abonnements souscrits. Ils sont consacrés à la nouvelle administration du département de l’Hérault.

Invité à donner son témoignage sur son action à la tête de la région Languedoc-Roussillon à l’occasion du colloque organisé par le Comité d’Histoire de la 2e Guerre mondiale, Jacques Bounin a résumé par la formule suivante la mise en œuvre des pouvoirs qui lui avaient été confiés : « Mon pouvoir, c’était ma salive et mon stylo et un Bulletin Officiel du Commissariat, très utile dans ces circonstances » 24. Sans compter les textes officiels provenant d’Alger, puis de Paris lorsque les instituions de l’État commencèrent à y fonctionner de nouveau, les 2 655 arrêtés qu’il y a publiés entre sa prise de fonction et la suppression des commissaires de la République – à comparer aux 1 486 publiés dans le Bulletin de la région Rhône-Alpes – montrent l’importance du travail accompli. Celui-ci a présenté bien des originalités. Il a permis de rétablir la liberté républicaine contre les prétentions de certains représentants de Vichy, des armées alliées ou de la résistance intérieure, comme nous l’avons indiqué dans l’introduction. Il a aussi apporté une solution immédiate aux différentes difficultés de tous ordres – administratives, politiques ou économiques – qui n’ont pas manqué de se poser et dont rendent compte les tableaux ci-dessus. Dans l’accomplissement de leur mission, les commissaires de la République ont été, comme l’a noté l’un d’entre eux, « les avant-coureurs locaux du pouvoir central et des sources locales de l’autorité républicaine générale » 25. Le succès de leur mission est à inscrire en même temps au crédit de leurs compétences et des pouvoirs exceptionnels dont ils avaient été dotés. C’est pourquoi, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles leur mission n’a pas été prolongée.

Pour Michel Debré, qui fut l’un des artisans de leur nomination, « à une situation [devenue] normale correspondait la fin du système qui avait été nécessaire dans une période exceptionnelle, mais qui ne pouvait fonctionner de la même façon à partir du moment où les mécanismes institutionnels et administratifs reprenaient normalement leurs règles de fonctionnement. La vie politique reprenait ses droits. Or, à bien des égards, le régime parlementaire est lié à la carte départementale » 26. Bien vite leur existence se heurta à l’hostilité des membres de l’Assemblée nationale, des préfets et de certains partis politiques, comme le parti communiste, qui n’hésitaient pas à s’appuyer sur des récriminations locales pour donner plus de poids à leurs critiques 27. On commença par diminuer leurs responsabilités. Une ordonnance datée du 24 octobre 1945 et publiée le lendemain au Journal Officiel apporta des restrictions à l’exercice de leur fonction avant que la loi du 26 mars 1946 ne consacre leur disparition et l’oubli de tout ce qu’ils avaient réalisé. Vingt-deux ans après leur disparition, André Malraux tint cependant à associer leur souvenir à Jean Moulin, lors de la cérémonie du transfert de ses cendres au Panthéon, le 19 décembre 1964 lorsqu’il interpela en ces termes le représentant personnel du général de Gaulle et le délégué du Comité national de la République française en zone libre : « … Et quand la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes de France les commissaires de la République, sauf lorsqu’on les a tués » 28.

NOTES

1. Abetz, Otto, Histoire d’une politique franco-allemande : 1930-1950. Mémoires d’un ambassadeur, Paris, Stock, 1953.

2. Avec la publication de la Déclaration de De Gaulle aux mouvements de résistance, l’« alliance russe », la reconnaissance de la France combattante par les gouvernements de Londres et de Washington, cette victoire compta parmi les événements du « bel été de la France libre » en 1942, selon Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre : De l’appel du 18 juin à la Libération, tome 1, Paris, Gallimard, 2001, p. 465-486.

3. « L’hypothèque de Vichy » in Fondation Charles De Gaulle, Le rétablissement de la légalité républicaine (1944). Actes du colloque organisé par la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation nationale des Sciences politiques, l’Association française des constitutionnalistes et la participation de l’Université de Caen, 6, 7, 8 octobre 1994, Paris, Ed. Complexe, 1996, p. 279.

4. Viannay, Philippe, Du bon usage de la France. Résistance, journalisme, Glénans, Paris, Éd. Ramsay, 1988, p. 152.

5. « Comité Général d’Études » in Marcot, François, Leroux, Bruno, Lévisse-Touzé, Christine, Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Éd. Robert Laffont, 2006, p. 179.

6. « J’emmènerai Coulet [commissaire de la République pour la région de Rouen, décret du 6 juin 1944, JO, 6 juillet 1944] avec moi et le laisserai sur place, où il se débrouillera » avait proclamé le général de Gaulle en annonçant son voyage du 14 juin 1944 en Normandie, à la suite du débarquement des troupes alliées. « Ce verbe [se débrouillera], note Charles-Louis Foulon, me semble traduire parfaitement ce qu’on attendait des commissaires, tout comme l’affirmation du juriste Laroque aux auditeurs de la BBC, trois jours avant le débarquement de Normandie : « Retenez surtout qu’il n’est pratiquement pas de mesure qui ne puisse être prise en cas de nécessité par le commissaire régional de la République » (« La réincarnation de l’État en 1944 : commissaires de la République et voyages du général de Gaulle », Historiens et Géographes, n° 357, avril-mai 1997, p. 194).

7. Foulon, Charles-Louis, Le pouvoir en province à la Libération. Les commissaires de la République 1943-1946, Paris, Fondation nationale des sciences politiques/A. Colin, 1975, p. 57-59. Dans ce livre issu de sa thèse, Charles-Louis Foulon indique que cette ordonnance n’a été publiée au Journal Officiel que le 6 juin 1944, pour ne pas « ranimer des querelles vives sur l’esprit de dictature du Comité Français de Libération Nationale et sur les ambitions boulangistes de son président » et que sa publication avait été amputée de l’exposé des motifs qui restait inconnu jusqu’à ce qu’il le trouve, avec les dernières corrections apportées par le général de Gaulle, dans les papiers personnels d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, commissaire à l’Intérieur depuis novembre 1943 au Comité Français de Libération Nationale.

8. Id., p. 61 et sq.

9. Cité par Foulon, Charles-Louis, Id., p. 63. Fils de magistrat, Émile Laffon est né à Carcassonne le 20 juin 1907. Après ses études secondaires à Béziers, il s’inscrit en classe préparatoire scientifique au lycée Louis-Le-Grand à Paris avant de faire l’École des Mines dont il sort ingénieur. Après son service militaire, il devient avocat à la Cour d’Appel de Paris. Durant l’Occupation, refusant d’exercer à Paris, il vient s’installer à Nice et il entre bientôt en contact avec Jean Nocher, du Mouvement Franc-Tireur. En mars 1943, il rejoint Londres via Gibraltar. Après avoir été engagé dans les Forces aériennes françaises libres, il est affecté au commissariat à l’Intérieur. En juillet 1943, il commence à poser les jalons pour la création des Comités Départementaux de Libération et la nomination des commissaires de la République. Après un bref séjour à Londres, il revient en France pour achever ce travail. En avril 1944, il est nommé délégué pour les Affaires civiles avant de devenir secrétaire général du ministère de l’Intérieur à la Libération. En 1945, il est nommé gouverneur civil de la zone française d’Occupation en Allemagne, puis, en 1947, premier président des Houillères du Nord et du Pas­de-Calais et, en 1952, président-directeur général de la société Le Nickel. Trois mois avant sa mort, le 20 août 1957, il avait encore pris la présidence de la Société des mines de Fer de Mauritanie. Il est enterré à Cuxac-Cabardès (Aude).

10. Bounin, Jacques, Beaucoup d’imprudences, Paris, Stock, 1974, p. 73. Nous aurions aimé utiliser les archives de Jacques Bounin, qui sont conservées aux Archives Nationales sous la cote 388 AP, mais, à une demande de consultation, son petit-fils, François Bounin, nous a fait savoir qu’elles n’étaient pas consultables avant 2039 (Lettre du 4 juillet 2014).

11. Ibid., p. 74-75 ; 281.

12. Id., p. 135.

13. Le département fut de nouveau rattaché à Marseille à dater du 15 octobre 1945 par application de l’ordonnance du 19 octobre 1945 portant réorganisation du ministère de l’Information.

14. Cf. notre article, « Les structures du ministère de l’Information en Languedoc-Roussillon à la Libération : la direction régionale de l’Information (1944-1947) », Études héraultaises, n° 48, 2017, p. 138-140.

15. Pour une brève présentation de ces deux titres, nous renvoyons à notre article « Les quotidiens de province de 1944 à 1980. 11 : en Languedoc-Roussillon », Presse-Actualité, n° 148, septembre-octobre 1980, p. 33-36 ; 38.

16. Les chiffres entre parenthèses indiquent la pagination des numéros mentionnés dans la première colonne et le nombre de numéros pour chaque tirage dans la troisième colonne. Par exemple, pour le mois de septembre, trois numéros ont eu 8 pages et dix, 4 pages. Dans la troisième colonne, quatre numéros ont eu un tirage de 2 500 exemplaires et neuf, de 3 000.

17. Chiffres compris dans la centaine entre 3 100 et 3 199.

18. Numéroté de 123 à 134, ce numéro est daté du 16 avril 1945 et il est constitué par la table des matières des numéros 1 (11 septembre 1944) à 76 (30 décembre 1944). Les index y font l’objet d’un double classement : analytique et chronologique.

19. Numéroté de 185 à 190, ce numéro est daté du 26 octobre 1945. Il est constitué par la table des matières des numéros 77 (1er janvier 1945) à 152 (30 juin 1945) et comprend un index chronologique.

20. Numéroté de 196 à 201, ce numéro est daté du 17 novembre 1945 et reprend la même table des matières que le numéro du 26 octobre, mais comporte un index analytique.

21. Numéroté de 231 à 238 et daté du 29 juin 1946, ce numéro est constitué par la table des matières des numéros parus entre le 1er juillet 1945 et le 20 mars 1946 et comprend un index analytique et chronologique.

22. Lettre du 12 septembre 1944 de l’imprimerie Causse au commissaire de la République, AD Hérault, 999 W 3.

23. Télégramme du ministère de l’Intérieur du 14 décembre 1944 et lettre du 18 décembre 1944 du commissaire de la République au directeur de l’imprimerie Causse, AD Hérault, 999 W 3.

24. Comité d’Histoire de la 2e Guerre Mondiale, La libération de la France. Actes du colloque international tenu à Paris du 28 au 31 octobre 1974, Paris, Éd. du CNRS, 1976, p. 552.

25. Ingrand, Henry, Rapport au ministre de l’Intérieur pour la période du 15 au 31 janvier 1945, AN, F 1a 4021.

26. Lettre du 6 mars 1972 à Charles-Louis Foulon que ce dernier cite dans son livre, Op. cit., p. 247.

27. Cf. par exemple la prise de position de Francis Kipen, représentant du Front National au sein du CDL en Lot-et-Garonne, pour qui « leur fonctionnement rappelle trop souvent celui organisé par le régime de Vichy » (AD du Lot-et-Garonne, 919 W 2).

28. Malraux, André, Oraisons funèbres, Gallimard, 1971, p. 134-135.