Notes brèves (n° 48)

Notes  2017 n° 48 Dossier Occupation - Libération

[ Texte intégral ]

Résistance et résistances 1940 - 1945

Sous le titre : Histoire de la résistance, 1940-1945, Paris, 2013, Olivier Wieviorka nous donne une vue d’ensemble sur l’une de ces périodes de notre histoire « qui ne passe pas ». On avait déjà eu, en 2006, le gros Dictionnaire historique de la Résistance, résistance intérieure et France libre (sous la direction de François Marcot) dont les articles permettaient d’accéder rapidement à l’essentiel.

O. Wieviorka n’hésite pas à montrer tous les enjeux, les ambitions et les luttes qui ont pu opposer entre eux les divers mouvements organisés et, aussi, une partie de ceux-ci avec Londres dont « l’impérialisme » n’était pas du goût de tous ! La place, le rôle et la disparition de Jean Moulin (le volume édité par Études héraultaises, Jean Moulin le plus illustre des Héraultais a été réimprimé en 2012) s’inscrivent dans ces années 1943-1944 où, enfin, la « divine surprise » du Maréchal ne recevait plus l’adhésion de 1940 ou 1941.

Les actions des groupes de résistants et des maquis ont été soutenues par les Anglais qui ont toujours revendiqué un rôle essentiel : M.R.D. Foot, Des Anglais dans la résistance, le SOE en France, 1940 1944, (Londres 1966, 2004 ; Paris 2008, 2011). Grâce à leur aviation, des maquis ont pu être ravitaillés en armes, en matériels divers et en argent, mais, si l’on en croit un certain nombre de leurs responsables, ces secours étaient « ciblés » et à longueur de messages, les combattants de l’intérieur demandaient l’accélération de ces secours. Certes, après juin 1944, ils vont être multipliés et, au mois d’août 1944, des militaires anglais seront parachutés pour accompagner les mouvements des maquis vers la libération.

Pendant longtemps, on a cru ou voulu croire que la Résistance était un mouvement totalement uni derrière un seul chef, mais cette unité ne s’est réellement réalisée qu’au moment des combats de 1944-1945 quand il fallait se rassembler pour vaincre. Une fois la guerre terminée, et même si le programme du Conseil National de la Résistance pouvait sembler devoir être une sorte de nouvelle « Constitution », les luttes ont repris entre les mouvements, si bien que cette unité nationale n’était plus qu’une incantation ; les partis traditionnels dont la plupart n’avaient plus alors d’existence reconnue, ont repris leur rôle et les oppositions de la IIIe République, par-dessus la parenthèse de Vichy, ont repris vie sous la IVe République et ont même parfois subsisté jusqu’à nos jours.

[Jean-Claude Richard Ralite]

Guerre 1939-1945, la Collaboration

L’étude de l’Histoire de la France entre 1939 et 1945 a donné de très nombreux travaux, en plusieurs langues, qui étaient fondés sur des documents d’archives, des témoignages oraux, etc., mais les fonds d’archives nationaux ou étrangers restaient peu accessibles en raison d’un grand déficit d’inventaires précis et d’une réglementation « liberticide ».

La situation a changé à partir de 1994 avec la publication de gros catalogues d’inventaires et de réflexions sur les sources archivistiques :

  • La Seconde Guerre Mondiale, guide des sources conservées en France, 1939-1945, Paris, Archives Nationales, 1994 (1217 pages) ;
  • La France et la Belgique sous l’Occupation allemande, 1940-1944, Inventaire de la sous-série AJ 40, Paris, Archives Nationales, 2002 (664 pages) ;
  • Frankreich und Deutschland im Krieg (november 1942-herbszt 1944), Okkupation, Kollaboration, Résistance, Kolloquiums, Paris 1999, sous la direction de S. Martens et M. Vaisse, Bonn, 2000 (944 pages) ;
  • Frankreich und Belgien unter deutscher Besatzung 1940-1944. Die Beständee des Bundesarchiv-Militärarchivs Freiburg, sous la direction de S. Martens et S. Remus, Stuttgart, 2002 (761 pages).

La consultation de ces archives conservées à Paris ou en Allemagne n’est pas simple d’autant plus que, pour ces dernières, elle exige la connaissance de la langue allemande. La plupart des ouvrages récents ignorent «  souverainement » ces sources, indispensables pourtant à une analyse historique sérieuse et complète.

Dans le domaine d’étude de la Collaboration et des événements qui ont accompagné la Libération, avec les tribunaux constitués ou avec les jugements sommaires, nous signalerons deux ouvrages récents fondés sur des documents français conservés dans les archives départementales concernées :

Celui de L. Duguet (Incarcérer les collaborateurs dans les camps de la Libération, 1944-1945, Paris, 2015) étudie les mesures de regroupement des suspects en attendant les procès et jugements. Cette étude concerne la région Provence, dont le parallèle sera à établir pour le Languedoc-Roussillon. Le denier ouvrage d’André Laurens : Ariège 1940-1945. Portraits et parcours de « collabos », Pamiers, 2015, d’un auteur qui avait déjà donné un ouvrage sur le sujet, en 2013, prend ici un côté plus personnel par des biographies de personnages, responsables ou exécutants, à partir des dossiers individuels auxquels l’accès lui a été donné. Si un certain nombre de ces derniers a subi les foudres de jugements définitifs, parfois sommaires, de la Libération, d’autres, après quelques années d’internement, ont été rendus à la vie civile après les lois d’amnistie de 1951 et 1953. Il fallait alors, dans une perspective européenne, oublier ce qui avait tellement divisé les Français, même si des drames, comme celui d’Oradour-sur-Glane, restèrent impunis.

[Jean-Claude Richard Ralite]

Maquis dans la France du Sud

L’histoire des Maquis continue de produire des ouvrages qui ne font pas, pour autant, oublier leurs prédécesseurs, tels ceux de H.-R. Kedward, (traduits en français : Naissance de la Résistance dans la France de Vichy, idées et motivations, 1940-1942, Seyssel, 1989, 351 p. et A la recherche du maquis, Paris, 1999, 473 p.). Le second apporte des informations directes constituées par des témoignages enregistrés par l’auteur, en 1982, auprès d’acteurs de l’époque, dont certains ont disparu : J.-P. Chabrol, Mme et M. M. Allier, Henri Cordesse, Mme et M. Pouget, François Rouan dit « Montaigne », Mme et M. Henri Prades, R. Bonnafous, M. Bancilhon, E. Montcouquiol et J. Pujadas, R. Fournier, P. Boyer, J. Nodari, M. Darnault, Mme et M. P. Labie, Abbé Gauch, S. Conquet, J. Rohr, Abbé Souiry, Mme et M. Couderq, Mme et M. Maury, Y. Cormeau, H.M. Despaigne, F. Cammaerts. Ils n’ont pas tous agi dans la R3 mais leurs témoignages sont tous précieux et, encore aujourd’hui, assez méconnus.

On signalera ici le volume de Mirko Grmek et Louise Lambrichs, Les révoltés de Villefranche, mutinerie d’un bataillon de Waffen-SS à Villefranche-de-Rouergue, septembre 1943, Paris, 1998, où les auteurs relatent de façon très détaillée cette révolte contre leurs chefs allemands de cette unité stationnée en Aveyron. On trouve dans l’ouvrage (pp. 305-310) le rapport écrit par le colonel Pavelet dit « Villars », chef régional du Maquis R36. Le colonel Pavelet, accompagné de M. Freychet (« Causse », directeur des Caves de Roquefort, chef de l’A.S. pour l’Aveyron) s’était rendu à Villefranche vers le 20 août 1943, pour prendre contact avec des résistants locaux, quelques jours avant les événements de septembre. Pavelet fut renseigné sur place à propos de la situation des Croates et put rédiger ultérieurement un rapport (conservé aux Archives Nationales, 72 AJ/ 103, n° 6) en s’aidant de renseignements et de témoignages écrits d’habitants de la commune dont celui du Maire, M. Fontanges. Un texte original est conservé aux Archives de l’Hérault : il sera édité, en totalité, en supplément avec d’autres études du même, dans la prochaine réédition de : Histoire de la Résistance Française (Souvenirs 1940-1944), Montpellier, 2006, avec un belle préface du Général V. Cambon de Lavalette.

[Jean-Claude Richard Ralite]

Les maquis : Journées d’études d’octobre 2014

En octobre 2014, deux journées d’études organisées par Mémorha, le Parc régional du Vercors, le Musée de la Résistance du Teil, ont permis d’étudier les maquis entre la région Grenobloise, la région Rhône-Alpes et l’Auvergne (Prendre le maquis, traces, histoires, mémoires, Lyon, 2016). Les nombreuses communications montrent la diversité de ces maquis avec une illustration de qualité, sachant bien que le sujet ne se prêtait pas, à l’époque, à des « reportages ». Comment, aujourd’hui, retrouver les lieux reculés où il ne reste rien d’autre que les souvenirs des maquisards encore vivants qui sont généralement « commémorés » lors de cérémonies officielles devant les monuments aux morts des agglomérations ou sur place si les survivants ont érigé des monuments du souvenir ?

La question des solidarités avec les populations voisines « qui n’avaient rien demandé ! » est difficile à mesurer, les maquisards étant ressentis comme des affamés prêts à tout et sans débourser un sou. Les dénonciations ont souvent sévi, mais ce n’était pas, heureusement, la loi commune.

La répression exercée par la Gendarmerie, les Allemands, la Milice, prend des formes très diverses et la Gendarmerie, au contact permanent de la population depuis avant la guerre, agit avec prudence tant il est difficile de concilier ses missions naturelles et les ordres des autorités.

Les perceptions et les représentations des maquis vont évoluer entre les années 1943 et 1945 et seront associées à celles que l’on a des mouvements de Résistance. Et, dans les commémorations postérieures, les unes et les autres seront souvent même confondues dans les commémorations des autres conflits, depuis 1914-1918. Sans le tissu social, ni les maquis ni la Résistance n’auraient pu survivre…

[Jean-Claude Richard Ralite]

Affiche « Prendre le maquis »
Affiche « Prendre le maquis »

Les Miliciens du Gers abattus au Caylar par la colonne de Rodez le 23 août 1944

M. G. Labedan, ancien correspondant du Comité d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale pour le Gers nous avait demandé si nous avions des informations sur l’exécution de quatre miliciens du Gers au Caylar durant l’été 1944. Grâce à la collaboration de plusieurs personnes que nous remercions ici (M. G. Cambon, ancien maire, Mme C. Lévêque de l’ONAC 34, les Mairies du Caylar et de Spicker), il nous est possible, aujourd’hui, de répondre à la demande de M. Labedan. Nous avons disposé des actes de décès inscrits dans le registre de la mairie du Caylar, d’un dossier concernant l’obtention de la mention « Mort pour la France » qui avait été sollicitée pour le plus âgé (!) contenant un procès-verbal de la brigade de la Gendarmerie Nationale du Caylar du 28 janvier 1963, et de l’étude la plus récente sur la colonne de Rodez et l’embuscade de la Pezade (commune de l’Hospitalet du Larzac) : il s’agit de la nouvelle édition par H. Moizet de : Moïse ne savait pas nager, histoire de la Résistance « Armée secrète » du Sud Aveyron, Saint-Affrique, 2014, p. 118-131 ; l’exécution des miliciens est signalée aux p. 121 et 127.

La colonne allemande dite de Rodez avait quitté Millau, le 22 août, et avait pour ordre de gagner la vallée du Rhône le plus rapidement possible. A la hauteur de La Pezade, en bordure de la route nationale n° 9, la section de sabotage du maquis P. Clé, commandée par le lieutenant Pays dit l’Ange, se heurte à la colonne, lourdement armée, et perd vingt-trois maquisards. Deux avions américains parvenus sur les lieux sont mitraillés et l’un d’eux est abattu (J. Robin, p. 158-163). Le lendemain, à la hauteur de la ferme de Servières, une colonne apercevant un groupe de cinq hommes en civils, les prenant pour des maquisards, les abat.

Voici le texte du procès-verbal de 1963 à partir du témoignage d’Urbain Coste, maire de la commune :

« En tant que maire, je suis au courant de l’exécution de Monsieur Maes Aymar né le 28 février 1903 à Spycker (Nord) et de son fils Michel. Ces deux personnes ont été tuées par les Allemands le 23 août 1944 sur la route nationale n° 9 à hauteur du domaine de Servières, commune de Le Caylar. Ces deux individus, en compagnie de trois autres, se dirigeaient à pied vers le hameau de La Pezade. Arrivés face à la ferme de Servières le petit groupe est tombé sur une colonne allemande qui se dirigeait vers Le Caylar. Cette colonne, harcelée depuis la veille par les maquisards, a certainement ouvert le feu sans explication. Les cinq cadavres parmi lesquels se trouvaient ceux de Maes Aymar et de son fils ont été abandonnés sur le terrain par les soldats allemands. Ils furent inhumés au cimetière de Le Caylar par mes soins. [Les familles ont repris les corps ultérieurement, sauf ceux des Maes].

Je peux vous préciser que Maes Aymar et son fils faisaient partie du personnel de l’administration du camp de Fleurance (Ariège) [Gers] mais je ne puis vous fournir aucun renseignement de moralité sur eux.

J’ajoute, par ailleurs, que le même jour, sur le CD n° 9, à la hauteur de la ferme de La Prade, commune de Saint-Michel (Hérault), un cycliste qui se dirigeait vers Le Caylar fut abattu dans les mêmes conditions par la même colonne. [Il s’agit d’Hippolyte Dupin et d’un autre habitant de Montpeyroux qui se rendaient à vélo sur le Plateau de Larzac]. »

Carte de situation de Servières (IGN)
Carte de situation de Servières (IGN)

Un autre document figurant dans le dossier de « Mort pour la France » précise : « D’après le rapport adressé le 15 mars 1963 par Monsieur le Préfet du Gers au Directeur interdépartemental de Toulouse, Monsieur Maes qui, à l’époque était surveillant au Camp de Travailleurs Étrangers de Fleurance (Gers), figurait sur une liste de membres de la Milice en qualité de Franc Garde, sous le n° 8.796. Son épouse était également milicienne. (…) Il aurait rejoint le 15 août 1944, avec la milice d’Auch, les troupes allemandes… » Un dernier document, du 12 janvier 1948, indique que le témoin Rouvier Daniel, demeurant au Caylar, habitant la ferme de Servières, témoin oculaire de la scène, avait déclaré : « une colonne allemande a rencontré cinq hommes qui, à sa vue, ont levé les bras en prononçant les paroles « Nous miliciens français, camarades »  » sur quoi ils ont été abattus à coups de mitraillettes ».

Bien entendu, ces divers documents s’opposèrent à la décision de « Mort pour la France ».

Grâce au registre de décès de la commune du Caylar, nous connaissons précisément les 5 personnes : Aymar Maes (Spycker 1903) et son fils Michel (Lille 1928), Jean-Pierre Mestelang (Chartres 1912), Felix Teychène (Pouy de Touges 1910) et Pierre Tranier (La Cavalerie 1909). D’après les Archives départementales du Gers, Maes est recensé à Fleurance comme chef de secteur de la Milice, ainsi que Tranier et Mestelang, et Teycheire à Auch.

Il est probable que ces cinq hommes ont abandonné la colonne allemande partie d’Auch – peut-être à l’occasion de l’une des attaques qui eut lieu sur son itinéraire. En gagnant le plateau de Larzac, ils pensaient échapper ainsi aux uns et aux autres ou bien s’agréger à la colonne de Rodez en marche vers la vallée du Rhône. Peut-être est-ce à l’initiative de Pierre Tranier, qui, originaire de La Cavalerie (Aveyron), devait bien connaître la région et ses possibilités de se cacher.

[Jean-Claude Richard Ralite]

Robert Fiol dit « Spahis » (1923 - 1996) du maquis Bir-Hakeim

Lors du décès de Robert Fiol, le colonel Bonnafous, président des Amis du Maquis Bir-Hakeim, a prononcé cet éloge funèbre :

« Robert Fiol est né à Blida le 4 novembre 1923 et, à 19 ans, il s’engage au titre du 1er Régiment de Spahis Algériens avec lequel il participe aux combats de Bit et Arbi en Tunisie, au cours desquels il est porté disparu. En réalité, il est en captivité du 23 janvier au 7 mars 1943 mais sera récupéré par son Unité. En permission exceptionnelle à Millau, il restera là jusqu’à sa démobilisation, le 1er juin 1943.

C’est alors que débute son parcours dans la Résistance. Il sait que tout esprit a un travail de héros à faire qui consiste à ne se point laisser troubler ni envahir. L’esprit est donc la Résistance. C’est pourquoi, conscient que le combat contre l’ennemi qui occupe notre pays ne peut avoir lieu à découvert, compte tenu de la disproportion des forces, il opte pour la guerre de l’ombre, la clandestinité la plus difficile dans un contexte de trahison permanent et de dénonciation. Il comprend qu’il va devoir assumer des risques majeurs en entrant dans les rangs du Maquis Bir-Hakeim, le 8 septembre 1943.

