Description
Thésaurisations et paléomonnaies du Bronze final méridional et du Launacien
* Directeur de Recherche au C.N.R.S. Laboratoire d’Anthropologie. Université de Rennes, 35042 Rennes Cedex.
1 - Les dépôts de l'Age du Bronze
En 1910, dans son célèbre « Manuel » J. Déchelette définit le dépôt comme un « lot d’objets n’appartenant pas à une sépulture mais dont le groupement dans un espace restreint résulte cependant d’un même enfouissement intentionnel ». Le pionnier de l’Âge du Bronze en France, E. Chantre, avait déjà classé les dépôts en « trésors », « dépôts de haches » et « fonderies ». J. Déchelette réduit ce nombre à deux catégories, dépôts de fondeurs avec culots de fonte, lingots, etc. et dépôts simples ne contenant aucune pièce indiquant une exploitation industrielle. Mais il note que cette dernière catégorie peut être divisée en offrandes religieuses ou « votives » et cachettes ou trésors. C’est implicitement reconnaître une trilogie qui a été admise jusqu’à nos jours. G. Verron, dans une proposition d’étude statistique des dépôts (1973, 610), reprend cette distinction classique et reconnaît ainsi les trois raisons dans les enfouissements le « commercial ou économique », le « technique » (fonderie) et le « religieux » mais il note que ces trois facteurs peuvent entrer dans de multiples combinaisons.
Les études récentes sur les dépôts ont quelque peu modifié ces conceptions. La séparation entre dépôts de fondeur et dépôts de marchands (stocks d’objets « neufs ») s’est quelque peu affinée. Cette première optique un peu pragmatique et laissant supposer une société essentiellement mercantile, bien qu’on ait toujours reconnu quelques dépôts « votifs », s’est transformée dans une interprétation plus large de ces enfouissements. Le dépôt est un phénomène de société de l’Âge du Bronze. Il correspond à des fabrications d’objets dépassant largement les besoins locaux et même l’alimentation des échanges extérieurs. Ceci vaut aussi bien pour les grandes productions atlantiques que pour celles du monde continental lié aux ex-« Champs d’Urnes », devenus les dépôts du groupe R.S.F.O. (Rhin – Suisse – France-orientale). On peut même se demander si dans un monde moins cartésien que le nôtre les notions de religieux et de rôle pratique ne pouvaient être plus intimement mêlées. G. Gaucher a remarqué pour certains dépôts comme ceux de Cannes-Écluse, Seine-et-Marne (Gaucher, Robert 1967), que des objets de rebut avaient été brisés par une curieuse torsion en vrille. Il posait la question de savoir si ce bris n’était pas un geste rituel avant enfouissement. Ceci pouvait remplacer l’option pratique où le bris des objets était considéré comme une solution pour mieux les faire rentrer dans les creusets destinés à les refondre. En dehors de ces considérations internes aux dépôts on a souvent remarqué que les lieux d’enfouissement en milieux humides ou marais dénotaient pour certains « dépôts de fondeur » une probable volonté de geste votif (Rosnoën, Finistère).
Ce caractère votif des dépôts s’est accentué à l’extrême Bronze final à une époque où l’apparition de la sidérurgie a obligé à une reconversion des productions bronzières. Les bronzes produits en grande quantité dans certaines régions comme l’Armorique ou l’Hérault semblent avoir eu d’autres fonctions que l’utilisation domestique. Les théories se sont diversifiées entre l’objet d’échange soit sous forme de lingots soit sous forme de système « prémonétaire » soit encore sous forme d’objets de culte ou de parure. On rappellera à ce sujet la savoureuse opinion de G. et A. de Mortillet, quelque peu libres-penseurs, émise dans leur « Musée Préhistorique » de 1881 : « Lorsque le fer est arrivé, la domination religieuse et l’orgueil aristocratique, qui s’appuient toujours sur le passé, se sont emparés de la hache de bronze pour en faire un objet votif, rituel et un signe de distinction. » […]
Informations complémentaires
Année de publication | 1994 |
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Nombre de pages | 4 |
Auteur(s) | Jacques BRIARD |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |