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Description

Notes de toponymie :
(I) Montferrand et Roque Farran sur la montagne du « Pic Saint-Loup »
près de Montpellier (Hérault)

Le nom de lieu Montferrand se rencontre non seulement dans quatorze départements français, mais aussi en Italie et en Syrie. Le nom lui-même a été expliqué de deux manières : soit comme « le mont de Ferrand », soit comme « le mont fougueux ». Dans le premier cas Ferrand serait un anthroponyme désignant le constructeur ou le premier seigneur du château correspondant : telle est l’opinion d’Albert Dauzat (D.N.L.F., 470) et de M. F.-R. Hamlin (D.N.L.H., 244). Dans le second cas ferrand ou ferrant serait un adjectif ou un participe présent qui, en vieux français, signifierait « fier, fougueux » : cf. Auguste Vincent, TF, § 450, qui cite à ce propos la plus ancienne mention du toponyme actuellement connue, à savoir apud Montem Ferrandum, désignant au XIe siècle Montferrand, près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Toutefois une troisième interprétation avait été envisagée (D.N.L.F., 469 : adjectif ferran, gris) sans être retenue.

Après la mention du XIe siècle se rapportant à un château d’Auvergne, les formes les plus anciennes, articulées en quatre variantes et toutes datées des environs de l’an 1132, se rencontrent dans la région de Montpellier où elles concernent le château de Montferrand, situé dans la commune de Saint-Mathieu-de-Tréviès, à l’extrémité orientale d’une montagne aujourd’hui dénommée le Pic Saint- Loup. Les quatre formes de 1132 sont toutes contenues dans deux textes contemporains du Cartulaire des Guilhem et se présentent comme suit :

  1. Montem Ferrandum : p. 128 et 129, comitissa de Monte Ferrando, castrum de Monte Ferrando (deux fois), Montem Ferrandum.
  2. Mont Ferrant : p. 131, Guido de Mont Ferrant, Guiraudus Raimundus de Mont Ferrant.
  3. Mon Ferran : p. 131, Hugo de Mon Ferran.
  4. Montem Ferrannum : p. 151, versus Montem Ferrannum (trois fois).

L’explication suivant laquelle Ferrand serait un nom propre se heurte à une objection majeure. Dans aucun des deux lieux qui viennent d’être cités (Auvergne et Languedoc) n’a été produit un texte montrant que l’un de ces châteaux ait été fondé ou même habité par un personnage appelé Ferrand. En particulier, pour ce qui est du château épiscopal de l’Hérault, dont l’histoire est bien connue, aucun lien n’a été établi entre son nom et l’anthroponyme supposé.

Quant à l’adjectif ferrant, qui selon A. Vincent signifierait en vieux français « fier, fougueux », ni le dictionnaire de F. Godefroy, ni celui de Du Cange n’indiquent cette acception. Bien au contraire, pour le premier ferrant signifie « gris de fer, grisonnant », tandis que pour le second le même adjectif, latinisé ou non, désigne une certaine color in equis, notamment dans l’expression caval ferrant, plusieurs fois attestée.

Pour ce qui est de l’ancien provençal, domaine que F. Godefroy n’étudie pas, l’adjectif ferran est enregistré dans le dictionnaire d’E. Levy seulement sous cette forme, sans –t, ni –d, ni n redoublé, au sens de « gris de fer ».

Il semble donc, compte tenu de la chronologie des mentions anciennes, que la forme primitive (XIe siècle) était en -nd ou –nt, c’est-à-dire qu’elle était à l’origine un participe présent signifiant « tirant sur la couleur du fer ». Et ce ne serait que postérieurement que l’ancien provençal proprement dit aurait adopté une forme ayant l’apparence d’un adjectif en –an, mais qui était en réalité issue d’un participe présent. C’est ce qui explique, comme nous le constaterons plus loin, à propos d’un nom de lieu mentionné en 1640 sous la forme Roque Faran, que l’épithète de Roque reste invariable au féminin : ce qui confirme que la terminaison en –an ne remonte pas au latin –anum, mais plutôt à un participe présent, terminé par une dentale, qui se déclinait comme les adjectifs en –is4 et que l’on retrouve dans les toponymes Roque Fort ou Peyre Verd.

Comme l’a justement remarqué M. Hamlin (D.N.L.H., 246), malgré son interprétation « Mont + nom d’homme médiéval », « le nom de Montferrand semble avoir désigné dans son ensemble l’arête dont le sommet principal est connu aujourd’hui sous le nom de Pic Saint-Loup ». Pour les raisons exposées plus haut, il est vraisemblable que le qualificatif polymorphe ferrand/ferrant/ferran évoquait parfaitement, par comparaison avec la couleur grisâtre du fer, la teinte dominante de cette belle montagne calcaire, à peine piquetée de quelques rares touffes de verdure, que l’on aperçoit distinctement de l’esplanade du Peyrou, à Montpellier. Mont Ferrand serait donc l’ancien nom qui, antérieurement à la construction du château, désignait l’ensemble de la montagne.

Cette montagne, dite actuellement Pic Saint-Loup et que certains textes du XVIe siècle appelaient en langue du pays le Ranc (« le rocher ») de Saint-Loup – par exemple, en 1500, cum ranco Sancti Lupi (A.D. 34, G 1501) – est encadrée par deux fortifications médiévales. L’une, à l’est, est le château de Montferrand qui domine le village de Saint-Mathieu-deTréviès. L’autre est située symétriquement à l’ouest dans la commune de Cazevieille, non loin du mas de Tourrière. Cette dernière fortification, beaucoup plus modeste que la précédente mais mieux conservée, est nommée en 1634 (Ibidem) Roque Faran : la tour, maison, devez et bois de Roque Faran… au Causse de La Figarede (ancien nom de Cazevieille), qui confrontent le chemin allant à Nostre Dame de Londres. Ce chemin, qui contourne la montagne par l’ouest en passant au Pas de la Peyre, est encore bien tracé. […]

Informations complémentaires

Année de publication

1994

Nombre de pages

4

Auteur(s)

André SOUTOU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf