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Description

Spiritualistes et matérialistes à la conquête du vote féminin.
L’exemple de Montpellier en 1944-1945

* Professeure honoraire CNRS, agrégée d’histoire.
** Professeur agrégé d’histoire- Chercheur au laboratoire CRISES, Université Paul Valéry, Montpellier III.

Le 12 novembre 1944 l’Union féminine civique et sociale organise un premier débat sur le vote féminin à la Sorbonne. Cette séance inaugurale était présidée par Gaston Tessier, membre du CNR et dirigeant de la CFTC. Les discussions amenèrent une distinction essentielle entre les partis « spiritualistes » comme le MRP qui défendent la famille et l’enseignement libre, et les partis « matérialistes » considérés comme athées : parti communiste mais aussi SFIO et parti radical. Cela montrait bien l’enjeu qu’allaient prendre les premières élections libres avec l’irruption du suffrage féminin. Spiritualistes et matérialistes allaient lutter pour capter ce nouvel électorat.

L’obtention du droit de vote et d’éligibilité accordé aux femmes en 1944 est un progrès qui établit enfin l’égalité politique entre les sexes, après plus d’un demi-siècle de débats et de luttes pour les Françaises. Il ne s’agit bien évidemment pas de reconstituer ici cette longue histoire, même si, à l’échelle locale et régionale, il y aurait bien des investigations à mener sur le sujet. Il est souvent considéré comme acquis que les femmes se sont mises à voter la première fois lors des élections municipales d’avril-mai 1945, sans plus de considérations sur le processus qui les a amenées à rentrer pleinement dans la citoyenneté. Pour le dire autrement, on a souvent oublié qu’entrer dans le vote, qu’exercer son nouveau droit, n’était pas quelque chose d’évident pour nombre de citoyennes. De même, ce changement induit pour les organisations politiques un changement de paradigme. Il faut désormais compter avec un corps électoral élargi. Pour beaucoup de dirigeants des formations politiques, le vote féminin apparaît comme un mystère, voire comme une menace, dans tous les cas comme une variable inconnue et difficile à maîtriser.

Au temps du Front populaire

Face au vote des femmes, les positions d’avant-guerre étaient variables. À droite certains envisageaient la possibilité d’un suffrage familial articulé à leurs convictions conservatrices. À gauche, les réponses étaient plus contrastées. La culture radicale, et dans une certaine mesure socialiste, véhiculait une méfiance vis-à-vis du vote féminin au nom de la laïcité, principe cardinal aux yeux des héritiers de Combes. Ce point avait bloqué les tentatives de l’entre-deux-guerres. Si le gouvernement Blum comptait dans ses rangs trois femmes nommées, le Front populaire n’avait pas pour autant accordé le droit de vote aux Françaises et ce malgré la présence des communistes en son sein et à l’assemblée de juin 1936. Ces derniers en effet, étaient certainement les plus en pointe sur la question. Dès 1925, le parti a mis en avant son positionnement en faveur du vote des femmes en présentant des candidates aux élections municipales dans la banlieue rouge mais aussi à Avignon où une liste est conduite par « Mmes Antoinette Bellot, manœuvre au P.-L.-M., et Angèle Rame, coiffeuse » 1. Jouant sur un vide légal quatre candidates sont élues mais invalidées. L’Humanité peut alors fustiger les partis de la gauche bourgeoise : « Affolées par le succès enthousiaste remporté par nos camarades femmes, les autorités du Bloc des Gauches s’apprêtent à tenter une manœuvre de chantage de dernière heure. Ces politiciens, si lâches et si pitoyables devant les forces réactionnaires, veulent tenter d’influencer nos camarades en affirmant qu’ils déclareront nuls les votes exprimés sur les camarades femmes et ne les compteront pas ». Dans les années 1930, la campagne réclamant le suffrage féminin se poursuivit, en s’appuyant notamment sur l’expérience espagnole où le vote des femmes n’avait pas empêché la victoire du Frente popular.

Cependant cette configuration politique est totalement rebattue à la Libération avec notamment une forme d’hégémonie culturelle des partis de gauche qui s’appuie sur le prestige de leur implication dans la Résistance alors même que le Midi blanc qui a soutenu le maréchal Pétain se trouve marginalisé. À la Libération, à Montpellier et dans sa région la question est de savoir comment se positionner face à cette nouvelle situation politique. Spiritualistes sur la défensive et matérialistes conquérants y répondent avec des stratégies et des pratiques qui leur sont propres.

« Droits des femmes, pouvoir des hommes »

Face à la grande inconnue, paroles et écrits

Les enjeux du vote des femmes pour l'Église catholique

Les « matérialistes » face au vote des femmes

Première expérience du vote

Conclusion

Notes

Informations complémentaires

Année de publication

2024

Auteur(s)

Hélène CHAUBIN, Richard VASSAKOS

Nombre de pages

12

Disponibilité

Téléchargeable au format pdf