Notes et informations X – 2013
Notes et informations X – 2013
P. 215 à 246
[De 1995 à 2012, nous avons publié, sous ce titre, des textes rapides dont certains ont pu donner lieu, ultérieurement, à des articles. Il s’agit des publications, des recherches, des manifestations… concernant les diverses périodes de l’histoire sous la signature d’auteurs qui ont bien voulu collaborer. En ce qui concerne les publications, il n’est pas généralement envisagé de donner des comptes rendus critiques mais, plus simplement, de faire connaître des travaux qui, d’une façon ou d’une autre, touchent le département de l’Hérault ou peuvent contribuer à engager de nouvelles recherches. Jean-Claude Richard Ralite]
Lieux de culte antiques
Les éditions Mergoil (Montagnac), depuis plus de vingt ans, livrent dans diverses collections (Préhistoires, Protohistoire européenne, Archéologie et Histoire romaine, Europe médiévale, Temps modernes, Monographies-Instrumentum, Archéologies des plantes et des paysages…) des ouvrages qui permettent aux recherches de la région d’être publiées et diffusées dans les meilleurs conditions. Elles accueillent des publications de sites ou thématiques qui auraient, peut-être, des difficultés à voir le jour ailleurs, compte tenu du rétrécissement des éditeurs en ces domaines.
Un des derniers volumes (O.de Cazanove et P. Méniel et alii, Étudier les lieux de culte de Gaule romaine, Dijon 2009, Montagnac, 2012) met en valeur ces lieux si particuliers que l’on retrouve sous la forme de constructions (les fana, les temples) mais aussi, parfois, sans bâtis ou avec de simples autels, cavités, récipients qui sont identifiés comme cultuels en raison des offrandes, très souvent monétaires, qui les accompagnent. Il est surprenant que notre région ne soit pas vraiment présente (voir les cartes des pages 22-25) alors que les lieux de cet ordre sont nombreux : une invitation donc à les valoriser, sous une forme ou une autre, car il est paradoxal de constater que la région la plus romanisée de la Gaule ne figure pas dans cet essai de synthèse qui n’en est donc pas une. Néanmoins les exemples présentés, les tentatives d’explication et les classements pourront être utilisés par nos archéologues. [Jean-Claude Richard Ralite]
Cartes archéologiques de la Gaule
Sous l’énergique et persévérante direction du professeur Michel Provost qu’il convient de féliciter, la collection de la nouvelle Carte Archéologique de la Gaule est en bonne voie, département par département. Cette démarche a déjà eu des tentatives précédentes au 19ème siècle et entre les années 1930 et 1950 mais avec un nombre très limité de volumes.
L’entreprise actuelle, placée sous l’égide de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres et de Ministères, a déjà livré des volumes pour bientôt la totalité des départements dont certains ont demandé plusieurs volumes (jusqu’à 5 comme les Bouches-du-Rhône).
Le département de l’Hérault dispose déjà de 4 fascicules et on attend le cinquième : Le Lodévois, Agde et le bassin de Thau, le Montpelliérais et, en 2012 : Béziers, par D. Ugolini, Chr. Olive et E. Gomez, avec une vingtaine de collaborateurs, prenant bientôt la même importance que les Bouches-du-Rhône. Dans notre département, ce souci d’inventorier les richesses locales est ancien : S. Lhostis et M.-G. Courteaud, La première Commission archéologique de l’Hérault (1819-1824), Études héraultaises, 30-32, 1999-2001, p.7-25, et le nombre d’archéologues a été très conséquent j’jusqu’a la fin du siècle précédent. La présence de deux Sociétés archéologiques, à Béziers et à Montpellier, dès la monarchie de Juillet, a contribué à ce succès, complétées au 20ème siècle par de nouvelles sociétés locales ou départementales réunissant de nombreux amateurs bénévoles ou professionnels (de l’Université, du C.N.R.S. ou du Ministère de la Culture) et qui disposent de publications régulières.
Chaque notice donne les références à travers une bibliographie très étendue et des chapitres, en début du volume, font la synthèse sur des problèmes généraux ou particuliers de la zone géographique considérée. Les patrimoines archéologiques départementaux sont mis ainsi à la disposition de tous, quelle que soit l’époque de leur découverte, et peuvent directement participer à des études ou synthèses régionales ou nationales.
Comme cela s’est déjà produit, les volumes ne sont pas considérés comme définitifs et certains d’entre eux ont déjà fait l’objet de nouvelles éditions ce qui est bien la preuve d’un projet vivant et que les successeurs pourront ainsi poursuivre.
Les synthèses départementales ne rendent certes pas caduques les études thématiques et celles qui mettent en valeur un seul site. On signalera le récent : A. Bouet et alii, Le Forum en Gaule et dans les régions voisines, Bordeaux 2012, qui réunit une vingtaine de contributions surtout pour la Gaule (pour la région : Javols, Narbonne, Ruscino) mais aussi la Suisse, l’Italie et les provinces hispaniques. [Jean-Claude Richard Ralite]
L'art wisigothique, l'art préroman, le premier art roman, l'art lombard
En 2009, un colloque international a eu lieu à Baumes-les-Messieurs et Saint-Claude dont les actes viennent d’être publiés, sous la direction d’E. Vergnolle et de S. Bully : Le « premier art roman » cent ans après, la construction entre Saône et Pô autour de l’an mil, études comparatives, Besançon, 2012. Le titre pourrait laisser croire que l’aire géographique étudiée ne concernait que l’espace entre la Saône et le Pô : il n’en est heureusement rien et notre région, comme la Catalogne, sont au cœur de ce bel ouvrage. Nul n’ignore le rôle décisif dans ce domaine joué par Josep Puig i Cadafalch (1867-1957), l’un des historiens les plus connus de sa génération tant par ses travaux en Catalogne et en catalan que par ses publications et son séjour en France et en français. (Sous la direction d’A. Balcells : Puig i Cadafèlch i la Catalunya contemporania, Barcelona, 2003).
Le colloque de 2009 constitue non seulement un hommage mérité mais il replace la démarche de Puig i Cadafalch dans la recherche de son temps, fait le bilan des idées émises depuis le début du 20ème siècle et montre que les réalisations se trouvent sur deux grands espaces géographiques que séparent la vallée du Rhône. Pour ce qui concerne l’Ouest l’importance des constructions dans la première moitié du XIème siècle sous l’égide de grands abbés ou seigneurs, souvent issus des mêmes familles (M. Zimmermann: Saint-Michel de Cuxa et l’Italie, Pèlerinages et sanctuaires de Saint-Michel dans l’Occident médiéval, 2007, Bari, 2009, p. 269-317), est bien mise en lumière. Les réalisations de Cuxa par O. Poisson et de Quarante par E. Garland font l’objet de monographies comme celles d’édifices beaucoup plus éloignés qui permettent d’utiles comparaisons. On consulte toujours avec bonheur l’excellente étude de M. Durliat (La Catalogne et le « premier art roman, Bulletin monumental, 1989, p. 209-238). On n’oubliera pas le rôle de personnages ecclésiastiques comme l’abbé Oliba ; R. d’Abadal i de Vinyals, L’abat Oliva, bisbe de Vic i la seva època, Pamplona, 2003, édité par F. Vilanova Vila-Abadal, ouvrage fondamental pour la Catalogne et ses liens avec l’extérieur.
Comme toute réalisation hic et nunc, les architectes (un magister figure dans un acte concernant la construction du pont du Diable vers 1030 et dans un texte concernant l’abbaye de Conques vers la même époque) et ouvriers ne négligent pas les traditions locales du bâti mais sont aussi soumis et parties prenantes de grands mouvements qui peuvent avoir leurs sources depuis le lointain comme l’Italie, il existe une réelle parenté ? parfois réduite à quelques « grains de beauté » ?, mais ces édifices du XIème siècle appartiennent aux mêmes courants et il est probable qu’à cette époque aussi les architectes circulaient et assuraient ainsi un continuum culturel de la plus grande qualité.
On en profitera pour signaler ici la récente publication de l’institut Catala d’Arqueologia Classica de Tarragone : J.A. Domingo Magana, Capiteles tardorromanos y visigodos en la peninsula ibérica (siglos IV-VIII cl. C.), Tarragone, 2011, ouvrage précieux pour notre région car on y trouve ces productions tout à fait comparables aux nôtres qui, s’il en était besoin, démontrent qu’elles relèvent toutes du même monde artistique et culturel.
Le chœur tient la place éminente dans toute église si bien que, dans la suite des travaux de B. Chedozeau, on note la publication de : La place du chœur architecture et liturgie du Moyen Age aux Temps modernes, Paris 2007, Paris, 2012 qui considère ce dispositif de l’Antiquité tardive au 18ème siècle.
On trouvera dans les volumes d’hommage à J.A. Garcia de Cortazar : Mundos medievales, espacios, sociedades y poder, Santander, 2012 (2 000 pages, Moyen Age – XVIe siècle) de nombreuses contributions sur la Péninsule ibérique. [Jean-Claude Richard Ralite]
Gellone et ses Sacramentaires
Parmi les Sacramentaires en usage dans l’abbaye de Gellone, il y avait le fameux BN latin 12048 (J. Nougaret et V. Guibert de la Vaissière, L’iconographie du Sacramentaire de Gellone, Montpellier, 1993) dont Dom J. Deshusses et Dom A. Dumas ont donné une magnifique édition diplomatique à Tournai en 1981. Mais on dispose aussi, parmi les manuscrits de la Médiathèque de Montpellier, d’un autre Sacramentaire venu en ces lieux à la suite des inventaires de la Révolution Française qui ont dépouillé l’abbaye de ses richesses mobilières et culturelles et dont certaines sont encore aujourd’hui indûment conservées loin de l’abbaye.
Grâce à Miquel Dels Sants Gros i Pujol, le sacramentaire contenu dans le manuscrit 18 de la Médiathèque de Montpellier vient de connaître une édition savante, malheureusement non illustrée (El Sacramentarii II de Gellona, Montpellier, Bib.Mun., ms. 18), Miscel.lania Liturgica Catalana, XX, 2012, p.53-231). Ce manuscrit est daté des années 1000-1025 : il constitue un des plus anciens de la province de Narbonne et réunit les divers sacramentaires antérieurs connus. De plus, à la fin du manuscrit se trouve une liste, commencée vers 1100, de la « Fraternitas Sancti Wilielmi ».
Peu à peu les manuscrits médiévaux encore heureusement conservés sont édités et mis à la disposition du public évidemment, ces œuvres sont en latin qui n’est plus aujourd’hui « l’arsenal » linguistique de la plupart des lecteurs.
Nous citerons ici le volume : Remploi, citation, plagiat, conduites et pratiques médiévales (Xe-XIIème siècle, études réunies par P. Toubert et P. Moret, Madrid, 2009, dans lequel se trouve un article intéressant de P. Chastang, Transcription ou remploi ? Composition et écriture des cartulaires en Bas Languedoc (XIIe-XIVème siècle) (p.115-140) qui utilise plusieurs cartulaires de l’Hérault. [Jean-Claude Richard Ralite]
Montpellier et la monnaie de Jacques le Conquérant (1272-1273)
On sait que Jacques le Conquérant avait créé une nouvelle monnaie : « le gros de Montpellier », belle monnaie d’argent de près de 4 grammes qui connut un grand succès mais qui fut rapidement fondue et remplacée par la monnaie royale si bien qu’on connaît à ce jour une vingtaine d’exemplaires conservés !
A. Germain avait donné, en 1850, dans les Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, une belle étude sur les monnaies de Melgueil et de Montpellier que J. Botet i Siso, en 1908-1911, avait complétée par des documents catalans. Le gros porte les armes de Catalogne et de Montpellier avec le nom du souverain « dominus montispesulani ».
Récemment M. Crusafont a fait connaître une monnaie du demi-gros (1,62 g.) de même typologie qui a été découverte près de Huesca (Espagne). (Le demi-gros de Montpellier, espèce inédite de Jacques le Conquérant, couronne catalano-aragonaise, Bulletin de la Société Française de Numismatique, 65, 2010, p 61-62. La politica monetaria en temps de Jaume I, Mallorca, 2012, 38 p. et Historia de la moneda de l’Occitania catalana (S. XI-XIII, Barcelona, 2012, p. 247-248 ; voir aussi A. Benaniba et J.-M. Diaz, Corpus des monnaies du Languedoc carolingien et féodal et du Roussillon, Launaguet, 2011, p.70-71).
On est loin encore de posséder tous les renseignements sur la monnaie de Melgueil dont la typologie immobilisée (A. Benaniba, op.cit., p. 62-67) rend sa chronologie délicate (voir M. Bompaire, L’atelier de Melgueil : émissions et production, dans Trésors et émissions monétaires du Languedoc et de Gascogne (XIIe et XIIIème siècles), Toulouse, 1987, p.11-51, et La circulation monétaire en Languedoc (Xe-XIIIème siècle), Paris, thèse Université de Paris 1V, 2002, 3 volumes). Il est clair que les émissions de monnaies ont été au cœur des relations entre les comtes et évêques de Maguelone-Melgueil et les souverains de Montpellier [Jean-Claude Richard Ralite]
Montpellier et les Guilhems
C’est sous ce titre que les disciples fidèles du professeur Henri Vidal ont réuni, en 2012, quatorze études sur ce thème publiées entre 1983 et 2008. Dans la présentation, le Recteur J.-M. Carbasse a bien montré ce que notre histoire médiévale doit au regretté président de la Société d’histoire des anciens pays de droit écrit. Certes Montpellier grâce aux descendants de Guillaume de Gellone/d’Orange a eu un destin véritablement international surtout connu à partir de la seconde moitié du XIème siècle, mais le professeur Vidal ne s’était pas laissé impressionner par la campagne médiatique de l’ancien maire de Montpellier pour nous faire croire au millénaire 985-1995, car comment pouvoir affirmer qu’entre la première date et le milieu du XIème siècle une ville avec ses châteaux, ses remparts… avait pu être réalisée en si peu de temps !Certes les détails de l’occupation humaine sur le territoire de la commune de Montpellier entre l’Antiquité et le XIème siècle sont ténus, d’autant plus qu’entre 1977 et 1995 malgré des travaux d’aménagements et de construction qui ont « ravagé » le territoire, aucune découverte ou exploration archéologique nouvelle n’a été réalisée ou déclarée ! De cette absence de témoignage enregistré (ce qui ne veut pas dire que des découvertes n’ont pas été faites, mais immédiatement détruites pour les raisons habituelles que l’on connaît), il est donc difficile de tirer la moindre conclusion et le problème des origines de Montpellier reste encore très largement posé. Heureusement, du XIème au XVème siècle, les documents existent et ont été étudiés avec toute l’acribie que chacun reconnaissait au professeur Henri Vidal qui avait publié, en 2008, Les États de Languedoc au XVIIIème siècle. [Jean-Claude Richard Ralite]
Féodalités médiévales, Vicomtés, Seigneuries...
Depuis dix ans, Hélène Debax explore les « autorités » médiévales du Languedoc et de Provence et on attend avec la plus grande attention son édition du cartulaire des Trencavels, un des derniers grands cartulaires inédits comme celui de l’abbaye de Valmagne auquel Henri Barthès apporte ses soins.
Après son ouvrage sur les Vicomtes et Vicomtés (Toulouse, 2008), H. Debax nous livre un gros ouvrage sur la seigneurie (La seigneurie collective, Pairs, pariers, paratge, les coseigneurs du XIe au XIIIe siècle, Rennes, 2012) qui retrace tous les liens fins et délicats qui unissaient ? au moins en façade ? les divers seigneurs. Il faut beaucoup d’acuité intellectuelle pour suivre les fils de ce qui mettait en dépendance, proche ou éloignée, des pouvoirs divers dont les luttes militaires ou judiciaires parcourent ces siècles fort éloignés de nous. Ce qui étonne le plus, ce sont ces multiples seigneuries qui peuvent s’imposer sur les mêmes lieux ou biens et qui apparaissent fortement à l’occasion des querelles souvent dramatiques. Les châteaux sont aujourd’hui de vrais chantiers de fouilles précises qui permettent de compléter et même de renouveler les études architecturales traditionnelles quel que soit leur état actuel A.-M. Cocula et M. Combet, Château en ruines, Périgord 2011, Bordeaux, 2012.
Enfin, on signalera ici pour les pays plus lointains l’ouvrage collectif publié sous la direction de Ph. Sénac, Histoire et archéologie de l’Occident musulman (VIIe-XVe siècles), Al-Andalus, Maghreb, Sicile, Toulouse, 2012, qui donne un élargissement archéologique et historique aux recherches du Sud de la France même si, ici, n’existent plus des vestiges aussi importants qu’au-delà des Pyrénées. [Jean-Claude Richard Ralite]
L'inquisiteur Bernard Gui
Bernard Gui, évêque de Lodève de 1324 à sa mort en 1332, est moins connu dans ce rôle que comme inquisiteur entre 1307 et 1323 (on consultera le classique : Bernard Gui et son temps, Cahiers de Fanjeaux, 16, 1981). Les noms de Germain, Dossat, Duvernoy, Vidal, Thomas, Guenée, Pales-Gobilliard, Biget, et même Ph. van Limborch sont connus de tous ceux qui se sont intéressés à ce « bras armé intellectuel » que fut l’inquisition religieuse qui pendant de longues années, en Occitanie, se livra à une lutte féroce contre « l’hérésie ». Ce ne furent pas seulement des échanges intellectuels, mais le bras séculier intervint jusqu’au point ultime des peines ! On doit à Julien Théry sous le titre Le livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui (Paris, 2010) des extraits choisis, traduits et présentés qui permettent un accès facile aux procédures et jugements. Enfin, notons le beau livre de A.-M. Lamarrigue, Bernard Gui (1261-1331), un historien et sa méthode, Paris, 2000.
On signalera ici la nouvelle édition du Traité des Contrats de Pierre de Jean Olivi (né à Sérignan († 1298) qui fut l’objet des poursuites théologiques des franciscains. L’éditeur, Sylvain Piron (Paris, 2012) en une centaine de pages montre l’intérêt de cet ouvrage et la personnalité de l’auteur particulièrement actif entre Montpellier et Narbonne au XIIIème siècle.
Pour le même siècle on ajoutera la récente publication des éditions Lucie de Nîmes : Guillaume de Nogaret, un languedocien au service de la monarchie capétienne, ouvrage collectif sous la direction de B. Moreau. Tout le monde ne partage pas cette « célébration » car Nogaret a été un acolyte parfait dans la politique religieuse de Philippe le Bel en particulier dans les procédures contre Boniface VIII (1303-1311) et, surtout, contre l’ordre du Temple (1307-1312) et dont il reçut les gratifications à la sénéchaussée de Beaucaire et dans plusieurs seigneuries du Gard et de l’Hérault. On aura au moins le point sur un homme particulièrement controversé et dont de nombreux historiens, depuis le 19ème siècle, ont montré les conséquences néfastes de ses actions ! [Jean-Claude Richard Ralite]
La chasse dite de Montferrand, Saint-Mathieu-de-Tréviers (Hérault)
Le château de Montferrand, résidence des évêques de Maguelone, qui dresse les ruines de ses architectures meurtries sur le pic Saint-loup, disposait, du temps de sa splendeur, de richesses aujourd’hui disparues. Parmi celles-ci on avait signalé, depuis longtemps, l’existence d’une chasse de provenance limousine qui fut récupérée par un curé du lieu puis qui disparut dans le monde des antiquaires. Dans le tome II sous la direction de M.-M. Gauthier, D. Gaborit et E. Antoine du Corpus des émaux méridionaux, L’apogée 1190-1215 (Paris, 2011) (IB1, n°34,), elle a fait l’objet d’une notice de B. Draker-Boehm qui date de vers 1220 cette œuvre exceptionnelle. Elle appartient aujourd’hui à une collection particulière à New-York et on ne se lasserait pas d’espérer qu’elle retrouve un jour notre région. Un projet de Musée du pic Saint Loup était en cours depuis plusieurs années. Il a été détourné par quelques archéologues locaux de piètre envergure pour en faire un musée du chalcolithique ce qui ne correspond pas à la dimension du projet primitif qui voulait en faire le centre d’un lieu d’histoire et de recherches, tel qu’il avait été proposé, au début, par Henry de Lumley et ses équipes, concernant les garrigues et leur occupation de la Préhistoire à nos jours. En 2012 ce projet a été abandonné et réduit à quelques salles du vieux musée des Matelles perdant ainsi l’occasion de mettre en valeur un territoire de façon diachronique. Sic transit gloria mundi. [Jean-Claude Richard Ralite]
Mémoires pour Messieurs du Vénérable chappitre Sainct Pierre de montpellier
au subject de la bastisse et Réédiffication de léglise St-Firmin
Ce document, un cahier de 14 pages, présenté ici rapidement, provient du fonds de l’abbé Julien Rouquette (1871-1927), historien de la Révocation de l’Édit de Nantes en Languedoc et des anciens diocèses ayant formé, après le Concordat, celui de Montpellier. Les circonstances de son entrée dans les archives personnelles de l’abbé Rouquette ne sont pas connues. Une mention manuscrite sur la page de titre indique seulement « cassette st Firmin ». Il s’agit sans aucun doute d’un fonds ecclésiastique, peut-être celui du chapitre cathédral de Saint-Pierre (Archives départementales de l’Hérault, série G). Remis en 2012 aux ADH par M. Jean-Claude Richard, de la part des héritiers de l’abbé Rouquette, il est intégré au fonds Rouquette (ADH, 214 J) et porte désormais la cote suivante : 214 J 11.
Quel en fut le rédacteur ? À qui était il destiné ? La mention « pour (c’est-à-dire « en faveur de » Messieurs du Vénérable chappitre… », est sans ambiguïté le rédacteur, désigné à la page 11 par les mots « celluy qui a dressé le mémoire » appartient bien au chapitre cathédral de Montpellier. D’autre part, le texte comportant un certain nombre de corrections et d’adjonctions, il est clair que nous sommes en présence de la version corrigée et augmentée d’un document destiné (cela est clairement indiqué à la page 13) au conseil privé du roi, pour un arbitrage dans un conflit opposant le chapitre aux consuls. Déjà, en 1665, au moment de la création par François Bosquet (1655-1676) des nouvelles paroisses Saint-Pierre (dans la cathédrale) et Sainte-Anne, alors collégiale, il avait été fait appel au conseil privé. L’année précédente, les consuls avaient porté auprès du chapitre pour la reconstruction de Saint-Firmin une « réclamation » à laquelle les chanoines restèrent sourds (ADH, G 1997). Enfin, appelons ici, pour la compréhension de ce qui suit, que, en 1658, l’église de prédilection des consuls depuis le Moyen Age, Notre-Dame des Tables, reconstruite en 1650 et dotée d’un « curé en chef », avait été érigée en paroisse par le même François Bosquet en lieu et place de Saint-Firmin.
Ce texte n’est pas formellement daté mais on doit obligatoirement le situer après 1685, date à laquelle Charles de Pradel (1676-1696), par ordonnance du 2 novembre, confirmée le 29 mai de l’année suivante, décrète la reconstruction en qualité de paroisse de l’ancienne église Saint-Firmin à la place de Sainte-Anne, jugée trop exiguë pour que les nouveaux convertis puissent « assister aux instructions ». 1685, c’est aussi, on le sait, l’année de la Révocation de l’Édit de Nantes.
Un bref rappel historique s’impose ici. Depuis le XIe siècle, Montpellier comptait deux églises paroissiales, Saint-Firmin, intra muros, qualifiée par les auteurs du Mémoire d’« église matrice » (église « mère », la première en date et qui fait autorité sur toutes les autres, simples succursales) et Saint-Denis de Montpelliéret, sur la colline où sera bâtie en 1624 la citadelle (actuel Lycée Joffre). Son prieur, choisi parmi les chanoines du chapitre cathédral de Maguelone, deviendra en fait, à partir du XIIIe siècle, le délégué permanent à Montpellier de l’évêque de Maguelone. Il avait à sa collation de nombreuses églises et assurait la tutelle directe des cinq succursales (Notre-Dame-des-Tables, Saint-Paul, et Saint-Matthieu dans les murs, Saint-Thomas et saint-Guilhem aux faubourgs). Son autorité s’exerçait sur les autres lieux de culte de la ville et sur les hôpitaux dont le « commandeur » lui était subordonné. Toute manifestation religieuse, jusqu’à la sonnerie des cloches, devait être soumise à son autorisation. Enfin, l’église Saint-Firmin était le siège de l’acte solennel de réception des nouveaux docteurs en médecine et accueillait aussi le conseil de l’université de droit. Elle possédait aussi son propre tribunal compétent pour les causes spirituelles et les legs pieux.
Au début des violents conflits religieux de la seconde moitié du XVIe siècle, qui entraînèrent jusqu’en 1621 la destruction de la totalité des lieux de culte de la ville, les « hérétiques », en l’occurrence les troupes de Jacques de Crussol, chef du parti des réformés, allait faire disparaître l’édifice, « abbatu et razé à fleur de terre », en 1567. De rares éléments lapidaires appartenant à la Société Archéologique de Montpellier et déposées à la Salle Pétrarque à Montpellier (deux grands chapiteaux de colonnes engagées, quelques fragments de colonnettes et une base de colonne) témoignent seuls de l’importance de l’édifice dont le relevé des structures, effectué en 1909 par l’architecte Février (Société Archéologique de Montpellier) a permis de reconnaître qu’il possédait une nef unique d’au moins trois travées. Enfin, en 1700, Charles Augustin Daviler, architecte du roi, alors à Montpellier pour la construction de la nouvelle église faubourienne de Saint-Denis, voulue par Charles Joachim Colbert de Croissy (1696-1738), établit pour Saint-Firmin un projet demeuré sans suite (Emplacement de la nouvelle église de Saint-Firmin bâtie dans l’isle ou étoit l’ancienne. – Ibidem) qui prévoyait un vaste chœur semi-circulaire prolongé par une chapelle axiale pentagonale. Le document graphique donne de précieuses indications sur la tour-porche massive de l’église romane disparue, avec son portail à cinq ressauts de voussures.
L’ordonnance de 1685 allait ouvrir la porte à une longue chicane entre le chapitre cathédral et les consuls. L’objet du mémoire capitulaire est très clair : tout tenter pour ne pas contribuer aux frais de la reconstruction de l’église ! Les consuls voulaient, en effet, obliger le chapitre à participer pour deux tiers à la dépense, « eux pour l’autre tiers ou pour le charroy des matériaux à pied d’œuvre conformément à l’usage du parlement de Toulouse… ». Pour « se mettre à couvert de contribuer à la réédiffication de ladicte esglise » le chapitre, à la mense duquel Saint-Firmin était rattachée, considère d’abord comme nulle l’ordonnance de Pradel et estime qu’il ne revient qu’aux habitants et paroissiens de réclamer l’érection d’une église en paroisse « parce que c’est le seul interest des habitants et non de l’église » (sic). Il s’appuie également sur le fait que l’évêque aurait dû faire procéder à une enquête « touchant la nécessité qu’il y avait de le faire ». Il ajoute qu’une autre église (Notre-Dame-des-Tables) avait été construite (pour « reconstruite ») par Mgr de Fenouillet « pour tenir lieu de ladicte ésglise (Saint-Firmin) », avec « l’ordre de la célébration du service divin et de toutes les fonctions curiales », et, se fondant sur les écrits de divers juristes, que « la chose doit être faicte aux frais et despens des seuls paroissiens, sans que le prieur soit tenu d’y contribuer… ». Cet argument revient souvent dans le corps du texte. D’autre part, l’église ayant été ruinée par les réformés, les « bénéficiers », en vertu d’une ordonnance de Charles IX du 10 septembre 1568, ne sont pas tenus de participer financièrement à la reconstruction, en dépit de la jurisprudence du Parlement de Toulouse.
En conclusion du mémoire, le chapitre souhaite solliciter l’avis du conseil du roi sur deux points : 1 – le chapitre est il « bien fondé à demander d’être exempt de contribuer à la réédiffication de l’esglise Saint-Firmin ? ». 2 – la nomination de vicaires perpétuels pour exercer les fonctions curiales dans les paroisses créées en 1665 ne risque-t-elle pas de lui porter préjudice ? Enfin, un dernier paragraphe, rajouté postérieurement et d’une autre écriture, fait valoir que la création de la paroisse Saint-Pierre dans un édifice déjà existant (la cathédrale) n’a rien coûté aux habitants et qu’il est juste que le chapitre « doive estre antièrement deschargé » des dépenses entraînées par la reconstruction de Saint-Firmin.
Le document entré récemment dans le fonds Rouquette des ADH apporte donc un élément nouveau dans les relations parfois tendues entre l’autorité municipale et le chapitre cathédral. [Jean Nougaret]
Les protestants de Saint-Jean-de-Fos
La présence de protestants dans les communes du Cœur d’Hérault est souvent difficile à détecter mais un registre du notaire Desfours (ADH 2E 63-116 f° 14v°) permet de montrer leur existence dans la commune de Saint-Jean-de-Fos par un acte du 9 janvier 1578 :
« L’an mil cinq cens septante huict et le neufviesme / jour de Janvier Henry par la grace de Dieu roy de / France et de Poloigne Régnant au lieu de Sainct Jean / de Fos et maison de moy notaire royal / soubsigné / à la présence de moy notaire royal et tesmoings soubnommés.
Se sont présentés Pierre FABRE, Guillaume TACONNET ansiens / de l’église de la religion Refformée dud. lieu de / Sainct Jehan de Fos, Jaume DESTAING, Raymond / BOSC, Mathieu CAPMAL, Jacques CLERGUE, Pierre / LARGUESES, Pierre HUGOL, Jacques DELAVAL / Guillaume GAUFFRE, Audibert ROUDIL, Guillaume / ROUDIL, Me Guillaume CAMPAHE, Guillaume GUALLYE / Raymond CALVY, Jaume GUALLYE, Guillaume / VAISSIERE, Raimond DUPIN, Guillaume DURAND / Raymond DURAND, Nadal REGINART, Jacques / CAUSSE, Me Pierre CAMPANHE, Me / Guillaume VIDAL, orjolier, Anthoine DELAVAL / fils de feu Pierre, Me Guillaume DELAVAL / Guillaume FIGUIER, Thomas MARTY, Estienne GIBAL, Raymond MALLAFOSSE, Thomas FABRE / Antoine DOMERGUE jeune, Jehan DELANAVE fils de feu / Philip, Jehan BRES du dict lieu habitanz toutz / de la Religion Refformée lesquels FABRE et TACONNET / ansiens ont dict et remonstré aulx surnommés à la / présence de moy notaire royal et tesmoings soubznommés / qu’ils, voyant certain différant qu’est entre / le Cappne BRISSY qui commande au présent lieu / et les consuls dud lieu pour raison du / gouvernement, eulx se sont pourvu entre eulx / de le démontrer aulx habitants de la Religion / dud. lieu pour scavoir s’ilz veulent pour / chef et Cappne led Cappne BRISSY au présent lieu / ou ung autre et ce jusques que la paix soyt effective pour en advertir tel que / appartiendra affin que les affaires allent en / bon ordre et ont pryé toutz les surnommés en / faire leur déclaration présentement et / Incontinent toutz les surnommés l’ung après / l’autre ont dict et déclaré à la présence de / moy notaire et tesmoings sousbnommés que / quant à eulx ils se comptantent fort bien dud / Cappne BRISSY et qu’il a bien guardé le / présent lieu sans luy avoir veu faire chose / sinistre et qu’ils ne demandent autre pour / commander au présent lieu que led Cappne BRISSY / pour ce qu’il est bien capable et suffizant / et ce jusques que la paix soict affective affin / que les choses allent en bon ordre, lesd FABRE / et TACONNET ont faict semblable déclaration que / les surnommés et de tout ce dessus en ont / demandé et requis acte et instrument luy / estre prins retenu expédié par moy notaite royal / soubznommé. Faict an que dessus, présents Guillaume / ABRIC, Me Bertrand BASTIDE de Sainct Guillem / Jehan QUATREFAGES de Sainct Estienne delz Herms / et moy Jehan DESFOURS notaire royal habitans / dud Lieu soubznommés. TACONNET DESFOURS notaire. » [Jean-Paul ANDRÉ]
Monseigneur de Fumel, évêque de Lodève (1717-1790)
a) « L’an 1790 et le 27 janvier a été inhumé dans le caveau de la chapelle St. Michel en l’église cathédrale Monseigneur l’illustrissime et révérendissime jean henri de Fumel évêque seigneur comte de Lodève et Montbrun, comte honoraire de Brioude, abbé de St Guilhem du désert, décédé le jour précédent vers les 3 heures du matin nanti de tous les sacrements de l’église, âgé d’environ 73 ans dans la 40ème année de son épiscopat, présent à son enterrement le vénérable chapitre, Messire de Bretonneau précenteur ayant fait la cérémonie et lu et soussigné avec nous curé, Léotard ». Extrait copié sur le registre qui se trouve à la commune de Lodève. (Jules Calvet (1792-1872) Notes Historiques sur Lodève, I, p. 185, manuscrit)
b) « Armoiries de Mr de Fumel dernier évêque de Lodève : D’or, à trois pointes d’azur mouvantes du bas de l’écu, une couronne de Comte à dextre, une mitre d’or à senestre, une crosse de même, le tout surmonté du chapeau épiscopal ». (J. Calvet, op.cit., p. 170).
c) Testament de Monseigneur de Fumel, évêque de Lodève.
« Par devant les conseillers du roi notaires au Chatelet de Paris soussignés en l’étude de Me Lefèvre l’un d’eux ou Me Trutat son confrère pour ce mandé, s’est rendu, fut présent illustrissime et révérendissime Seigneur Monseigneur Jean Félix Henry de Fumel, évêque et comte de Lodève et Montbrun, comte de Brioude, demeurant ordinairement en son palais épiscopal à Lodève, actuellement à Paris, député des États de Languedoc à la Cour, logé chez M. le comte d’Hargicourt, rue de la Chaussée d’Antin, paroisse St Eustache, en bonne santé de corps, sain d’esprit, mémoire et jugement, ainsi que les notaires soussignés s’en sont assurés par la conversation. Lequel dans la vue de la mort a fait, dicté et nommé aux notaires soussignés son testament comme il suit.
Après avoir invoqué le Saint nom de Dieu imploré les mérites de Jésus Christ et demandé les lumières au St Esprit sollicité l’intercession de la Ste Vierge Marie ainsi que les secours de St Michel archange de mon Saint ange gardien de mes patrons Jean Félix Henri et de tous les saints principalement des Saints Geniès et Fulcrand patrons de mon diocèse et de Saint Régis patron de ma chapelle épiscopale.
Je remets et recommande mon âme à Dieu, mon Sauveur et rédempteur, J’accepte la mort en esprit de soumission et de pénitence, j’espère en la très grande miséricorde dont je me connais indigne et lui demande pardon de tous les péchés de ma vie, le conjurant de me les pardonner en vertu de son Sang précieux.
Je laisse à mes héritiers ci après nommés le soin de mes funérailles que je veux être simples, leur recommandant de ne point faire ouvrir ni embeaumer mon corps. Je les prie de ne point laisser mettre mon corps au suaire, qu’après s’être bien assuré par des signes certains de ma mort.
Je donne et lègue au comte de Fumel mon frère commandant en chef dans la Guyenne une bague jachinte en semble ma bague jaune qui sont dans mon écrin le priant de les recevoir comme une marque de mon amitié.
Je donne et lègue au vicomte de Fumel mon frère toute ma vaisselle plate d’argent qui se trouvera chez moi au moment de ma mort et je veux qu’en cas de décès de sa part avant moi la dite vaisselle appartienne à celui de ses enfants qui sera son héritier. Je donne et lègue encore au dit Vicomte de Fumel mon frère ma chapelle en vermeil consistant en calice et sa patène, une buire, une jatte, un bougeoir, une crosse, deux crémières ou vases pour les Stes huiles, désirant qu’il conserve la dite chapelle pour la remettre à celui de ses enfants qui pourrait entrer dans l’état ecclésiastique.
Je donne et lègue à la dame comtesse de Giversac ma sœur un diamant de la valeur de cent pistoles la priant de le recevoir comme une marque de ma tendresse pour elle.
Je donne et lègue pareillement à la comtesse d’Hargicourt ma nièce un diamant de la valeur de cent pistoles la priant également de le recevoir comme une marque de ma tendresse pour elle.
Je donne et lègue à la dame de Fumel abbesse de la Sauve clavas, une bague bleue entourée de karats qui est un reliquaire de St Victor, et ma croix pectorale de pierreries renfermant un morceau de bois de la vraie croix, plus tous mes autres anneaux et toutes mes autres bagues pectorales dont je n’ai point disposé ci-dessus, la priant de les recevoir comme une marque de mon attachement pour elle et désirant si elle le trouve bon qu’elle laisse les dits effets à la sacristie de son église pour servir à sa décoration, comme un monument de mon respect et de mon attachement pour son abbaye.
Je donne et lègue au nommé Clergue dit Leclerc mon maitre d’hôtel qui est à mon service depuis plus de quarante ans une année de ses gages plus six couverts d’argent de ceux qui sont à mon usage à son choix ; quatre paires de draps de maitre, six douzaines de serviettes, quatre nappes de mon linge ordinaire servant à ma table, plus tous les meubles qui garnissent son logement sans exception.
Plus au nommé Cl… mon officier confiseur servant de valet de chambre toute ma garde robe servant à mon usage personnel, une année de gages et une pension viagère de 150 livres, si mieux il n’aime la somme de 2 400 L.., une fois payée. Dans le cas où le dit C… ne serait plus à mon service, je donne et lègue à celui qui l’aurait remplacé une année de ses gages et une pension viagère de cinquante livres s’il a été dix ans à mon service.
Je donne et lègue au nommé Chastan mon chef de cuisine une année de ses gages et une pension viagère de soixante livres.
Plus au sommelier et à l’aide de cuisine, à chacun, une année de gages et une pension viagère de 50 L. s’ils ont été pendant dix ans à mon service.
Plus au nommé Saint Louis mon suisse nouvellement converti une année de ses gages et une pension viagère de soixante livres.
Plus à chacun des deux laquais de service de la chambre une année de leurs gages et s’ils ont été pendant 10 ans à mon service, une pension viagère de 50 L. pour chacun d’eux.
Enfin je donne et lègue à tous les gens de livrée une année de leurs gages et à chacun d’eux qui auraient été quinze ans à mon service 50 L. de pension viagère.
J’entends que les legs ci-dessus faits à mes officiers et domestiques n’aient lieu qu’autant qu’ils seraient à mon service au jour de mon décès et je veux aussi que leurs pensions viagères leur soient payées sans retenue.
Je donne et lègue au Sr. Lonjon mon aumônier et mon secrétaire actuel une aube à petite pointe de dentelle d’Angleterre et ma chasuble avec ses appartenances couleur rose et blanc et dans le cas où le dit S. Lonjon ne serait plus avec moi, j’entends et je fais le même legs à l’aumônier secrétaire qui serait avec moi lors de mon décès.
Je donne et lègue au Sr. Léotard curé de St. Fulcrand mon écritoire doré d’or moulu avec la clochette également dorée qui est dans la caisse de ma chapelle, le priant d’accepter ce petit présent comme une marque de mon amitié.
Je donne au Sr. Arrazat cadet, négociant ma montre d’or à répétition comme une marque de mon affection pour lui.
Je donne et lègue au Sr. Girouard Lt mon architecte les deux flambeaux avec leurs girandoles à trois branches dorés d’or moulu comme un témoignage de ma reconnaissance pour les services qu’il m’a rendus et de mon affection pour lui.
Je donne et lègue à M. De Lieuze mon agent à St André six couverts d’argent pour se souvenir de moi et le remercier de tout l’attachement qu’il m’a témoigné.
Et quant au surplus de tous mes biens en quoi qu’ils puissent consister je les donne et lègue aux pauvres de l’hôpital de Lodève, les faisant et instituant mes héritiers universels.
Je les charge expressément de fonder dans ma cathédrale si je ne l’ai pas fait particulièrement, un service à perpétuité pour le repos de mon âme le jour de mon décès.
Je nomme pour mes exécuteurs testamentaires l’abbé de Brétonneau mon grand vicaire et l’abbé de Fumel Rocquebrune aussi mon grand vicaire. Je laisse audit Sr de Brétonneau mon calice en vermeil avec sa patène dont je me sers ordinairement et audit abbé de Fumel ma croix pectorale d’or de relique dont je me sers les jours ordinaires à l’autel, leur en faisant tout don et legs.
Je révoque tout autre testament que je peux avoir fait avant le présent auquel seul je m’arrette comme contenant mes volontés dernières.
Ce fut ainsi fait et passé, dicté et nommé par le dit Seigneur testateur aux notaires soussignés et celui pour, l’un d’eux, l’autre présent relu, qu’il a du bien entendre et y persévérer à Paris en la dite étude sur la une heure après midi le 18 .7bre. 1784. + J.fel hen. epipus Lodovensis ». (Jules Calvet, op. cit., p.167-170). [Jean-Claude Richard Ralite]
Cathédrale Saint Fulcran de Lodève
Le plan de l’église de St Fulcran de Lodève a été dressé et réduit à l’échelle de 1 à 400 sur celui qui fut fait en 1824 à l’échelle de 1 à 100 par Mr Maffre Ingénieur de l’arrondissement à l’occasion des réparations et constructions projetées pour la consolidation de cet édifice.
Tableau explicatif et statistique du susdit plan 1842.
Désignation des parties de l’édifice : 1 le maître autel, 2 le chœur et galerie, 3 la nef et galeries, 4 église et galeries, 5 chapelle du sacré Cœur, 6 chapelle de St Fulcran, 7 chapelle des reliques, 8 chapelle de Ste Eutrope, 9 et 10 Porche et portail, 11 chapelle de Saint Roch. 12 et 13 support des orgues et chaises, 14 Fonts baptismaux, 15 Escalier du clocher, 16 chapelle de l’ange gardien, 17 chapelle de Notre Dame, 18 Porte de l’ancien cloître 19 chapelle projetée 20 escalier de la voûte 21 Sacristie.
La longueur de l’église dans l’œuvre est de 50, 20 m. Sa plus grande largeur est de 25 m et elle est de 13,50 seulement dans le chœur et la nef. La hauteur de la voûte maitresse est, du pavé à la clef de 25,50 m., et celle des voûtes des chapelles latérales et galeries est de 13 m. La tour quarrée du clocher est élevée de 60 m et le nombre des marches pour parvenir au haut est de 280.
La superficie intérieure et dans l’œuvre de l’église, chapelles…, est de 1221 mètres carrés. Elle peut contenir, déduction faite des emplacements occupés par les autels, piliers et murs intérieurs, de 7 633 personnes debout à raison de 16 décimètres carrés par personne et de 4 361 personnes assises à raison de 28 décimètres carrés chaque. Dans les jours de grande solennité ou de prédication, lorsque les chaises garnissent l’espace de l’église compris entre les piliers et qu’elles se prolongent jusqu’au milieu de la nef, il y a 2 242 personnes assisse et si les galeries, le chœur et les chapelles en face de la chaire sont remplies d’auditeurs, il y a 2 665 personnes debout. Soit ensemble 4 907 personnes.
Le maître autel en très beaux marbres de différentes couleurs, artistement déposées. Les 2 anges adorateurs qui le décorent ainsi que la balustrade qui entoure le chœur sont en marbre blanc. Le pavé et les larges marches du sanctuaire sont en marbre gris bleu. Tout cet élégant ensemble est dû à la munificence de Mr. De Fumel notre dernier évêque. Le bel appui de communion qui ferme le chœur est l’œuvre de Mr Cordier habile serrurier de Béziers et est le don de Mme Y Soulager née Fabreguettes.
Le tableau maître représentant St Fulcran et St Geneys, patrons de la ville a été peint, dit-on, par deux peintres dont les noms sont inconnus.
Les 8 autres anciens placés dans le chœur sont de Coustou et Loys de Montpellier.
Les 8 derniers placés cette année dans la nef ont été peints : 2 par Castan de Montpellier et les autres par Tremblay de Paris. Celui de la chapelle St Fulcran est de Bestieu de Montpellier et les deux sur le côté sont de Sanelli jeune peintre de Paris qui a peint aussi celui de l’autel de la chapelle Notre Dame.
Le support des orgues morceau d’architecture admiré des connaisseurs a été construit sous l’épiscopat de Mr de Fumel sur le dessin et sous la direction de Mr Jn Blaquiere architecte né à Lodève. Les orgues ont été fabriqués et établis par Mr Lépine facteur renommé et coutèrent 80 000 L. (J.Calvet, op. cit. p. 10-11) [Jean-Claude Richard Ralite]
Attestation relative à la prise de Lodève par les protestants qui firent abattre toutes les maisons qui joignaient les murs de la ville au nombre de plus de cent (4 juillet 1573)
Robert Romieu licencié ès droit juge ordinaire de Lodève, l’office de viguier vacant, à tous ceulx que verront ses présentes salut : scavoit faisons et attestons que ce jourd’hui, date d’icelles, dans l’auditoire de la cour ordinaire du dit Lodève et par devant nous dit juge tenant l’audience, se serait présenté Mr Etienne Bessodes advocat en la dite court, syndic des consuls et E…. du dit Lodève lequel jour et au nom des susdits sieurs consuls aurait requis voloir faire sommaire prinse et acte de notoriété avec ses assistans ici présents pour lui servir lieu et temps comme de raison, scavoir : est connue la présente ville de Lodève en l’an mil cinq cent septante trois et le quatrième jour du mois de juillet, feust prinse et saisie par voie d’hostilité par ceulx de la religion prétendue réformée desquels feu sieur baron de Faugères fist abatre et ruyner de fond en comble toutes les maisons joignantes les murailles par dedans la ville au nombre de cent ou six vingt ou davantage entre autres deux petites maisons…, dans les meurs de la dite ville de Lodève contenant l’une trois cannes et demy de longueur et deux cannes et demy de largeur ou environ et l’autre contenant ung patu avec un petit couvert servant à tenir de poulailhes contenant en tout de largeur deux cannes et quatre de longueur, joignant la porte de la boccarié et se tenant à Miracle Capnone veuve de feu Anthoine Favier dudit Lodève, lesquelles maisons estant lors de la prinse endroites, le sieur de Faugères fist abattre et ruyner de fond en comble, de sorte qu’il n’y resta que un petit arc de pierre qui est entre une des susdites maisons et la muraille publique du dit Lodève, par-dessus le passatge de la ronde basse, toutes lesquelles maisons avant la dite démolition ne se serait seu vendre en une fois, la somme de trente ou quarante écus, parce qu’elle étaient subjectés au passage de ces dites murailles en deux endroits, scavoir à la ronde haulte de la coursière et à la ronde basse ; et nonobstant la sus dite démolition des toutes les susdites maisons, l’on a resté pour cela de les cothiser à toutes les impositions de tailles que ce font au dit Lodève, comme si elles étaient droites, parce que l’on n’a point fait despuis aulcung compoix nouveau, veu la pauvreté des habitants et causant la guerre qu’ont eu cours despuis au présent païs ; sur quoi par nous dit juge… M.M. Anthoine Boissière maçon agé comme a dit de quarante ans, phelix Renouvier marchant de trente huit, Raymond Teissière bassier de soixante, Jehan Griffoul laboureur de cinquante, Adrien de la pierre aussi laboureur de quarante cinq, Guilhaume Benoit de quarante, Jehan Fourmy de quarante deux, Anthoine Roudier boucher de soixante, Crespus Pinel de septante ou environ, tous habitans du dit Lodève, lesquels après avoir presté le serment ou tel car requis et communiqué ensemble, ayant fait retirer hors le G. Bessodes ont dit et attesté, moiennant leur dit serment, tous d’une commune vois et opinion, se accordant tous d’une commune voix et à ung dire, que la présente ville de Lodève feust prinse et saisie par voye d’hostilité le 4ème juillet mil cinq cent septante trois par ceuls de la religion prétendue réformée desquels le susdit baron de Faugères était chef et capitaine, l’année de laquelle prinse le dit sieur de Faugières fis abattre et ruyner de fond en comble toutes les maisons joignantes aux murailhes dedans de la dite ville au nombre de cent ou six vingt ou d’avantage, entre autres deux petites maisons apartenant à la dite Capnone joignant la porte ditte de la Boccarié, contenant l’une trois cannes et demye de longueur et deux cannes et demye de largeur ou environ, et l’autre contenant ung patu avec un petit couvert servant à tenir polailhes, contenant deux cannes de longueur et quatre de largeur, lesquelles maisons estant l’hors de la prinse en droit, ledit sieur de Faugères fist abattre et démolir de fond en comble, tellement qu’il ny’ resta qu’ung petit arc de pierre qu’était entre une des dites maisons et la muraille publique du dit Lodève par-dessus le passage de la ronde basse, toutes lesquelles maisons avant la dite démolition, ne se serait sceu vendre en une fois la somme de trente ou quarante escus pour le plus, parce qu’elles étaient subjectes au passage de la muraille en deux endroits scavoir à la ronde haulte de la coursière et à la ronde basse, nonobstant ladite démolition de toutes les dites maisons l’on a resté pour cela de la cothyser pour cela à toutes les impositions de tailhes qui se font audit Lodève comme s’y elles étaient droites, parce qu’on n’a point fait depuis aulcung compoix nouveau, veu la grande pauvreté des habitans et causant la guerre et que est notoire comme on dit scavoir : c’est le dit Boissière maçon pour avoir aydé à tomber les sus dites maisons du commandement du dit de Faugères et lesdits Teissere, Griffoul, Lapierre, Rodier, Fourmy et Pinel pour estre l’ou des dites démolitions dans la ville, l’ayant veu lors de la prinse d’icelle les dites maisons endroict et après l’année de la prinse ruinées et démolies comme vosines d’icèles, habitans et domicilleurs de la dite Lodève, dont par nous dit Juge ordonne, aurait esté que de la réquisition du dit Bessodes, déposition des susnommés attestatoires en serait?- expédié aux fins requis, ce interposant sur tout droit et entreprise judiciaire en foi de quoi avons fait expédier ces présentes par le greffier soussigné, scellées du scel d’icelles, à Lodève ce vingt quatrième jour de décembre mil cinq cent quatre vingt sept. Signés ROMIEU juge Du mandement du dit Sieur Juge… »
(J. Calvet, op. cit., p. 204-207, « d’après un parchemin de la Mairie de Lodève »). [Jean-Claude Richard Ralite]
Saint-Etienne-de-Gourgas, Sotibès : « campagnes » du lodévois
L’extrémité Est de l’ancien diocèse de Lodève est à cheval sur le plateau de Larzac (J.-C. Rivière, Aspects du Lodévois, Le Caylar, 1999) et son rebord méridional. Terre de passage avec sa voie de circulation Est pour atteindre le plateau (le pas de l’Escalette est de création récente) les villages se succèdent avec une relation privilégié avec Lodève, depuis l’Antiquité, siège de la cité, des diocèses civil et religieux. L’histoire locale de ces villages donne lieu à des plaquettes ou des ouvrages qui réunissent, souvent sous la plume d’un amateur local, des renseignements précieux P. Rudel, Saint-Etienne-de-Gourgas, s.d. ; J.-C. Rivière et alii, Saint-Etienne-de-Gourgas, 7 000 ans d’histoire du Néolithique à l’an 2000, Montpellier, 2000 et aussi : L. Albaret, Soubès et sa vallée des origines à nos jours, Montpellier, 1982 ; F. Moreau, Soubès en Languedoc, 1992 ; J.-C. Rivière, Aspects du Lodévois, Soubès, 1999.
La même petite région a donné lieu aussi à des études transversales thématiques comme celles concernant la Préhistoire par les soins de G.-B. Arnal avec le Groupe Archéologique du Lodévois, diverses époques et recherches publiées dans les Cahiers du Lodévois-Larzac depuis 2000 ou bien, récemment, par exemple sur les objets en relation avec la religion catholique (J. Pagnon et M. Kerignard, Le Ciel l’entende, éléments matériels du culte catholique dans les campagnes du Lodévois-Larzac, Lodève, 2012 (Les Cahiers du Lodévois-Larzac n° 39). Grâce aux recherches de terrain conduites par l’inventaire Régional du Patrimoine Culturel, Conseil régional de Languedoc-Roussillon, il a été possible aux auteurs de présenter tous les mobiliers, quel que soit le support, et de façon diachronique entre le Moyen Age et le 20e siècle. Il ne s’agit donc pas d’un simple catalogue, mais véritablement d’un manuel qui devrait inciter d’autres régions et communes de l’Hérault à s’en inspirer : tant ce mobilier est fragile non seulement parce que depuis 1964 il a été souvent « débarrassé » illégalement des églises mais aussi parce que la conservation demande des moyens et des connaissances, car il n’y a rien de commun entre des objets en bois, en métal ou des étoffes. [Jean-Claude Richard Ralite]
L'abbaye médiévale d'Aniane sort de l'oubli
L’abbaye d’Aniane (classée monument historique en totalité depuis 2005) a été achetée au Ministère de la Justice par la Communauté de Communes de la Vallée de l’Hérault qui a entrepris un long travail de restauration et de valorisation, y compris pour les 19ème et 20ème siècles qui ont vu les anciens bâtiments monastiques abriter une maison de rétention pour les jeunes délinquants (J.-C. Richard Ralite et alii, Aniane, 8ème-20ème siècles, Enfermements 1, des moines pour prier, des ouvriers pour produire, des détenus pour expier, Montpellier, Arts et Traditions Rurales, 2012). Sous la direction de L. Schneider, une première campagne de fouilles a eu lieu en 2011 et a été poursuivie en 2012 (Bilan Scientifique Régional 2011, p. 108-112). Il s’agissait d’explorer les espaces non construits du monastère reconstruit pas les bénédictins mauristes aux XVIIe et XVIIIe siècles : la cour du cloître, la cour d’honneur, la cour des ateliers ont été explorées par des sondages successifs. Une partie de l’abbatiale médiévale, un cimetière médiéval et des zones utilitaires, riches en céramique ont été mis au jour mais les vestiges ont une élévation très réduite qui ne permettra pas une présentation, tant les travaux mauristes et contemporains ont réduit les témoins du passé. Une fouille programmée 2012-2014 devrait permettre de terminer ces recherches dont il conviendra de présenter les résultats dans les espaces de valorisation patrimoniale qui sont prévus dans les aménagements définitifs de l’ancienne abbaye. [Jean-Claude Richard Ralite]
De Lodève à Agde, des gravures du 18e siècle peu connues
Grâce à Émile Appolis, on connaît mieux les périodes médiévale et moderne de l’histoire de Lodève que les occupations antiques, alors que la ville passe pour être la cité latine des Lutevani (J. Gascou, À propos d’un décurion de Lodève (Hérault), Zeitschrifi für Papyrologie und Epigraphik, 105, 1995, p.89-94 et pl. X) avec l’appellation de Forum Neronis et malgré un Projet Collectif de Recherche archéologique qui a tenté, entre 1997 et 2003, de révéler le passé le plus ancien. Les résultats ont été particulièrement décevants : il faut bien convenir que les origines pré-romaines et romaines de Lodève sont à découvrir.
Il ne manque pas de gravures antérieures à la Révolution Française en particulier pour les villes (Montpellier en possède une belle série), mais il faudra attendre les Voyages… de Taylor et Nodier pour que l’Hérault dispose d’un recueil de représentations nombreuses concernant les sites et monuments majeurs du département.
C’est donc le grand intérêt des 12 volumes grand in-folio ? dont un consacré au Languedoc ? édités à Paris entre 1781 et 1796 par J. B. de Laborde, J. E. Guettard et E. Begullet, sous les titres successifs de : Description générale et particulière de la France, puis : Voyage pittoresque de la France avec la description de toutes ses provinces. Une pléiade d’auteurs et de graveurs ont participé à ce Voyage dont chaque planche porte les signatures.
L’ouvrage n’est pas présent fréquemment dans les grandes bibliothèques publiques et, par exemple, la Médiathèque centrale d’agglomération Emile Zola à Montpellier ne dispose que de quelques planches, réunies avec d’autres gravures, dans un recueil factice (1894 RES) : deux planches (n° 69 et 70) qui concernent le Pont du Gard, deux autres (n° 73 et 74) de Pont Saint-Esprit, et trois planches pour l’Hérault (37×25 cm) : n° 75, Vue du moulin d’Agde près de la Ville (A.P.D.R. dessin Genillion, gravure Née), n° 71 Vue de la Manufacture de Lodève et du pont qui conduit à la Ville (dessin Genillon, gravure Née) et n° 72 Vue d’un moulin à Foulon pour les Draps de Lodève (dessin Genillon, gravure Aveline).
Manufacture de Lodève. D’après les renseignements donnés par B. Derrieu, « la manufacture est celle de Bérard (vieux terrains de la famille Latreille de Fozières) sur la rive droite de la Lergue (le dessin est pris depuis la rive gauche en amont). Le pont est l’ancien pont fortifié reliant le quartier des carmes à la rue de Lergue ».
Moulin à foulon. D’après B. Derrieu, « ce moulin appartenait à Rouaud puis Vinas puis Teisserenc, connu sous le nom de « le bouldou », situé sur le chemin du Puech sur la rive droite de la Lergue. Le dessin a été pris depuis la rive gauche de la Lergue ».
Il n’existe pas à notre connaissance de lien particulier entre Genillon et Lodève. Ce peintre, élève de Vernet, connu comme peintre de marine, a participé aux expositions de la Jeunesse (1779-1785) et du Louvre (1791-1812). Il semble avoir disparu en 1819.
Moulin d’Agde. Le moulin, situé sur la rive gauche de l’Hérault, a subi, depuis, de nombreuses modifications et une restauration générale récemment. Sur la rive droite est représenté une maison accostée d’une Tour, emplacement occupé aujourd’hui par le « Château Laurens ».
Le nom de l’artiste est orthographié Genillion. Les noms des graveurs sont Née pour les deux œuvres lodévoises, et Aveline pour le moulin à foulon. Les gravures de Lodève ont été publiées, pour la première fois semble-t-il, par E. Appolis (Lodève, étude de géographie urbaine, Cahiers d’histoire et d’archéologie (Nîmes), 11, 1936, p. 57) sans commentaire, ainsi qu’en 1951 sur une planche hors texte (Un pays languedocien au milieu du XVIIIe siècle, le diocèse civil de Lodève, étude administrative et économique, Albi, 1951). [Jean-Claude Richard Ralite]
Les Francs-Maçons du Grand Orient de France
D. Kerjan et † Alain Le Bihan viennent de publier un Dictionnaire du Grand Orient de France au XVIIIe siècle, les cadres et les loges (Rennes, 2012) qui est un répertoire des cadres (Grands Officiers, Grands Conservateurs, Officiers d’Honneur, Officiers, Députés) et un Annuaire des Loges et des Chapitres 1773-1793, soit 783 Loges et 113 Chapitres.
Le chapitre sur les Loges de Province (p.143-193) concerne de nombreux départements actuels, dont pour l’Hérault : Agde (2 loges), Béziers (2), Lodève (2), Lunel (1), Montpellier (11 !), Pézenas (2), Saint-Chinian (1), Sète (2).
Une dernière partie donne l’inventaire du Fonds FM/5 de la Bibliothèque Nationale. On y retrouve les dossiers actuellement conservés de chacune des loges.
Cet ouvrage offre, sous une forme commode, une sorte d’index très élaboré des ouvrages consacrés par Alain Le Bihan (1916-2010) aux Franc-maçons. Les Études Héraultaises ont publié plusieurs articles en relation avec la Franc-maçonnerie qui a joué un rôle particulièrement important à Montpellier entre le 18e siècle et nos jours. [Jean-Claude Richard Ralite]
Sonnez les matines !
La Société Française de Campanologie (41 bis avenue de Charlebourg, 92250 La Garenne-Colombes) vient de publier le n° 72 (janvier-avril 2013) de sa revue Patrimoine campanaire, revue francophone de campanologie qui livre un intéressant article du président Éric Sutter sur la production campanaire entre 1787 et 1806 à partir d’une base informatique de 1500 cloches. De 1789 à 1799 il y a une très forte baisse due aux difficultés économiques du temps mais aussi, à partir de 1791, à la législation nouvelle qui réquisitionne le métal pour les besoins de la Nation. Après la signature du Concordat du 15 juillet 1801, la production reprend pour donner des réalisations identiques aux années antérieures à 1789. On attend avec intérêt la suite de cette étude pour les 19ème et 20e siècles avec les progrès de l’industrie et des transports. On signalera déjà l’ouvrage de Th. Gonon (Les cloches en France au Moyen-âge, Paris, 2010), une bonne synthèse agréable à lire et le récent F. Pomel et alii, Cloches et horloges dans les textes médiévaux, mesurer et maîtriser le temps, Rennes, 2012. [Jean-Claude Richard Ralite]
« Mémoire concernant l'église de Bélarga dédiée à St Etienne premier martyr, L. J. C. »
Parmi les documents que l’abbé L. Cassan avait réunis dans ses recherches se trouve un mémoire intéressant pour l’histoire de cette commune (ADH, 9F 147) qui est une réponse à l’évêque par le desservant de la situation religieuse de la commune :
« Article 1. L’église à peine suffisante pour la population, est bien mal construite, toute bâtie en terre, les murs comme la voûte se crevassent en plusieurs endroits ; quoiqu’il n’y ait rien que de commun, elle est cependant régulière ; l’autel en marbre est assez bien, il était placé avant la révolution dans la chapelle épiscopale de Monseigneur de Malide évêque de Montpellier ; les tableaux qui décorent le sanctuaire ne présentent rien qui soit digne d’être remarqué. La sacristie est bien petite et bien obscure, voici les ornements qu’elle renferme : 1. Un calice dont la coupe et la patène sont en argent, le pied en fer argenté ; 2. un petit ciboire en argent ; 3. un ostensoir en fer argenté et le rayon en fer doré, le croissant en fer doré ; 4. Deux garnitures de chandeliers ; 5. Deux garnitures de bouquets ; 6. Une niche d’exposition ; 7. Neuf chasubles ; 8. Quatre chapes ; 9. Quatre nappes d’autel ; 10. Quatre palles ; 11. Sept corporeaux ; 12. Dix amicts ; 13. Vingt purifications ; 14. Vingt lavabos ; 15. Six torches ; 16. Deux missels ; 17. Deux rituels ; 18. Un graduel et un antiphonaire ; 19. Une boite en fer blanc pour les saintes huiles, les crémières en plomb et étain ; 20. Une croix processionnelle en laiton ; 21. Deux croix pastorales dont une argentée, l’autre en laiton ; 22. Deux dais. 23 ; Une lampe argentée ; 24. Un vieux drap de mort ; 25. Cinq aubes ; 26. Trois garnitures de cartons d’autel.
Article 2. Le presbytère consiste en cinq pièces seules habitables, deux au rez-de-chaussée et trois en haut, les murailles qui sont au nord, sont toutes crevassées.
Article 3. La fabrique de Bélarga n’a d’autres revenus que le tiers du prix de quatorze bancs placés dans l’église : ce tiers est payé à la mort de l’acquéreur par son héritier. Elle a une rente de six francs dont le titre est consigné dans le cahier des délibérations. Il existe encore une autre rente de cinq francs, la fabrique est même nantie d’un contrat passé devant notaire, mais comme le débiteur ne se trouve point sur les lieux, habitant au contraire une commune d’un autre département, il n’y a pas moyen de le faire payer, il faudrait se mettre en procès avec lui pour le forcer à remplir la teneur du contrat. En dernière analyse la fabrique de Bélarga ne peut être plus pauvre.
Article 4. La distance de Bélarga à Campagnan qui en est l’annexe est de vingt minutes, la communication d’une commune à l’autre est très facile.
Article 5. Le nombre des enfans qui fréquentent l’école est de six à sept, celui des filles de huit à neuf. Le nombre des enfans qui viennent au catéchisme est à peu près le même que celui des enfans qui vont aux écoles ; il pourrait y en avoir un plus grand nombre, surtout de garçons mais les parens sont très extrêmement négligens pour procurer à leurs enfans l’instruction soit primaire soit religieuse.
Article 6. La moralité du maître d’école est bonne au moins depuis que je suis ici, je n’ai rien remarqué dans sa conduite qui fut digne de blâme. Les parens le taxent d’une trop grande sévérité à l’égard de leurs enfans, et surtout des enfans pauvres, ce qui fait peut-être que plusieurs s’en sont éloignés.
La moralité de la maitresse d’école est passable ; ex-religieuse de je ne sais quel ordre, elle n’a point de piété, à peine fait-elle ses pâques : ayant quelques moyens pécuniaires elle n’exige point ou presque point de rétribution de la part des élèves, aussi fait-elle comme elle veut ; sans brevet ni diplôme il serait bien aise de la supplanter mais elle a ici sa parentelle et vu le peu de ressources de la commune on ne peut pas aller vite en besogne.
Article 7. Le nombre des personnes qui doivent recevoir le sacrement de confirmation est de dix huit à Bélarga. Celui de Campagnan est de vingt cinq.
Article 8. Le nombre de personnes qui font leurs pâques se porte à soixante à Bélarga ; à Campagnan le nombre est de quatre vingt.
Article 9. La population de la succursale de Bélarga est de 375 ; celle de Campagnan/annexe est de 265.
Article 10. La paroisse n’a point de hameau, son étendue de l’est à l’ouest est d’une demi-lieue, et du nord au midi de trois quarts de lieue.
Article 11. Les habitans de Bélarga sont d’un esprit assez calme mais tout à fait ignorans en fait de religion : aussi n’ai-je point trouvé une ombre de piété, même parmi les femmes, elles sont au contraire les premières à critiquer avec une sévérité épouvantable et les personnes qui veulent commencer à fréquenter les sacremens et le prêtre qui veut dissiper leur ignorance, se scandalisant de tout ce qui semble condamner leur indifférence et leurs habitudes.
En dernière analyse, les abus principaux que je remarque dans ma paroisse sont l’indifférence pour la religion et les devoirs qu’elle impose, une ignorance grossière de cette même religion et une grande indifférence dans la parenté pour procurer à leurs enfants l’instruction soit primaire soit religieuse. ».
On retrouve là les thèmes courants ? sinon les revendications ? des curés de village vis-à-vis de leur évêque ou des mairies. Il faudra attendre le début du 20ème siècle pour voir, de gré ou de force et peu à peu, de nouvelles relations s’établir, surtout au niveau local. [L. Cassan]
« Mémoire constatant l'état matériel, moral et religieux de la paroisse de Pouzols »
Nous devons aussi à l’abbé Cassan le recueil de ce mémoire daté de 1836 (ADH, 9F 147) qui éclaire la paroisse.
« Inventaire de la sacristie de la succursale de Pouzols (canton de Gignac).
1° Vases sacrés. Calice en argent, Ciboire dont la coupe et le couvercle en argent et le pied en cuivre argenté. Ostensoir en cuivre argenté, le croissant seul est en argent vermeil. Custode en argent pour le Saint Viatique. Crémière pour les Saintes Huiles en étain.
2° Ornemens. Quatre chasubles de classe, 5 de seconde classe. Deux pour l’ordinaire. Quatre chappes. Un voile damas cramoisi pour le Saint Sacrement. Une ceinture moisée blanche avec crépines d’or.
3° Aubes. 1 en tulle brodé. 4 en mousseline brodé et broché. 2 pour l’ordinaire.
4° Surplis. 2 en mousseline. 1 en percale.
5° Linges. 6 corporeaux. 8 Amics. 24 Purificatoires. 24 Lavabo.
6° Nappes. 1 en tulle brodée. 1 en floche. 1 avec une dentelle. 6 pour l’ordinaire. 4 sans garniture. 2 pour la Sainte Table.
7° un dais.
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1° État matériel de l’Église. Depuis son entrée dans la paroisse le vœu le plus ardent du curé desservant a été de donner à l’Église qui lui était confiée l’ordre et la propreté qu’il regardait comme plus indispensablement nécessaire aux gens de la campagne.
Il est heureux de rendre à sa Grandeur ce consolant témoignage qu’il a été merveilleusement secondé par la presque totalité de ses paroissiens.
La plupart des grandes réparations qui se sont faites, le desservant les a dues à des offrandes volontaires ou a des souscriptions qu’il a ouvertes dans sa paroisse et qui ont toujours été accueillies avec empressement.
L’église est suffisamment munie de linges et d’ornemens. Une note de tous les objets qui composent son mobilier sera présentée à Monseigneur ou à son Vicaire Général.
2° État du Presbytère. Le presbytère n’est qu’insuffisant pour l’habitation commode du desservant. La commune ne lui a donné que la moitié du local occupé avant la révolution par ses prédécesseurs. Le reste pourrait être acheté par la commune.
Le desservant n’a trouvé que peu de ressources dans la commune pour réparer son presbytère qu’il a trouvé peu logeable à son arrivée. On a toujours prétexté avec raison sans doute la modicité des revenus de la commune.
3° Ressources de la Fabrique. La fabrique a largement de quoi pourvoir aux frais du culte. Elle a pu même souvent unir un excédent de ses revenus aux offrandes des fidèles pour la décoration et embellissement de l’Église. La Fabrique exprime depuis longtemps le vœu de voir agrandir le vaisseau de l’Église par ‘une nef latérale, réparation qu’on évalue à F. 1 500 environ. L’église ne peut contenir la totalité des habitans.
4° Annexes. La succursale n’a point d’écarts.
5° Enfans qui fréquentent les écoles. En général tous les garçons se rendent exactement à l’école. L’éducation des filles est plus négligée, leur nombre total à 60 environ.
6° Enfans qui suivent les catéchismes. Tous les enfans des deux écoles assistent aux catéchismes jusqu’à leur communion. Leur éducation religieuse commence de très bonne heure. Elle est classée successivement par divisions.
7° Zèle des parens à procurer l’instruction primaire et religieuse. À quelques rares exceptions, tous les parens tiennent vivement à l’instruction religieuse et leurs enfans se rendent exactement aux catéchismes.
8° Époques des catéchismes préparatoires à la communion. Le desservant fait le catéchisme tous les dimanches excepté les dimanches du Carême et des fêtes solennelles. La 1ère communion a lieu tous les trois ans et plusieurs mois à l’avance ils reçoivent dans la semaine des instructions plus multipliées à mesure qu’ils s’approchent davantage de cette époque importante.
9° Moralité du maître et de la maîtresse d’école. Irréprochable et digne d’éloges, ainsi que leur exactitude dans l’exercice de leurs fonctions. Instruction médiocre.
10° Nombre des confirmans. Le desservant croit pouvoir fixer à 70 environ.
11° Nombre des communions à Pâques. Il s’est porté jusqu’à 130, le nombre ordinaire est de 100.
12° Population de Pouzols. D’après le denier recensement fait cette année, la population de la succursale est de 343 âmes.
13° et 14° Indication des abus les plus graves. Le curé desservant a la consolation de dire à Sa Grandeur qu’il n’a à gémir sur aucun abus grave dans la paroisse qui lui est confiée. L’Église est respectée, son ministère est généralement vénéré. La décence règne dans les mœurs. Les fêtes sont célébrées avec le concours presque général de la population. La parole de Dieu est également bien suivie.
Seulement le cœur du curé desservant est profondément peiné de voir les patrimoines des familles trop souvent lésés par la passion du jeu, passion funeste pour les petits propriétaires qui morcèlent leur propriété ou contractent des dettes qui s’accumulent avec de gros intérêts.
Le curé desservant éprouve une vive consolation de rendre au chef d’un corps dont il s’honore d’être membre ce compte de son administration. Il compte sur l’indulgence de Sa Grandeur qui daignera lui être propice, l’aider se ses conseils, de ses hautes lumières. La visite de Sa Grandeur ne sera pas seulement un encouragement pour son sacerdoce, elle en sera aussi la récompense.
Fait et signé par nous curé desservant de la succursale de Pouzols le 25 octobre 1836. B. Recluz. » L’abbé Recluz (1803-1861) après Pouzols devient curé à Montpellier de l’église Saint Roch. Il publiera une Histoire de Saint Roch et de son Culte, Avignon, 1858. [L. Cassan]
Architectures et paysages ruraux
Plus le monde rural est en perte de vitesse et de vie (on parle de 80 % de la population française qui vivent dans les villes !) plus nombreuses sont les publications qui le concernent. (Paysages, paysans, l’art et la terre en Europe du Moyen Age au XXème siècle, Paris, 1994, sous la direction de E. Le Roy Ladurie). On relèvera ici quelques volumes récents qui sont à la fois un enchantement et une invitation à parcourir ce monde : A. Fages poursuit la collection des ouvrages de l’association Los Adralhans (déjà publié : Autrefois les Paysans, vie quotidienne, bâti traditionnel, Saint-Affrique, 2007) par: Colombiers et Pigeonniers, Millau. 1998 constructions qui parsèment les Causses et ont connu un grand développement après le décret du 11 août 1789 : « Le droit exclusif des colombiers est aboli », (les pigeonniers ne sont certes pas propres à cette région, voir, entre autres : A. Guerville, Pigeonniers et girouettes en Pays de Somme, Abbeville, 2007). Dans l’espace géographique considéré qui fonctionne comme un « conservatoire », on découvre de nombreuses variétés dont certaines sont de vrais monuments.
Il sera possible de les replacer dans leur cadre architectural et paysager grâce à deux magnifiques ouvrages : Maisons des Cévennes, architecture vernaculaire au cœur du Parc National, Florac-Rodez, 2010, dont on ne saurait trop recommander la lecture tant il est d’une grande richesse, pour connaître, comprendre et restaurer un patrimoine constitué sur de longs siècles et qu’il est indispensable de conserver et de préserver ! L’étude historique de l’architecture a fait l’objet d’une publication spéciale : I. Damas, Habiter en Cévennes au Moyen Age, architecture vernaculaire dans les hautes vallées des Gardons, Sète, 2012, et la même auteure a déjà publié, avec G. Durand, Un Itinéraire roman en Cévennes (2005) et Châteaux médiévaux en Cévennes (2009). On aura une vision plus paysagère avec flore et faune dans : Une France sauvage, l’Aubrac, Rodez, 2009, de C. Gouvion et R. Dengreville qui font découvrir en toute saison ces beautés sauvages pour lesquelles des heures et des heures de patientes observations rendent compte de la qualité de cette réalisation.
On signalera enfin les travaux et publications portés par la Fédération de la Pierre Sèche : Premières rencontres autour de la pierre sèche, Perpignan 2007, Saint-Pons-de-Thomières, 2010, avec une vingtaine de communications et une bibliographie (p. 165-175) qui permettent de saluer, ici, les efforts de Chr. Lassure, responsable du CEERAV et de la revue l’Architecture vernaculaire. [Jean-Claude Richard Ralite]
Les forêts de l'Hérault
Il n’y a que les « parisiens » pour croire que le département de l’Hérault n’est fait que de plages… La lecture de l’ouvrage de J.-L. Roque, R. Izard, M. Lacan, Ph. Lacroix (De Saint-Guilhem à l’Espinouse, Voyage dans les forêts de l’Hérault, Mèze, 2011), s’il en était besoin montrera l’importance du couvert forestier, grâce à ces auteurs liés à l’Office National des Forêts. Les textes sont passionnants et les illustrations en couleurs un enchantement et une invitation à parcourir les sentiers ouverts à la randonnée pédestre.
Certes ce patrimoine a subi au cours des siècles de nombreuses dégradations liées aux activités humaines, sans évoquer les feux accidentels ou criminels, mais une politique de restauration et de développement est en cours depuis longtemps : « la forêt n’est pas une fin en soi. Elle a toujours été, elle est, elle restera au service de l’homme, et, si l’homme a besoin de forêts, la forêt a aussi besoin de l’homme ! » Écoutons le message de ces auteurs qui ont donné toute leur passion et leur vie au service de notre environnement. [Jean-Claude Richard Ralite]
Carnaval à Saint-Jean-de-Fos sous la Restauration : les Pénitents ne doivent pas danser !
Ce jourd’hui, premier avril mille huit cent vingt trois, le conseil de la confrérie des pénitents blancs de la paroisse de Saint-Jean-de-Fos assemblé sur la convocation de M. Jacques Poujol prieur, et sous sa présidence ; qui a dit qu’ayant reçu une lettre venant de Monsieur le curé de la paroisse, membre, prieur honoraire, et aumônier de la confrérie, dont il a fait lecture, portant la dite lettre que plusieurs confrères jeunes, s’étaient permis dans le temps de carnaval, de se déguiser, mis un masque devant la figure etc. et danser avec une foule d’insensés dans la rue, et place publique, qu’il priait Monsieur le prieur d’aviser le conseil, afin qu’il soit pris des mesures pour éviter que de pareilles scandales n ‘arrivent plus à l’avenir, comme d’infliger une pénitence quelconque, au contrevenants à la règle que doivent observer les membres d’une société religieuse.
Considérant que les divertissements publics scandaleux sont interdits à tous les membres qui composent la confrérie d’après les statuts établis par les anciens confrères lors de la fondation de la chapelle.
Considérant que les circonstances du temps, on fait négliger de renouveler la lecture des dits statuts, ce qui est cause que les jeunes confrères ont manqué faute de connaissance, qu’il convient cependant de leur infliger une petite pénitence afin de servir d’exemple aux autres, et à eux de ne plus y revenir.
Il a été délibéré à l’unanimité, qu’à la diligence de M. le prieur, il sera découvert, quel nombre, et quels sont les frères qui se sont écartés du devoir d’un membre d’une société religieuse, d’en former une liste, les faire appeler ensuite devant lui, pour leur donner connaissance de la présente délibération en les prévenant qu’ils doivent chacun se rendre à l’office du malin, le dimanche qu’il leur indiquera, pour y rester à genou pendant tout le temps de l’office, ou si mieux n’ayment, payer de suite entre ses mains le montant d’une livre de cire.
M. le prieur donnera avis à la confrérie de ce qui aura été fait à ce sujet, afin qu’ils soit pris en cas de refus tout moyen qu’on avisera.
La présente délibération sera inscrite en placard et affichée dans le cœur afin que les délinquants se rappellent leur faute, et les autres en ayent connaissance pour l’éviter.
Et avons signé.
Ce texte fait partie d’un dossier d’archives de la confrérie des pénitents blancs de Saint-Jean-de-Fos conservé aux archives départementales de l’Hérault sous la cote : 5 E 46. Cette confrérie a été crée le 9 Mai 1720, à l’initiative et en présence de Henry Barescut, prieur ; Etienne Aubert, premier consul ; Philippe Lanave, deuxième consul ; Louis Albe, dernier consul ; André Latreille ; Etienne Vitalis ; Pierre Combacal, procureurs juridictionnels ; Pierre Depierre, greffier consulaire. [J-P. André]
On en profitera pour signaler ici la publication des Actes de la XIIème journée d’études du CEHRM : Confraternités laïques, béguines, œuvres de jeunesse, pénitents dans la France méridionale du Moyen Age à nos jours, Paris, l’Harmattan, 2012, sous la coordination de Chantal de Saint Priest d’Urgel avec des communications de M.R. Bonnet, D. Vingtain, R. Bertrand, C. Briotet, B. Terlay, J. Brochier, F. Dunan, sur des thèmes qui, en particulier depuis le célèbre ouvrage de M. Agulhon en 1968, ont connu de vigoureuses études. Et les sujets ne semblent pas devoir s’épuiser, y compris pour des monographies locales comme la récente : Confrérie des Pénitents rouges puis blancs de Saint-Guilhem-le-Désert, XIVème-XIXème siècles, Montpellier, 2012. [Jean-Claude Richard Ralite]
La traque du loup
Ces dernières années, l’historien Jean-Marc Monceau a publié de nombreux articles, ainsi que trois ouvrages, sur le loup dans ses rapports avec les sociétés humaines du passé. L’objet n’est pas ici d’en livrer un compte-rendu à prétention d’exhaustivité, mais simplement de souligner les principaux apports de ces trois ouvrages en ce qui concerne l’histoire de notre département.
Le premier (Jean-Marc Monceau, Histoire du méchant loup. 3 000 attaques sur l’homme en France, XVe-XXe siècles, Paris, Fayard, 2007, 623 p., avec une réédition enrichie dès l’année suivante) se focalise sur l’importante nuisance pour l’homme et le bétail qu’a représenté le loup dans le passé. En cela, cette publication a suscité des polémiques, parce que nous vivons une époque qui a oublié la réalité historique de la menace constituée par le « méchant loup » pour en faire, à tort, un objet presque mythologique. Depuis son retour spontané en France il y a une vingtaine d’années, le loup a gagné, auprès du grand public, une image d’animal menacé et à protéger. Aussi est-il désormais un objet de débats ? le mot est faible ? interminables entre écologistes et éleveurs. Le livre de Jean-Marc Monceau montre que, jusqu’à son éradication de France au début du XXe siècle, le loup constituait une menace réelle, lorsqu’il était enragé bien sûr, mais aussi dans une multitude d’autres cas de loups anthropophages. Les agressions sont étudiées par l’auteur de manière quantitative, à partir de sources diverses, et en particulier des registres paroissiaux de sépultures, afin de dresser une histoire des relations homme-animal. Jean-Marc Monceau établit une chronologie de la menace lupine contre l’homme à travers cinq siècles, et il la corrèle avec les périodes de crise, et de manière plus large avec l’histoire générale de la France. Il en ressort, par exemple, que la fin du XVIIe siècle, marquée notamment par la publication du Petit chaperon rouge, est bien une période de multiples attaques. Une étude fine des sources historiques met en évidence une multitude de phénomènes parfois surprenants et loin des idées reçues habituelles : par exemple, le loup attaque davantage en plein jour et en été que de nuit et en hiver, et il fait surtout irruption dans les espaces agro-pastoraux où l’on s’active, plutôt que dans les bois. Dans ce livre, l’aire couverte par l’actuel département de l’Hérault est parfois concernée, mais avec un nombre (connu) de morts causées par le loup (p. 512) fort modique (6, sur une durée de cinq siècles) comparé à d’autres départements (138 pour la Lozère ; 60 pour le Gard ; 23 pour l’Aveyron ; 5 pour les Pyrénées-Orientales ; 4 pour le Tarn ; mais aucun pour l’Aude). À Hérépian en 1772, un loup enragé mord cinq personnes (p. 599). En 1786, on cherche à soigner des malades de la rage par des bains de mer à Agde (p. 463). Surtout, le chapitre V (p. 169-214) fait régulièrement référence à l’intendant de Languedoc, M. de Saint-Priest, basé à Montpellier, et à des documents conservés aux Archives départementales de l’Hérault, en ce qui concerne la célèbre affaire de la bête du Gévaudan.
Le second livre sur le sujet se focalise justement sur cette affaire : c’est un ouvrage plus modeste et davantage grand public (Jean-Marc Monceau, La bête du Gévaudan (1764-1767), Paris, Larousse, 2008, 288 p.)
Certaines des questions soulevées dans les deux premiers ouvrages de Jean-Marc Monceau sur le loup sont à nouveau abordées dans le troisième (L’Homme contre le loup. Une guerre de deux mille ans, Paris, Fayard, 2011, 479 p.). Mais, cette fois, l’auteur inverse la perspective par rapport aux 3000 attaques, en s’intéressant avant tout à la riposte de l’homme contre la menace du loup, d’abord pour se défendre puis pour exterminer ce dernier. Et, dans ce livre encore, le Languedoc se distingue Surtout par la décidément incontournable affaire de la bête du Gévaudan. Celle-ci rejaillit indirectement sur ce qui est depuis devenu le département de l’Hérault, comme d’ailleurs sur tout le reste du royaume, du fait de sa grande médiatisation. Et, dans la perspective de la lutte contre la bête, le désarroi est tel que toutes les idées sont bonnes pour en venir à bout. En 1765, des chasseurs partent en Gévaudan, cependant que d’autres habitants du bas pays rivalisent d’ingéniosité, voire de fantaisie, dans leurs suggestions écrites à l’intendant. Un certain Joas de Papoux, nîmois, imagine de créer des « femmes artificielles », puisque le monstre attaque avant tout des enfants et des femmes ; à moins de déguiser des chasseurs en animaux sauvages. Nouvel, le curé de Pinet, propose de tromper la bête en lui offrant des mannequins de paille contenant des foies de mouton ou de veau empoisonnés. La chasse au loup devient un véritable carnaval (p. 218-221). Au milieu des années 1780, il est question du Montpelliérais à travers le refus persistant des États de Languedoc d’accorder des primes aux prises de loup, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres provinces. En conséquence, plusieurs communautés et éleveurs de troupeaux des confins des diocèses de Montpellier et d’Alès s’organisent afin de traquer le loup et de récompenser les auteurs de captures. L’initiative, impulsée par un gros propriétaire de troupeaux du nom de Duffours, débouche sur une multiplication des prises. Elle fait des émules dans les environs, d’où une réclamation ? apparemment sans suites ? visant à étendre son initiative à toute la province (p. 358-359).
Au total, ces trois livres témoignent d’une manière assez originale de faire de l’histoire. Si l’Hérault n’est certes pas au centre du propos, il est cependant concerné, ainsi que les départements languedociens voisins [Sylvain Olivier].
Joseph Chauvet (1794-1875)
Né à Tressan, J. Chauvet passa la première partie de sa vie à Vendémian où en 1827 il est qualifié d’avocat. Il appartient à la Société Archéologique de Montpellier dont il est membre correspondant (« Chauvet, propriétaire à Vendémian », Mémoires de la Société, 1, 1840, p.4).On le retrouve comme agent voyer en chef de l’Allier à partir de 1841 et il meurt à Vichy en 1875. Durant son séjour à Vendémian et, parfois, à l’occasion de vacances après 1841, J. Chauvet se livre à des recherches archéologiques sur Vendémian et aux environs, en particulier au Pouget. Il est le premier à avoir effectué des ramassages et des fouilles sur le site de La Graufesenque (Millau, Aveyron). Il avait réuni une importante collection d’objets qui fut achetée à sa mort par un collectionneur qui la céda à l’Académie de Clermont-Ferrand. Malheureusement, J. Chauvet n’a donné qu’une seule publication archéologique et qui concerne Vichy où, ès qualités, il surveillait les travaux de voirie et connaissait les découvertes (Notice générale des antiquités de Vichy-les-Bains, Cusset, 1851)
De ses recherches dans l’Hérault et l’Aveyron, il ne subsiste plus qu’un catalogue manuscrit, parfois illustré de dessins au trait, car les collections de Clermont n’ont pas été classées à part ni publiées. Mais les renseignements donnés par le catalogue original restent précieux car J. Chauvet est contemporain des premières recherches archéologiques du début du 19ème siècle, et il a soigneusement précisé les lieux de ses recherches. Une publication de cette documentation est actuellement en préparation.
En 1998, le regretté Cristian Laus a publié de cet auteur un manuscrit inédit, en langue d’oc, découvert dans le commerce : Flors d’amor, poesias eroticas inedichas del sègle XIX (Puylaurens, 1998) qui contient deux parties : L’amor al vilatge, 20 poèmes écrits entre 1809 et 1873) et L’amor que se crompa (41 poèmes entre 1864 et 1873). [Jean-Claude Richard Ralite]
Folklores et traditions populaires
Une nouvelle réimpression du livre de J. Poueigh (Folklore des pays d’Oc, la tradition occitane, Paris, 1994) nous permet de parler de la « civilisation occitane » dont l’auteur avait commencé l’étude par des recueils de chansons. Mais cet ouvrage a largement dépassé ce sujet et, dans son Introduction, A. Varagnac marque bien les intérêts du volume. Il en est de même pour la réimpression de Claude Seignolle (Promenades à travers les traditions populaires languedociennes, des Cévennes à la Mer, Paris, 2001) qui s’inscrit dans la ligne et sur les conseils de Arnold van Gennep. L’auteur n’oublie pas tout ce qu’il doit dans ses enquêtes aux « soldats » de l’enquête de terrain et un hommage particulier est rendu à A. Durand-Tullou (1914-2000) dont la piété familiale et amicale nous a valu l’édition de deux de ses ouvrages sa thèse, soutenue en 1959 : Un milieu de civilisation traditionnelle : le Causse de Blandas (Millau, 2003) et Le Pays des Asphodèles, Montpellier, 2009 en édition complète car la première (Paris, 1989) avait supprimé deux cents pages du manuscrit ! On citera aussi : Le Diable et le Bon Dieu en Occitanie, Paris, 1996. En mai 2002 un colloque fut organisé à sa mémoire : Entre Causses et Cévennes, Hommage à Adrienne Durand-Tullou, Nîmes, 2003. Malgré la disparition, de proche en proche, des témoins anciens de cette civilisation, les enquêtes sont toujours possibles car il existe, heureusement encore, des milieux qui ont conservé ces longues traditions et qui sont prêts, à leur tour, à les transmettre. Et nous n’oublierons pas de J.-P. Pinies, Figures de la sorcellerie languedocienne, Paris, 1983, même si, aujourd’hui, ces pratiques ont disparu, mais qui sait ? [Jean-Claude Richard Ralite]
Georges Vacher de Lapouge (1854-1936)
Voici un personnage dont le nom est encore connu dans nos régions mais dont les idées raciales auraient pu le mettre au ban de la Société (L’Aryen, son rôle social, Paris 1899). Le professeur J.-M Augustin vient de nous livrer un gros volume qui présente tous les aspects de la vie, de la carrière et des œuvres d’un personnage qui, à la jonction des deux siècles précédents, entre Montpellier, Rennes et Poitiers, était à la recherche de l’Homo europoeus ! L’eugénisme aurait pu servir un régime interventionniste mais, heureusement, ces théories n’ont influencé que quelques défenseurs de l’hygiénisme racial aux États-Unis et les théoriciens du national socialisme en Allemagne. Mais un tel livre nous entraîne à réfléchir sur les dérives intellectuelles qui ont entraîné un homme dans les sphères du racisme. [Jean-Claude Richard Ralite]
Les Balsan de Lagamas (Hérault) à Chateauroux (Indre)
Le souvenir de la famille Balsan, originaire de Lagamas, aurait probablement disparu si cette commune n’avait pas bénéficié des largesses d’une lignée d’industriels dont Châteauroux a récemment célébré l’histoire (Chr. MéryBarnabé, Châteauroux et les cités lainières d’Europe, de la Manufacture royale de draps à l’usine Balsan, Châteauroux, 2010). Au début du 19ème siècle, c’est Joseph Teisserenc (1757-1825), dont la famille est originaire de Lodève, qui fait l’acquisition de la manufacture : celle-ci devient en 1859 propriété de Jean-Pierre Balsan (1807-1869). La famille Balsan est connue à Lagamas depuis le 16ème siècle : Pierre en sera maire et se consacrera à la viticulture. Son fils, après une rapide formation intellectuelle locale, continue l’agriculture puis rejoint Lodève alors ville lainière et Paris. Il va faire reconstruire ou construire à Châteauroux de nouveaux bâtiments par l’architecte A. Dauvergne (1824-1886). C’est ce dernier qui sera l’architecte de l’église de Lagamas, consacrée en 1874 et des bâtiments annexes : l’ensemble sera cédé à l’évêché par l’épouse de J.-P. Balsan, Elodie née Martin qui décède en 1893. La manufacture de Châteauroux va connaître durant le vingtième siècle les succès et les aléas de ce type d’industrie comme ce fut aussi le cas à Lodève, Villeneuvette ou Clermont : à la fin de ce siècle c’est la commune qui rachète les anciens bâtiments et assure maintenant leur mise en valeur patrimoniale. [Jean-Claude Richard Ralite]
Tressan avant 1914
L’histoire de nos villages suscite l’intérêt des habitants et de chercheurs éloignés ou originaires du lieu comme l’est Bruno Jaudon (Tressan jusqu’en 1914 la naissance d’un village viticole en Languedoc, Clermont-l’Hérault, 2004). La moitié du volume est consacrée à l’étude depuis l’Antiquité jusqu’à la Révolution Française. Avant les guerres de Religion, les sources sont réduites même si, ici, les archéologues ont pu livrer les résultats positifs de leurs explorations qui ont permis de déterminer pour l’époque gallo-romaine des sites d’occupation suivie. Le Moyen Age est dépendant de l’histoire religieuse, et peu à peu on entre dans les méandres de l’exploitation agricole. Le 19ème et le début du 20ème siècle marquent la suprématie de la monoculture viticole qui subira la crise du phylloxera et la crise de 1907. Ce dernier siècle marquera, ici comme dans la plupart des villages voisins, toute la vie locale avec les changements de paysages, les évolutions des habitats et des constructions viticoles et la vie sociale dans laquelle les viticulteurs vont pour longtemps occuper tout l’espace public.
Peu à peu les monographies communales voient le jour et il faut souhaiter qu’elles ne se contentent plus aujourd’hui de prendre fin à 1914 ou 1939 mais qu’elles soient poursuivies jusqu’à la fin du vingtième siècle car, là au moins, les sources ne manquent pas. [Jean-Claude Richard Ralite]
Gendarmerie Nationale : histoire et archives
La Gendarmerie Nationale dispose de nombreuses études récentes qui ont permis de mieux connaître l’histoire de ces militaires qui jouent un rôle de premier plan tant dans les villes que dans les campagnes. E. Alary a publié une Histoire de la Gendarmerie (Paris 2000) depuis ses origines dans une synthèse de 300 pages. Le service historique de la Gendarmerie Nationale a donné, en 2002, un fascicule sur les Unités de la Compagnie de Gendarmerie départementale de l’Hérault (1888-1946) qui est un Répertoire détaillé de la sous-série 34E. Sous la direction de J.-N. Luc est sortie en 2005 une Histoire de la maréchaussée et de la Gendarmerie, guide de recherche (1105 pages !) où l’on trouvera les références précises. Et, en 2002, sous la même direction une Gendarmerie, État et Société au XIXème siècle.
Pour une époque plus précise, la dernière guerre mondiale, les publications ont été multipliées afin de décrire les attitudes de la Gendarmerie dans ces années difficiles : Cl. Cazals, La Gendarmerie et la « Libération », Paris, 2001. Sous la direction de Bernard Mouraz : Gendarmes résistants, du refus aux Combats de la Libération (1940-1945), Paris, 2006 ; et, plus récemment : J.-M. Pontaut et E. Pelletier, Chronique d’une France occupée, les rapports confidentiels de la Gendarmerie, 1940-1945, Neuilly, 2008, qui publie de nombreux rapports à travers toute la France.
Dans l’Hérault, la Gendarmerie comme tous les corps constitués a obéi aux ordres mais, peu à peu, on a vu un « relâchement » dans la poursuite de ceux qui étaient recherchés en raison de leur origine ou de leurs engagements. Si bien qu’à l’été 1944, les brigades de Gendarmerie ont gagné, sur ordre de leurs chefs, les mouvements résistants que certains militaires avaient déjà rejoints auparavant. À la fin de la guerre, les autorités nationales ont demandé des rapports sur l’attitude de la Gendarmerie, département par département, et certains d’entre eux, comme dans l’Hérault, ont été conservés : ils permettent de voir précisément l’engagement patriotique des Gendarmes.
Pour les historiens de la dernière Guerre mondiale, les archives de la Gendarmerie constituent donc une source au plus près du terrain qui apportent, dans le détail, des vues souvent distinctes de ce que l’on savait ou croyait savoir ! [Jean-Claude Richard Ralite]
Politique et symbolique du début du XIXe au milieu du XXe siècle
Un numéro thématique des Annales du Midi, sur « Politique et symbolique de la Restauration à la Révolution nationale. Déclinaisons méridionales », vient d’être publié. Dans l’introduction, le responsable de ce recueil d’articles, Pierre Triomphe, fait état d’une historiographie en renouvellement permanent, celle de l’approche politique du symbolique, que ce dernier consiste en signes matériels ou en rituels, en gestuelle. L’auteur souligne à quel point, du drapeau aux emblèmes des partis, les symboles ont une signification politique primordiale, dans le Midi et en France en général. Les régions méridionales se révèlent cependant particulièrement propices à l’histoire politique, du fait de la vigueur de la conflictualité qui les caractérise dans ce domaine pendant toute la période étudiée. Après l’introduction, ce numéro rassemble six articles. Quatre d’entre eux ne concernent pas spécifiquement l’Hérault ? sinon de manière très ponctuelle, comme celui d’Olivier Tort sur « L’image du Midi sous la Restauration variations autour du tempérament méridional ».
Il convient en revanche de signaler à nos lecteurs les textes de Philippe Lacombrade sur « La « républicanisation » de l’espace public montpelliérain. Politique et géographie symbolique dans le « Midi rouge » (1848-1914) » et de Richard Vassakos, sur « Les plaques bleues du « Midi rouge » dans la tourmente. L’épuration symbolique de la toponymie urbaine en Languedoc-Roussillon sous Vichy ». Le premier souligne notamment la force d’inertie de l’héritage monumental lié à la Contre-révolution dans une ville où le parti « rouge » dominant? et finalement triomphant ? affronte un parti « blanc » qui demeure puissant. Richard Vassakos, quant à lui, aborde le retour, pendant le régime de Vichy, sur cette républicanisation de l’espace. Dans l’Hérault comme dans les autres départements de la région, des toponymes anciens sont réactivés, tandis qu’on en crée de nouveaux à la gloire du maréchal Pétain, le tout aux dépens des noms rappelant le socialisme et le communisme. [Sylvain Olivier].
L'éducation populaire est-elle toujours d'actualité ?
Depuis le 19e siècle, l’éducation populaire est l’objet de déclarations de principes et d’actions, entre l’éducation des enfants pauvres et, depuis les lois Ferry, l’enseignement postscolaire. Doit-elle être laïque et/ou confessionnelle ? Les questions rémanentes viennent de faire l’objet, à travers l’histoire des mouvements qui en sont les porteurs, d’un colloque, en 2009, dont les Actes constituent un hors série de la Revue du Nord (n° 28, 2012) sous le titre : Éducation populaire : initiatives laïques et religieuses au XXe siècle. Les « grands » noms sont présents, les « grands » mouvements aussi et les communications dépassent largement le cadre national. La jeunesse est pour tous un enjeu majeur et les initiatives, souvent concurrentes, tendent toutes à une transformation de la société française. Faut-il en trouver une illustration dans, d’un côté, les Universités traditionnelles et, de l’autre, les Universités populaires qui se sont multipliées dans diverses régions, reprenant des expériences connues surtout à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle (Les Universités populaires, hier et aujourd’hui, Cerisy-la-Salle 2008 et B. Modica : Les universités populaires dans l’Hérault, Études Héraultaises, 39, 2009, p. 233-235). Il reste là un chantier considérable mais il est important d’en connaître les sources et les œuvres accomplies par des militants que trop souvent les gouvernements n’ont pas écoutés ? et n’écoutent toujours pas ? comme si l’avenir de la jeunesse n’était pas dans le droit fil des réflexions et des actions des années passées. [Jean-Claude Richard Ralite]
Les Prêtres de l'Hérault
Le département de l’Hérault a donné naissance ou champs d’actions à de nombreux prêtres, réguliers ou séculiers, qui, en dehors de leur ministère habituel, se sont « illustrés ». On rappellera, entre autres, l’ouvrage classique de G. Cholvy, André Soulas et les sœurs garde-malades de Notre-Dame Auxiliatrice (1845-1995), Montpellier, 1995, et ceux de Louis Secondy (Évêques et prêtres de l’Hérault au service de l’Église locale et universelle, Montpellier, 2010 et le récent : Prêtres d’exception en Languedoc-Roussillon, Villeveyrac, 2012) qui, avec ses travaux sur les établissements d’enseignement, apporte une vue d’ensemble et des biographies très détaillées sur ces hommes qui ont exercé quasiment aux quatre coins du monde (L. Secondy, Xavier Montrouzier (1820-1897), missionnaire mariste et savant naturaliste montpelliérain en Océanie, Montpellier, 2012 ; on signalera aussi la récente réimpression de l’introuvable livre de J. Rouquette, Les sociétés secrètes chez les Musulmans, Montpellier, 2013). Nous ne saurions oublier, ici, tous ceux qui ont construit des pans entiers de l’histoire locale à travers des monographies communales, éditées ou encore inédites, premières marches d’études plus larges sur des questions générales. Au niveau local existait souvent une émulation entre ces ecclésiastiques plus intéressés par l’histoire des siècles avant la Révolution Française, et les instituteurs ou professeurs qui, sans négliger les siècles anciens, insistaient davantage sur les Révolutions et les Républiques aux 19ème et débuts du 20ème siècle. Grâce à tous ces concours on dispose d’études ou de monographies de plus du tiers des communes de l’Hérault les chantiers ouverts restent donc considérables pour les historiens du 21ème siècle. [Jean-Claude Richard Ralite]
Histoires locales, histoires de nos villages...
Existe-t-il une grande ou une petite histoire, celle des villages ! F. Ploux (Une mémoire de papier, les historiens de village et le culte des petites pairies rurales (1830-1930), Rennes, 2011) s’est livré à une grande enquête sur ce genre à travers la France. Il constate que c’est à partir de 1830 que les histoires locales commencent réellement à paraître en nombre et trouvent souvent leur origine dans les cénacles des sociétés savantes. Les revues de ces sociétés en sont les lieux de publication ou d’une première publication mais la plupart prennent leur autonomie. F. Ploux montre bien le rôle décisif joué par l’instituteur et/ou le curé dans ces productions que les hiérarchies respectives de ces notables locaux vont encourager il n’a pas de mal à montrer, surtout à partir de la IIIème République, que les auteurs religieux sont principalement intéressés par les origines et terminent leurs ouvrages avant la Révolution Française, sinon pour en critiquer vivement les aspects. Par contre les laïques sont très favorables aux acquis de la Révolution Française, critiques sur la royauté et le Second Empire, et favorables au progrès. On a noté récemment une histoire locale à partir des noms de lieux H. Boyer, Canet d’Hérault à travers ses noms de lieux, multiplicité et richesse de leurs déclinaisons, (Millau, 2009).
Nous ajouterons le point suivant depuis vingt ou trente ans se sont multiplié les réimpressions de ces histoires qui n’étaient plus disponibles depuis longtemps. Celles-ci, la plupart du temps, sont reproduites à l’identique mais d’autres font l’objet d’une présentation qui peut être très fournie, afin de les replacer dans leur cadre et, surtout, pour affirmer qu’elles ne sont pas nécessairement les unes et les autres… paroles d’évangile ! Ces nouvelles éditions doivent être plutôt un engagement à de nouvelles histoires tenant réellement compte des avancées de la recherche historique.
On peut aussi s’interroger comme la revue Études Rurales (n° 187, janvier-juin 2011) sur : Le sens du rural aujourd’hui, 50 ans d’une revue dans le monde, et relire sur la production traditionnelle de blés : J. et H. Bézian, Les grandes heures des moulins occitans, Paris, 1994 dans la célèbre collection Terre humaine.
Les réflexions sur l’économie sont toujours présentes dans des ouvrages qui sont consacrés au milieu rural ou plus généralement aux sociétés dans leur ensemble L. Fontaine, L’économie morale, pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, 2008 ; J.-Cl. Daumas (dir.), Faire de l’histoire économique aujourd’hui, Dijon, 2013.
Enfin, il ne faut pas négliger les renseignements comme ceux qu’apporte l’archéologie de la maison villageoise : par exemple, pour une des plus célèbres de l’Hérault, le soi-disant « Hôtel des monnaies » de Villemagne-l’Argentière. L’étude architecturale de F. Mazeran et d’importants sondages (J. Crozier, Bilan scientifique régional, 2011, p. 166-168) permettent de distinguer les différentes phases de construction depuis la fin du XIIIe siècle. Il faut souhaiter que toute l’exploration archéologique puisse être conduite à son terme et que la restauration tienne compte des résultats. Si, ici, un ensemble de circonstances favorables a permis l’étude archéologique, celle-ci, malheureusement, n’est pas réalisée dans la plupart des travaux qui concernent des maisons médiévales comme le demande, avec nous, P. Garrigou Grandchamp. [Jean-Claude Richard Ralite]
Archéologie d'une cave à fromage du Larzac lodévois
Éric Kammenthaler est un archéologue spécialiste des mines du sud de la France, des Pyrénées aux Alpes en passant par le Vivarais et la Montagne Noire. Mais il vient aussi de publier un petit ouvrage sur une autre activité souterraine, intitulé : La cave de la Vacquerie, Étude archéologique d’une cave d’affinage du XIXème siècle, Lodève, Les Cahiers du Lodévois-Larzac, n° 37, 2011, 77 p. De manière assez exceptionnelle, il a en effet été sollicité par la communauté de communes du Lodévois et Larzac pour une étude, effectuée en 2008, d’archéologie des activités artisanales de l’époque contemporaine, celle d’une ancienne cave à fromage, avant des travaux de mise en sécurité rendus nécessaires par l’effondrement progressif de nombreuses structures. Le site en question est l’aven-grotte dit de Vitalis, ou de la Vacquerie ? du nom de la commune sur laquelle il se trouve ? un réseau karstique de plus de 2 900 mètres de longueur également connu comme site préhistorique. Cependant, l’étude a porté sur les quarante premiers mètres de la cavité, c’est-à-dire la partie qui a servi de cave d’affinage pour une production de fromage de brebis à pâte persillée de type « Roquefort ». Cette cavité est représentative d’une activité autrefois répandue dans la région des Grands Causses, avant que la création de l’Appellation d’Origine en 1925 ne réserve à la seule localité de Roquefort la production de ces fromages, causant la disparition des caves dites bâtardes. La première année connue de fonctionnement de la cave en question est celle de 1817, moment de la création de la Société des Caves réunies de la Vacquerie et de Pégairolles-de-l’Escalette. Mais l’activité fromagère sur place est sans doute beaucoup plus ancienne et son étude sur la longue durée mériterait encore des approfondissements. Étant donné qu’Éric Kammenthaler est archéologue, qu’une étude fouillée des archives n’était pas son objectif, et que son travail sur le terrain n’a été précédé d’aucune entreprise historique d’envergure, cette dernière reste donc à mener. En effet, on ne sait pas grand chose sur la cave de la Vacquerie dans la longue durée, contrairement à Roquefort où on dispose d’informations depuis le Moyen Âge.
Le livre s’ouvre sur une présentation d’ensemble des lieux et une brève contextualisation historique, accompagnée d’informations techniques sur la manière ? supposée traditionnelle ? de fabriquer le fromage à Roquefort dans le premier tiers du XXème siècle. Puis, l’expertise ainsi acquise est utilisée afin de mieux interpréter les structures étudiées en 2008 selon les techniques de l’archéologie du bâti. Quelques documents d’archives aident à mettre en évidence un fonctionnement discontinu de la cave à fromage au XIXème siècle et à attribuer l’ultime phase de son utilisation à la période couvrant les années entre la décennie 1860 et la décennie 1900, la dernière famille propriétaire étant les Vitalis.
Après ces considérations générales, l’essentiel de l’ouvrage est consacré à une étude fine du bâti en élévation et des installations souterraines. Un siècle après l’abandon, les bâtiments de la surface et, surtout, les constructions souterraines mixtes en bois et en maçonnerie étaient extrêmement fragilisées et déjà difficiles à observer lors de l’étude. L’ensemble est appuyé sur une très riche iconographie dont il est difficile de rendre compte ici, en quelques lignes seulement. Signalons notamment une remarquable série de photographies, ainsi que des dessins restituant en trois dimensions les anciennes caves. Il s’agit d’une description très rigoureuse et très fine qui permettra aux générations futures de connaître l’état de la cave d’affinage telle qu’on pouvait encore la trouver il y a quelques années. Dans les dernières pages, la restitution de la cave, telle qu’elle devait être à la fin du XIXème siècle, permet d’en revenir à l’activité fromagère. L’étude des volumes et, donc, des capacités d’affinage, croisée avec quelques documents d’archives de l’époque, aide l’auteur à évaluer l’importance économique de la cave : celle-ci pouvait traiter la production issue de plusieurs dizaines de troupeaux. La cave de la Vacquerie était donc véritablement une unité de production industrielle qui permettait de transformer la production laitière d’un grand territoire. L’ouvrage d’Éric Kammenthaler souligne donc l’importance de l’élevage dans la vie agricole du Lodévois et du Larzac au XIXème siècle. [Sylvain Olivier].
Jeanne Galzy (1883-1977) poétesse
On connaît surtout la romancière qui dès 1923 reçut le prix Femina pour ses Allongés mais grâce à Raymond Huard qui a déjà publié une belle Biographie, on dispose maintenant de : J’écris pour dire que je fus… Poèmes (Uzès, 2013) œuvres de jeunesse écrites et parfois publiées entre 1910 et 1921. On est éclairé sur la forte sensibilité de l’auteure à la veille et pendant la première guerre mondiale. L’année qui précède sa disparition elle fixe le texte qui devra être lu pour ses obsèques : « J’écris pour dire que je fus / parmi l’éternité du monde / le bruit éphémère d’un pas / le battement indiscernable / dans l’immense rumeur du monde / d’un souffle passant sur le sable, / d’un cœur, / cette aile de colombe ». [J. VIDAL]
Hemingway parachuté sur Lunas (Hérault) en mai 1944 ?
Mai 1944, Hemingway parachuté sur Lunas (Hérault)…
A Lunas, il se raconte qu’en mai 1944, Hemingway a été parachuté sur le plateau du Pioch (Lunas au gré de l’alphabet, notes et anecdotes des derniers seigneurs à 1950, Sète, Les Amis de Lunas, 2012). Certaines personnes sont persuadées que le futur prix Nobel a foulé le sol de la commune avant de rejoindre la Normandie : il assurait alors la fonction de correspondant de guerre pour l’hebdomadaire Collier’s.
C’est René Ribot, (1918-1994) du maquis Bertrand cantonné au château de Cazilhac qui réceptionna l’Américain.
J. G Bonafé a recueilli le témoignage de sa veuve, décédée en février 2012.
Une nuit, René attendait le parachutage d’hommes sur le plateau au-dessus de Dio. Ces largages, annoncés par le message codé envoyé de Londres « le pilote a disparu », s’effectuaient entre minuit et 2 heures du matin. C’est ainsi qu’il réceptionna deux Américains : Hemingway qui atterrit avec cannes à pêche, moulinets, boîte de mouches… et un certain Jimmy. Il les mena au hameau de Gours où ils furent hébergés. Le lendemain, il les accompagna au Clapier où se trouvait le QG du colonel Leroy. Pour se faire « oublier », René Ribot partit en mission au maquis de Léon Freychet, près de Saint-Affrique, pendant quelques semaines.
De 1941 à 1948, les époux Ribot gérèrent le Grand Café du Bousquet-d’Orb, puis l’Hôtel du Nord de 1968 à 1980.
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Vers 1970, au cours d’un bref séjour, Hemingway vint saluer René. Sur un poster en couleurs (60 sur 40 cm), conservé par madame Ribot, figure une jeune femme vêtue d’un pantalon et d’un blouson en jean largement échancré. On peut y lire une dédicace en anglais, signée « Margaux » pouvant se traduire par : « A René Ribot, l’homme qui a sauvé mon père. Beaucoup d’amour et de joie ».
Ce document éclaire d’un jour nouveau un pan d’histoire locale : Margaux est la fille de Jack Hemingway et la petite-fille d’Ernest Hemingway. C’est donc Jack qui arriva sur le Pioch en mai 1944 et non le célèbre écrivain !
John Jack Hadley Nicanor Hemingway naît à Toronto, au Canada, en octobre 1923. Il est le seul enfant du premier mariage d’Ernest Hemingway avec Hadley Richardson. C’est en hommage au matador espagnol Nicanor Villalta, que son père, aficionado, lui donne l’un de ses prénoms. Appelé « Bumby » par ses proches, il passe ses premières années entre l’Autriche et la France où il fréquente, à Paris, l’École Alsacienne. Jack a 5 ans lorsque ses parents se séparent. Mis en pension, il ne rencontre son père que lors des vacances d’été. Très tôt, celui-ci l’initie à la pêche qui devient une passion partagée et l’envoie parfois dans un ranch du Montana où ils se retrouvent pour des parties de chasse.
Il poursuit ses études à l’université du Montana et au collège de Dartmouth mais les abandonne pour rejoindre son père à Cuba et lui faire part de son désir de s’engager dans l’armée ; incorporé dans la police militaire, grâce à l’influence paternelle, il rejoint l’unité de renseignements de l’OSS (Office of Stratégic Services), ancêtre de la CIA, qui opère derrière les lignes ennemies. Sa formation, sa connaissance de plusieurs langues et son excellente condition physique lui permettent d’accéder rapidement au grade de capitaine.
Jack a 20 ans lorsqu’il est parachuté dans l’Hérault, chargé d’aider la Résistance dans la collecte de renseignements et l’organisation de sabotages, préparant ainsi le futur débarquement allié. En digne fils d’Ernest, il arrive sur le sol français avec son matériel de pêche !
En octobre 1944, on le retrouve dans la 7ème armée américaine du général Alexander Patch, au sein d’une unité de l’OSS où sont également incorporés des résistants français. Cette armée, après son débarquement en Provence, remonte vers le nord. Au cours d’une mission de reconnaissance dans les Vosges, il est blessé près de Belfort par des soldats de la 19ème armée allemande du général Wiese et fait prisonnier, un lieutenant autrichien, admirateur de l’œuvre de son père, le dirige alors vers un hôpital alsacien. Guéri, il est incarcéré au camp de Moosberg jusqu’à sa libération, en avril 1945.
Après la seconde guerre mondiale, on le retrouve agent de sécurité en poste à Berlin puis officier de liaison au 3ème corps d’armée française à Fribourg. Il est décoré de la Croix de guerre et termine sa carrière militaire comme officier du renseignement en Caroline du Sud.
Revenu à la vie civile, il exerce successivement les métiers d’agent de change et de vendeur d’articles de pêche, avant de se consacrer à l’écriture. Il s’attache alors à terminer l’autobiographie de son père qu’il publie en 1964, puis rédige ses souvenirs dans « Misadventures of a fly fisherman : my life with and withoul Papa ».
En Juin 1949, il épouse Byra Louise « Puck » Whittlesey. Trois filles naissent de cette union :
* Joan en 1950, surnommée « Muffet », étudie à Paris notre langue et la cuisine. Elle est l’auteur du roman « Rosebud ». Elle a épousé le restaurateur français Jean Desnoyer.
* Margaux, née en 1954, est actrice (elle a joué dans 18 films) et mannequin (en 1975, égérie d’un parfum pour Fabergé, son contrat d’un million de dollars en fait l’un des mieux payés au monde !). Elle apparaît en couverture de Vogue, Cosmopolitan, Time, Play Boy… Problèmes d’alcoolisme et dépressions nerveuses l’amènent au suicide par absorption de barbituriques le 1er juillet 1996, veille du jour anniversaire de celui de son grand-père Ernest, en 1961.
* Mariel Hadley née en 1961, est actrice. A 17 ans, sa prestation dans « Manhattan », film de Woody Allen, la fait nominer, en 1980, aux Oscars du meilleur second rôle féminin.
Jack Hemingway, après avoir recherché, jusqu’en Norvège, les cours d’eau où l’on peut capturer le saumon, devient un fervent défenseur de la nature en travaillant à la protection des milieux et espèces menacés. Cardiaque, il est décédé en décembre 2000 de complications postopératoires. [J. et L. Osouf]
Jean Moulin et la Résistance soixante dix ans plus tard
En 2001, Études héraultaises avait édité un Jean Moulin, le plus illustre des héraultais ouvrage de qualité réunissant de belles signatures et une magnifique illustration photographique (cet ouvrage vient d’être réédité par Arts et Traditions Rurales, Montpellier, 2013). L’Hérault a contribué à la gloire de Jean Moulin par deux autres ouvrages : M. Fratissier, Jean Moulin ou la fabrique d’un héros, Paris, 2011, qui ne manque pas de rappeler l’initiative de la panthéonisation de 1964 et de retracer l’itinéraire si discret mais efficace de l’ascension de Moulin. Tout récemment F. Berriot a livré : Autour de Jean Moulin, témoignages et documents inédits, Paris, 2013, qui réunit un ensemble de témoignages très souvent inédits provenant de ceux qui ont connu Jean Moulin jusqu’à sa tragique disparition en juillet 1943. Avec les quatre volumes de Daniel Cordier se trouvent réunis toutes les informations souhaitables. Des manifestations sont en préparation à Béziers, sa ville natale, et ailleurs, qui doivent être l’occasion de revisiter une période particulièrement complexe et qui est toujours l’objet d’enjeux. Les témoins et acteurs de la Résistance disparaissent peu à peu ; certains ont laissé des articles ou des ouvrages mais beaucoup, pour des raisons très diverses, ont préféré le silence. La suite des études sera le domaine des seuls historiens… [Jean-Claude Richard Ralite]
Résistance et Résistances 1940-1945
Sous le titre : Histoire de la Résistance, 1940-1945, Paris, 2013, O. Wieviorka nous donne une vue d’ensemble sur l’une de ces périodes de notre histoire « qui ne passe pas ». On avait déjà eu, en 2006, le gros Dictionnaire historique de la Résistance, résistance intérieure et France libre (dir. F. Marcot, B. Leroux et Chr. Levisse-Touzé) dont les articles permettaient d’accéder rapidement à l’essentiel.
O. Wieviorka n’hésite pas à montrer tous les enjeux, les ambitions et les luttes qui ont pu opposer entre eux les divers mouvements organisés et, aussi, une partie de ceux-ci avec Londres (opposition entre Résistance-organisation et Résistance-mouvement) dont « l’impérialisme » n’était pas du goût de tous ! La place, le rôle et la disparition de Jean Moulin (le volume édité par Études héraultaises, J. Sagnes et J.-Cl. Richard dir : Jean Moulin, le plus illustre des Héraultais, a été réimprimé en 2012) s’inscrivent dans ces années 1943-1944 où, enfin, la « divine surprise » du maréchal ne recevait plus l’adhésion de 1940 ou 1941.
Les actions des groupes de résistants et des maquis ont été soutenues par les anglais qui ont toujours revendiqué un rôle essentiel M.R.D. Foot, Des anglais dans la Résistance, le SOE en France, 1940-1944, (Londres 1966, 2004 ; Paris 2008, 2011). Grâce à leur aviation, des maquis ont pu être ravitaillés en armes, en matériel divers et en argent mais, si l’on en croît un certain nombre de leurs responsables, ces secours étaient « ciblés » et à longueur de messages, les combattants de l’intérieur demandaient l’accélération de ces secours. Certes, après juin 1944, ils vont être multipliés et, au mois d’août 1944, des militaires anglais seront parachutés pour accompagner les mouvements des maquis vers la Libération.
Pendant longtemps, on a cru ou voulu croire que la RESISTANCE était un mouvement totalement uni derrière un seul chef, mais cette unité ne s’est véritablement réalisée qu’au moment des combats de 1944-1945 quand il fallait s’unir pour vaincre. Une fois la guerre terminée et même si le programme du Conseil National de la Résistance pouvait sembler devoir être une sorte de nouvelle « Constitution », les luttes ont repris entre les mouvements si bien que cette unité nationale n’était plus qu’une incantation : les partis traditionnels dont la plupart n’avaient plus alors d’existence reconnue ont repris leur rôle et les oppositions de la IIIème République, par-dessus la parenthèse de Vichy, ont repris vie sous la IVème République et ont même parfois subsisté jusqu’à nos jours !
On n’oubliera pas l’article ancien et fondamental de P. Barral (Idéal et pratique du régionalisme dans le Régime de Vichy, Revue Française de Science Politique, 5, 1974, p. 911-939) qui montre l’origine contemporaine de l’organisation administrative des régions, réponse des « provinces » au centralisme jacobin.
On signalera ici la récente biographie de Jean Benedetti (1902-1981), préfet de l’Hérault (1942-1943), écrite par son neveu A. Benedetti, Un Préfet dans la Résistance, Paris, 2013. Ce Préfet a réussi son maintien dans la préfectorale tout en réalisant des actes de Résistance et en sauvant des persécutés. Jusqu’en mars 1944, il exercera ses fonctions, à Avignon, puis sera arrêté et déporté à Flossenburg. De retour en France il sera l’un des préfets de Vichy maintenu en fonction (sur 275, les deux tiers sont exclus du corps et, parmi ces derniers la quasi totalité a subi une sanction) il poursuit donc sa carrière et terminera par la présidence des Charbonnages de France.
Tout n’était pas simple et les 80 qui n’avaient pas voté les pleins pouvoirs à Pétain (J. Sagnes et J. Marielle, Le vote des quatre-vingts, Le 10 juillet 1940, Perpignan, 2010) n’ont pas eu la vie facile durant ces années là, et on lira avec attention la vie d’un député qui les vota, E. Barthe (J. Sagnes, Le Combat d’un parlementaire sous Vichy, journal des années de guerre, 1940-1943, Sète, 2007).
Mais parfois ces Allemands « si bien élevés » savaient être… à la hauteur. Un officier, après l’invasion du Sud en novembre 1942, se rendit à Montpellier au domicile de Edmond Cramaussel, professeur agrégé de philosophie au Lycée de Montpellier pour l’occuper : « Êtes-vous le professeur Cramaussel qui a fait sa thèse sur le philosophe allemand F.-D.-E. Schleiermacher ? ». Oui !, répondit le digne professeur (qui avait publié sa thèse sur La philosophie religieuse de Schleiermacher, Genève-Paris, 1909). « Je n’occuperai donc pas votre maison » !
Les commémorations sont une des façons les plus visibles de faire réapparaître le passé de la France surtout… « quand il ne passe pas » ! (B. Cottret et L. Henneton (dir), Du bon usage des commémorations, histoire, mémoire et identité, XVIe-XXe siècle, Rennes, 2010). Les mémoires protestantes, les Révolutions du 18ème siècle dans le monde et la Seconde Guerre Mondiale tiennent le haut du pavé. Une Mission du Centenaire vient d’être créée afin de célébrer 1914-2014 : elle devrait permettre une sérieuse réflexion sur la Première Guerre Mondiale dans tous ses aspects et pas uniquement guerriers. 2014 sera aussi l’année des 70 ans des Libérations de la France et les 60 ans du début de la guerre d’Algérie, deux périodes qui ne laissent pas de meurtrir les acteurs et de susciter de nombreuses publications encore à venir. [Jean-Claude Richard Ralite]
Cartes postales : Brissac
En 2011, nous avions signalé le Brissac, notre village dans les années 1830-1930. Les mêmes auteurs, F. Delmas et A. Lignon, viennent de publier un Brissac par la carte postale ancienne, à partir d’une belle collection (130) déjà en partie utilisée dans le premier ouvrage. Les légendes ajoutées et la présentation des quartiers restent sommaires. Aucune bibliographie n’accompagne le texte alors qu’on peut supposer que les auteurs n’avaient pas la science… infuse !
C’est un peu toujours ce qui caractérise ce genre de publications, même si le recueil iconographique est désormais disponible pour tous (la plupart des cartes datent de la première moitié du 20ème siècle, les cartes antérieures sont toujours rares). Les communes qui disposent de photographies d’amateurs ou de professionnels, antérieures de la seconde moitié du 19ème siècle, sont l’exception car ces documents n’ont eu trop souvent qu’un seul tirage et les négatifs ont disparu : les uns et les autres, s’ils existent encore, sont conservés dans les secrets des armoires familiales et il est difficile d’en avoir connaissance !
Dans ces albums il faudrait que chaque carte postale dispose, en face à face, d’un commentaire détaillé car la seule désignation du sujet représenté ne suffit pas. Il est vrai qu’il s’agit là d’une recherche et d’une composition qui demandent un long travail augmenté par le nombre total de cartes. Mais cela devrait être la règle d’or. [Jean-Claude Richard Ralite]
L'Algérie hier et aujourd'hui
Depuis ces dernières années, les ouvrages et les manifestations concernant l’Algérie se multiplient avec toutes les polémiques (Dates de la fin de la guerre, exposition Albert Camus…). Montpellier a en cours la réalisation d’un Musée de l’Histoire de France en Algérie qui, souhaitons-le, saura rester fidèle à la déontologie historique. J.-L. Marçot « chercheur indépendant » vient de publier un Comment est née l’Algérie française (1830-1850), la belle utopie, Paris, 2012, qui tente de replacer cette première page dans l’histoire depuis le 18ème siècle et, pour l’Algérie, dans l’histoire des doctrines politiques et philosophiques de l’époque. Il n’est pas question de citer ici tous les ouvrages concernant le sujet qui est particulièrement développé par l’historien B. Stora. À Montpellier a été réimprimé, en 2012, le premier livre de l’abbé J. Rouquette (1871-1927), fruit de son séjour en Algérie, sur Les Sociétés secrètes chez les Musulmans, publié en 1899. L’ouvrage marque la force de polémiste de l’auteur qui donna, de retour en France, une série de publications sur les protestants avant de se consacrer plus sereinement à l’Histoire du diocèse de Maguelone. [Jean-Claude Richard Ralite]
Revoir le train en Cœur d'Hérault ?
C’est sous ce titre qu’un article du Midi Libre en date du 16 mars 2013 nous apprend que cinq étudiants de l’université Paul-Valéry de Montpellier viennent de mener une étude sur l’état des anciennes voies ferrées de la Compagnie du Midi et de l’intérêt local dans l’aire de l’actuel Pays Cœur d’Hérault, afin de réfléchir à des moyens de valoriser ce patrimoine. S’il n’est pas à priori question de remettre ces voies ferrées en service, un tel projet ne serait, semble-t-il, pas complètement exclu cependant. Il nous semble que c’est dans ce sens qu’il faudrait justement réfléchir car, hors de la ligne principale passant par Montpellier, Sète, Agde et Béziers, les voies ferrées de l’arrière-pays ont presque toutes cessé d’être exploitées depuis au moins les années 1980, et même la plupart du temps depuis le triomphe de l’automobile lors des Trente Glorieuses ? cependant que la ligne Béziers-Neussargues par Bédarieux est particulièrement menacée. Face aux enjeux de transport posés par la situation actuelle des énergies fossiles, dont les modalités futures ne vont pas de soi, et en particulier dans un Cœur d’Hérault en pleine explosion démographique du fait de la croissance de l’aire urbaine montpelliéraine, il importe de considérer le bénéfice que peuvent représenter certaines infrastructures ferroviaires héritées de la révolution industrielle. D’ailleurs, il est regrettable que le souci de les étudier, voire de les conserver, ne soit pas intervenu une ou deux décennies plus tôt, avant qu’une partie de ce qui restait des voies de Montpellier à Rabieux (ouverte à l’extrême fin du XIXème siècle et délaissée après la Seconde Guerre mondiale) et de Lodève à Béziers par Pézenas et Vias (ouverte dans les années 1860 et utilisée encore de manière très limitée jusqu’au début des années 1990 pour le seul trafic de marchandises, épilogue d’un long déclin entamé précocement par la suppression du transport de voyageurs) ne soit partiellement déstructurée par les terrassements liés à la construction des autoroutes A 75 et A 750. Une remise en état et une adaptation de tout ou partie de ce qui subsiste ne serait cependant pas utopique. Après tout, plus de trente ans après l’abandon et la déstructuration totale des anciennes voies du tramway montpelliérain, l’Agglomération a bien réussi l’élaboration d’un nouveau réseau de transport urbain ex nihilo à partir de la fin des années 1990 ? ou pratiquement ex nihilo, parce que l’emprise d’une voie ferrée existante a été partiellement mise à profit vers Saint-Jean-de-Védas, cependant que l’ancienne ligne de Montpellier à Palavas, devenue à présent piste cyclable, aurait pu aider à relier la capitale régionale à la mer. Pour ce qui est des voies ferrées joignant les plus grandes villes héraultaises ? et en particulier Montpellier ? à leur arrière-pays rural, l’emprise des voies, les ouvrages d’art et même des rails sont bien souvent encore en place. Plusieurs publications aident à prendre la mesure de cet héritage et, à leur lecture, on a le sentiment que l’historien pourrait vraiment contribuer au débat public sur les enjeux actuels d’environnement et de transport. Parmi elles et sur le secteur de Clermont-l’Hérault et de Lodève, on connaissait notamment l’article d’André et Renée Bonnet, « Le réseau ferré dans notre région », Bulletin du GREC, n° 70-71-72, janvier, avril, juillet 1994, p. 60-67. Mais en 2012, vient de paraître une excellente étude sur une autre voie du Cœur d’Hérault. Il s’agit de l’article très pointilleux et illustré de Philippe Marassé, « Un poumon pour la moyenne vallée de l’Hérault, le chemin de fer d’intérêt local de Montpellier à Rabieux », paru dans les Cahiers d’Arts et Traditions rurales, n° 21-22, 2010-2011, p. 67-112. Cet article mériterait d’être lu par nos élus ainsi que par les plus jeunes ou les nouveaux venus dans la région, et plus généralement par ceux qui n’ont pas assez de mémoire pour savoir que, il n’y a pas si longtemps, on pouvait prendre le train à Saint-Georges-d’Orques, Saint-Paul-et-Valmalle, Aniane ou encore Saint-André-de-Sangonis, pour ne prendre que quelques exemples. Signalons brièvement au passage les autres articles contenus dans ce même numéro, concernant également l’histoire et l’archéologie industrielles : « De la manufacture à l’usine, un siècle d’évolution (1760-1860) autour de Saint-Chinian (Hérault) » (François Charras) ; « L’usine de chaux de La-Tour-sur-Orb (Hérault), un patrimoine méconnu du XIXe siècle » (Annick Jeanjean) ; « Le Moulin à tan de Salesse (Avène, Hérault) » (Gérard Alauzet et Louis Anglade) ; et « Lodève, rapport sur le patrimoine industriel de la commune, 2008 » (Michel Wiénin). [Sylvain Olivier].
Saint-Guilhem-le-Désert capitale du tourisme dans l'Hérault
L’année 2012 se termine avec 380 000 personnes qui ont visité l’ancienne abbaye de Gellone et la fréquentation de la commune elle-même est très largement au-delà. Avec tous les classements qui ont couronné ces lieux s’est ajouté, cette année, un vote qui a donné la seconde place comme « village préféré des Français » !
Par ailleurs, ouvrages et articles touristiques (en dernier lieu : Chr. Cayssiols, Balades et découvertes, de Saint-Guilhem-le-Désert à Navacelles, Nîmes, 2011) ou scientifiques continuent d’être publiés. De plus les travaux antérieurs permettent à l’abbaye et à Guilhem de Gellone d’être pris en compte dans des ouvrages et congrès généraux. Les Études Héraultaises ne sont pas en reste et livrent régulièrement dossiers ou articles. On signalera un essai de reconstitution de la décoration de l’abbatiale avant 1964 et des processions (dont la célèbre procession dite des escargots) par G. Bals et J.-Cl. Richard (Saint-Guilhem-le-Désert, processions dans le village et statues de l’église, Bulletin du G.R.E.C., n° 161-163, 2ème semestre 2010, p. 49-57). Plusieurs travaux sont actuellement en préparation que nous signalerons au fur et à mesure. [J. VIDAL]
Entre Oise et Hérault, échanges avec nos amis de Compiègne
La revue Études Héraultaises vient de mettre en place un échange avec la revue Annales Historiques Compiégnoises. Études picardes modernes et contemporaines. Cette publication semestrielle est éditée, depuis 1978, sous la direction de Jacques Bernet, par la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Compiègne qui rend ainsi compte de ses travaux, de ses conférences périodiques, des publications reçues à titre d’échange et des études d’histoire locale sur le département de l’Oise. Grâce à cet échange, notre revue méridionale va donc trouver quelques nouveaux lecteurs hors de son champ géographique habituel. Cet événement nous donne l’occasion de signaler brièvement l’essentiel du contenu des derniers numéros parus des Annales Historiques Compiégnoises, en laissant de côté, dans un souci de concision, la rubrique ? pourtant riche ? des comptes-rendus et notes brèves.
Le numéro thématique 119-120 (automne 2010) contient un dossier de six articles intitulé « Femmes d’influence et héroïnes dans l’Oise, de la Révolution à la Libération ». Il s’agit de « De Hautefontaine à Pise, la marquise de la Tour du Pin (1770-1853), célèbre mémorialiste » (Michelle Sapori) ; « Une héroïne de la Révolution dans l’Oise, la femme Barbier de Méry (octobre 1793) » (Jacques Bernet) ; « Des femmes au chevet des blessés, Oise 1914-1918 » (Marc Pilot) ; « L’union des Femmes Françaises dans l’Oise à la Libération » (Éric Dancoisne) ; « Les premières femmes élues dans l’Oise en 1945 » (Jean-Pierre Besse) ; et enfin : « Résistantes à Lacroix-Saint-Ouen » (Simonne Meyssonnier). Le premier article, celui de Michelle Sapori, intéressera plus spécifiquement les lecteurs languedociens du fait qu’il concerne une aristocrate qui a passé son enfance à Hautefontaine, dans un des lieux de villégiature de la haute noblesse française, où elle a beaucoup côtoyé son grand-oncle, Monseigneur Richard Dillon, dernier archevêque de Narbonne et président-né des États de Languedoc (celui-là même dont les restes, inhumés à Londres à la suite de son exil anglais, ont été retrouvés lors des récents travaux de la gare Saint-Pancras, puis transférés à Narbonne en 2007). Sous prétexte de veiller, au plus près du pouvoir monarchique, aux intérêts du Languedoc, ce prélat préférait en effet la vie à proximité de la Cour et ne se rendait à Montpellier que pour présider les États.
Le numéro 121-122 (printemps 2011) concerne exclusivement l’époque contemporaine, avec un article sur « Les reconstructions dans l’Oise au XXe siècle, étude comparative de deux reconstructions » (Jean-Yves Bonnard), qui décrit, avec force illustrations, les destructions importantes, mais de natures différentes, ayant touché les villes de l’Oise lors de chacune des deux guerres mondiales. Ensuite, dans « Le massacre des tirailleurs sénégalais (Oise, juin 1940) », le Perpignanais Jean-François Mouragues étudie les exécutions sommaires dont furent victimes les combattants africains de l’année française. Vient ensuite un article sur la redécouverte dans une zone marécageuse d’un avion de la Seconde Guerre mondiale : « Le Typhoon abattu le 3 janvier 1944 à Sacy-le-Grand » (Éric Fardel) ; et enfin « Les municipalités face au pouvoir résistant à la Libération : l’exemple du Valois » (Éric Dancoisne).
Après le n° 123-124, monographique sur la commune de Lacroix-Saint-Ouen, le n° 125-126 (printemps 2012) contient d’abord un article sur « Les Arts et Métiers au château de Compiègne (1800-1806) » (Michel Mignot), qui souligne l’installation, temporaire et méconnue, de la prestigieuse école du même nom au château de Compiègne. L’article « Les procès-verbaux des clubs des Jacobins de Compiègne (1791-1795) » (Jacques Bernet) accompagne la publication simultanée par ce même historien de cette source au sein d’une collection d’ouvrages édités par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS) pour diverses autres villes de France. L’article publié dans les Annales Historiques Compiégnoises est une excellente synthèse, non seulement pour comprendre l’histoire locale, mais aussi pour prendre connaissance du contexte national global et de l’apprentissage de la politique dans l’ensemble du pays pendant la période révolutionnaire. Enfin, un dernier article fait encore référence à la Révolution et à un de ses héros picards : « La renaissance de la maison de Saint-Just à Blérancourt » (entretien avec Bernard Vinot).
Le numéro 127-128 (automne 2012) contient un dossier sur les « Mémoires des guerres. Compiègne ? Royallieu, 1918, 1940, 2012 ». À travers une série d’articles de Marc Pilot, on y découvre ? ou redécouvre ? l’importance de la région de Compiègne non seulement dans la Grande Guerre mais aussi dans la Seconde Guerre mondiale : les armistices de 1918 et 1940 ont été signés sur le territoire communal de Compiègne, dans la fameuse clairière située non loin de Rethondes ; puis entre 1941 et 1944, les casernes de Royallieu ont abrité un camp d’internement et de transit vers la déportation ; et en 1942, c’est en gare de Compiègne que Pierre Laval a inauguré la « relève », en attendant la mise en place du STO. D’où l’existence de nombreux lieux de mémoire dans cette région, souvent enjeux de querelles d’interprétation ou de captation des guerres mondiales.
En ce printemps 2013, Jacques Bernet vient de nous signaler la parution du n° 129-130, entièrement consacré au village de Berneuil-sur-Aisne, du XVIIIe au XXe siècle. Cette paroisse, annexée au département de l’Oise en 1790, reste un village typiquement soissonnais avec les pignons de ses maisons à redans dits aussi en « pas de moineau ». Passé de 570 à plus de 1 000 habitants de la fin du XVIIIe au XXIe siècle, il compte deux monuments historiques classés. Le premier est l’église en partie romane, dont l’intérieur est enrichi de tableaux, meubles eu sculptures du XVIIe siècle provenant de l’ancienne abbaye de la Joie-Sainte-Claire désaffectée en 1790, et qui a été remplacée par un château construit au XIXe siècle ; le deuxième est le manoir seigneurial, qui appartint jusqu’au XIXe siècle aux ducs de La Trémoïlle, qui avaient acheté le marquisat d’Attichy au début du XVIIIe. C’est un élégant bâtiment de la Renaissance tardive, flanqué de deux tourelles et comportant un monumental escalier en pierre du premier XVIIe siècle. Longtemps à l’abandon, il est en cours de restauration grâce à l’engagement courageux de ses actuels propriétaires. Autre particularité de Berneuil il y fut implanté une sucrerie en 1852 qui fonctionna jusqu’en 1996 et fit longtemps la fortune de la commune, autrefois viticole et agricole, puis marquée par l’agriculture intensive sur le plateau du Soissonnais et l’industrie agro-alimentaire. Le patrimoine de ce village méconnu, proche de Rethondes, est évoqué par une série d’articles traitant de l’église, du manoir, de la sucrerie et son histoire contemporaine traitée en trois périodes : 1788-1914 (Jacques Bernet) ; les deux guerres mondiales (Rémi Hébert, Marc Pilot) ; 1919-1952 (Daniel Guegen). [Sylvain Olivier].
Code du patrimoine 2012
Chaque jour de nouveaux textes apportent des modifications ou des compléments au secteur du patrimoine : il convient de saluer le travail méritoire de Marie Cornu et Vincent Negri qui nous donnent : Code dit patrimoine et autres textes relatifs aux biens culturels, Paris, 2012, un gros volume de… 1953 pages ! Il se compose de deux parties et de plusieurs livres dont voici le sommaire : PARTIE LÉGISLATIVE : Livre I, Dispositions communes ; II Archives ; III, Bibliothèques ; IV, Musées ; V, Archéologie ; VI, Monuments Historiques, sites et espaces protégés ; VII, Outre mer. PARTIE RÉGLEMENTAIRE : Livre I, Dispositions communes ; II, Archives ; III, Bibliothèques ; IV, Musées ; V, Archéologie ; VI, Monuments Historiques, sites et espaces protégés. Des annexes donnent les textes complémentaires.
Chacun peut ainsi disposer de tout l’arsenal concernant l’ensemble des domaines car le Patrimoine a été longtemps marqué par seulement quelques « grandes » lois (Monuments Historiques, Sites, Archéologie) mais peu à peu le domaine a été gagné par le législateur et le juge si bien qu’il n’est plus simple de se diriger dans des textes aussi nombreux et complexes. L’ouvrage de M. Cornu et V. Negri permet donc de ne plus ignorer… la Loi et de mesurer la liberté individuelle qui est devenue totalement encadrée. [Jean-Claude Richard Ralite]
Va-t-on fermer les monuments historiques publics ou privés ?
Les propriétaires publics ou privés de monuments sont, depuis longtemps, informés de la loi qui les oblige, à partir du 1er janvier 2015, à faire en sorte que l’accessibilité pour les handicapés soit une réalité. Certes, il ne s’agit pas, ici, de mettre en question une loi qui permet à ceux qui sont victimes d’incapacités de profiter, comme tous les autres citoyens, de la connaissance de notre patrimoine, mais il faut bien dire que les choses ne sont pas simples !
Déjà les monuments sont de plus en plus soumis aux contrôles et autorisations des Commissions de sécurité qui examinent leur état du point de vue de la sécurité entendue en tous ses aspects. Les questions liées aux risques d’incendie sont les plus prégnantes, comme celle visant à l’évacuation des visiteurs. Les solutions ne sont pas toujours faciles compte tenu de la spécificité de chaque monument. Chacun d’entre nous connaît des églises où les marches succèdent aux marches, comme les châteaux dont les divers niveaux demandent des « ascensions » par des escaliers qui sont difficiles à tous.
Il y a là un véritable dossier qui risque de contraindre des propriétaires privés ? et même publics ? à supprimer l’accès aux monuments ou à le réduire à des parties qui sont de plain-pied, car il semble impossible, c’est ce que dit la Loi, de créer des catégories de visiteurs distinctes. [Jean-Claude Richard Ralite]
Faut-il restituer les « conquêtes » du passé ?
Les « vainqueurs » n’hésitent jamais lors de leurs conquêtes à rapporter dans leurs bagages les produits des pillages, y compris artistiques, qu’ils ont réalisés dans leurs guerres ou conquêtes. Pour la France la liste de ces « emprunts » est considérable et la période napoléonienne par la dimension territoriale de ses conquêtes n’a pas échappé à la rapacité des vainqueurs. On connaît aussi le pillage d’œuvres d’art qui a été réalisé en Europe par les nazis lors de la dernière guerre mondiale. Ce pillage fait l’objet depuis plusieurs années d’inventaires et de restitutions qui ne sont pas toujours facilitées par les destinées, trop souvent tragiques, des propriétaires dépouillés.
Il existe en dehors de la conquête des possibilités d’échanges comme ce fut le cas entre la France et l’Espagne où le maréchal Pétain, ancien ambassadeur à Madrid, avait gardé des liens particuliers avec les nouveaux dirigeants (C. Gruat et L. Martinez, L’échange, les dessous d’une négociation artistique entre la France et l’Espagne, 1940-1941, Paris, 2011). D’un côté il y eut le retour en Espagne des couronnes wisigothiques, de la Dame d’Elche, de l’Immaculée Conception de Murillo, des sculptures ibériques, des archives de Simancas et, « en échange », deux tableaux du Greco et de Velázquez, une tapisserie d’après Goya, et des dessins (décret de juillet 1941). Le 13 février 1941 eut lieu à Montpellier une rencontre entre le maréchal Pétain et le général Franco dont ce fut la seconde et dernière visite en France.
Cet échange officiel entre la France et l’Espagne constitue une date à laquelle on se réfère aujourd’hui encore pour les demandes concernant des objets conservés en France provenant de ses conquêtes, de ses anciennes colonies et parfois même de ses achats. La question dite des restitutions ne cesse de traverser l’espace des musées ou des collections privées et est parallèle à la conscience des États de retrouver leurs patrimoines que les guerres ou les colonisations ont transféré ? mais il ne faut pas l’oublier, ont souvent sauvé ! ?, dans d’autres pays…
Le Patrimoine et la « mémoire » sont des concepts qui ne cessent d’être l’objet d’interrogations et de réflexions, depuis M. Halbwachs, La mémoire collective, Paris, 1997 (nouvelle édition) et, en dernier lieu : Memoria y Patrimonio, concepto y reflexion desde el Mediterraneo, Granada, 2012, qui constituent les actes, réunis par J. A. Gonzalez Alacantud et J. Calatrava Escobar, d’un colloque de 2009. [Jean-Claude Richard Ralite]
Archives ou bibliothèques disparues ou transférées au 20e siècle
Il n’a pas fallu attendre le 20ème siècle pour voir des archives ou des bibliothèques subir les conséquences de périodes de guerre ou de troubles locaux, et la disparition de la Bibliothèque d’Alexandrie a été un désastre mondial pour la culture si bien qu’on en est parfois a se demander si un transfert n’ est pas un moindre mal !
Sous la direction de A. Sumpf et V. Laniol, les Presses Universitaires de Rennes viennent de publier : Saisies, spoliations et restitutions, archives et bibliothèques au XXème siècle (2012) actes d’un colloque qui a réuni une pléiade de spécialistes et de responsables dans ce domaine. L’essentiel du volume est consacré à ce qui s’est produit durant la dernière guerre mondiale avec les départs d’archives et/ou de bibliothèques de France, puis les récupérations pas les Soviétiques et/ou les Américains et, dans les meilleurs cas, un retour vers les lieux de conservation originaux.
Certains fonds d’archives longtemps restés mutilés ont pu ainsi retrouver des pièces essentielles : il est clair que toute recherche doit, aujourd’hui, tenir compte de ces heureux retours aux sources. [Jean-Claude Richard Ralite]
Faut-il une revue archéologique grand public ?
La diffusion des connaissances archéologiques et plus largement patrimoniales reçoit des réponses différentes selon les départements et régions. Elle est souvent le cas, ici, de sociétés savantes (Aude, Aveyron, Lozère, Pyrénées-Orientales..), d’associations (École antique de Nîmes, Études Héraultaises, Arts et Traditions Rurales, Bulletin du GREC, Patrimoines en région, Patrimoni, Liens des chercheurs cévenols, Causses et Cévennes, Fédération archéologique de l’Hérault…) ou de structures nationales et régionales (Revue archéologique de Narbonnaise, Gallia, Archeologia, etc.). Chacune de ces publications a ses caractères et périodicité propres, mais aussi son public. Car, de plus en plus, les études en ce domaine sont des productions spécialisées ? avec parfois un langage « ésotérique » ? :or le patrimoine, comme son nom l’indique, est un bien collectif et ils serait regrettable qu’un public, le plus large possible, ne puisse pas connaitre les résultats de recherches concernant sa propre histoire. Certaine revues, comme l’Aquitaine Historique (2012 quatre numéros) font le lien avec des revues spécialisées, en l’espèce, ici, Aquitania, mais en dépassant largement celle-ci qui est archéologique pour s’intéresser aux époques récentes.
Le plus important aujourd’hui reste de savoir si ces publications pourront continuer dans des versions papier car la concurrence de l’internet est devenue « tragique », d’autant plus que les auteurs d’articles peuvent fournir directement leur prose par informatique. Celle-ci sera-t-elle la solution de toutes les difficultés, y compris financières, de ce riche panel de publications, l’avenir nous le dira ! [Jean-Claude Richard Ralite]
Sociétés et publications locales historiques dans l'Hérault
Depuis le 19ème siècle, les Sociétés savantes locales ont largement contribué à l’histoire du département avec des incursions vers d’autres régions : les Sociétés archéologiques de Béziers et Montpellier, l’Académie des Lettres, la Société des Langues Romanes, la Fédération Historique du Languedoc-Roussillon pour les plus connues, ont régulièrement édité des Mémoires, Bulletins, Actes de Congrès auxquels il est toujours nécessaire de se reporter. Au lendemain de la seconde guerre mondiale et surtout a partir des années 60 et 70, de nouvelles sociétés ont été crées souvent à partir du développement des recherches archéologiques avec leurs revues autonomes : Bulletin de la Société d’Études Scientifiques de Sète et sa région, Bulletin du Groupe de Recherches et d’Études de Clermont-l’Hérault, Archéologie en Languedoc de la Fédération Archéologique, Bulletin des Amis de Montagnac, Cahiers et dossiers des Arts et Traditions Rurales, Bulletin de la Société des Hauts Cantons de l’Hérault… mais aussi quelques revues, plus « universitaires », comme la Revue Archéologique de Narbonnaise, la Revue des Études Ligures, les Cahiers Ligures, les Études héraultaises…
Aujourd’hui, les revues des Sociétés « savantes » connaissent des difficultés liées a plusieurs causes : manque de personnes compétentes et dévouées pour assurer les publications, problèmes financiers, difficultés de commercialisation et, parfois même, réduction de propositions d’articles. On assiste ainsi à un certain dépérissement alors que l’intérêt général du public pour les questions historiques et l’histoire locale ne se dément pas. Par ailleurs, les numéros thématiques ou les volumes thématiques édités parallèlement a ces revues connaissent un certain succès !
Il ne nous semble pas que ces publications soient obsolètes et que leur version papier n’ait plus d’actualité car elles sont non seulement une base des recherches mais aussi, pour le grand public et les élus, des informations sur les richesses locales qu’il importe de préserver et de mettre en valeur. La fonction sociale nous semble aussi importante que la fonction scientifique : sans elles bien des POS, PLU, restaurations ne tiendraient aucun compte de la richesse patrimoniale de nos communes. [Jean-Claude Richard Ralite]
L’inventaire Général et les Inventaires d'aujourd'hui...
L’Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France (M. Melot, Mirabilia, essai sur l’Inventaire général du patrimoine culturel, Paris, 2012) a été créé en 1964 à l’initiative d’André Malraux et d’André Chastel avec une structure nationale et des commissions régionales, ouvertes à des personnalités et spécialistes, pour parvenir a cet Inventaire dont la plupart des initiatives antérieures avaient échoué. Pendant quarante ans de nombreuses publications par communes, cantons ou sur des thèmes transversaux ont vu le jour et, pour notre département, il suffira de citer ici Gignac, Clermont-l’Hérault… et les quatre volumes consacrés à Montpellier qui ont renouvelé totalement la connaissance de son architecture médiévale, classique et contemporaine. L’existence d’une structure nationale servait toutes les Commissions régionales et l’ensemble des personnels pour les formations.
Pour des raisons qui semblent toujours peu claires, cet édifice a été transformé, en 2004, par l’éclatement entre les 26 régions qui, tout en ne rompant pas les liens avec une structure nationale qui continue d’exister, se sont vu confier les missions initiales. C’est cette « longue » histoire de quarante ans que Michel Melot qui dirigea l’Inventaire de 1996 à 2003 (et on n’oublie pas, ici, le directeur précédent que fut le si regretté Paul-Albert Février !) retrace dans un ouvrage récent qui donne une vue panoramique mais aussi les détails de cette histoire.
En Languedoc-Roussillon, au-delà de travaux localisés géographiquement, l’Inventaire a retenu les thématiques suivantes (apres celle qui a donné lieu a une belle publication concernant les Caves Coopératives) : Entre Canal et Territoire (le Canal du Midi et les communes qu’il traverse), les Châteaux viticoles de l’Hérault (1850-1914) (les années triomphantes du vin qui coulait a flots ont permis, aux classes sociales supérieures de faire construire de nombreux châteaux orgueilleux), le Patrimoine industriel (trop longtemps négligé et détruit sans répit !) ainsi que le Mobilier et les objets courants (quels que soient leur localisation, leur usage, leur nature…).
Il convient aussi de marquer l’existence d’un Centre de Documentation du Patrimoine Régional qui regroupe tous les dossiers anciens (trop souvent gardés secrets jusque là) et actuels, des fonds de publications et de documents iconographiques et les accès aux bases de données. Le Centre est ouvert à tous les publics et il est vivement conseillé a tous ceux qui s’intéressent au patrimoine d’aller le consulter car ils peuvent y trouver d’importantes sources pour leurs propres recherches, des informations sur des recherches parallèles ou complémentaires et l’aide de spécialistes de qualité.
Enfin, vient de naitre la collection Focus Patrimoine qui veut mettre en valeur le passé culturel, scientifique et technique de la région : Nîmes en joie, églises en soie et Palais et châteaux des archevêques de Narbonne, Xe-XVIIIe siècle, sont les deux premiers numéros en un peu plus de 100 pages au format in 8° avec une très belle illustration en couleurs et les textes de chercheurs de l’Inventaire et de chercheurs associés.
Enfin, la décentralisation du patrimoine a fait l’objet d’un colloque à Nantes en 2009 dont les Actes (P. Le Louarn (dir.), Le Patrimoine culturel et la décentralisation, Rennes, 2011) tombent a pic en cette année 2013 où les Journées du Patrimoine de septembre seront consacrées au centenaire de la loi de 1913 sur les Monuments Historiques. [Jean-Claude Richard Ralite]
Le Livre de Saint-Jacques-de-Compostelle perdu et retrouvé !
Au mois de juillet 2010 s’est tenu a Saint-Jacques-de-Compostelle un colloque dont les actes viennent d’être publiés : Simposium El Codex Calixtinvs en la Europa del siglo XII, Musica, arte, codicologia y Liturgia, Leon, 2011, qui annonça que depuis le début de juillet 2011 cet illustre manuscrit avait disparu de la Cathédrale ! Toutes les hypothèses furent avancées et on craignait le pire ! Il a fallu attendre le mois de juillet 2012 pour apprendre que la police venait d’arrêter un employé de la Cathédrale chez lequel on retrouva non seulement une importante somme provenant de ponctions faites dans la cathédrale mais, surtout, le dit manuscrit ! Depuis l’édition partielle de J. Vieillard, le manuscrit a été au cœur des réflexions sur le pèlerinage (rappelons ici que le Guide conseille aux pèlerins de visiter le corps de saint Guilhem et la relique de la Croix du Christ conserves a Gellone) et aussi comme « justification « du classement au patrimoine mondial de l’Unesco. À ce titre, figurent les édifices placés sur les itinéraires (dans notre région l’abbatiale de Saint Gilles et celle de Gellone-Saint-Guilhem-le-Désert, et le Pont du diable). En 2003, une traduction du Livre a été publiée par Bernard Gicquel avec une analyse et postface de D. Péricard-Méa.
Un des derniers volumes est celui qui a été édité sous la direction de L. Martinez Garcia : El camino de Santiago, historia y patrimonio, Burgos, 2011, avec des communications de spécialistes dont celle de A. Rucquoi responsable à Paris du Bulletin de la Société Française des Amis de Saint-Jacques-de-Compostelle. On n’oubliera pas le désormais classique : Pèlerins et Pèlerinages dans l’Europe moderne, Rome 1993, Rome 2000, qui, sous la direction de Ph. Boutry et D. Julia réunit des contributions sur plusieurs pèlerinages célèbres.
Aujourd’hui, les divers chemins ont un succès « populaire » si bien que de nombreux sites revendiquent leur place sur les itinéraires quitte à dépendre d’une voie parallèle ou d’un raccourci ! Il ne s’agit plus nécessairement de vrais pèlerins mais aussi de personnes qui veulent conjuguer une marche à pied avec des rencontres, avec des périodes de silence et avec des paysages dont certains sont « à couper le souffle ». Il y a ceux qui font le voyage d’une seule traite et ceux qui le font par tronçons, année par année. Ainsi Saint-Jacques-de-Compostelle a pris la première place de tous les pèlerinages européens. [Jean-Claude Richard Ralite]
Hyper nature ?
Sous ce titre (Hyper Nature, une révolution de l’image naturaliste, Mèze, 2011) Philippe Martin vient de nous offrir les résultats de ses « expérimentations iconographiques originales en matière de photographie naturaliste rapprochée ». Par détournement de l’utilisation d’une série de logiciels, le procédé Hyper focus, l’auteur nous livre de tous ces « habitants », animaux ou végétations, de la nature voisine des agrandissements qui permettent d’en saisir tous les détails. On est subjugué par les détails et les couleurs qu’on pourrait croire inventés ou recréés tant ils sont réellement spectaculaires. [Jean-Claude Richard Ralite]