Un siècle et demi de production verrière dans les hauts cantons héraultais :
l’atelier industriel du Bousquet-d’Orb (fin XVIIIe – milieu XXe s.)

* Centre Camille Julian-Université de Provence.
** Chercheur associée LA3M- CNRS.
*** Archéologue. Association G.R.A.L.
**** IRAMAT – CNRS UMR 5060 – Orléans.

Introduction

Le territoire du Bousquet-d’Orb, situé dans les hauts cantons héraultais, a connu un développement industriel florissant depuis la Révolution, et ce jusqu’au milieu du XXe siècle comme en témoigne encore très largement son architecture. L’implantation d’une activité verrière à partir de la fin du XVIIIe siècle dans ce secteur, s’inscrit dans cette dynamique industrielle. Elle semble ainsi avoir été principalement dictée par la présence d’un vaste bassin houiller qui traverse la région de Graissessac (fig. 1a et b). Un peu partout dans le Royaume, on assiste au développement des implantations de verreries, lié à l’adoption d’un nouveau combustible, le charbon, associé à une production, l’emballage. Il accompagne une diminution des ateliers verriers artisanaux et forestiers au profit d’une concentration de manufactures autour des zones minières comme portuaires.

Plan aquarellé de la verrerie à la fin du XVIIIe siècle
Fig. 1a - Plan aquarellé de la verrerie à la fin du XVIIIe siècle « Vue perspective de la verrerie royale du Bousquet » (sources AD-34 d'après le fond documentaire des M.H.)
Extrait du cadastre napoléonien de 1826
Fig. 1b - Extrait du cadastre napoléonien de 1826 figurant l'emprise
des bâtiments de la verrerie.

Une étude historique et archéologique de la verrerie a été réalisée durant l’été 2009 et visait à documenter, en urgence, les derniers vestiges d’un site déjà très largement détruit depuis 2004 1. L’atelier, qui a produit exclusivement des bouteilles durant près de deux siècles, avant de d’éteindre ses feux en 1955, constitue l’une des dernières infrastructures de ce type encore en élévation en Languedoc avec la fabrique de Carmaux.

Très peu de travaux ont été réalisés avant ces dernières années. En 1993, Alain Riols avait cependant effectué une première recherche sur l’une des principales familles de verriers du Languedoc, les Riols de Fonclare, dont une branche avait œuvré au sein de la verrerie de Saint-Martin-d’Orb de 1846 jusqu’en 1914 2. Jusqu’en 2004, date à laquelle fut détruite une grande partie des infrastructures de l’usine, le site n’avait donc généré que très peu d’intérêt chez les archéologues et historiens. Toutefois, le démantèlement des bâtiments suscita, par les efforts conjugués des équipes du Conseil Général de l’Hérault, du Service Régional de l’Inventaire et des Monuments Historiques, la constitution rapide d’une documentation assez complète de la verrerie. Parmi ces travaux, la contribution de Michel Wienin, spécialiste du patrimoine industriel languedocien, apporte de solides bases de connaissances quant au fonctionnement des fours verriers au charbon 3.

Ne subsiste aujourd’hui de cette verrerie, que la première halle 4, désormais transformée en locaux municipaux, ainsi qu’une partie résiduelle des espaces inférieurs de la deuxième halle. C’est cet ensemble architectural, très largement dégradé, qui a fait objet de la présente analyse ; l’étude de bâti ayant été associée à un travail de recherche documentaire réalisé principalement à partir de fonds privés.

L’arrivée d’un nouveau combustible : le charbon de terre

La construction de la verrerie du Bousquet-d’Orb à la fin du XVIIIe siècle s’inscrit dans une transition importante pour l’activité verrière. C’est à cette période, partout en Europe et dans un contexte de pénurie et d’inflation financière du bois, que les verreries se développent au voisinage de nouveaux combustibles pouvant assurer la pérennité de leurs activités 5.

Si dans la première moitié du XVIIIe siècle les verreries du Royaume fabriquent de tout pour répondre à une demande, les verreries à charbon, à la fin de ce même siècle, vont se tourner vers une mono production : emballages et verre à vitre. L’autre particularité de l’industrie verrière méridionale, à cette époque, réside dans l’investissement d’équipements modernes. Les premières fabriques alimentées au charbon sont équipées de fours à cave 6. Bordeaux implante dès 1723 la première manufacture de ce type, important du charbon d’Angleterre (Bonneau, Figeac 2007, 23), suivie par Bourg-sur-Gironde en 1726, Lyon en 1727, Nantes et Chaillot en 1728 (Wienin 1998, 172). En Languedoc, deux autres sont installées sur les houillères de Carmaux, près d’Albi, en 1758 et à Hérépian en 1768, autour de la mine de Graissessac (Saint-Quirin 1985, 191). Et c’est dans ce contexte qu’en 1749, Givors s’implante à l’embouchure du Giers et du Rhône, près du bassin charbonnier de la Loire (Belhoste 1998, 14). Il faudra attendre 1778 et 1785 pour Marseille et 1782 et 1784 pour Arles et Gémenos pour que les quatre premières manufactures provençales modernes, produisant 400 à 500 000 bouteilles par campagne, allument respectivement leurs fours au charbon.

Historique de la verrerie Royale et industrielle

Les espaces de bassins houillers de l’arrière-pays héraultais, autour du secteur de Graissessac, constituent une bonne illustration de ces nouveaux choix d’implantation. D’autre part, avec l’avènement du verre noir, foncé et robuste, l’industrie du verre a trouvé, dès le XVIIIe siècle, ses lettres de noblesses pour la conservation des liquides, en particulier pour le conditionnement des vins de l’Hérault.

