Description
A l’épreuve de l’histoire :
la destruction de la statue équestre de Louis XIV à Montpellier
(2 octobre 1792)
* Attaché de conservation du patrimoine. Membre effectif de l’Académie florimontane d’Annecy
À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, dans le cadre de la politique de propagande monarchique de Louis XIV , des effigies à son image se multiplient dans tout le royaume. Des statues équestres du roi sont élevées à Paris, Dijon, Rennes et Lyon. La ville de Montpellier manifeste elle aussi son attachement à Louis XIV et participe à son culte. Le projet d’aménagement d’une place royale sur la colline du Peyrou s’impose : en 1691, est élevé l’arc de triomphe, réalisé sur les plans de François d’Orbay, les travaux étant dirigés par l’architecte Charles-Augustin Daviler.
Ensuite est dressée, dans l’axe de l’arc, une statue équestre de Louis XIV : financée par les États du Languedoc, cette statue de bronze est commandée en 1686 ; elle est l’œuvre de deux sculpteurs parisiens, Pierre Mazeline et Simon Hurtrelle, tous deux de l’Académie royale de peinture et de sculpture, sous le contrôle de Jules Hardouin-Mansart. La statue est transportée de Paris à Montpellier, via Le Havre, Bordeaux, la Garonne et le canal du Languedoc. À Montpellier, placée sur un socle dessiné par Robert de Cotte , élève d’Hardouin-Mansart, elle est élevée le 10 février 1718 et inaugurée solennellement le 27 février 1718.
La Révolution française : la chasse aux emblèmes de l’Ancien Régime
Dès le 23 juin 1790, un décret, voté par l’Assemblée, abolit la noblesse héréditaire, les titres, les signes de féodalité et les armoiries. Un autre décret, le 14 août 1792, autorise la destruction des symboles de l’Ancien Régime :
« L’Assemblée nationale, considérant que les principes sacrés de la Liberté et de l’Égalité ne permettent point de laisser plus longtemps sous les yeux du peuple français les monuments élevés à l’orgueil, aux préjugés et à la tyrannie. Considérant que le bronze de ces monuments, converti en canons, servira utilement à la défense de la Patrie, décrète :
Article premier : toutes les statues, bas-reliefs et autres monuments en bronze, élevés sur les places publiques, seront enlevés par les soins des représentants des communes qui veilleront à leur conservation provisoire.
Article deux : les représentants de la Commune de Paris feront sans délai convertir en bouches à feu les objets énumérés à l’article premier.[…]
Avec la chute de la monarchie, le 21 septembre 1792, la Révolution française part définitivement en guerre contre les symboles, les attributs et les représentations royales. Face à cette succession de mesures révolutionnaires, certains monuments montpelliérains connaissent des dégradations et des destructions : un des exemples les plus représentatifs est sans aucun doute celui de la statue équestre de Louis XIV.
Les réflexions sur l'avenir de la statue de Louis XIV
À compter d’août 1792, à Montpellier, les autorités révolutionnaires réfléchissent et certains citoyens hésitent quant au sort à réserver à cette statue dont la qualité artistique est reconnue. L’administration départementale prend plusieurs arrêtés, dont on conserve la trace dans ses délibérations : le 18 août 1792, le conseil du département arrête que la statue équestre de la place royale du Peyrou sera « enlevée et que les artistes seront invités à présenter un programme pour le remplacement de cette statue sur le piédestal ». Le 29 août 1792, le conseil du département confirme sa volonté de « détruire et soustraire des yeux des administrés tout ce qui pourrait leur rappeler l’ancien despotisme ».
Cette statue ayant toujours été considérée comme un chef-d’œuvre des arts, les autorités et des citoyens craignent de se voir reprocher « ce que nous reprochons aujourd’hui aux barbares qui détruisirent les chefs d’œuvre de la Grèce et de l’Italie ». Aussi, il est envisage de détruire le cavalier et de ne conserver que le cheval afin d’en faire un symbole de la Liberté. La statue équestre doit être démolie, le piédestal, dont on enlèvera les inscriptions, sera conservé, et des artistes sont invites à présenter dans les trois mois un projet. Celui-ci devra « remplacer le tiran (sic) par un monument qui transmettra à la postérité l’heureuse révolution qui, en faisant sortir le peuple français de l’esclavage et en l’affranchissant du joug des despotes » le rend libre. Cet arrêté confirme celui du 18 août relatif à l’enlèvement de la statue équestre du Peyrou : l’administration décide d’en déléguer l’exécution à la municipalité de Montpellier et l’invite à le faire dans le plus court délai ; elle sursoit à tout projet de remplacement jusqu’à ce que la valeur du bronze soit connue. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2013 |
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Nombre de pages | 5 |
Auteur(s) | Julien COPPIER |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |