Description

Publication du
G.R.E.C. n° 238
(1er semestre 2023)

Au sommaire de ce numéro

Le menhir christianisé des Lavagnes
(Saint-Guilhem-de-Désert, Hérault)

Il existe au hameau des Lavagnes, à Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), sur le passage de l’antique cami ferrat reliant la plaine héraultaise au val de Buèges, une pointe de menhir qui fut prélevée en 1866 sur un mégalithe des environs et qui fit alors l’objet d’une christianisation par transplantation aux abords de la mare, ou lavogne, dite de Moulis, et par apposition en son sommet d’une croix métallique de mission.

Cet événement, historiquement récent, se produisit le 12 mai 1866, à l’époque où le curé Jean Bascoul, 42 ans au recensement de juin 1866, était en charge de la paroisse, l’évêque de l’Hérault étant alors Mgr Le Courtier. Cette transplantation prit la place d’une croix préalablement installée près de la mare, figurée au cadastre de 1828-1829 (fig. 1 et 2), distincte de celle d’entrée de hameau et vraisemblablement très ancienne, installée à la mare antérieurement aux érections de croix qui eurent lieu aux Faïssas en 1820 et à l’Estagnol en 1821.

Près de 10 ans après, dans sa monographie de 1875 sur Saint-Guilhem et ses environs, l’abbé Léon Vinas, qui avait été curé de la paroisse en 1841-1848, donna un premier indice de provenance et écrivit ainsi : « Avant de quitter les Lavagnes, jetez un coup d’œil sur un menhir transformé en croix depuis quelques années. Nous ne blâmons pas cette destination ; seulement, nous regrettons qu’on en ait fracturé une partie pour l’amener du terroir de Lacan, où il gisait, à sa nouvelle place ». […]

Famille Verny. De coton, de laine et de soie.
2e partie, les Verny entre Clermont et Aubenas

C’est probablement cet ensemble de raisons et les relations familiales, liens croisés et privilégiés, qui ont conduit François, puis Mathieu Verny vers le Vivarais et les rives de l’Ardèche. Dans leur voyage vers ces montages ils ont emmené deux familles clermontaises : les Ricard et Jacques et Joseph Bonneville. Malgré l’éloignement des lieux, les liens familiaux se poursuivront tout au long des XIXe et XXe siècles en raison de nombreux liens endogamiques.

Si l’intégration familiale et sociale a été aidée par son mariage avec Félicité de Ruelle, Mathieu Verny a pris un certain ascendant sur les autres industriels en coton et soie des bords de l’Ardèche. Il n’avait pas tardé à moderniser sa manufacture en introduisant une grande roue dès 1812, qui a fait refouler l’eau à la manufacture de son beau-père. D’où un procès entre eux, qui se termine à l’amiable mais qui le conduit trois ans plus tard à une convention de gestion de l’eau, avec ses plus proches voisins, François de Ruelle et Auguste de Bernardy.

Il s’installe avec sa famille, rue Saint-Antoine, à Aubenas, tout près du superbe hôtel particulier de ses beaux-parents (actuelle Bibliothèque). La capitation de 1789 impose Mathieu pour un valet et deux servantes, alors que ses beaux-parents le sont pour deux domestiques, deux filles de chambres et deux servantes. Ces derniers sont reconnus les plus importants taillables des rôles. D’après les archives, le rôle de Mathieu semble s’amplifier dès 1768, après le départ de François, tant dans un rôle industriel et technique que dans un rôle commercial et familial de propriétaire foncier. « Il a contribué énormément à familiariser les populations du bassin d’Aubenas avec le travail textile. Cela prépara le succès à venir en créant les structures proprement industrielles » (Les maîtres du fil, Y. Morel). […]

Colbert, Languedoc, Saptes, Villeneuvette
Colbert, le Languedoc et le commerce avec les échelles du Levant

(Extrait de l’ouvrage Clermont-de-Lodève 1633-1789,
Cambridge University Press, 1982, chapitre 5.)
(Traduction de Lucas Noël)

Alors qu’il y eut de nombreuses études sur les politiques colbertistes, il y eut peu de recherches détaillées sur l’application des réformes de Colbert dans différentes localités. Dans ce chapitre, il semble justifié de décrire, mais de façon succincte, les caractéristiques générales de la politique colbertiste, mais nous analyserons plus en profondeur son application en Languedoc.

Comme cela a été justement souligné, la cause première de l’expérimentation colbertiste était la fiscalité : une prise de conscience que la capacité fiscale de la population française était limitée par le montant d’argent en circulation au sein du royaume. Comme Colbert l’expliqua dans son « Mémoire au Roi », rédigé en 1670, son principal objectif était de « proportionner ce que [les peuples] payent pour le trésor public avec le nombre d’argent qui roule dans le commerce ». Afin que cette proportion exigée soit obtenue, Colbert pensait qu’il était nécessaire que les marchands ainsi que les industriels français puissent fournir le marché intérieur avec des biens industriels dont il [le marché intérieur] avait besoin, et par conséquent éviter une sortie des lingots pour payer les biens d’importation, mais également exporter les biens manufacturiers français, afin de rééquilibrer la balance commerciale.

Colbert était bien conscient qu’en ce milieu de XVIIe siècle, ces objectifs étaient loin d’être acquis. Il avait conscience du déclin économique relatif dont la France avait souffert. « Avant l’année 1600 », écrit-il, « les manufactures faisaient gagner une infinité de peuples, l’argent ne sortait point du royaume ». […]

Sainte Brigide (à Saint-André-de-Sangonis, Hérault),
témoin oublié des usages colombaniens dans la spiritualité monastique anianaise

in memoriam de Gérard Alzieu

Un article paru le 19 juillet 2017 dans Midi Libre avait attiré ma curiosité, me poussant à tenter d’en savoir plus sur le passé de la commune lodévoise de Saint-André-de-Sangonis, et plus particulièrement sur le lieudit Sainte-Brigitte.

Une solide tradition locale, de temps immémorial…

A en croire la presse et l’association ad hoc (cf. la pétition circulant sur la « toile » depuis 2009), on serait en présence d’un exceptionnel sanctuaire dédié à la grande sainte suédoise, Brigitte de Brahe (1302-1373). La lecture de l’article d’Alix Audurier-Cros : « La chapelle de Sainte-Brigitte. Un patrimoine rural sur le chemin de Compostelle à Saint-André-de-Sangonis », publié l’année précédente dans le bulletin nº 195-197 du G.R.E.C. (pp. 30-42, article en ligne), a renforcé un doute qui m’a porté à rassembler le dossier historique que cette auteure n’avait pas exploré. Si, selon la notice de Frank R. Hamlin (2000), elle donne les formes connues du toponyme Sangonis, le texte le plus ancien signalé à propos du hameau de Sainte-Brigitte est le compoix de 1654 ; une source que Gérard Alzieu, historien contemporain du diocèse de Montpellier, n’a même pas citée pas dans la notice de son ouvrage incontournable sur Les églises de l’ancien diocèse de Lodève au Moyen Age (Montpellier 1998).

Ce document, écrit Mme Audurier-Cros, « porte l’indication du lieu dit Sainte-Brigide. L’orthographe différente pourrait être un indicateur intéressant, car liée à une référence probable de l’écriture en italien (?) du prénom de la Sainte-Brigitte-de-Suède canonisée en 1391, soit à une référence à la sainte d’Irlande, très antérieure à celle que nous étudions, mais assez rarement honorée dans le Midi. […] Nous pencherions pour un culte à la deuxième personnalité religieuse » (pp. 31-32). Et de passer à la réparation de la chapelle en 1745, puis au XIXe siècle. Vérifications faites, je n’ai rien trouvé qui justifia une « dévotion historique » à sainte Brigitte de Brahe, pour la fête de laquelle le consul de Suède viendrait dans cette commune héraultaise présider (régulièrement, je ne sais) un hommage à sa célèbre compatriote, proclamée « co-patronne de l’Europe » par Jean-Paul II en 1999. Plus avant, j’aborderai la question des reliques qui justifieraient cette dévotion au cœur de la moyenne vallée de l’Hérault. […]

Filer la soie à Saint-André-de-Sangonis (Hérault) au XIXe siècle

Saint-André-de-Sangonis est un village au cœur du département de l’Hérault. Il compte actuellement près de 6 500 habitants dans le canton de Gignac. A proximité de villes connues pour leur industrie drapière et le filage du coton et de la laine (Lodève, Clermont-L’hérault), Saint-André-de-Sangonis – qui compte au XIXe siècle entre 2 000 et 2 700 habitants – présente l’originalité de développer une industrie de filature de soie.

Nous voulons dresser ici un état de nos connaissances de ces filatures de soie. Cette présence industrielle apparait en effet comme étonnante dans un contexte qui n’est pas à priori le plus favorable. Il faut se déplacer à 50 km vers le nord (Laroque, Ganges, etc.) pour trouver des usines semblables. C’est aux pieds des Cévennes dont on sait le rôle essentiel dans l’industrie de la soie dès avant le XIXe siècle, qu’elles se développent.

Après un rapide rappel du mode de fonctionnement d’une filature de soie et des règles régissant ces établissements, nous établirons la liste des filatures qui se sont développées au cours du siècle. Puis nous tenterons d’en comprendre l’origine, l’enjeu et l’importance pour le village, balayant au passage quelques lieux communs.

Comment fonctionne une filature de soie ?

La production de la soie suppose l’élevage du « Bombyx du mûrier », chenille qui produit le cocon de soie. Traditionnellement, cet élevage s’effectue dans des magnaneries spécialisées ou bien dans une pièce du domicile des éleveurs. Le revenu procuré par la vente des cocons est suffisamment important pour que l’on consente quelques sacrifices sur l’espace à vivre. D’autant que l’élevage est assez bref, 4 à 6 semaines de travail intensif, à la fin du printemps. Mais ce travail est rentable, environ 3 fois à 3,5 fois le salaire d’une fileuse. L’industrialisation a rendu davantage pérenne l’élevage, avec une deuxième « pousse » à l’automne. Cette « éducation » des vers à soie est fragile et la pousse des « graines » (les œufs) est sensible aux courants d’air, à la température qui doit être maintenue constante et surtout à la possibilité d’assurer l’alimentation unique de ces vers : la feuille de mûrier blanc. […]

Tarral de Prima / Tarral de Printemps

Anarai far miègjorn dins la cambra luònta. La del fenestron que siula e del plancat de boès. Braces nuds de l’estiu, jos la coberta escotarai lo Tarral fòl.

« Quam juvat immites ventos a udire cubantem »

« Quane plaser d’escotar los vents calucs quand òm es al lièch ! » çò disiá Tibulle.

Perenitat de las causas.<

Temps de planh, de desolacion, de solesa.

Vent que brandís los fraisses, qu’arrevoluma las brancas tant fièras de la butada abondosa de borres tant verds et tendres, qu’amolona pel sòl e pels recantons un efatadís de fuòlhas nòvas : « Pregatz per los borres de Mai. » Demòra lo regret, lo poèta o ditz.

Vent que plega los aubres d’un mèma costat, torçuts, coma de cotilhons de femnas crentosas, butadas a córrer… Lo Tarral que còpa la vinha novèla, escampilha la farinosa e mena tot un fum de borra de píbols.

Après lo calimàs de ièrc, lo cèl blanc, lo temps al Marin, a degut plòure endacòm. De matin, lo temps èra encara cobert. Un buf leugier, d’ont veniá ? Pichon a pichon, se faguèt pus fòrt : un Tarral de Prima que va bufar de jorns e de jorns, de contunh : las ventièiras de Pentacosta.

Seriá lo jorn de montar en naut del sèrre per veire de luònh. Los uòlhs mièg barrats, coma de la sòm, esblaugits d’una claror encara grisa sus totas las colors de Mai. […]

J’irai faire la sieste dans la chambre du fond. Celle au plancher de bois et à la petite fenêtre où le vent siffle. Bras nus comme en été, réfugiée sous la couverture, j’écouterai le Tarral fou.

« Quam juvat immites ventos audire cubantem »

« Quel plaisir, d’écouter les vents furieux quand on est couché » disait Tibulle.

Pérennité des choses.

Temps de plainte, de désolation, de solitude.

Vent qui secoue les frênes, qui fait tourbillonner les branches si fières de la poussée abondante de bourgeons verts et tendres, qui amoncelle par terre et dans les recoins tout un gâchis de feuilles nouvelles : « Priez pour les bourgeons de Mai ». Et le regret, dit le poète.

Vent qui fait ployer les arbres du même côté, tordus, comme des jupons de femmes craintives, poussées à courir. Tarral qui casse la vigne nouvelle, répand l’oïdium et fait lever une fumée de bourre de peupliers.

Après la chaleur lourde d’hier, le ciel blanc, le temps au Marin, il a dû pleuvoir quelque part. Ce matin, le ciel était encore couvert. Un souffle léger, venu d’où ? Petit à petit, il s’est fait plus fort : un Tarral de Printemps qui va souffler des jours et des jours, sans arrêt : les Ventières de Pentecôte.

Ce serait le jour de monter en haut de la colline pour voir au loin. Les yeux mi-clos, comme par le sommeil, éblouis d’une clarté encore grise sur toutes les couleurs de Mai. […]

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Informations complémentaires

Année de publication

2023

Nombre de pages

Non renseigné

Disponibilité

Disponible au format "papier" sur https://www.grec-clermontais.fr/contact