Des sujets dévoués et fidèles ? À la recherché des légitimistes populaires montpelliérains

Des sujets dévoués et fidèles :
A la recherche des légitimistes populaires montpelliérains

Département d’Histoire, FASoS
Université de Maastricht – B.P. 616 – 6200 MD Maastricht [P-B]

En mai 1823, la duchesse d’Angoulême visite Montpellier, le chef-lieu de l’Hérault ; dans le faubourg de la Saunerie, la municipalité a érigé un arc de triomphe, « d’un style à la fois noble et simple », par lequel la fille de Louis XVI entre dans la ville qui avait déjà reçu, avec un éclat remarquable, son mari, le duc d’Angoulême, en 1815. D’après le récit officiel de sa visite, une « foule immense remplissait les rues que S. A. R. devait parcourir, ornées de draperies blanches, de festons de verdure, de médaillons et de devises ». On entendait « à peine» les » coups de canon […] au milieu des acclamations prolongées d’une immense multitude de citoyens de toutes les classes, et des cris de Vive le Roi ! Vive Madame ! […]. Aussitôt 40 jeunes filles, vêtues de blanc, se disputèrent la faveur de dételer sa voiture et de la conduire au Palais. Mais Madame se refusa à leurs empressements, en déclarant que cette manière de l’honorer était entièrement contre son gré ». Alors, les filles se contentent de suivre le carrosse, de plus près, vers la préfecture, « au milieu des acclamations de la population toute entière qui se pressait partout, avec cette vivacité méridionale, qui […] n’est que l’expression d’un enthousiasme porté au plus haut point ». L’auteur anonyme qui raconte ce qui s’est déroulé à Montpellier pendant ces jours de printemps finit son récit en exprimant son vœu que la princesse, de retour à Paris, pourrait « dire au meilleur et au plus révéré des Monarques : Sire, vous n’avez pas de sujets plus dévoués et plus fidèles que les habitants de votre bonne ville de Montpellier » 1.

La Duchesse d'Angoulême en 1817. Portrait d'Antoine-Jean Gros
Fig. 1 - La Duchesse d'Angoulême en 1817.
Portrait d'Antoine-Jean Gros.

En effet, les autorités administratives et judiciaires étaient convaincues que la branche aînée des Bourbons pouvait compter sur la loyauté de la population de l’Hérault, et plus particulièrement de celle des Montpelliérains, pendant une bonne partie du XIXe siècle. Elles croyaient que les classes populaires en particulier étaient de chaudes partisanes de la monarchie dite légitime. À cet égard, Hippolyte Creuzé de Lesser, le célèbre préfet de la Restauration, donne le ton pendant plusieurs décennies : « au contraire de plusieurs départements, le peuple [de l’Hérault] est encore plus attaché aux Bourbons que la classe plus élevée ». Quelques mois plus tard, il précise qu’il existe « particulièrement parmi le petit peuple, un sentiment royaliste tout à fait remarquable » 2. Le peuple, ardemment légitimiste, s’implique également, comme le font, par ailleurs, les républicains ou les socialistes, dans les batailles de rue quand il s’agit du contrôle de l’espace urbain, au début des années 1830 et en 1848. Jusqu’aux années 1860, les successeurs de Creuzé ainsi que les procureurs généraux, qui sont aussi censés informer le gouvernement sur la vie politique et sociale, soulignent régulièrement l’importance du légitimisme dans le département. D’après le préfet Silvestre la burette d’Ambert, le succès électoral des légitimistes qui gagnent vingt-un des 36 sièges du conseil municipal en 1833 aurait été dû au fait que « trois-quarts de la population [de Montpellier] est carliste » 3.

Quelques années plus tard, son successeur, Achille Bégé, propose même de différer l’élection des commandants de la Garde Nationale parce qu’elle amènerait à une victoire inévitable de « l’opposition, légitimiste ou républicaine » 4. Pendant la Seconde République, les légitimistes (et les républicains) profitent de l’introduction du suffrage universel masculin ; toutes les élections, organisées en 1848 et 1849, illustrent une forte présence du mouvement royaliste parmi les électeurs montpelliérains. En été 1848, le préfet avertit donc ses supérieurs que « le parti légitimiste est puissant, il ne faut pas se le dissimuler. […] Ce parti compte à Montpellier et dans quelques centres de population […] de nombreux adhérents dans la masse populaire ». Le suffrage universel masculin aurait même fait grossir les rangs du monarchisme dans le chef-lieu, vu que le retour de la branche aînée des Bourbons au pouvoir « jugé depuis longtemps impossible par plusieurs a pu paraître presque probable quoique encore éloigné » 5. Dans les mois qui suivent le coup d’état du 2 décembre 1851, les autorités continuent même d’accentuer la force du « camp légitimiste » auquel « presque toute la population appartient » 6.

Cette conviction des différents préfets a largement défini l’image historique du mouvement monarchiste. Pourtant, on peut se demander si – et dans quelle mesure – cette image, encore dominanteaujourd’hui, est justifiée. De plus, il importe de savoir ce que ce type de royalisme signifie réellement, en premier lieu, pour ceux qui sont concernés directement : le menu peuple légitimiste lui-même. Vu la nécessité de nous rendre compte par quel biais nous devrions prendre ce problème, une présentation sommaire de quelques approches suivies jusqu’à présent est bien inévitable. Bien qu’aucune de leurs thèses d’État ne propose une analyse du légitimisme à proprement parler, les études d’un trio d’historiens réputés – André-Jean Tudesq, Gérard Cholvy et Raymond Huard – accentuent la présence des classes populaires urbaines dans le légitimisme du Midi languedocien et à Montpellier où « l’opinion légitimiste a des représentants dans toutes les classes de la société » 7.

Pourtant, leurs travaux, aussi riches et bien documentés que pionniers à plusieurs égards, sont marqués par la difficulté, si admirablement analysée par l’historien Alain Corbin dans son livre sur la vie du sabotier Louis-François Pinagot, de connaître la sensibilité intime ou les opinions des hommes et des femmes dont ils parlent 8. De plus, les historiens du légitimisme, comme Hugues de Changy et les américains Robert Locke et Steven Kale 9, semblent moins sensibles aux dimensions culturelles du politique, qui, par contre, attirent l’attention des auteurs, comme Jacques Prévotat, Serge Berstein, Jean-François Sirinelli et Philippe Secondy. En fait, ce dernier a publié, en 2006, une étude sur le « courant contre-révolutionnaire » dans l’Hérault des XIXe et XXe siècles.

Leurs études, qui montrent bien le renouveau de l’histoire politique en France depuis les années 1990, se servent de la notion de « culture politique » (ou, plutôt, de « cultures politiques »). La culture politique est définie comme étant « une sorte de code et […] un ensemble de référents, formalisés au sein d’un parti ou plus largement diffus au sein d’une famille ou d’une tradition politiques ». Fortement internalisée et transmise par des canaux de socialisation comme la famille, le travail, l’école, les associations ou les partis, elle détermine les convictions, les sensibilités et le comportement politique des individus et des familles politiques françaises dont le parti légitimiste 10. En conséquence, les définitions proposées postulent toutes que la culture politique offre un des facteurs importants, sinon le plus important, qui permettra « d’apporter une réponse au problème essentiel des motivations de l’action et des comportements politiques » de la masse des citoyens en particulier 11.

Ainsi, la culture politique est perçue comme « un moteur [des] comportements politiques » : elle définit l’identité du groupe qui se réclame d’elle. De plus, elle mobilise les partisans, en leur offrant une lecture partagée du passé (signifiante bien qu’inexacte parfois), ainsi qu’une vision commune du monde idéal, qui s’expriment par un vocabulaire et des symboles et rituels (le bonnet phrygien, le poing levé, etc.) 12. Berstein et autres insistent sur le fait que la culture politique, en quelque sorte, crée et soude des groupes sociaux et politiques ; elle est avant tout un phénomène social. Ils mettent l’accent sur ce que les partisans partagent, l’un avec l’autre, bref, sur tout ce qui fait qu’ils sont plus qu’un simple ensemble d’individus. Sous ce rapport, Berstein accentue les fonctions de la culture politique comme étant un « facteur d’identification ». D’abord, elle permet d’expliquer le comportement envers les Autres qui n’appartiennent pas au groupe de référence, comme la résistance de la part des légitimistes populaires du Plan-de-l’Olivier envers « l’ennemi » politique qui essaie d’investir « leur » quartier pendant les rixes au mois d’août 1848.

Par contre, Berstein nous rappelle que « cette fonction d’identification de la culture politique est encore plus déterminante à l’intérieur du groupe. Ici, l’acceptation des thèmes fondamentaux de la culture conduit le citoyen à s’identifier à un groupe, à en partager les buts et les espoirs et, bien entendu, à se prononcer pour lui dans un éventuel scrutin. Cette dimension sentimentale, voire émotionnelle, de la culture politique explique que, pour les membres du groupe concerné, elle soit le lieu d’une véritable communion dans laquelle se retrouvent, avec un fort sentiment de solidarité, tous ceux qui participent des mêmes références, du même système de représentations et pour qui symboles et discours revêtent les mêmes significations » 13.

Cette perspective plutôt fonctionnaliste, qui, en ce qui concerne l’accent mis sur le consensus comme étant constitutif des groupes, rappelle des suppositions de type durkheimien sur le rôle primordial du consensus dans la vie sociale, a tendance à sous-estimer les tensions, voire les conflits internes dans chaque groupe social et politique. Or, ces dissensions, qui s’expriment dans des circonstances particulières comme des crises, jouent un rôle crucial et expliquent en partie pourquoi la culture politique d’un groupe et le groupe lui-même dont les partisans se réclament peuvent changer à la longue.

Malgré toutes les avancées importantes que nous a apportées la notion de « culture politique », les analyses des chercheurs font encore généralement référence à des collectifs sociaux, ce qui explique l’usage des termes tels que « le menu peuple » ou « les classes populaires ». Certes, des individus réels constituent ces collectifs sociaux, mais ils restent eux-mêmes étrangement invisibles derrière de telles références, parce que (et c’est souvent le cas) les noms propres n’apparaissent pas dans les documents d’archives. En plus, il est rare qu’ils prennent eux-mêmes la parole ; s’ils le font, leurs paroles sont, dans la plupart des cas, transcrites par d’autres, dans un contexte de rapport de force asymétrique. Cependant, ces « écrivains publics » qui représentent l’État, comme la police ou les préfets et procureurs généraux, sont largement responsables de l’image traditionnelle des légitimistes populaires, d’après laquelle le royalisme du petit peuple montpelliérain serait, avant tout, soit une manifestation idéologique de la dépendance sociale et économique des clients pauvres de l’élite locale, soit l’expression politique du caractère profondément essentialiste des gens du Midi 14.

En conséquence, on sait peu de choses sur le légitimisme populaire tout comme les légitimistes populaires eux-mêmes. D’ailleurs, c’est bien un point caractéristique de la plupart des études du monarchisme européen du XIXe siècle, qui jettent plutôt leur regard sur les activités et l’idéologie des (grands) notables ou des dirigeants royalistes. Devant ce défaut, il importe de prendre au sérieux le légitimisme des ouvriers et ouvrières ainsi que des artisans et petits commerçants. C’est pourquoi il faut relire les sources connues (et moins connues) qui nous permettent de répondre à nos questions d’historien : premièrement, qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils devenus des monarchistes ? Quelles espérances (millénaristes) ont-ils mis en leur « bon roi » Henri V, qui est devenu peu à peu l’objet d’un culte ? Par quelles activités et quels réseaux ont-ils fait parler d’eux ? Quel est, finalement, l’impact social et politique de leur présence parmi les partisans sur le mouvement légitimiste tout entier 15 ? Sous réserve d’un approfondissement à venir, cet article-ci ne peut qu’offrir quelques indices de réponse. Commençons par une première rencontre avec deux légitimistes populaires.

Henri V, comte de Chambord (1820-1883). Lithographie par Grévedon, 1833
Fig. 2 - Henri V, comte de Chambord (1820-1883). Lithographie par Grévedon, 1833.

À première vue, Auguste François Roustoulan et Jean- Louis Marcadier font partie de ceux qui n’ont pas eu « des voix » par eux-mêmes. Néanmoins, ils jouent un rôle important dans l’histoire du légitimisme à Montpellier pendant une bonne partie du XIXe siècle. En fait, ils se font remarquer dans les batailles de rue entre les légitimistes et leurs opposants ; de plus, ils sont des sociétaires de clubs légitimistes. Ce sont des gens comme eux qui sont, d’habitude, présentés comme des clients pauvres des notables influents plutôt que de « vrais » royalistes. Leur propre espace politique aurait été soit inexistant (puisqu’ils ne se sont pas intéressé à la politique) soit situé parmi les partisans de la Gauche. Dans ce dernier cas, le problème de l’historien se présente comme une recherche pour la réponse à la question : comment en sont-ils finalement parvenus à rejoindre leurs amis politiques, dits « naturels » 16 ?

Pourquoi cette approche traditionnelle serait-elle la seule à être suivie ? Ne serait-il pas plus avantageux et plus intéressant de regarder de plus près ces gens ainsi que leurs traditions de famille et leur mémoire d’événements particulièrement cruciaux ? En ce qui concerne Auguste François Roustoulan, cela signifierait avant tout un retour au soir du samedi 25 août 1832. Cette journée est gravée dans la mémoire des légitimistes comme un des points les plus bas dans la série des rixes et bagarres violentes qui ont eu lieu au début de la monarchie de Juillet. Depuis le 18, des républicains, des orléanistes et des légitimistes s’insultent et se battent, comme il est d’usage dans une société de défis, dans les rues et sur les places de la ville 17. L’intensité des hostilités rappelle le souvenir des événements de 1815, évoqués par un arrêté préfectoral, publié le 25 août, qui reproche aux légitimistes de troubler l’ordre public 18. Plus tard dans la soirée, l’ancien volontaire royal et vitrier Dominique Pierre Roustoulan, un veuf âgé de 50 ans, qui habite rue Chapelle-Neuve, est en route vers le Café Quet, un lieu de rencontre connu des carlistes, quand un petit groupe d’individus, dont quelques partisans du nouveau régime, le reconnaissent. En criant « Sarre, sarre », ils poursuivent le légitimiste qui tente de fuir ; arrivé devant un autre café, près de la rue de l’Argenterie, Roustoulan est poignardé dans le dos et meurt des suites de ses blessures. Le lundi suivant, il est enterré au cimetière de l’Hôpital général en présence d’un grand nombre d’amis et de curieux (plus de 3000, d’après Les Mélanges Occitaniques). L’inscription que les premiers veulent faire graver sur la tombe, « Que ma mort vous soit un souvenir », est refusée par les autorités du cimetière et de la municipalité orléaniste 19.

Néanmoins, on se souviendra de Dominique Roustoulan. La mort de celui qu’on appellera une « malheureuse victime du fanatisme révolutionnaire » fait vite partie d’une construction partisane du passé récent et confirmera ainsi la mémoire royaliste et, par voie de conséquence, les lignes de fracture politiques locales 20 : « Vous vouliez du sang, du sang des durs ! Vous l’avez vu couler, et vos mains homicides ont pu juger que le sang des royalistes de 1832 est aussi pur, aussi chaud que celui des royalistes de 1815, dont furent inondées les rues de notre cité. Assassins du 27 juillet 1815, vos successeurs sont dignes de vous ; le 25 août 1832 sera inscrit dans vos fastes ; ce jour vous pourrez aussi célébrer un anniversaire, car vous avez immolé une victime sur l’autel de la démagogie. Quant à nous, prions pour la victime, il était un homme de bien, il est mort pour la cause de la justice, Dieu l’a jugé, un jour il jugera aussi ses assassins ».

Les années qui suivent montrent qu’il est toujours difficile de surmonter de telles lignes, particulièrement pour les proches du défunt dont son fils, Auguste, d’autant plus que sa mort laisse une « famille nombreuse […] sans appui » 21. Il n’y a pas que les légitimistes qui éprouvent cette difficulté : lors de sa déposition sur l’affaire du Plan-de-l’Olivier, Joséphine Andrieu, issue d’une famille républicaine, admet qu’elle a souvent tenu « plusieurs propos […] contre les légitimistes […], et que de vieux souvenirs ont laissé dans mon âme quelques ressentissements. On ne pardonne pas […] ceux qui vous ont fait du mal ». Ainsi, les vies de Joséphine Andrieu de même que celle d’Auguste Roustoulan sont marquées par la mémoire d’un événement « traumatisant » qui a depuis déterminé leurs comportements, leurs grilles de lecture intériorisées de la vie sociale et politique, leurs préférences politiques et le choix de leurs réseaux respectifs d’amis et d’ennemis 22.

La famille d’Auguste Roustoulan, qui a à peine 16 ans quand son père est assassiné, a éprouvé beaucoup de difficultés et de souffrances. Le 10 Ventôse An XIII (1er mars 1805), le commis marchand Dominique Roustoulan, né le 2 août 1782, et Élisabeth Montaud, née le 9 août 1783, se marient. Le jour de leur mariage, ils déclarent la légitimité de leur petite fille, Marie Magdelaine Pierrette, qui était née quatre mois auparavant. Le jeune couple, dont les parents sont montpelliérains, sort d’un milieu de petits métiers, parmi lesquels on trouve des vitriers, des plâtriers et de petits marchands. Il aura neuf enfants, dont quatre meurent avant l’âge de 15 ans. Dominique devient peintre vitrier, une profession qu’il exercera jusqu’à sa mort. Quand Élisabeth disparaît à l’âge de 41 ans en 1828, le veuf et ses quatre enfants (dont deux filles et deux garçons, âgés de 11 à 21 ans) habitent dans la rue Chapelle-Neuve. Après son mariage en 1824 avec le travailleur de terre Marc Marcadier, leur fille aînée s’est installée dans la rue du Plan-de-l’Olivier. Leur fils aîné Claude suit la piste de son père et travaille comme peintre vitrier pendant toute sa vie 23.

Par contre, la vie professionnelle d’Auguste, né le 10 mai 1816, est plutôt marquée par des points de rupture. Comme son père, il entame sa carrière comme commis, en travaillant, selon toute probabilité, dans la boutique de son oncle, le marchand drapier Gabriel Roustoulan. Pourtant, la mort du père en 1832 occasionneun appauvrissement des quatre orphelins qui, de toute façon, ne menaient pas une vie aisée. En outre, le décès de son oncle oblige Auguste à s’engager dans d’autres activités, d’autant plus que le commerce de détail en textile se trouve en pleine crise. Le 1er juin 1840, il se marie avec Marie Cassan, une tailleuse née à Marseillan en 1818, de qui il aura plusieurs enfants. Pendant sa vie, Auguste exerce une multitude de petits métiers, comme celui de peintre vitrier, de marchand de fer et, finalement, de plâtrier. De toutes ces professions, c’est la dernière qui sera mentionnée dans son acte de décès, qui nous indique qu’Auguste François Roustoulan est mort, à l’âge de 70 ans, le matin du 6 janvier 1887, dans l’asile des Petites Sœurs des Pauvres, située dans la rue du Séminaire 24.

Pendant toute sa vie d’adulte, Auguste était connu pour son militantisme en faveur du mouvement légitimiste, en particulier à cause de ses activités au sein des sociétés et clubs des légitimistes populaires. Il a donc mauvaise réputation ; les autorités le considèrent comme « un légitimiste fougueux » et, par conséquent, n’hésitent pas, en 1853, à ajouter son nom sur « la liste des hommes les plus dangereux [du] département » 25. Depuis le début de la Seconde République, il est sociétaire, voire trésorier de la société de l’Union, une association non-autorisée, dont les membres, des « légitimistes appartenant en général à la classe ouvrière », se rencontrent « hors ville dans un jardin dit la belle jardinière ». Auguste et le cafetier Pierre Roux, dit Perruque, un ami de la famille et témoin lors de la naissance du fils de son beau-frère Marc, sont particulièrement actifs : ils organisent, par exemple, les célébrations en honneur d’Henri V, le 15 juillet 1850 26. Les noms d’Auguste et de Pierre Roux sont également inscrits sur une autre liste, établie en 1861, d’ « hommes d’action » monarchistes parmi lesquels figurent plusieurs plâtriers et Henri Marcadier, le fils de Marc Marcadier et Marie Roustoulan. Ils sont tous accusés, sans aucune preuve dans la plupart des cas, d’avoir fait « partie en 1848 de l’insurrection du Plan-de-l’Olivier » 27. Au début de la Troisième République, le fils et le petit-fils de Dominique Roustoulan assassiné en 1832 figurent aussi sur la liste des « membres fondateurs » du Cercle des Ouvriers, fondé en 1871, qui compte à peu près 160 sociétaires dont la plupart ont atteint un certain âge 28. Auguste Roustoulan, finalement, se fait aussi remarquer par ses activités plus politiques. Pendant la campagne pour les élections législatives des 30 mai et 1er juin 1863, il est même « un des meneurs désignés [du] parti », choisis parmi « des chefs d’ateliers ou patrons, appartenant au parti Légitimiste », qui militent pour la candidature de l’ancien député Hippolyte Charamaule, à qui le célèbre légitimiste Berryer a prêté son appui, en opposition au candidat officiel, le maire de Montpellier Jules Pagézy 29.

Comme c’était le cas pour tant d’autres montpelliérains à l’époque, la vie d’Auguste Roustoulan eut en grande partie lieu dans un espace assez restreint les alentours du quartier du Plan-de-l’Olivier. Après l’assassinat de son père, Auguste s’installe même chez sa sœur aînée qui habite en plein cœur du quartier. Au milieu du XIXe siècle, ce quartier pauvre et malfamé est particulièrement connu pour les sentiments royalistes de la population et le grand nombre des ménages dont la source de revenu principale est le travail agricole aux alentours de Montpellier. En fait, le Plan « est tout à fait la campagne », note le vicaire-général Chaulliac en 1866 30. C’est dans ce milieu, plus particulièrement dans la famille Marcadier dont père et fils sont tous des travailleurs de la terre, qu’Auguste passe son adolescence. Ici, Auguste et le frère de son beau-frère, Louis, se sont sans doute connus ; étant donnée la minime différence d’âge entre eux, on peut bien s’imaginer qu’Auguste et Louis ont entrepris des activités ensemble. Né le 27 juillet 1815, Louis, qui, comme son père et son frère aîné, Marc, s’emploie comme « cultivateur pour compte d’autrui », se marie, en 1838, avec la fileuse Thécle Verdel ; le couple, qui habite dans la rue du Refuge, aura trois enfants 31.

Dans le quartier, il est de notoriété publique que le jeune travailleur de terre est un chaud partisan de la branche aînée chaque soir, ses voisins ne manquent pas d’observer qu’il se débarrasse, en revenant de son travail, de son chapeau pour porter une bonnette blanche – la couleur identifiée, avec le vert, à la cause légitimiste 32. Pourtant, il y a d’autres raisons qui expliquent sa réputation d’être un des « hommes dangereux », voire un « légitimiste désigné comme ayant tué un gendarme » 33.

La vie de Louis, en fait, prend un tour dramatique à la fin du mois d’août 1848. Les premiers mois de la Seconde République sont marqués par des moments particulièrement mouvementés dont l’un est, sans aucun doute, l’affaire du Plan-de-l’Olivier. Pendant l’été, les tensions et les conflits entre les partisans de différents partis ne se limitent plus uniquement aux batailles électorales ; en fait, ils se battent de plus en plus dans l’espace public. La place de la Comédie, où est planté un arbre de la liberté, devient alors le haut-lieu des républicains et des socialistes ; c’est d’ici que partent leurs manifestations à travers la ville. Pour leur part, les légitimistes paient de leur personne et participent également au jeu de défis mutuels. Comme d’habitude, un cortège part de la Comédie le soir du 28 août ; arrivés à la hauteur de la rue du Refuge, les manifestants sont confrontés aux habitants du Plan-de-l’Olivier qui se sont préparés à repousser les républicains, si besoin par la force. Des engueulades, des jets de pierres et des pugilats se poursuivent ; au cours du brouhaha général, un coup de feu bruyant retentit soudainement dans les ruelles étroites du quartier. Après des heures de tension montante, il faut l’intervention armée des gendarmes et des soldats pour rétablir l’ordre public. À la fin de la soirée, il y a plusieurs blessés (dont le préfet) ; de plus, le gendarme Montredon meurt au cours de la nuit suivante de sa blessure infligée par un tireur inconnu. Une enquête judiciaire de grande envergure est alors ouverte. Dès le début, les autorités et l’équipe d’enquêteurs, dirigée par Jean Gilly, accusent les dirigeants de la société de l’Urne, un des plus importants lieux de rencontre des légitimistes montpelliérains, d’avoir provoqué et organisé la bagarre entre les légitimistes du Plan-de-l’Olivier, d’une part, et des républicains et des forces de l’ordre, d’autre part 34.

La plupart des 226 personnes interrogées ne donnent que des réponses évasives à leurs questions ; dans le cas de Louis Marcadier, cette réticence est logique, car Gilly est vite convaincu que le travailleur de terre avait bel et bien tué Montredon. La déposition du cordonnier Jean-Baptiste Prat en particulier incrimine le résident de la rue du Refuge ; Prat affirme avoir vu Marcadier, à l’extérieur, à l’angle du Refuge et de la rue de la Verrerie. De plus, il aurait entendu quelqu’un crier, en patois, « du ton le plus énergique, «Sacra noun den Diou, encore un de blassat ; à tus Marcadier » » juste après le coup de feu du « fusil long du canardier » (utilisé pour la chasse aux canards dans les étangs) 35. En fait, Marcadier, qui dit, en premier lieu, qu’il s’est couché à 20 heures (donc avant le début des batailles de rue) donne plusieurs dépositions divergentes, chaque fois qu’il est confronté à d’autres témoins.

Alors, Marcadier admet qu’il s’est levé plusieurs fois pour aller voir ce qu’il se passait à l’extérieur. Il change aussi sa déposition sur la mort de Montredon le coup de feu serait tiré non du bas de la rue, où se trouvaient les républicains mais, en revanche, du haut de la rue, où étaient rassemblés les légitimistes. Néanmoins, il continue d’affirmer n’avoir pas quitté sa maison pendant toute la soirée. Finalement, lors du dernier interrogatoire, il reconnaît, sous la pression de Gilly, avoir rencontré Léonard de Lapeyrouse, ancien capitaine de marine, soupçonné d’avoir organisé la défense du quartier, en vue de préparer sa première déposition 36. Gilly inculpe alors Lapeyrouse ainsi que Louis Marcadier et trois autres travailleurs pour violence publique et résistance contre les forces de l’ordre. Quant à Louis, il est aussi inculpé pour l’assassinat de Montredon. La « position de famille » des quatre travailleurs pauvres du Plan-de-l’Olivier qui ont tous un casier judiciaire vierge est classée comme étant « nulle » ; excepté Louis qui peut lire des textes assez simples, les autres sont tous illettrés 37. Le 17 février 1849, la cour d’Aix-en- Provence, qui était chargée de l’affaire car celle de Montpellier était censée être de parti pris, acquitte les cinq accusés 38. Depuis, il n’y a plus de traces de la vie de Louis Marcadier dans les archives.

Rue du Plan de l'Olivier, à Montpellier
Fig. 3 - Rue du Plan de l'Olivier, à Montpellier. (Photo : EH).

Les légitimistes des milieux populaires comme Marcadier ne se font pas uniquement remarquer par leur participation (présumée ou réelle) à des bagarres de rue. En fait, le menu peuple joue un rôle important et fort surprenant dans la vie associative. Certes, il y a des associations qui n’acceptent que des aristocrates ou de riches bourgeois comme sociétaires. Ce monde des notables montpelliérains partage, de plus en plus, non seulement des intérêts économiques de grands propriétaires qui investissent dans la viticulture en plein développement, mais aussi un certain style de vie axé sur le « château » de campagne et les mêmes convictions sociales et politiques. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’historien Gérard Cholvy conclut qu’il y a pour les bourgeois « une contagion à laquelle il est difficile de rester insensible. L’intégration à la société montpelliéraine passe par l’adhésion aux opinions légitimistes » 39. Le désir des riches bourgeois parmi lesquels on trouve des marchands et des banquiers ainsi que des avocats et d’autres professions libérales d’imiter la style de vie d’anciennes familles nobles qui ont pu garder leur capital social et culturel induira plus tard le procureur général à porter ce jugement sarcastique : le milieu légitimiste n’est qu’une « côterie, se composant de quelques grands propriétaires vivant entre eux, dont l’opinion est moins souvent une conviction héréditaire qu’une sorte de vernis aristocratique destiné à vieillir des parchemins trop récents » 40.

Au début de la Monarchie de Juillet, une dizaine d’associations légitimistes sont répertoriées par la police ; les marchands monarchistes, par exemple, vont à la Loge, tandis que les magistrats et avocats établis appartiennent à la Société des Beaux-Frères. Par contre, des avocats plutôt jeunes se rencontrent dans la Petite Loge. Fondée en 1830, cette société regroupe d’anciens membres de la Société des Avocats, qui s’opposent à la décision prise par la majorité des sociétaires d’accepter le nouveau régime. Très vite, elle devient un lieu de rencontre pour les plus radicaux des partisans aisés de la branche aînée. Ses membres cherchent à se rapprocher des légitimistes plutôt populaires et invitent des artisans et de petits commerçants royalistes à participer à leurs réunions et fêtes. De plus, ils jouent un rôle important dans le comité de direction du journal légitimiste, Les Mélanges Occitaniques, et dans la Société de Défense Mutuelle, fondée au mois d’août 1831, qui aurait eu 3000 adhérents dans le seul arrondissement de Montpellier.

L’histoire de cette société est marquée par des mesures répressives de la part des autorités qui interviennent en raison des rumeurs voulant que la société paierait des royalistes populaires pour participer à des démonstrations et viendrait au secours de ceux qui avaient été condamnés pour leurs activités politiques. De plus, la société est soupçonnée de faire partie d’un réseau d’associations dans le Midi dont les membres prépareraient une rébellion. Finalement, il y a trois autres clubs où se rencontrent des petits bourgeois (des commerçants et des perruquiers d’un certain âge dans le Club du Caveau, et les artisans plus jeunes à l’Harmonie) ou des travailleurs salariés qui se réunissent à la Société du Jardinet, une guinguette dans les faubourgs. Cette phase de la vie associative des légitimistes prend fin en 1834, à cause de la nouvelle loi répressive sur les associations 41.

À Montpellier, comme partout en France, le mouvement entre alors dans une période de crise ; il faut attendre le milieu des années 1840 pour voir un renouveau du légitimisme. Inspirés par Eugène de Genoude, l’éditeur de la Gazette de France, des notables légitimistes, proches de la Petite Loge, revendiquent le suffrage universel masculin ; plusieurs collaborent même avec les républicains pour atteindre ce but. En 1843, ils fondent L’Écho du Midi, qui sera le porte-parole de ces idées empruntées à la faction légitimiste connue sous le nom du Droit National jusqu’en 1852. La situation change radicalement quand le gouvernement provisoire, le 6 mars 1848, introduit le suffrage universel masculin ; dans les 16 mois suivants, les électeurs seront appelés aux urnes pas moins de dix fois. Ces batailles électorales obligent tous les mouvements, mais particulièrement ceux dont le succès dépend de l’appui de nouveaux citoyens actifs, à adapter leurs propagande et méthodes de campagne à la nouvelle réalité politique. Ceux qui se sont identifiés avec le Droit National comprennent bien la nécessité de mobiliser les classes populaires. D’ailleurs, les sociétaires de la Petite Loge, comme son président Camille de Christol, ont toujours maintenu un contact avec le menu peuple. D’après le procureur général, la société de secours mutuel Saint-Roch, également présidée par Christol, en était un moyen privilégié. Afin de pouvoir intensifier ce contact, ils créent au mois de juin 1848 un club électoral, la société de l’Urne, dans l’intention d’y préparer, voire instruire et mobiliser les nouveaux-venus à la politique officielle. L’Urne est l’objet de rumeurs ; les candidats légitimistes aux élections municipales de 1848, par exemple, y auraient offert du vin blanc gratuit aux sociétaires en échange de leurs votes.

De plus, de nombreux travaux, publiés récemment, ont bien montré comment, et pourquoi, les pratiques traditionnelles de la sociabilité ont bien servi à politiser les classes populaires, en particulier pendant la Seconde République. Dans ces lieux de rencontre, loisirs et politique – sociabilité populaire et légitimisme – s’entremêlent aisément. En fait, à l’automne de 1848, la police surveille plusieurs clubs légitimistes, non autorisés, qui sont tous découverts à la suite de l’investigation judiciaire sur les rixes qui ont eu lieu les 27 et 28 août entre républicains et légitimistes au Plan-de-l’Olivier 42. L’un d’eux est la Société du Refuge. Quelques sociétaires admettent qu’elle n’est qu’une « dépendance de l’Urne » ; ils vont, à leur gré, de l’une à l’autre. Néanmoins, le cuisinier Antoine Causse explique qu’il y a une différence importante entre les deux : « le vin [servi au] Refuge est de meilleure qualité », ce qui explique pourquoi il préfère d’y aller. Quant au travailleur agricole Jean Mestre, il y rencontre ses amis et ses proches, pour boire un verre de vin et discuter des affaires politiques 43. Les patrons des clubs similaires tels que l’Étoile de France, la Société de la Rue Garenne ou la Société de l’Union, sont principalement des travailleurs, des artisans ou des petits commerçants, attachés les uns aux autres par des liens familiaux ou professionnels, ou qui habitent dans le même quartier. Une caractéristique importante de toutes ces associations est l’absence de hiérarchie officielle et de statuts ; de plus, leurs réunions et fêtes sont parfois réputées tumultueuses. Pour le procureur, l’Étoile ressemble à « un cercle d’amis professant les mêmes idées, des opinions extrêmes » plutôt qu’à une association ; d’après lui, les pratiques politiques qu’on y trouve sont celles qu’on peut aussi trouver dans un salon 44.

À la Société de l’Union, 150 personnes participent au banquet offert aux cinq accusés impliqués dans l’affaire du Plan-de-l’Olivier qui viennent d’être acquittés par la Cour d’Aix-en-Provence, en févier 1849. Ses sociétaires quêtent également pour l’achat d’une nappe fleurdelisée comme cadeau pour le comte de Chambord, connu sous le nom du roi Henri V (qui, d’ailleurs, refuse de l’accepter) et invitent le fils d’Henri de Lourdoueix, un représentant célèbre du Droit National, à prononcer un discours devant 900 auditeurs. Chaque dimanche, les membres de l’Étoile se rencontrent pour être ensemble, boire plusieurs verres de vin et discuter de politique là où se réunissaient les membres de la Société du Jardinet au début des années 1830. Cet état de choses nous rappelle, comme écrit le procureur général plus tard, que la guinguette est un lieu de prédilection pour les activités politiques des classes populaires et constitue ainsi un milieu, difficile à surveiller par la police, qui permet aux travailleurs et artisans légitimistes leur apprentissage politique. C’est aussi ce type de milieu, caractérisé par un mélange de sociabilité et de politique, dans lequel Auguste Roustoulan, qui est le trésorier de l’Union, joue un rôle important 45. Bien que les notables soient invités à participer aux célébrations (comme la Saint Henri, le 15 juillet), ils n’en déterminent pas le déroulement. En fait, les clubs des classes populaires sont caractérisés par « un style, particulier, ostentatoire et démonstratif qu’on rencontre aussi du côté démocrate ».

Ainsi, les plus radicaux des légitimistes populaires ont davantage en commun (style, type d’organisation, thèmes de propagande, etc.) avec les partisans de la Montagne rouge qu’avec ces monarchistes qui font partie du parti de l’Ordre 46. Sous ce rapport, les documents officiels parlent parfois de la Montagne blanche dont les partisans auront « tout à gagner du désordre [et commencent à] rougir aux bords ». Ce jugement, à première vue surprenant, s’explique, peut-être, par le fait que plusieurs membres de la société de l’Union, comme le tonnelier Léotard ou le boucher Charles Damun, sont, en réalité, des « rouges ». Par conséquent, les autorités soulignent l’impact de tels clubs : là où ils existent, des candidats qui peuvent être identifiés avec la Montagne blanche ont un certain succès électoral 47.

Cette caractéristique du légitimisme dans l’Hérault, dont la plupart des historiens sous-estiment l’importance, fait du mouvement un phénomène hétérogène, voire ambivalent. En 1817, Creuzé de Lesser, en observateur sagace, prévient ses supérieurs du danger qu’elle représente : « ce département serait peut-être celui où il serait le plus impossible de revenir sur les dîmes et les droits féodaux : la moindre tentative altérerait le royalisme des habitants » 48. Les notables qui mobilisent les classes populaires pour la cause de la branche aînée font alors l’expérience du paradoxe d’une « relation entre patrons et clients [qui implique inévitablement] la réciprocité, habituellement loyauté et services en échange d’avantages et de protection » 49. Sous ce rapport, leur stratégie est profondément problématique : ils proposent d’autres plans que la seule restauration de la monarchie. Ils suggèrent que le retour des Bourbons diminuera la pauvreté et le chômage. En plus, ils créent de grands espoirs qu’ils ne peuvent honorer, plus particulièrement parce que le comte de Chambord lui-même prend ses distances par rapport à un monarchisme qui suppose le consentement populaire ainsi que la poursuite des réformes sociales. Henri V le fait d’autant plus que les royalistes populaires se livrent à des activités tumultueuses qui ponctuent le calendrier festif à l’occasion de la commémoration de la mort de Louis XVI ou de Marie-Antoinette, de son anniversaire, mais surtout de la Saint Henri. Dans ce contexte, la stratégie des notables, inspirés par les idées du Droit National, est de politiser les monarchistes populaires parce qu’elle amène ces derniers à percevoir leurs problèmes en termes socio-économiques ou politiques plutôt qu’en termes moraux.

Plan de l'Olivier. Montpellier
Fig. 4 - Plan de l'Olivier. Montpellier. (Photo : EH).

À certains égards, le type de légitimisme qu’on trouve dans les associations où se rencontre le petit peuple sous la Seconde République réinvente des « attentes millénaristes de populations peu lettrées » qui rêvent d’un meilleur monde qu’un « bon roi », un descendant d’Henri IV, leur apportera. Toutefois, la contradiction entre politisation et asservissement aux notables, préconisé par les dirigeants, est trop grande ; tandis que la première implique la pluralité des choix, le dernier exclut explicitement tout choix. Ceci suggère un mouvement, certes combatif envers ses adversaires, mais également caractérisé par des divergences entre, d’une part, partisans du Droit national et le parti de l’Ordre, et, d’autre part, notables et classes populaires 50.

Au début des années 1850, le légitimisme « possède une force considérable tant dans les classes inférieures […] que dans les rangs élevés de la société » locale 51. Cette opinion, formulée par le préfet de l’époque, est bien partagée par les historiens. Ils sont tous d’accord pour dire que Montpellier est encore une « ville blanche » vers 1852, quand les électeurs sont appelés à voter sur l’Empire. Toutefois, plusieurs études, écrites par des historiens français et étrangers, parlent d’un déclin du mouvement légitimiste dans le Languedoc méditerranéen pendant les années 1860 et 1870. Gérard Cholvy, par exemple, conclut que les légitimistes se trouvent « en position de défense et non de conquête » durant toute cette période 52. Bien que les ouvriers, les artisans et les petits commerçants représentent encore la moitié des présents dans les réunions électorales du candidat légitimiste en 1869 53, il y a un changement en cours en ce qui concerne la composition sociale du mouvement. D’abord, on observe un vieillissement de ses partisans ; les jeunes sont moins tentés de suivre les choix politiques de leurs familles. Du reste, les nouveaux venus qui s’établissent à Montpellier pendant les années 1860 (dans la mesure où ils ne sont pas originaires du nord-est du département) sont plutôt attirés, semble-t-il, par les républicains. Finalement, le petit peuple passe peu à peu, selon le procureur, « au camp de la démagogie » qui continue d’être marquée par des attentes millénaristes dont les notables royalistes tentent justement de se débarrasser 54.

Ces développements sont autant la suite des transformations de société que la conséquence d’un changement dans l’attitude des notables légitimistes. Leurs expériences, faites au début des années 1830 et sous la Seconde République en particulier, avec le légitimisme populaire ainsi que leur aversion plus générale pour la société moderne et son individualisme font qu’ils s’investissent encore plus dans la charité, s’identifient au plus haut degré à la défense des causes catholiques (par exemple, le pouvoir temporel du pape) et, finalement, créent des associations qui visent, avant tout, à encadrer et moraliser les classes populaires. Ce nouveau type d’association n’a que peu en commun avec les clubs et sociétés de la Seconde République qui étaient plutôt marqués par « une vie politique de masse ». Or, ils sont beaucoup moins attractifs pour les travailleurs et les artisans qu’autrefois. Cette évolution devient encore plus pertinente dans la mesure où une restauration de la branche aînée et une progéniture d’Henri V deviennent de plus en plus improbables. La stratégie, propagée par L’Echo du Midi dans les années 1840 qui prévoyait la restauration par la voie d’une élection à laquelle tous les hommes adultes participeraient, sera alors abandonnée, d’autant que la notion du suffrage universel, liée à celle du citoyen individuel, pose de graves problèmes pour des notables qui préconisent une société décentralisée dans laquelle les élites sociales jouissent d’une emprise sociale et politique quasi complète sur les classes populaires 55.

Ce type de sociétés, créées dans les années 1870 en particulier, offre en fait des analogies avec l’idée reçue sur les associations légitimistes comme étant des lieux de rencontre où les notables seuls font la loi et les légitimistes populaires constitueraient une masse de manœuvre. De surcroît, les travaux sur la réinvention du pouvoir symbolique des rois au XIXe siècle présentent l’image du « bon roi », comme celle d’Henri IV promue sous le règne de Louis XVIII, comme un moyen privilégié de créer, d’en haut, l’appui populaire pour la monarchie restaurée. Par conséquent, les préférences et activités politiques du menu peuple sont à peine constatées, voire même, parfois, présentées comme étant de nature non-politique. De ce fait, les études sur un éventuel « lien entre politique populaire et monarchie » sont rares 56.

Toutefois, il semble que les classes populaires se servent parfois de la monarchie et du roi pour faire valoir leurs propres desseins pendant le XIXe siècle. L’image bien connue du « bon roi » est de nature ambivalente : une figure de style qui, à l’époque du suffrage censitaire, pourrait signifier un appel au pouvoir autocratique tout autant qu’une revendication d’un souverain qui garde toujours à l’esprit l’intérêt du petit peuple. D’une certaine manière, il serait donc le symbole d’une plus grande participation du peuple dans la vie politique. Sous ce rapport, l’incident avec les filles pendant la visite de la duchesse d’Angoulême à Montpellier en 1823 est plus qu’une tentative ratée d’imiter ce qu’ont fait des hommes du Plan-de-l’Olivier, qui, en 1814, détachent les chevaux de la calèche du comte d’Artois, futur roi Charles X, et la tirent eux-mêmes jusqu’à la préfecture 57. Cet incident qui témoigne, à première vue, d’un sentiment royaliste très profond, trouve son équivalent ailleurs en Europe, par exemple, à Elbing où les citoyens réussissent, le 27 Juillet 1818, à déharnacher les chevaux du carrosse du roi de Prusse pour qu’ils puissent la tirer eux-mêmes dans leur ville, en contrariant ainsi la volonté formelle des autorités locales et du roi ! D’après l’historien Hubertus Büschel, ils expriment alors beaucoup plus que de l’enthousiasme ou de la loyauté à l’égard du souverain ; en fait, ils voudraient profiter de l’occasion pour lui demander de bien vouloir les déclarer quittes des impôts d’état et municipaux. Ainsi maintiennent-ils une vieille tradition, qui leur permet « d’honorer et de célébrer le souverain et d’obtenir un dégrèvement et de la charité » en même temps 58.

Cette tradition qui remonte au XVIe siècle, voire au Moyen-âge est d’autre part fondée sur l’application du principe « Do ut des » (je donne afin que tu donnes) comme fondement des réseaux politiques et sociaux ainsi que de la (ou : du) politique et de l’arbitrage des différends. Depuis les recherches classiques de Marcel Mauss ou Marshall Sahlins, on sait qu’un don entraîne, de manière subtile, un contre-don ; de plus, le don sert plutôt, comme l’explique l’anthropologue Sahlins, à articuler les intérêts et formuler les demandes implicites ou explicites du donneur. L’échange des dons de nature matérielle ou immatérielle crée alors des liens sociaux et politiques basés sur la réciprocité plutôt que sur la force ou la hiérarchie 59.

Dans ce contexte, l’incident d’Elbing était caractéristique car les citoyens font implicitement référence au principe de la réciprocité pendant une période au cours de laquelle la relation entre le souverain et ses sujets est en train d’être redéfinie. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi les autorités refusent énergiquement d’accepter leur demande. Tandis que les monarques du début de l’Ancien Régime auraient encore plus ou moins accepté de jouer le rôle de Landesvater (père de la patrie), ceux des XVIIIe ou XIXe siècles sont moins disposés à le faire. En réalité, la bureaucratisation de la vie politique en Prusse dès le milieu du XVIIIe siècle implique un autre rôle à jouer pour le roi. Puisque la propagande de l’époque qui avait vu le bouleversement de tant de régimes continue pourtant de présenter le roi comme elle l’a fait jadis, elle suscite une certaine attente parmi les sujets qui eux ont tout intérêt à prolonger la tradition. Pour les habitants d’Elbing, le don à l’entrée de leur ville signifie alors un appel à l’obligation morale de la part du souverain qui, en bon père de lapatrie, est supposé, particulièrement en temps de crise, prendre soin de ses sujets, qui, à leur tour, lui doivent obéissance et loyauté 60. De la sorte, ils « négocient », comme le précise Büschel, « l’exercice du pouvoir monarchique » ; « il fallait faire ainsi que le roi, au moins symboliquement, accepte son rôle de père de la patrie » 61.

Pareillement, les Montpelliérains, pour leur part, n’hésitent pas à rappeler la réciprocité d’une relation entre « le bon roi » et ses sujets ; en fait, ils se servent aussi du « soft power des impuissants face aux puissants » 62. En mai 1823, une centaine d’hommes et de femmes demandent à la duchesse d’Angoulême de l’aide matérielle, après avoir décrit les malheurs ou les maladies auxquels ils sont confrontés. Benjamin Durand, par exemple, se présente comme le « frère [d]’une des victimes des fureurs révolutionnaires, en raison de l’attachement qu’il portait à la famille auguste des Bourbons ». De surcroît, il semble se considérer lui-même comme une victime. Ses problèmes de santé seraient la conséquence malheureuse du « temps de mes services et campagnes ». Sous ce rapport, il rappelle qu’il a eu « l’honneur de faire partie des Volontaires Royaux […] sous le commandement de Votre Auguste époux », le duc d’Angoulême, en 1815. La suite de sa requête est formulée de telle manière qu’il devient difficile pour la duchesse de l’ignorer, à fortiori de la rejeter, si elle veut éviter l’impression fatale qu’elle ne se soucie pas du sort de l’ancien volontaire royal : « Si Votre Altesse daignait jeter un regard maternel sur ma supplique, je suis moralement convaincu qu’elle ne balancerait pas à adoucir mon déplorable sort, en me faisant accorder une pension quelconque qui serait sans doute de courte durée, afin de n’être pas entièrement à charge des parents […]. Tout me fait donc présager l’heureux succès de ma réclamation ».

Ainsi, Durand exerce-t-il une pression morale, qui, du point de vue tactique, est remarquable : la duchesse serait trop bonne mère pour lui refuser sa demande. Ne pouvant se présenter comme une femme sans cœur, la duchesse, bien qu’elle pu considérer la pétition comme une exigence déraisonnable, semble avoir eu peu de choix 63. À cet égard, la requête rappelle les lettres de pauvres écrites en Angleterre et en Belgique aux XVIIIe et XIXe siècles, qu’analysent Thomas Sokoll et Maarten van Ginderachter. Ces deux historiens s’inspirent de l’idée, développée par James Scott, que l’écriture des classes populaires est caractérisée par « une transcription cachée », un message qui se cache derrière les termes extrêmement respectueux envers les destinataires 64. Ce message implicite aux puissants s’exprime dans l’action des citoyens d’Elbing autant que dans les requêtes de Benjamin Durand et autres ou ceux qui célèbrent le « bon roi » Henri V. Au bout de compte, ils lancent le défi aux puissants de repenser leur relation avec le menu peuple. De la sorte, ils montrent que la monarchie a bel et bien été « une institution fondamentalement contestée ». En conséquence – et c’est l’idée-clé qui guide mes recherches – royalisme et monarchie signifient différentes choses pour différentes personnes issues de milieux différents. Ainsi, les tensions et conflits qui se révèlent parfois entre eux dans nos documents d’archives déterminent l’évolution du mouvement légitimiste à Montpellier. Le royalisme, en France et ailleurs, doit alors être considéré avant tout comme un phénomène complexe, voire contradictoire, contrairement à ce que la plupart des historiens, a quelques exceptions près, ont suggéré jusqu’ici 65.

Notes

1. Relation de ce qui s’est passé, á Montpellier, pendant le séjour de S. A. R. Madame, Duchesse d’Angouléme, les 6, 7, 21, 22 et 23 mai 1823. Montpellier, Auguste Ricard, s. d. [1823].

2. AN, F1 CIII 14, 25 octobre 1817 et 19 mars 1818, préfet.

3. AN, F1b II Hérault 15, 18 avril 1833, préfet. Le terme « carliste » est employé pour designer en particulier les plus radicaux des légitimistes.

4. AN, F1b II Hérault 7, 29 février 1840, préfet.

5. AD Hérault, 1 M 817, 4 juillet 1848, préfet (l’orthographe originale est maintenue). Voir aussi AN, BB30 380, 12 aout 1851, procureur.

6. AN, F1b II Hérault 25, 6 avril 1852, préfet.

7. André-Jean Tudesq, Les grands notables en France, 1840-1849. Étude historique d’une psychologie sociale (Paris, 1964), p. 153. Voir aussi Gérard Cholvy, Religion et société au XIXe siécle : le diocése de Montpellier. Paris, Université de Paris I, 1972 ; Raymond Huard, Le parti républicain en Bas-Languedoc 1848-1881. La préhistoire des partis. Paris, 1982.

8. Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot, sur les traces d’un inconnu, 1798-1876. Paris, 1998.

9. Hugues de Changy, Le Mouvement légitimiste sous la Monarchie de Juillet (1833-1848). Rennes, 2004 ; Steven Kale, Legitimism and the Reconstruction of French Society, 1851-1883. Baton Rouge, 1992 ; Robert Locke, French Legitimists and the Politics of Moral Order in the Early Third Republic. Princeton, 1974.

10. Jean-François Sirinelli et Éric Vigné, « Des cultures politiques ». Sirinelli, red., Histoire des droites, vol. 2, p. 3-4, p. 9. Plus généralement sur la notion et son application, voir Serge Berstein, « L’historien et la culture politique », Vingtiéme siècle. Revue d’histoire, n°. 35 (1992), p. 67-77 et, du même, « Nature et fonctions des cultures politiques », Les cultures politiques en France. Paris, 2003, p. 11-36 ; Jacques Prévotat, « La culture politique traditionnaliste », Berstein, Les cultures… p. 37-72 ; Philippe Secondy, La persistance du Midi blanc. L’Hérault (1789-1962). Perpignan, 2006.

11. Berstein, L’historien et la culture politique…, p. 75-76.

12. Ibidem, p. 75. Ibidem., p. 69-74.

13. Berstein, L’historien et la culture politique…, p. 77. Voir du même auteur, Nature et fonctions…, p. 13-14 et 34-35; Ph. Secondy, La persistance…, p. 15.

14. Bernard Rulof, " There are Many Troublemakers " in the Midi. Imagining Society and Politics in Nineteenth-Century France. European review of history/Revue européenne d’histoire, 20,1 (2013), p. 1-19. Voir aussi Pierre Karila-Cohen, L’État des esprits. L’invention de l’enquête politique en France (1814-1848). Rennes, 2008.

15. Ce sont la les questions a la base de mon livre, a paraître avec le titre provisoire suivant : Mass Politics without Parties. Popular Legitimism in Mid-Nineteenth-Century France.

16. Ronald Aminzade, Class, Politics and Early Industrial Capitalism. A Study of Mid-Nineteenth-Centwy Toulouse. Albany, 1981. p. 47-68; Brian Fitzpatrick, Catholic Royalism in the Department of the Gard, 1814-1852. Cambridge, 1983, p. 15.

17. Élisabeth Claverie, « L’« honneur » : une société de défis au XIXe siècle ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, 34, 4 (1979), p. 744-759 ; Julian Pitt-Rivers, « Honour and Social Status », Peristiany, éd., Honour and Shame : The Values of Mediterranean Society (London, 1965), p. 19-77 ; François Ploux, « La violence des jeunes dans les campagnes du Sud-ouest au XIXe siècle : ethos agonistique et masculinité ». Revue d’histoire de l’enfance « irréguliére », 9 (2007), p. 79-89.

18. Les Mélanges Occitaniques, recueil politique, religieux, philosophie et littéraire, t. 7, 1832, p. 97-101 et 112. Sur les rixes Montpellier au début des années 1830 : AD Hérault, liasses 1 M 814, 898 et 902 en particulier.

19. Les Mélanges Occitaniques…, t. 7, 1832, p. 97 et 110-112, 149-150 et 214-216 ; Archives Municipales de Montpellier [AM], 3 E 43, 27 août 1832; Pierre Clerc, Dictionnaire de biographie héraultaise des origines á nos jours. Montpellier, 2006, p. 1691.

20. Les Mélanges Occitaniques…, t. 7, 1832, pp. 112 et 116.

21. Ibidem, p. 111.

22. AD Bouches-du-Rhône [Aix-en-Provence], 2 U 2/4138, s.d., Joséphine Andrieu, épouse Trautwin.

23. AM Montpellier, 1 E Naissances 12 (11 Brumaire An XIII), 13 (19 mai 1806), 15 (19 novembre 1808), 17 (18 janvier 1810), 20 (18 février 1813), 23 (10 mai 1816), 25 (1 septembre 1818), 28 (27 décembre 1821), 31 (22 mars 1824) ; 2 E Mariages, 12 (10 Ventôse An XIII) et 44(4 février 1837) ; 3 E Décès 31 (15 septembre 1820), 37 (15 août 1826), 39 (21 janvier 1828) et 47 (6 décembre 1836), 93 (1er février 1882).

24. Ibidem, 2 E Mariages 47 (1er juin 1840) ; 3 E Décès 53 (28 juin 1842) et 98 (6 janvier 1887) ; AD Hérault, 1 M 1000, 10 août 1853, préfet ; 1 M 1013, s. d. [1861] ; 3 M 1157, 27 mai 1863, police, 2e canton ; 4 M 250, 12 juillet 1850, commissaire.

25. AD Hérault, 1 M 1000, respectivement 10 août 1853, préfet et 21 juillet 1853, Ministre de l’Intérieur.

26. Ibidem, 4 M 250, 12 juillet 1850, commissaire ; ibidem, 20 juillet 1850, commissaire, 4 M 905, 20 juillet 1850, commissaire ; AM Montpellier, 1 E Naissances, 40 (12 juillet 1833).

27. AD Hérault, 1 M 1013, s. d., [1861].

28. Ibidem., 4 M 859, s. d. [1870s].

29. AD Hérault, 3 M 1157, 27 mai 1863, police du 2e canton. Aussi 3 M 1155, 24 mars 1863, préfet et s. d. [1863]. Sur la pratique des candidatures officielles, Christophe Voilliot, La candidature officielle. Une pratique d’État de la Restauration à la Troisième République. Rennes, 2005.

30. Chaulliac, cité par Cholvy, Religion…, p. 1456. Voir aussi Archives de l’Évêché de Montpellier, 3F, visites pastorales, compte- rendu, paroisse de Saint-Mathieu, 5 mars [1866], vicaire Seyvon; AD Hérault, 6 M 511-515, Dénombrement de la population, 1851.

31. AD Bouches-du-Rhône, Aix, 2 U 2/4138, s. d., Renseignements sur le nommé Louis Marcadier ; AM Montpellier, 1 E Naissances 22 (29 juillet 1815) et 2 E Mariages, 45 (16 mai 1838).

32. AD Bouches-du-Rhône, Aix, 2 U 2/4138, s.d., Jacques Boudet.

33. AD Hérault, 1 M 1000, 10 août 1853, préfet. Ibidem, 21 juillet 1853, Ministre de l’Intérieur.

34. AD Bouches-du-Rhône, Aix, 2 U 2/4138, s. d., Requier. Pour une analyse de l’affaire du Plan-de-l’Olivier et son influence sur le mouvement légitimiste, Bernard Rulof, « The Affair of the Plan-de-l’Olivier : sense of place and popular politics in nineteenth-century Franc ». Cultural & Social History, 6, 3 (2009), p. 323-343.

35. AD Bouches-du-Rhône, Aix, s.d., Jean-Baptiste Prat ; Ibidem, 22 novembre 1848, procureur; s. d., Barthélemy Aussargues, Jean Gilles (notice Louis Marcadier), Françoise Maffre, Auguste Montredon.

36. Ibidem., s. d., Louis Marcadier. Aussi ibid., s. d., Charles Bessède, Jacques Boudet, Jean-Baptiste Prat.

37. Ibidem, 22 novembre 1848, procureur; ibidem…, s. d., Jean Gilles et Léonard de Lapeyrouse; AD Hérault, 4 M 250, 30 octobre 1848, commissaire.

38. AD Hérault, 4 M 1058, 5 mars 1849, commissaire ; AD Bouches-du-Rhône, Aix, 2 U 4/30, 17 février 1849, Gaspard Jouve et L’Écho du Midi, 17 et 19 février 1849.

39. Cholvy, Religion…, p. 262. Ibidem, p. 192-194. Sur la réinvention de la vie de château, Claude-Isabelle Brélot, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870. Paris, 1992.

40. AN, BB30 380, 14 avril 1866, procureur, cité par Cholvy, Religion …, p. 1032.

41. Ce paragraphe ainsi que les suivants sont fondés sur l’analyse des associations légitimistes au XIXe siècle à Montpellier, faite dans mon « Wine, friends and royalist popular politics : legitimist associations in mid-nineteenth-century France ». French History, 23, 3 (2009), p. 360-382.

42. B. Rulof, The Affair of the Plan-de-l’Olivier…, p. 323-343.

43. AD Bouches-du-Rhône [Aix-en-Provence], 208 U 23/98, Antoine Causse. Ibidem, Guillaume Boude, Jean Mestre. Jules de Calvières, Amédée de Ginestous, Théodore Hypert, Jean Mestre et Léonard Lapeyrouse.

44. Cité par Raymond Huard, « Montagne rouge et Montagne blanche en Languedoc-Roussillon sous la Seconde République ». Droite et Gauche de 1789 à nos jours. Montpellier, 1975. p. 148.

45. AN, BB30 366, 17 juillet 1850, police ; BB30 380, 8 juillet 1853, procureur ; AD Bouches-du-Rhône, 208 U 23/98, Jean Mestre ; AD Hérault, 4 M 905, 20 juillet 1850, commissaire et 20 juillet 1850, préfet.

46. Raymond Huard, Montagne rouge…, p. 149 ; AN, BB18 1461, 1er août 1848, procureur et BB30 360, 8 septembre 1848, procureur ; AD Hérault, 1 M 817, 4 juillet 1848, préfet.

47. AN, BB30 380, [mai] 1850, procureur ; AD Hérault, 4 M 905, 20 juillet 1850, commissaire et 20 juillet 1850, préfet.

48. AN, F1 CIII 14, 25 octobre 1817, préfet.

49. R. J. Morris, « Introduction. Civil Society, Associations and Urban Places : Class, Nation and Culture in Nineteenth-Century Europ », Graeme Morton et al, réd., Civil society, associations and urban places: class, nation and culture in nineteenth-century Europe. Aldershot, 2006, p. 14-15.

50. Jean-Clément Martin, Permanence de la royauté ?, Hélène Becquet et Bettina Frederking, La dignité de roi. Regards sur la royauté au XIXe siècle. Rennes, 2009, p. 191 ; Raymond Huard, La naissance du parti politique en France. Paris, 1996, p. 123-126 ; Roger Price, People and politics in France, 1848-1870. Cambridge, 2004, p. 83-84.

51. AN, F1 CIII 9, mars 1854, préfet.

52. G. Cholvy, Religion…, p. 1044.

53. Sur les réunions électorales en 1869, voir AD Hérault, les liasses 1 M 1021,3 M 1161 et 4 M 261.

54. AN, BB30 380, juillet 1857, procureur. Sur les changements du recrutement social, voir également AD Hérault, 1 M 817, 4 juillet 1848, préfet ; G. Cholvy, Religion …, p. 1030-1050.

55. R. Huard, Montagne rouge …, p. 149. Voir Sudhir Hazareesingh, From Subject to Citizen. The Second Empire and the Emergence of Modern French Democracy. Princeton, 1998, p. 96-161 ; Kale, Legitimism, p. 89-206 ; Pierre Rosanvallon, Le sacre du citoyen. Histoire intellectuelle du suffrage universel en France. Paris, 1992.

56. Henk Te Velde, « Cannadine, Twenty Years on. Monarchy and Political Culture in Nineteenth-Century Britain and the Netherlands », Jeroen Deploige et Gita Deneckere, réd., Mystifying the Monarch. Studies on Discourse, Power, and History. Amsterdam, 2006, p. 203. Voir aussi Becquet et Frederking, La dignité de roi ; Natalie Scholz, Die imaginierte Restauration. Repräsentationen der Monarchie im Frankreich Ludwigs XVIII. Göttingen, 2006 ; Richard Wortman, Scenarios of Power Myth and Ceremony in Russian Monarchy from Peter the Great to the Abdication of Nicholas II. Princeton, 2006.

57. B. Rulof, The Affair…, p. 332 ; Renaud de Vilback, Voyages dans les départemens formés de l’ancienne province de Languedoc. Paris, 1825, p. 308-335 ; J.-P. Thomas, Mémoires historiques sur Montpellier et sur le département de l’Hérault. Paris, 1827, p. 37.

58. Hubertus Büschel, « Die sanfte Macht der Machtlosen. Rituale, Glückwünsche und Geschenke : Preussens Untertanen und ihre Könige um 1800 ». Historische Anthropologie, 15 (2007), p. 94 ; Ibidem, p. 83, 93-96 et 100 et Untertanenliebe. Der Kult uni deutsche Monarchen 1770-1830. Göttingen, 2006, p. 307-313 et 317 ; B. Rulof, The Affair…, p. 331-332 et 337-338.

59. Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », originalement publié dans Année Sociologique, 1923-1924 : Marshall Sahlins, Stone Age Economics. Chicago, 1974. Sur l’application en France : Nathalie Zemon Davis, The Gift in Sixleenth-Century France. Madison, 2000.

60. H. Büschel, Die sanfte Macht…, pp. 90-92 et 96-102 et Untertanenliebe…, p. 96, 253-262, 329-351.

61. H.Büschel, Untertanenliebe…, p. 307 et 313. Ibidem, p. 329.

62. H. Bûschel, Die sanfte Macht…, p. 102.

63. AD Hérault, 1 M 498, s. d., Benjamin Durand ; E. Thomas, Mémoires historiques…, p. 39-41.

64. James C. Scott, Domination and the Arts of Resistance. Hidden Transcripts. New Haven, 1995 ; Aussi Thomas Sokoll, Essex Pauper Letters, 1731-1837. Oxford, 2001 ; Maarten Van Ginderachter, « Public Transcripts of Royalism. Pauper Letters to the Belgian Royal Family (1880-1940) ». Deploige and Deneckere, Mystifying the Monarch, p. 223-234.

65. H. Te Velde, Cannadine…, p. 203.