Pour le centenaire de la naissance de Jean Capel,
commandant Barot (1910-1944), chef du maquis Bir-Hakeim

Jean Capel
Jean Capel

Jean Capel est né en 1910 à Toulouse. Sa famille fait partie de la notabilité de la commune héraultaise de Lamalou-Les-Bains. Son grand-père maternel, le docteur Belugou, a été longtemps Maire de la petite ville. Son père issu lui aussi d’une famille de notables a ouvert à Nice un cabinet d’assureur.

Jean Capel suit des études secondaires, puis travaille au cabinet de son père à Nice. Touché par les idées marxistes, il milite dans les rangs communistes dès 1931 et assure jusqu’en 1936 la fonction de secrétaire de cellule du parti communiste à Nice. En 1936, il quitte Nice pour Paris où il suit des cours et des conférences de sociologie et d’économie politique. C’est dans cette ville qu’il rencontre Suzanne Darrénougué, élève de l’école des Beaux Arts qui devient Madame Capel.

En 1939, Jean Capel est mobilisé comme soldat de deuxième classe au 281ème régiment d’infanterie. Il part dans les Alpes où il est affecté à un bataillon de skieurs. Après l’armistice et sa démobilisation, il s’installe à Toulouse. Dans la ville rose, il se créé une situation professionnelle particulière, celle d’intermédiaire entre les docteurs et les travailleurs assujettis aux Assurances sociales. Son affaire prospère rapidement 1. Jean Capel gagne largement sa vie. Il pourrait vivre heureux, sans souci du lendemain : il entre en Résistance.

Bien que sa motivation réside dans l’espoir que la Libération de la France s’accompagnerait du triomphe du communisme, il s’engage dans le mouvement de Résistance «  Combat  » qui s’organise à Toulouse au printemps de 1942. Durant l’été 1942, Jean Capel entre en contact avec le commandant Rigal, chef de l’Armée Secrète (AS) de Toulouse. Il s’intègre peu à peu au réseau local de l’AS. Son domicile, 14 rue Caraman à Toulouse, devient un bureau où l’on fabrique des fausses pièces d’identité, un centre de renseignements et un lieu de recrutement. Avec l’invasion de la zone sud, le 11 novembre 1942, Jean Capel se fixe comme objectif principal, la réalisation d’une école de cadres de la Résistance pour préparer la Libération du pays. Ce projet va être dynamisé, en mars 1943, par les premiers départs pour le Service du Travail Obligatoire (STO). Les premiers réfractaires toulousains viennent frapper à la porte de la maison Capel.

Le 25 mai 1943, Jean Capel fonde avec Christian de Roquemaurel dit «  RM  » le maquis de l’Estibi dans un hameau à quinze kilomètres de Villefranche de Rouergue (Aveyron).

Ce maquis regroupe une quinzaine d’étudiants. Il est baptisé «  Bir Hakeim  » du nom du plus glorieux fait d’armes des Forces Françaises Libres en Libye. Jean Capel conservera jusqu’à sa mort la haute direction de ce maquis 2. Le 2 juin 1943, le lieutenant colonel Alfred Sarda de Caumont dit «  Pagnol  » ou «  Rosette  », chef maquis de la Région 4 (Midi Pyrénées) reconnaît l’organisation créée par le «  commandant Barot  ». Ainsi le maquis école de l’Estibi est pris en tutelle par le Service National Maquis présidé par Michel Braut dit «  Jérome  ». Jean Capel organise un Corps Franc qui, par des coups de main sur la région toulousaine ravitaille le maquis «  Bir Hakeim  ».

Le 25 août 1943, le maquis «  Bir Hakeim  » déménage sur le plateau de Douch, dans l’Hérault, à proximité de Bédarieux. Il y est attaqué par les troupes d’occupation le 10 septembre 1943 et doit alors trouver refuge à Benou (Pyrénées atlantiques). Le même jour. Jean Capel, averti par sa mère, doit quitter Toulouse et se réfugier au château d’Auriac sur Vendinelle appartenant à Monsieur de Bonnefoy dit «  Monsieur Lebrun  ». C’est dans ce refuge que le «  comman-dant Barot  » entre dans la clandestinité et rencontre Michel Braut venu voir sa femme réfugiée, elle aussi, au château. Une relation de sympathie s’établit entre les deux hommes. En octobre 1943, Jean Capel et le maquis «  Bir Hakeim  » sont mis par Michel Braut au service de la Région 3 (Languedoc Roussillon + Aveyron). Le Quartier Général du maquis est déménagé à Montpellier (Hérault), 14 rue du Maréchal, au début du mois de novembre 1943. Jean Capel entre alors au service du chef régional des maquis de l’AS de la Région 3, Pavelet dit «  Villars  ». Le 2 décembre 1943, le maquis «  Bir Hakeim  », fort de treize hommes, s’installe à Terris (Gard). Ici encore, Jean Capel et ses hommes s’illustrent par des coups de main audacieux contre les dépôts de l’État français.