En 1784 apparait pour la première fois dans les textes un projet d’atelier sur ce territoire. Érudit local et passionné de géologie, l’abbé Martel entreprend la création d’une exploitation de mines de charbon de terre dans un lieu appelé le Bousquet de Grajau, dans la vallée de l’Orb, sur la commune de Camplong 7. Concessionnaire des mines en 1777-1778, il demande l’autorisation au roi d’ouvrir une verrerie et l’obtient en 1784. Une première halle est donc édifiée en 1785. À cette même date, la verrerie est vendue à Antoine-François-Martin Rey qui se porte acquéreur d’une nouvelle parcelle et fait construire la verrerie composée d’un logement pour la direction et les employés, d’un pilon et du premier four. La verrerie acquiert le statut de « manufacture royale » en 1789, tout comme la proche officine d’Hérépian qui en avait déjà obtenu le titre en 1763. En cette fin du XVIIIe siècle, elle est d’ailleurs visitée par les encyclopédistes auteurs de l’Encyclopédie méthodique qui en ont notamment décrit la fabrication du verre 8.

En 1797, la verrerie change à nouveau de propriétaire et Etienne-Germain Pellet, également propriétaire majoritaire des mines de Graissessac, en devient le principal gestionnaire. D’après Michel Wienin, il serait l’initiateur de la construction de la deuxième halle située immédiatement à l’est du four 1 entre 1826 et 1839. À partir de 1839, la compagnie Usquin, propriétaire des autres mines de Graissessac se porte acquéreur de l’ensemble des mines et donc de la verrerie. Elle continue cependant de louer la verrerie à des artisans-verriers, tels la famille des Riols de Fonclare, de 1840 et 1863. C’est durant cette phase de transition que Michel Wienin situe le passage au gaz de houille comme carburant, plus précisément entre 1856 et 1860 9.

La deuxième moitié du XIXe siècle semble témoigner d’une inégale croissance de l’établissement, jalonnée parfois de grandes difficultés économiques jusqu’en 1891. En 1863, la verrerie est en liquidation ; ingénieur des mines et directeur des mines de Graissessac, M. Simon engage des fonds dans la fabrique afin de maintenir et relancer l’activité. La production semble donc reprendre, comme en témoigne l’état des lieux dressé par C. Saint-Pierre dans sa synthèse sur l’industrie héraultaise. Il y est mentionné la présence de trois fours en activité, qui requièrent chacun la présence de 30 à 35 ouvriers. L’usine occupe donc plus de 120 personnes en permanence et produit des bouteilles en verre clair, en verre noir et en verre rouge ainsi que des bombonnes pouvant atteindre une contenance de 70 litres 10. Un procès qui se déroule entre 1876 et 1878 témoigne également de cette reprise de l’activité et renseigne sur la présence d’une troisième halle, abritant au moins un four 11. Les années 1880 semblent pourtant marquer un retour des difficultés et les inventaires historiques internes à la verrerie mentionnent même une cessation d’activité momentanée en 1887.

L’établissement parvient enfin à se stabiliser définitivement semble-t-il, à partir de 1891, lorsque la Société des verreries de Carmaux en assure la gestion. Les fours sont entièrement reconstruits et il faut souligner le soin qu’apporte la Société à doter la verrerie des dernières innovations techniques. En parallèle, la construction d’une ligne de chemin de fer reliant le Languedoc avec les régions plus septentrionales, jusqu’à Paris, permet d’exporter plus facilement les produits finis.

En 1902, après avoir loué la verrerie du Bousquet depuis une dizaine d’années, la compagnie des Verreries de Carmaux en fait l’acquisition ; par la suite, en 1948, c’est Saint-Gobain qui sera le dernier propriétaire. Certains espaces sont désormais totalement abandonnés et d’autres entièrement remaniés à la faveur d’une mécanisation complète de la fabrication des bouteilles. La verrerie comptait donc au total cinq fours, aménagés autour de trois halles ayant vocation à produire du verre ; tous n’ont cependant pas fonctionnés simultanément. Après quelques années de déclin progressif, l’usine ferme définitivement ses portes en 1955.

Analyse architecturale des vestiges de la deuxième halle

Au sein de la deuxième halle, seule une partie de la structure de chauffe, ou partie basse, vouée à l’alimentation des deux fours qui composaient cet ensemble a été conservée (fig. 2). La maçonnerie restante présente une longueur de 25,60 m et une largeur de 24,20 m, pour une hauteur moyenne de 4 mètres. Cet ensemble, constitué de nombreux et successifs couloirs de tirage, figure désormais l’unique vestige des extensions de la verrerie réalisées au cours des deux derniers siècles.

Les élévations encore en place mettent plus particulièrement en valeur, en dépit des très nombreuses campagnes de restaurations bien visibles, trois grandes phases de fonctionnement.

Vue générale, depuis le nord, des élévations encore visibles de la deuxième halle
Fig. 2 - Vue générale, depuis le nord, des élévations encore visibles de la deuxième halle (cl. I. Commandré)

L’état 1 nous renseigne sur la construction primitive de cette deuxième halle, probablement édifiée entre 1826 et 1839 (fig. 4). Implantée à proximité du premier ensemble verrier, elle fait montre d’une architecture très proche de la première structure de chauffe du Bousquet en adoptant un traditionnel plan en croix. À l’instar d’autres établissements verriers de la même époque, telle que l’officine d’Arles, la partie basse du four est organisée selon quatre grands couloirs de chauffe qui se croisent à la perpendiculaire.

Cette première édification semble toutefois témoigner d’un particularisme dans la mesure où la halle intègre deux fours, et donc un système de double croix (fig. 3). En 2004, Michel Wienin, qui réalisait les dernières observations du four avant sa destruction, notait la présence de « deux tunnels croisés [qui] montrent une structure d’origine comparable à celle du four n°1 » 12. Ces quelques indications complétées par la couverture photographique réalisée en parallèle permettent de proposer l’hypothèse que la deuxième halle, dont la superficie était deux fois supérieure à celle du premier four, a pu recevoir deux fours fonctionnant avec un long couloir central d’orientation est-ouest et dont il ne resterait que quelques voûtes et murs. Il devait être recoupé par deux couloirs établis dans la largeur (nord-ouest) auquel aurait appartenu le couloir amorcé par l’arc central encore présent sur la façade sud du bâtiment.

Vue de détail de l'un des conduits primitifs du système de chauffe au charbon de terre
Fig. 3 - Vue de détail de l'un des conduits primitifs du système de chauffe
au charbon de terre (cl. M. Caillet)
Plan des vestiges de l'état 1 encore visible sur le four
Fig. 4 - Plan des vestiges de l'état 1 encore visible sur le four (Infographie : T. Commandré et R. Rouleau à partir des relevés topographiques de G. Ditch).

L’état 2 du four marque sans nul doute le changement de combustible en usage dans la verrerie (fig. 4). Le passage au gaz de houille vers le milieu du XIXe siècle entraîne donc des modifications architecturales notables sur la structure interne, et notamment dans ses parties basses, propres à l’alimentation. Elles se traduisent vraisemblablement par la mise en place des premiers brûleurs à gaz.

Plan des vestiges de l'état 2 encore visible sur le four
Fig. 5 - Plan des vestiges de l'état 2 encore visible sur le four (Infographie : T. Commandré et R. Rouleau à partir des relevés topographiques de G. Ditch).

La documentation écrite concernant cette période demeure assez lacunaire dans la mesure où l’usine semble connaître quelques décennies de difficultés économiques ayant entrainées une fermeture temporaire dans les années 1870. Il en va de même pour les vestiges archéologiques ; l’état 2 du four a en effet été très largement oblitéré par les aménagements postérieurs. Demeurent malgré tout quelques vestiges, tels que les conduits en brique C49 et C60 qui permettent de supposer une probable désolidarisation des fours 2 et 3 au sein de cette halle.

Par ailleurs, l’installation de la troisième halle en 1876 induit inévitablement des modifications architecturales d’ampleur, notamment sur la partie orientale du bâtiment. Certains passages, et donc une partie du système en croix qui avait été mis en place dans l’état 1, sont donc condamnés. À l’inverse, de nouveaux systèmes d’ouverture et de circulation sont établis. L’état des lieux de la verrerie du Bousquet-d’Orb dressé en 1891, offre un intéressant point de synthèse de cette deuxième phase. On y apprend que le four 1 est momentanément abandonné, comme le montrent les comptes-rendus d’activité qui s’y rattachent, et que seule une des structures de chauffe fonctionne dans la deuxième halle. II est donc très probable que le four n°3, dont seul le système de chauffa a été modifié, accueille le nouveau dispositif.

En 1891, l’achat de la verrerie du Bousquet-d’Orb par la compagnie des Verreries de Carmaux marque un changement radical dans le mode de production, dont l’état 3 du four étudié ici se fait très largement l’écho. À partir de 1892, les archives mentionnent en effet la reconstruction des trois fours de l’établissement héraultais, travaux d’ampleur qui annoncent une nouvelle ère d’acquisition technologique et de mécanisation avec l’arrivée du four à gazogènes Siemens et des machines à bouteilles Lynch et Boucher.

La halle n°2 accueille désormais deux fours à bassins, qui constitueront parfois le seul espace de production de l’usine, comme ce fut le cas durant la première Guerre mondiale. Les modifications architecturales sont donc notables ; pour le four n°3, elles prennent la forme d’un remaniement complet de sa partie centrale. Cette dernière oblitère donc définitivement le système de conduit en croix à cet endroit et reçoit un nouveau système : quatre tunnels destinés à alimenter deux doubles brûleurs sont installés dans la partie supérieur de la halle. Au cœur de cette organisation, une pièce centrale, ayant vocation à recevoir les vidanges régulières des bassins implantés au niveau supérieur, est également construite (fig. 6a, b et c).

Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3
Fig. 6a - Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3 (cl a et c : Conseil Général de l'Hérault, cl b : I. Commandré).
Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3
Fig. 6b - Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3 (cl a et c : Conseil Général de l'Hérault, cl b : I. Commandré).
Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3
Fig. 6c - Vue de détail de la pièce centrale destinée à la vidange du verre et des conduits caractéristiques de l'état 3 (cl a et c : Conseil Général de l'Hérault, cl b : I. Commandré).

Cette nouvelle phase est plus particulièrement remarquable par son usage exclusif de la brique, qu’elle soit réfractaire ou non. Ces choix de construction, certes plus économiques, vont toutefois induire de très fréquentes et nombreuses campagnes de restauration. Les derniers témoignages oraux des verriers, et notamment ceux de J. Meynier, recueillis par le Conseil général de l’Hérault, ainsi que les vestiges encore en place attestent des très régulières reconstructions de ces parties basses du four, probablement avant chaque réveillée. D’après le plan établi en 1951, les machines automatiques de type Boucher sont les dernières à avoir été utilisées sur le four n°3. Il semble que la transition entre l’usage d’un four à bassin et ce nouveau type de technologie qui concerne principalement la partie « laboratoire », n’ait pas eu d’incidence notable sur les couloirs de circulation des parties basses du four.

Enfin, à partir de 1928, la halle n°2 va progressivement être délaissée au profit de la halle n°3. Le dernier état, soit l’état n°4, connu par le four 3 se manifeste donc par la transformation des anciens conduits en magasins, les différents espaces et recoins étant utilisés pour le stockage.

L'état 3 du Four : Les vestiges d'une structure de chauffe au gaz unique en France ?

Dans son rapport préalable à la destruction de la verrerie en 2004, Michel Wienin a relevé l’intérêt que présentait la conservation du four n°3 encore en partie préservé dans la deuxième halle. Ces vestiges témoignent encore largement d’un système de chauffe basé sur des régénérateurs thermiques 13 avec ses quatre tunnels T 123, T 122, T 39 et T 79 ainsi que la salle où le verre est récupéré (fig. 7). D’après les schémas théoriques, seuls deux couloirs reliés à un foyer, à une prise d’air et à une cheminée sont nécessaires au fonctionnement. Ce système a donc pour principe de récupérer l’énergie dégagée lors de la combustion du gaz de houille. La présente étude archéologique a pu reprendre et compléter son explication en apportant des informations d’ordre matériel. Au cours de cette analyse, les différents aménagements évoqués par Michel Wienin ont pu être repérés, identifiés et vérifiés, malgré la destruction d’une partie des installations en 2004. Les fumées chaudes produites par le foyer (combustion du gaz avec air complémentaire) sont normalement acheminées dans un premier tunnel rempli de briques empilées qui se réchauffent à leur contact. Elles sont ensuite évacuées par une cheminée. Dans le second tunnel, de l’air à température ambiante est envoyé par un compresseur sur les briques empilées et chaudes.

Plan des vestiges de l'état 3 encore visible sur le four
Fig. 7 - Plan des vestiges de l'état 3 encore visible sur le four (Infographie : I. Commandré et R. Rouleau à partir des relevés topographiques de G. Ditch).

L’air ainsi réchauffé vient à son tour alimenter le foyer. Dans un troisième temps, le système est inversé l’air frais passe par le premier tunnel puis monte au foyer pour l’alimenter tandis que le deuxième tunnel est à son tour réchauffé par les fumées chaudes. Cet apport d’air chaud vise ainsi à améliorer la combustion (fig. 8a et b).

Vue des dispositifs de fermeture des tunnels et des empilages de briques réfractaires
Fig. 8a - Vue des dispositifs de fermeture des tunnels et des empilages de briques réfractaires (T 39 et T 122) (cl. I. Commandré et M. Caillet)
Vue des dispositifs de fermeture des tunnels et des empilages de briques réfractaires
Fig. 8b - Vue des dispositifs de fermeture des tunnels et des empilages de briques réfractaires (T 39 et T 122) (cl. I. Commandré et M. Caillet)

Si l’on met en correspondance ces informations avec les structures qui ont été étudiées et mises au jour, l’alimentation des gazogènes, est située directement sous le bassin, implanté en niveau supérieur de la halle. L’air frais, récupéré en partie basse de la halle, vient alimenter la combustion grâce à l’action de deux doubles brûleurs, figurés par quatre conduits T 39, T 79, T 122 et T 123. Ces structures sont disposées de part et d’autre de la salle de vidange du verre. Les fumées récupérées sont dirigées sur les empilages de briques du tunnel T 39 par les conduits aménagés dans la voûte (fig. 9). Elles sont ensuite évacuées vers une cheminée en passant par un conduit enterré sous le tunnel. En corollaire, l’air frais acheminé dans l’autre conduit se réchauffe au contact de l’empilage et monte en direction des deux trappes situées dans la voûte de T 79 pour alimenter la combustion du gaz. Ce système de chauffe s’effectue donc davantage de manière verticale qu’horizontale.

Coupe Est-ouest des aménagements internes caractéristiques du système de chauffe à régénérateur thermique
Fig. 9 - Coupe Est-ouest des aménagements internes caractéristiques du système de chauffe à régénérateur thermique
(Infographie : I. Commandré à partir des relevés topographiques de G. Ditch).

Les vestiges archéologiques présentés ici constituent un cas unique. Seules les sources écrites et iconographiques des fabriques ayant utilisé le gaz comme comburant peuvent être mises en perspective avec celles du Bousquet-d’Orb. Aussi, comme le signale Michel Wienin, « ce système de récupérateur thermique a été le premier mis au point au niveau industriel pour les installations lourdes comportant un foyer […] ce type de structures a été relativement répandue entre les années 1850 et 1920 dans de nombreuses usines du monde entier mais, comme beaucoup d’équipements de ce genre, il a été détruit quasi-systématiquement lors de modernisation ou de mises hors-service » 14.

Élément de comparaison : la verrerie de la Bocca en Provence à la fin du XIXe s

Le four à bassin alimenté par un système de chauffe à gazogène implanté dans l’enceinte de la verrerie du Bousquet-d’Orb en 1891 se fait l’écho d’une nouvelle technologie qui se développe de manière systématique sur l’ensemble du territoire français à partir de 1876. M. Charbonnaux à Reims est le premier à équiper sa verrerie de ce four de modèle Siemens, originaire d’Allemagne. Suivent entre 1876 et 1881 d’autres grands patrons verriers: Dupuy à Lyon, Neuvesel à Givors, Richarmé Lanoix et la Grande Compagnie à Rives-de-Giers, Bellevue à Saint-Etienne, Laroque, Roche-Belle, Faubourg d’Auvergne à Alais, Queylard à Pont-de-Vivaux puis Verminck à Montredon dans les faubourgs de Marseille.

La documentation archéologique ainsi constituée quant au fonctionnement au gaz du Bousquet-d’Orb durant les dernières décennies du XIXe siècle trouve un parallèle complémentaire avec les analyses des sources écrites et iconographiques de la verrerie de la Bocca à Cannes réalisées par Laurence Serras 15. Louis Négrin en est le propriétaire. C’est, à cette époque, l’une des plus importantes fabriques du Midi qui produit des emballages pour l’agro-alimentaire provençal ainsi que pour les célèbres parfumeries de Grasse. En 1878, Louis Négrin visite dix verreries du bassin lyonnais au Languedoc récemment équipées du système Siemens avant de faire évoluer son four (fig. 10a, b, c). Il fournit une description détaillée ainsi que des plans constituant une source unique et inédite pour comprendre ce type de four, jusqu’alors peu documenté (Fond Louis Jourdan/AD06/8J/8-9 ; Serra 2011).

Verrerie à gazogènes de Givors, Rives-de-Giers et d'Alais
Fig. 10a-b-c - Verrerie à gazogènes de Givors, Rives-de-Giers et d'Alais. Croquis de Louis Negrin, 1878 (AD 06/8J/8, 9)

À technologie équivalente, la verrerie de la Bocca diffère toutefois de celle du Bousquet-d’Orb dans le choix du combustible utilisé. En effet, contrairement à ce qui a cours généralement en Europe à cette époque, la Bocca utilise toujours du bois. Ceci s’explique par le fait que celui-ci est plus accessible et moins cher que le charbon de terre, dans le département du Var, région très boisée. Autres points de divergence, l’usine provençale est implantée à côté de la mer, d’où elle tire le sable. Contrairement à la fabrique languedocienne, elle produit tous types de verres en fonction de la demande ; sa production principale étant néanmoins liée au soufflage des bouteilles, bonbonnes et bocaux.

La destination des emballages est plus diversifiée, comestibles et flacons pour parfums ou pharmacie et connaît une diffusion plus vaste jusqu’en Italie. Le Bousquet-d’Orb, quant à lui, est entièrement destiné au conditionnement du vin Languedocien. En revanche, en Languedoc comme en Provence, l’implantation de cette industrie induit une demande multiple en savoir-faire. L’usine a besoin en permanence de maçons pour son four, de ferronniers pour la confection des outils et des moules en fonte, de menuisiers et de vanniers pour la confection des caisses et des paniers et d’un maréchal ferrant pour les soins apportés aux chevaux. C’est pourquoi le pôle verrier constitue un véritable centre économique attractif. Dans le dernier quart du XIXe siècle, pour l’une comme pour l’autre, l’édification des voies de chemin de fer intègre les usines dans son tracé, facilitant ainsi les livraisons de matériaux et la diffusion des produits fabriqués (fig. 11).

La verrerie du Bousquet-d'Orb et sa station ferroviaire, quelques années avant sa fermeture
Fig. 11 - La verrerie du Bousquet-d'Orb et sa station ferroviaire, quelques années avant sa fermeture (carte postale ancienne collection privée J.L. Vayssettes)

Le four Siemens

La verrerie s’équipe d’un four à 10 creusets et d’une seule halle, alors que le Bousquet est équipé de deux espaces de travail en 1891 comme Givors, Rives-de-Giers et Alès par exemple (fig. 10a, b et c). Il ressort des notes de Louis Négrin les difficultés que demande la construction et l’entretien d’un four moderne chauffé par un système au gazogène Siemens (AD06/8J/1).Ces difficultés et divers tâtonnements sont inhérents au réaménagement de l’ancien four de 1868 (fig. 12a et b).

Lors de la première mise en route, l’auteur précise : « J’ai construit le four à gaz en suivant exactement les plans de M. Siemens. Comme four il a très bien marché mais il s’est produit divers inconvénients. Les sièges ont été faits en sable, les plateaux qui le composaient quoique cuits ont fait encore une retraite énorme et laissent ainsi des joints considérables entre eux, il en est de même des pièces formant les canaux d’arrivée de gaz et de l’air. Par les intervalles laissés entre les plateaux, le verre et le sel, s’écoulent et tombent dans les poches à verre d’où il m’a été impossible de l’enlever, ne m’en étant pas aperçu au premier moment. Aujourd’hui, cette masse de verre s’est décomposée et forme un corps d’une dureté considérable. Je suis obligé pour pourvoir d’arrêter le four. Ce chômage forcé me permettra de boucher parfaitement les joints de plateaux. Les maçons sont occupés à reconstruire le four à bois » (AD06/8J/187).

Plan du four à gazogènes par chambres à gaz et à air de Saint-Marcel à Marseille
Fig. 12a-b - Plan du four à gazogènes par chambres à gaz et à air de Saint-Marcel à Marseille. Croquis de Louis Negrin, 1879 (AD 06/8J/2 ; Serra 2011, 144)

Le 6 novembre 1876, la seconde mise en route du four à gaz demande de l’attention et dure trois semaines. « Un trop violent chauffage a entamé la fusion du coulis et à provoqué un dérangement dans le placement des briques des conduits. Il est à déplorer un encrassement toujours considérable des poches par suite de la rupture de deux creusets (verre blanc et verre vert). La rupture pourrait être attribuée au refroidissement subit des creusets causé par l’appel d’air violent qui se produit des ouvreaux à la cheminée ». De fait, il part visiter le four de son homologue, de Queylar à Saint-Marcel, à Marseille, pour voir comment améliorer le sien. Il comprend que chez lui, les arrivées de gaz dans le grand four sont moins usées parce que les pots sont moins remplis… De plus, il faut compter environ une semaine entre la mise à la fonte et le commencement du travail. À force d’essais, le fonctionnement s’améliore et le four est enfin utilisé le 26 janvier 1877. « Chaque place possède son four à recuire les bouteilles. Le four fonctionne depuis deux mois il a déjà été refait deux fois. Le four travaille continuellement avec trois places de chaque côté…, soit en tout douze places. …Les murs du four sont faits avec les briques qui mesurent de 40 cm de longueur sur 40 cm de largeur, l’épaisseur est d’à peu près 25 cm. Il y a trois ouvreaux de chaque côté qui doivent avoir 60 cm de largeur sur 40 cm de hauteur, ils sont à 0,80 m au dessus du plan de travail. Le bassin à 0,50 m de profondeur. Il est toujours plein de verre. Le mur de séparation des deux bassins à 0,80 m d’épaisseur. Il dépasse le niveau du verre d’a peu près 0,15 m. Il est traversé par un canal de 0,20 m de largeur, il n’y a point de cheminée d’appel, l’air circule librement. Le mur peu se réparer en laissant un peu de verre dans les bassins. Les appareils de manœuvre du four sont placés en dessous du four, il faut passer dans les caves pour les manœuvres. Les chambres sont activées sous un des bassins du four et sous l’autre bassin se trouve une fosse avec des appareils de distribution. Le four marche depuis deux mois et a toujours donné de bons résultats. Il se produit quelquefois des grains, c’est surtout lorsqu’on retire trop de verre à la fois. Les compositions sont frittées mais renfournées froides. On ne voit pas beaucoup de poussière dans le four au moment du ré-enfournage » (AD06/8J/l/15).

Les pots et bassin à fusion continue

Plan du bassin à fusion continue de la verrerie de la Bocca
Fig. 13 - Plan du bassin à fusion continue de la verrerie de la Bocca. Croquis de Louis Negrin, 1879 (AD 06/8J/2)

Les pots ou creusets, en terre réfractaire, hérités d’un artisanat millénaire ont été remplacés à la fin du XIXe siècle par l’utilisation d’un grand bassin rectangulaire appelé bassin à fusion continue (fig. 13). À la Bocca les deux fonctionnent simultanément. Un inventaire dressé en 1891, lorsque la Société des Verreries de Carmaux devient locataire de la fabrique du Bousquet-d’Orb, semble faire état du seul usage de creusets. Ces pots sont disposés de façon circulaire et en face de chacun d’eux se trouve une dalle mobile en terre réfractaire permettant le service. « J’ai gardé le souvenir d’un creuset qu’il avait fallu sortir, encore à moitié plein de verre fondu je le vois toujours tiré à grand peine lors de l’embrasement du four, au moyen de longues barres de fer, par des hommes revêtus d’une longue robe d’amiante arrivé sur le bord du four, il bascule, et c’est alors un flot de verre fondu, incandescent, qui s’écoule en une nappe éblouissante sur le sol de la halle, se gonflant de larges bulles qui crèvent les unes après les autres. » (AD06/Jourdan 1938, 13).

Lorsque l’on analyse ce récit avec un regard contemporain, on remarque que ce ne sont pas des ingénieurs extérieurs ou des ouvriers spécialisés qui viennent construire et mettre en route ce four complexe qui comporte des risques d’incendies ou d’exposions, mais le maître-verrier lui-même, de façon quasi empirique, avec ses maçons, ses potiers, ses ouvriers qui trient la terre avec leurs pieds.

Les composantes des verres

Quatre échantillons de verre provenant de fouilles effectuées sur le site de la verrerie du Bousquet-d’Orb ont été analysés : trois d’entre eux sont des fragments de verre vert clair, le dernier est un morceau de scorie d’aspect noir. Ils sont rattachables au dernier curage du bassin, dans la première moitié du XXe siècle. Les résultats obtenus montrent que les trois échantillons de verre ont une composition identique et qu’ils appartiennent à la famille des verres calco-sodiques. La scorie a une composition très différente et s’apparente plus à un verre alumino-calcique, composition qui n’est pas sans rappeler celle des verres à bouteilles du début du XIXe siècle ou celle des scories de la verrerie Trinquetaille à Arles. Si l’on se réfère aux compositions de verre publiées pour le début du XIXe siècle (Berthier 1834), les verres étudiés de la verrerie du Bousquet-d’Orb se placent au sein des verres calco-sodiques utilisés pour les vitres, les miroirs et les pivettes (petit flaconnage). Les teneurs publiées par Berthier correspondent à des productions de Venise, Saint-Gobain et Nemours et d’autres ateliers non précisés, l’intérêt de l’auteur étant plus de décrire les compositions en fonction du type de production que de l’origine du verre. On remarquera aussi que la composition de la scorie se rapproche de celles des verres à bouteilles publiées par Berthier.

Diagramme ternaire Na2O-CaO-K2O+MgO : répartition des principales compositions de verres
Fig. 14a - Diagramme ternaire Na2O-CaO-K2O+MgO : répartition des principales compositions de verres industriels produits au XIXe siècle en fonction de leur utilisation (d'après les analyses de l'époque).

Un autre texte, publié en 1876 par Camille Saint-Pierre, mérite aussi notre attention. Dans ce texte Saint-Pierre donne la composition des fontes utilisées à la verrerie du Bousquet-d’Orb pour la production de verre à bouteille clair, il y précise que des bouteilles noires ainsi que des bouteilles de teinte rougeâtre, obtenues par ajout de manganèse, sont aussi produites. La recette mentionne l’utilisation de 20 parts de sables du lit de l’Orb, 10 parts de marne, 1 part de sulfate de soude, 1 part de sel marin et 3 parts groisil. Si l’on admet que le sable apporte essentiellement de la silice, que la marne apporte principalement de la chaux, de l’alumine mais aussi un peu de silice, de fer et de potasse, que le sulfate de soude et le sel marin sont les principaux vecteurs de soude et enfin que le groisil à une composition proche de celle de ce mélange, on obtient un verre principalement alumino-calcique qui renferme au maximum 3 % de soude. Les constituants principaux, qui représentent près de 95 % de la composition du bain, sont de fait la silice, la chaux et l’alumine apportées par le sable et la marne. La soude incorporée sous forme de sulfate et de chlorure représente donc moins de 3 % du bain (le chlore et le soufre ne se retrouvant pas dans le verre).

Si l’on interprète maintenant les résultats obtenus sur les échantillons analysés à la lumière de cette recette, on constate que les trois échantillons de verre, qui sont sodo-calciques, ne correspondent pas aux productions décrites par Camille Saint-Pierre. À l’inverse, la composition de la scorie apparaît compatible avec cette recette.

Il semble donc fort probable que les trois échantillons de verre étudiés proviennent d’une phase d’exploitation de la verrerie du Bousquet-d’Orb plus récente que celle décrite par Camille Saint-Pierre. Il faut donc peut être voir dans ces échantillons, qui ont une composition qui se rapproche plus de celle mesurée pour les verres produits au XXe siècle par les verreries de Montredon, Rives de Gier ou Givors, des témoins de la production du XXe siècle de cette verrerie. Les très faibles teneurs en chlore de ces verres sodiques, qui traduisent l’emploi d’une soude industrielle plutôt que de cendres de plantes, confirment cette hypothèse. Par contre la scorie dont la composition correspond au domaine de teneurs décrit par la recette de Saint-Pierre pourrait correspondre à une période de production située dans le courant du XIXe siècle.

Positionnement des verres et de la scorie étudiés du Bousquet-d'Orb sur le diagramme ternaire Na2O-CaO-K2O+MgO
Fig. 14b - Positionnement des verres et de la scorie étudiés du Bousquet-d'Orb sur le diagramme ternaire Na2O-CaO-K2O+MgO comparaison avec d'autres productions des XIXe et XXe siècles. On observe que la scorie se positionne dans le domaine de composition des bouteilles tandis que les verres se retrouvent dans celui des verres sodiques utilisés pour les vitres et le petit flaconnage.
Tableau des principaux constituants des verres et de la scorie provenant de la verrerie du Bousquet-d'Orb
Fig. 15 - Tableau des principaux constituants des verres et de la scorie provenant de la verrerie du Bousquet-d'Orb : les teneurs sont données en % massique d'oxydes pour les principaux constituants et en parties par millions (ppm) d'oxydes pour ceux présents à l'état de traces (1ppm=0,000l % ; l % = 10 000 ppm).

Conclusion

L’histoire de la verrerie du Bousquet-d’Orb offre donc l’image d’un établissement moderne, qui voit très largement évoluer ses modes de productions au cours de sa période d’activité, depuis le choix des matières premières et des combustibles, jusqu’à la mise en oeuvre des pièces produites. Elle se fait l’écho de l’implantation – vers le milieu du XVIIIe siècle – des verreries au charbon de terre dans la région, à la faveur des concessionnaires des mines et non plus des gentilshommes verriers 16. De la même façon, et à l’instar de schémas déjà mis en évidence en Languedoc oriental ou en Provence, cette officine participe pleinement du phénomène d’absorption des petites unités artisanales, et parfois même proto-industrielles comme ce fut le cas pour la fabrique de Trinquetaille à Arles, au profit des grandes compagnies industrielles, propriétaires des sites d’extraction 17. La documentation écrite associée à cette verrerie, très abondante et encore sous forme d’archives privées, serait appelée à être compulsée de manière exhaustive afin de dépasser le cadre de cette simple étude. L’analyse des sources disponibles pour la fabrique la Bocca en Provence, désormais dépouillée de tout vestige par une urbanisation galopante, offre ici un contrepoint intéressant aux données architecturales subsistant en Languedoc.

Cette activité longue de près de deux siècles, phénomène unique semble-t-il dans la région, observée à l’étude de la deuxième halle, présente donc un aperçu assez conséquent de l’évolution technologique du mode de production du verre, et ce, en dépit du fait que chaque occupation oblitère assez largement la précédente. De fait, la verrerie du Bousquet réussit l’exploit technique d’adapter toujours ses infrastructures à l’évolution des équipements. En revanche, la fabrique de la Bocca ferme ses portes en 1899, faute d’améliorer ses modes de productions et surtout face à la concurrence directe des grands centres verrier de la Loire (autour de la mine de Givors) favorisés par l’axe rhodanien qui aboutit au port de Marseille, ce que ne subit pas le Languedoc. Comme l’ont déjà soulignés certains travaux, si les verreries alimentées au bois périclitent rapidement face à cette nouvelle industrie, les établissements fonctionnant au charbon de terre connaissent à leur tour très vite des périodes difficiles, ne pouvant faire face à la rapidité et au coût des avancées techniques. À l’augmentation du volume des bâtiments, la verrerie du Bousquet-d’Orb, associe une transformation profonde de ses infrastructures, dont le four étudié ici témoigne largement. De l’armature architecturale originelle avec ses couloirs en croix, comme à Cannes, se dégagent d’autres états, dont celui du système de chauffe des régénérateurs thermiques qui serait à ce jour, un unicum en France.

Bibliographie

AMOURIC, FOY 1984 : Henri AMOURIC, Danielle FOY, « La verrerie en noir de Trinquetaille à la fin du XVIIIe siècle (Arles) », in Archéologie du Midi Médiéval, 1984, t.2, p. 151-161.

AUBARET ETALII 1985 : AUBARET, BRUGUEROLLE, CASTEL, TURC, NEGRONI La verrerie de Rochebelle : étude historique, technique et architecturale, Centre culturel scientifique et technique d’Alès, Alès, 1985, 12 p.

BERTHIER 1834 : Pierre BERTHIER, « Traité des essais par la voie sèche : ou, Des propriétés, de la composition et de l’essai des substances métalliques et des combustibles. À l’usage des ingénieurs des mines, des exploitants et des directeurs d’usines », Thomine, Paris, tome 1, 1834, p. 460-466.

COMMANDRE-CAILLET 2010 : COMMANDRE (I), CAILLET (M) « La verrerie moderne du Bousquet-d’Orb (Hérault-34) : éléments de connaissance de la deuxième halle (fin XVIIe-XXe s.) » in : Bulletin de l’A.F.A.V. 2009. Trappes, 2010, p 129-137.

DIDEROT, D’ALEMBERT, 1788-179 : Denis Diderot et Jean le Rond D’Alembert, Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières ; par une société de gens de lettres, de savants et d’artistes, Suisse, 1788-1790 – (Section 3 planches 8, 9 et 10).

RIOLS 1993 : Alain RIOLS, « Une famille de gentilshommes verreries au XIXe siècle, les De Riols de Fonclare, à la verrerie industrielle du Bousquet-d’Orb », in : Archéologie et histoire des Hauts Cantons, Bulletin de la société archéologique et historiques des hauts cantons de l’Hérault, 1993, n°16, p. 121-131.

SAINT-PIERRE 1865 : Camille SAINT-PIERRE, « L’industrie du département de l’Hérault », dans Études scientifiques, économiques et statistiques, 1865, 67-77 p.

SERRA 2011 : Laurence SERRA, « Le verre comme mode d’emballage en Provence à l’époque moderne et contemporaine. Industrie, productions, commerce (1720-1920) », Thèse de doctorat en archéologie et histoire de l’Art sous la direction de Danièle Foy, Centre Camille Jullian, Aix Marseille Université, deux volumes, 2011.

WIENIN 1998 : Michel WIENIN, « La mutation de la verrerie du Languedoc oriental entre le XVIIIe et le XXe siècle », in : De la verrerie forestière à la verrerie industrielle du milieu du XVIIIe siècle aux années 1920, actes du 11e colloque de l’A.F.A.V., Albi, 1998, p. 169-179.

Notes

1. COMMANDRE CAILLET 2010.

2. Alain Riols, Vice-président de l’AFAV, ancien Chargé de mission valorisation du Patrimoine archéologique et historique au Conseil général de l’Hérault. Cf RIOLS 1993.

3. Notice du Bousquet-d’Orb inédite déposée au Service des Monuments Historiques et au Service régional de l’Inventaire. Voir aussi WIENIN 1998.

4. Une halle correspond à l’espace de travail bâti qui accueille les fours.

5. Exception faite de la verrerie de la Bocca, à Cannes qui fonctionnera uniquement au bois (SERRA 2011, 144).

6. Verrerie Françoise à bouteilles fonctionnant au charbon, sur le modèle de celle de Sèvres, par comparaison avec le modèle anglois. Encyclopédie Diderot et d’Alembert, section 3, planches 8, 9, 10.

7. Dossier des Monuments Historiques, 2007, p. 2.

8. DIDEROT ET D’ALEMBERT 1788-1890, p.479.

9. GUIRAUDON 2007, p.5

10. SAINT-PIERRE 1865, p 70 à 73.

11. AD 34/6J/15.

12. WIENIN 2004, p. 2.

13. WIENIN p. 3.

14. Voir note 3.

15. SERRA 2011, p.136-145. L’analyse qui suit est directement extraite de ce travail de recherche dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue en décembre 2011.

16. WIENIN 1998, p.172

17. AMOURIC FOY 1984 et WIENIN 1998.