Fin janvier 1944, de Martel dit «  Delaunay  » confie à Jean Capel la mission de regrouper les maquis de l’AS du Gard et de la Lozère sous son unique commandement. Le «  commandant Barot  » va alors user de son image pour essayer de réaliser cette mission : «  Barot  » en impose à tous par sa belle prestance et ses allures de gentleman. Toujours rasé de près, le corps moulé dans une vareuse à martingale, le béret noir tiré sur l’œil, il jette dans le camp comme une note d’élégance. On devine l’homme cultivé, très maître de soi, à l’aise partout, beau parleur, très diplomate, il garde dans les moments critiques une assurance et un sang froid qui confondent l’adversaire. Si celui-ci s’emporte, «  Barot  » sourit dédaigneusement. Il hait farouchement les occupants et ceux qui pactisent avec eux, il n’est pas de stratagème qu’il n’invente pour les berner. La fausse carte d’intendant de police dont il est porteur lui permet de franchir n’importe quel barrage et lui vaut, par surcroît, le salut déferrent des gendarmes ou des Allemands préposés à la surveillance  »3.

Cependant le maquis «  Bir hakeim  », pourchassé par les Allemands dans le département du Gard, doit trouver refuge dans les Cévennes lozériennes. Il s’installe à La Picharlerie au début du mois de mars 1944. Jean Capel et les «  Biraquins  » mettent alors rapidement sous tutelle le maquis école de La Picharlerie de Marceau Lapierre et une partie de la brigade «  Montaigne  » installée au Galabartès. Mais la mission de Capel attise des résistances fortes de la part des chefs des différents maquis cévenols. Bien que le «  commandant Barot  » soit confirmé dans son statut de chef des maquis de l’AS du Gard et de la Lozère à la fin mars 1944, il échoue dans ses tentatives de regroupement du maquis de Lasalle de René Rascalon et du maquis d’Ardailles du Pasteur Olivès. Les chefs cévenols reprochent aux «  Biraquins  » leur insouciance du danger, leurs provocations vis à vis de l’occupant et leurs ambitions hégémoniques. Les évènements de Saint Etienne Vallée Française (entre le 8 et le 12 avril 1944) vont provoquer la mise en accusation de Jean Capel. Il est convoqué, le 3 mai 1944, à La Glanière (Gard) sur la route de Thoiras à Lasalle. Le chef adjoint de l’AS du Gard, Marcel Cassagne dit «  Signoret  » veut le traduire devant une sorte de conseil de guerre du maquis. Le «  commandant Barot  » répond point par point à ses détracteurs mais doit se soumettre à quitter la région des Cévennes avec son maquis dans les plus brefs délais2. Il s’exécute. De Fons, Jean Capel, alors à la tête d’un maquis de 80 à 90 hommes pourchassés par les troupes d’occupation mais aussi par les GMR et les Miliciens, tente de récupérer un parachutage d’armes à Caux à proximité de Clermont l’Hérault (Hérault). Au retour de cette expédition, le «  commandant Barot  » et ses hommes doivent se réfugier à l’Hôtel du Fangas sur le Mont Aigoual avant de s’installer à La Parade où le maquis est décimé et Jean Capel tué au combat le 28 mai 1944. Son corps est inhumé le 29 mai 1944 au cimetière de La Parade dans la fosse commune des «  Biraquins  », puis dans le caveau de la famille Abriol le 28 octobre 1944.

Jean Capel sur un brancard de transport avant son ensevelissement
Jean Capel sur un brancard de transport
avant son ensevelissement
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A la Libération Jean Capel, le soldat de deuxième classe de l’armée des Alpes, est promu au grade de lieutenant colonel à titre posthume et fait chevalier de la Légion d’Honneur 4. Le lieutenant colonel Alfred Sarda de Caumont rédige alors en l’honneur de Jean Capel, le mémoire de proposition suivant : «  Commandant du maquis «  Bir Hakeim  », résistant de la première heure, d’un patriotisme ardent et d’une bravoure tenant à la légende, a pris part de mai 1943 à novembre 1943 à des opérations offensives contre les dépôts de l’État français et contre les troupes d’occupation. Incomparable chef de coups de main, toujours au milieu de ses hommes, dirigeant leur action et leur donnant l’exemple. A écrit par son héroïsme une page de gloire dans le livre des maquis de la région de Toulouse. Passe en janvier 1944 dans le Gard. A été tué au combat de La Parade le 28 mai 1944  ». Le Quartier Général Suprême des Forces Interalliées, à la Libération, décide de remettre mille certificats aux Résistants français en reconnaissance des services exceptionnels rendus aux Armées Interalliées. «  Le nom de Jean Capel a été enregistré au Quartier Général des Forces expéditionnaires Alliées à cause de son héroïque conduite lorsqu’il était sous mon commandement lors de la Libération de son pays en 1944-1945. Signé : Supreme Commander Eisenhower  »5.

Les affinités politiques de Jean Capel ne sont révélées au grand jour qu’à l’occasion de la ré-inhumation de ses cendres à Lamalou les Bains le 2 décembre 1945. La cellule locale du parti communiste prend ce jour là le nom de «  cellule Jean Capel  ». En effet le seul mot d’ordre sous le signe duquel s’était fondé le maquis «  Bir Hakeim  » était «  La politique de la Libération  ». C’est la seule qui fut pratiquée à «  Bir Hakeim  ».

Sources

Nous remercions l’AERI qui nous a autorisés à publier cette biographie qui figure dans le CD-Rom La Résistance en Lozère, Paris, 2006. Nous ajoutons les trois discours prononcés en 1945 lors de l’inhumation de Jean Capel à Lamalou, dont nous devons la disposition à M.Y. Bresdin, neveu de Jean Capel.

Notes

 1.  René Maruejol et Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeim, Nîmes, 1982, 243 pages, pp. 191-192.

 2.  Évelyne et Yvan Brès, Un maquis d’antifascistes allemands en France 1942-1944, Montpellier, 1987,349 pages, p. 162 et p. 168.

 3.  René Maruejol et Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeim, Nîmes, 1982, 243 pages, pp. 33-34 et p. 58.

 4.  AD Lozère 7 W 453. Lettre de Madame Anna Rousseau à Madame Capel, 26 octobre 1945.

 5.  René Maruejol et Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeimn, Nîmes, 1982, 243 pages, pp. 203-204.

Discours prononcés aux obsèques (2 décembre 1945)
de Jean Capel dit « commandant Barot »
du Maquis Bir-Hakeim
mort au combat à la parade le 28 mai 1944.

Discours de M. de Bonnefoy

« En avril 1945, dans un apartement du 14, rue Caraman à Toulouse, le maquis Bir-Hakeim prenait naissance.

5 jeunes hommes, cinq jeunes gens puis-je dire, s’étaient retrouvés unis par le même idéal et décidés à se sacrifier pour libérer notre pays.

Georges Coucy, un instituteur, Christian de Roquemaurel, un jeune maréchal des logis de Cavalerie, Marcel de Roquemaurel, élève de Navale au Lycée de Toulouse, Albert Darrenougue, pilote aviateur et Jean Capel, agent d’affaires à Toulouse. Quelques jours plus tard, le docteur Mallet venait les rejoindre et moi-même j’entrais immédiatement en contact avec leur chef. Parler de jean Capel (Commandant Barot, Commandant Campagne) c’est vivre en même temps l’épopée prestigieuse du Maquis Bir-Hakeim.

Je le revois sur un trottoir de la Place Esquirol à Toulouse m’expliquant avec sa flamme habituelle ses décisions, ses désirs et m’exposant les besoins en armes de son maquis.

Un mois et demi de mise au point, d’organisation clandestine… et fin mai 1943 le Maquis Bir- Hakeim prenait place dans les annales de la résistance.

A 20 kilomètres de Villefranche-de-Rouergue au hameau de Lestibie, dans une cabane de berger, 16 hommes commençaient leur instruction militaire.

Pas d’argent, peu d’armes et il fallait vivre quand même et les fermes d’alentour voyaient leurs champs travaillés par des valets de ferme, maladroits peut-être, mais ardents et volontaires.

Le Maquis grossissait toujours. Deux mois après 30 hommes… puis 56 le composaient.

En août 1943, déplacement du maquis qui s’installe à Douch (Hérault) dans le presbytère désaffecté.

10 septembre 1943… 7 heures du matin… le poste de garde est brusquement aux prises avec une colonne allemande de 400 hommes environs.

L’officier allemand commandant la colonne est tué. Le poste de garde se replie sur les positions de défense et le combat commence pour durer une heure : 3 hommes sont tués sur place : Landrieu, facteur, Alex et un G.M.R ayant rejoint le Maquis. 4 blessés sont faits prisonniers : Jean Arlet, étudiant en Droit, Edmond Guyaux, candidat à l’École Coloniale, Jacques Sauvegrain, polytechnicien, André Vasseur, Comptable. Ils devaient être fusillés à Toulouse le 9 novembre 1943 par les Allemands.

Sur ordre, le Maquis se replie infligeant 20 morts aux Allemands et emmenant avec lui 1 blessé : Sevestre, candidat à Saint-Cyr. Le Commandant Campagne fait replier son Maquis à Auriac-sur-Vendinelle près de Toulouse où ma maison et quelques fermes deviennent de véritables dépôts d’armes.

Campagne toujours souriant veillait à la réorganisation de son groupe, aidé de Georges Coucy et, le soir, l’oreille toujours aux aguets, nous formions des plans pour l’avenir.

Après avoir regroupé son maquis à Toulouse et dans les Basses-Pyrénées, le Chef ramène ses hommes au mas de Serret dans le Gard. L’effectif a grandi, l’armement a augmenté : 10 fusils mitrailleurs, 3 mitrailleuses. Tout est motorisé après un coup de main sur l’Intendance de Police de Montpellier.

Le 16 février un camion et 2 voitures entrent dans la ville de Saint-Hippolyte-du-Fort qui était cernée par les Allemands. Sous le commandement du docteur Mallet, tué lui aussi quelques temps après au cours d’une mission à Bagnères-de-Bigorre, le convoi arrive à s’échapper laissant 3 hommes sur le terrain : Guignol, Papillon et 1 Belge : Eric ; 2 blessés sont ramenés par leurs camarades. Toujours traqué Bir-Hakeim se replie sur Mas de Serret où le 26 février 1944 il est attaqué par les troupes allemandes. Le combat dure 24 heures et grâce à l’héroisme de 3 chefs qui tiennent seuls à 2 mitrailleuses, le matériel est sauvé. De notre côté, 1 mort : Julien Desandre, de Levallois-Perret, qui, blessé, a refusé de se replier et a tiré au fusil mitrailleur jusqu’à ce qu’il soit mortellement atteint. Repli du Groupe dans les Cévennes, Sainte-Croix-Vallée-Française. Attaque par 3.000 allemands. Bir-Hakeim arrive néanmoins à traverser les lignes allemandes après avoir tué les occupants de plusieurs camions. L’Aigoual et ses forêts voient arrivés nos camarades.

Le 5 mai le Groupe est envoyé en mission à Clermont-l’Hérault pour récupérer un parachutage. Un de nos éléments attaque les Allemands qui gardaient les colis et les tuent.

Repli sur La Parade dans l’Ardèche et l’aube du 28 mai 1944 se lève sur notre Maquis. A 7 heures du matin Barot-Campagne rassemble les Chefs et leur explique le nouveau système de défense. Les hommes font leur toilette, d’autres s’occupent du casse-croute. Puis un homme crie : « Les Boches !! »… De quatre côtés tout à coup à la fois arrivent des allemands mitraillant dans tous les sens. Ils sont 5.000 contre 70 hommes. Toute retraite est impossible. Les uns tombent après les autres. Déjà l’odeur du sang rend nos hommes supérieurs à eux-mêmes et leur donne le désir de venger les premiers tombés sans avoir pu se défendre. 7 h. 30. Vingt minutes de combat. Sur la gauche, au Sud, un groupe commandé par le Capitaine Lebrun vient de prendre la décision de faire une trouée. A 8 h. 05, le Capitaine Marcel de Roquemaurel part en tête suivi de son groupe. La percée semble avoir réussi mais se referme sur eux. Trois sont restés dans la tentative. Le Capitaine Lebrun tombe en criant : « Vive la France ! ». L’aide de camp et marcel de Roquemaurel sont morts en criant dans leur dernier soupir : « Vive de Gaulle ! ».

A 9 h. 15 sur la position nord. Un homme tombe au port du fusil mitrailleur. Le Commandant Barot-Campagne se met à sa place et debout, méprisant le danger, vide plusieurs chargeurs. Une rafale de mitrailleuse qui se trouve à 30 mètres derrière lui, le

… prend en plein dos… Il tombe à genoux et crie : « Vive la France ! », « Vive de Gaulle ! », une dernière rafale… Campagne tombe, il est mort avec le sourire ironique que nous lui connaissions. Il est mort en chef qui a fait plus que l’impossible. Il est 9 h. 40 : le maquis n’a plus de Commandement.

Le dernier qui vient de tomber est le Capitaine Lopez [qui] meurt à son poste de combat après avoir reçu une balle dans la main droite. Les hommes sont isolés les uns des autres, quelques uns ont pu s’échapper dans le courant de la journée. Parmi eux quelques blessés. Jusqu’à 4 heures le combat se poursuit mais les Boches n’ont pu vaincre. Nos camarades sont morts ou prisonniers. Sur 37 hommes encore vivants, 27 sont prisonniers et seront emmenés par l’Allemand.

Les jeunes du camp de Jeunesse de Merueys monteront à midi le lendemain pour enterrer les 33 morts français.

Bir-Hakeim vient de subir une saignée terrible à 8 jours du débarquement en Normandie. Nos Camarades n’ont pu palpiter au vent du 6 juin 1944 qui nous apporta tant d’espoir. Ils étaient morts… mais cependant vivants… vivants dans leurs émules des autres maquis de France.

Le sang de nos martyrs chantait dans le cœur de tous ces jeunes hommes dont la force se multiplia à l’infini. Le calvaire de Bir-Hakeim, du Vercors, des Glières galvanisait la Résistance.

Les Marseillaises de Chateaubriand, les « Vive la France » de nos morts revenaient sans cesse comme un écho dans le cœur des militants qui tramaient le long des trottoirs des rendez-vous clandestins, dans le cœur des hommes des maquis mal vêtus parfois, toujours illégaux, jamais chez eux, sans famille et sans toit.

Ils ont accepté pour leur idéal, la mortification de leur chair et de leur esprit parce que dans leur cœur résonnait encore l’écho des sacrifices de leur semblables devant les pelotons d’exécution ou en combat inégal.

Les Croix de Guerre que nous voyions sur la poitriine des survivants de Bir-Hakeim entourant aujourd’hui le corps de leur Chef attestent jusqu’à quel degré d’héroisme, l’exemple de Campagne a entraîné ces jeunes hommes.

D’ailleurs des 6 premiers pionniers de Bir-Hakeim aucun n’a été épargné : Christian de Roquemaurel, déporté, mais heureusement évadé pendant son transfert ; Georges Coucy, déporté ; Albert Darrenougue, déporté ; Marcel de Roquemaurel, tué au combat ; Docteur Mallet, tué au combat ; Jean Capel (notre Campagne), tué au combat.

Sa proposition pour le grade de Chevalier de la légion d’Honneur retrace éloquemment sa vie et son sacrifice :

« Commandant du maquis Bir-Hakeim, résistant de la première heure, d’un patriotisme ardent et d’une bravoure tenant de la légende, a pris part de mai 1943 à novembre 1943 à des opérations offensives contre les dépôts de l’État français et contre les troupes d’occupation. Incomparable chef de coup de main, toujours au milieu de ses hommes et leur donnant l’exemple. A écrit par son héroisme une page de gloire dans le livre des Maquis de France.

Passe en janvier 1944 dans le Gard. Est mort en combat à Laparade le 28 mai 1944.

Signé : Le Colonel Sarda de Caumont, alias « Rosette », Chef des maquis de R4 des Mouvements Unis de la Résistance. »

Bir-Hakeim était bien en effet la synthèse de la Résistance. Son chef jean Capel était militant communiste et de religion protestante, ses frères de combat venaient de tous les horizons politiques et de toutes les confessions. Miracle de la Renaissance de l’esprit français… La résistance a rapproché et a unis des hommes jusqu’alors divisés.

Cette union, mes chers camarades, nous devons à la mémoire de Jean Capel de la continuer et, s’il le faut, de l’imposer à ceux qui n’ont pas compris.

Mesdames, c’est avec une émotion affectueuse que je m’incline devant votre douleur.

Jean était mon ami. Dans mes soirées à Auriac, au cours de conversations fraternelles, nous connaissions les dangers que nous courions les uns et les autres, mais jamais je n’ai pu discerner en lui le moindre signe de crainte.

Il avait foi dans les destinées de la France. Il savait que la liberté d’un pays vaut bien la vie d’un homme.

Il avait fait le sacrifice de cette vie et, comme les êtres exceptionnels dont la destinée est d’être un exemplepour les autres, il est mort à 34 ans au moment où se levait l’aurore de notre Libération…

La Médaille de la Résistance et la Croix de Guerre qui lui ont été décernées sont un bien faible hommage à son sacrifice. Mais nous tous, ses camarades, nous devons à son souvenir de faire le serment de vivre comme il est mort : Pour la France. »

[Citation à l’Ordre de l’Armée Française. Jean Capel (commandant Barot) commandant du maquis Bir-Hakeim incomparable chef de coups de main, toujours au milieu de ses hommes, dirigeant leur action et leur donnant l’exemple. A écrit par son héroisme une page de gloire dans le livre des maquis de la région de Toulouse ; passe en janvier 1944 dans le Gard. A été tué en combat à La Parade le 28 mai 1944.

Citation du Quartier Général des Forces Interalliées. Le Quartier Général Suprême des Forces Interalliées a décidé de remettre mille certificats aux Résistants Français en reconnaissance des services exceptionnels rendus aux Armées Interalliées qui ont tellement facilité le débarquement et les combats qui l’ont suivi. Le nom de Capel, Demarne, Rouan a été enregistré au C.Q.G. des Forces Expéditionnaires Alliées à cause de son héroique conduite lorsqu’il était sous mon commandement lors de la Libération de son pays en 1940-1945. Signé : Supreme Commander : Eisenhower.

Sont décernées les décorations : médailles du Distinguished Service Order and Military Cross.

Le 15 août 1944, les officiers du S.A.S. Britannique sont parachutés sur Mourèze (contact avec Montaigne. Le 21 août 1944, le Captain Fowler est tué. Les 27-28 août 1944, le major Croft patrouille en zone dangereuse.]

Discours de Monsieur F. Gouges,
Maire de Lamalou-les-Bains :

C’est au nom de la ville de Lamalou-les-Bains et du Conseil Municipal que je viens apporter au Commandant Barot un dernier et suprême hommage de reconnaissance et d’admiration.

Petit-fils du regretté Docteur Belugou qui administra jadis notre station avec tant de haute compétence Jean Capel fut élève de nos écoles communales où il reçut comme tant d’autres les premières leçons de civisme et de patriotisme.

Devenu homme il devait affirmer ses qualités viriles et la Patrie occupée et souillée le trouva décidé à la lutte ardente contre l’ennemi. Son attitude dans la Résistance le désigna vite à l’attention de ses amis comme un chef énergique et courageux… Et quel chef !, c’est avec de tels hommes que la victoire est toujours assurée car ils ne connaissent pas la défaite puisqu’ils lui préfèrent le sacrifice total. Mon cher Jean, Lamalou est fière de toi, tu seras notre héros local et ton nom que porte désormais une de nos principales artères, symbolisera aux yeux de nos enfants l’héroisme et le sacrifice. Que la voix d’un peuple entier le berce en son tombeau. Oui, la population de toute la contrée est venue l’accompagner à sa dernière demeure. Chacun comprend maintenant que le sacrifice n’aura pas été vain : quand de tels enfants donnent volontairement leur vie, c’est de l’héroisme et du patriotisme qu’ils sèment, et leur sublime leçon doit porter ses fruits. Jean Capel est mort pour que vive la France et que nos enfants ne connaissent plus l’oppression.

Vous tous qui m’écoutez, vous les jeunes, souvenez vous qu’il est tombé glorieusement pour votre liberté.

Notre petit cimetière où reposent déjà tant d’autres martyrs qui, comme lui, ont donné leur vie à la Patrie, sera honoré de cette présence glorieuse : Jean Capel trouvera maintenant le repos éternel qu’il a tant mérité.

Commandant Barot, le Conseil Municipal et la population dont je suis l’interprète, t’adressent en ce jour un dernier et douloureux adieu.

J’adresse aussi au nom de la Ville de Lamalou à madame Jean Capel, à Madame Belugou, et toute la famille si cruellement éprouvée, nos condoléances émues et attristées.

Discours de M. Balinigère,
Secrétaire de la fédération Communiste de l'Hérault,
Vice-président du Conseil Général

Au nom de la Fédération de l’Hérault du Parti Communiste Français, au nom du Parti des Fusillés, au nom du Parti qui donna sous la lutte clandestine 75.000 de ses meilleurs fils à la France, je viens saluer notre camarade Jean Capel.

Jean Capel était communiste. Et c’est parce qu’il avait au cœur cette foi qui a soulevé déjà un quart de notre planète, et qui sera un monde meilleur, c’est pour cela qu’il se trouve naturellement désigné pour faire sur notre terre de l’Hérault l’étendard de la révolte armée contre l’envahisseur nazi.

L’un des premiers, Jean Capel, Commandant Barot, appela la jeunesse au combat de la France. Lamalou peut être fier de son enfant qui donna à la patrie son sang, tout son sang, et la cellule communiste de Lamalou peut être fière de porter le nom d’un tel patriote et d’un tel communiste.

Le Commandant Barot est tombé dans la lutte. Mais l’étendard de la liberté qu’il dressa, d’autres l’ont repris et continuèrent le combat. Le Commandant Barot, tombé sous les balles hitlériennes, ses hommes de Bir-Hakeim poursuivaient la lutte avec l’héroisme dont il leur avait donné l’exemple. L’Hérault et le Midi libérés grâce aux sacrifices de nos FFI, les hommes de Jean Capel, les hommes de Bir-Hakeim, partirent aussitôt dès septembre 1944 à la poursuite des Boches sur le Rhin et leur combat armé ne cessa que du jour où la bête hitlérienne fut terrassée sous leurs coups. Et ce jour là vraiment ce fut bien le jour de la victoire du Commandant Barot. L’esprit qui l’avait animé et l’avait brûlé de sa flamme jusqu’au suprême sacrifice, cet esprit avait guidé ses hommes jusqu’à la victoire de nos armes au […….] de l’Allemagne.

Pur était l’esprit de Jean Capel, pur comme le sang qu’il versa généreusement. Hélas !, : à peine les combats étaient-ils terminés que ces forces néfastes qu’il avait terrassées reprirent leurs sournoises entreprises. À vrai dire, Jean Capel savait bien que ces forces luttaient ailleurs que sous l’uniforme boche. Ce sont ces forces qui déjà refusaient les armes aux maquisards sous la lutte clandestine et prêchaient un attentisme criminel pour la France, ce son ces forces qui au lendemain de la Libération refusaient des armes et des équipements aux hommes de Bir-Hakeim, comme à tous ces jeunes maquisards, montés vers l’Alsace, animés du plus pur enthousiasme ce sont ces forces qui tachaient de noyer dans une inaction stérile, dans la pluie et dans la boue d’un camp près de Dijon, pendant tout un hiver, les hommes montés à la poursuite des boches. Et jusqu’à la victoire, il fallut lutter sans trêve sur un front souterrain et perfide, le front de la 5ème colonne.

Et la paix venue, cette 5ème colonne continue ses intrigues, son entreprise de désagrégation. Il fallait tuer à tout prix cet enthousiasme qui avait dressé spontanément un peuple et avait armé son bras pour la libération. Cet enthousiasme, cette force, n’était-elle pas un danger redoutable pour ceux qui vivent de l’exploitation et de l’« asservissement » de l’homme ? Aussi les régiments d’origine FFI furent-ils dissous… Le 80e RI auquel appartenaient les hommes de Jean Capel, les hommes de Bir-Hakeim, fut dissous et dispersé. Aujourd’hui, c’est le 81e RI qui subit le même sort. On voudrait semble-t-il effacer du souvenir les hommes de la résistance, on voudrait faire oublier l’insurrection. Cette magnifique lutte populaire et nationale, on veut la faire oublier le plus vite possible.

Mais face à ces forces de désagrégation, l’esprit de Jean Capel, l’esprit de centaines de milliers de héros tombés pour la liberté, cet esprit vaincra. Nous jurons ici, sur la tombé de Jean Capel, commandant Barot, nous jurons de donner à la France ce visage pur et sans tâche que nos hommes, nos luttes ont voulu lui donner, avec toute leur âme, avec tout leur sang.

Et les forces de régression peuvent encore être assez puissantes pour essayer de faire contester à notre grand et glorieux Pari son caractère National.