Son cheminement dans cette Unité dépourvue en permanence de l’essentiel pour lutter contre l’ennemi mais aussi contre les Français qui el soutienne, sera celui d’un homme sûr de lui-même, de ses convictions et de la cause qu’il défend parce qu’il a compris qu’elle est al seule issue pour notre pays. Il participera à toutes les grandes opérations en faisant preuve d’un grand courage mais aussi d’une certaine indifférence face à la mort dont il ne craindra jamais les effets jusqu’à son dernier souffle et qu’il aura l’occasion de côtoyer bien souvent, en particulier le 9 avril 1944, lors des combats de Saint-Etienne-Vallée-Française, lorsqu’il sera atteint d’une balle au poumon droit.

Non seulement tu as été un grand combattant de cette armée de l’ombre mais également un grand frère pour les jeunes qui, comme moi, rejoignaient le Maquis, les idées pleines de Bleu, Blanc et Rouge, animés d’un esprit de revanche que tu allais sagement canaliser. Car, sous tes dehors d’homme des bois, tu dissimulais un cœur extraordinairement humain qui s’exprimait avec bienveillance et la grande bonté d’un homme conscient de ses responsabilités.

Je dois avouer bien humblement que, souvent dans les moments difficiles que j’ai vécus, j’ai calqué ma conduite sur la tienne parce que sûr de sa cohérence avec notre mission qui était la Libération de notre pays. Tu as été mon guide et, je dois l’avouer, j’avais 17 ans, mon idole. Plus tard, lorsque j’ai fait carrière et que, à la tête de mes hommes, j’ai été amené à côtoyer journellement la mort, en particulier en Indochine, je me suis souvent inspiré de ton calme et de ta sérénité dans les combats meurtriers qui couchaient beaucoup de nos jeunes.

C’est avec une grande émotion que je me souviens de la Libération de Montpellier où tu nous avais précédés avec ta moto pour analyser la situation. Puis ce fut le grand départ pour libérer l’Alsace et notre intégration à la 1ère Armée Française commandée, je le rappelle, par le général de Lattre de Tassigny. Nous étions devenus de vrais soldats en uniforme agissant dans la légalité.

Nommé Aspirant le 25 septembre 1944, puis sous-lieutenant le 1er octobre 1950, tu poursuivras ton ascension avec le grade de lieutenant le 25 août 1954, grade que tu conserveras à l’honorariat lorsque tu seras rayé des cadres à compte du 1er janvier 1969. Tu porteras fièrement sur ta poitrine cette Croix de Guerre gagnée le 21 juin 1945 et cette Croix de la Légion d’Honneur venue couronner une carrière honorable.

Entre temps, tu auras rencontré la compagne de ta vie, une jeune résistance de Saint-Félix-de-Lodez, qui t’étonnera par son courage et sa volonté : Fernande Souyris deviendra madame Robert Fiol le 14 octobre 1945 et je me souviens, l’année dernière, de la célébration de vos 50 années de mariage. Vous n’avez jamais cessé de vivre l’un pour l’autre et votre couple était l’exemple d’un amour partagé et l’union d’une très grande tendresse. Entourés de vos enfants et de vos petits-enfants, aussi fidèles et charmants les uns que les autres, l’avenir semblait plein de promesses pour cette famille aussi unie. Ton départ, hélas, bien que courageusement ressenti par eux, laisse derrière ton ombre le regret amer d’un bonheur trop court parce que si bien mérité. Premier Vice-président de notre Amicale, tu m’as secondé pour réaliser notre rêve qui était de graver dans le marbre et la pierre l’histoire de notre Maquis afin que les générations futures sachent qu’une poignée d’hommes, dévoués et courageux, ont tout sacrifié pour libérer la France. Tu étais de ceux-là et je terminerai en citant les paroles de deux historiens, Maruejol et Vielzeuf : « Vous tous, les Bir-Hakeim, qui avez donné à la France votre exemple, dormez en paix. Le pays qui peut engendrer de tels hommes n’est pas prêt de sombrer demain ».

Le mémorial Bir-Hakeim à Mourèze (photo Midi Libre)

Au revoir, Spahis, tu as bien gagné le repos éternel des héros. Nous prierons pour toi en venant chaque année déposer une gerbe sur ta tombe à l’occasion de l’anniversaire de la Libération. Adieu, mon ami, adieu mon frère d’armes. »

Cette allocution est bien marquée du sceau du « résistancialisme » qui réservait la parole aux acteurs et témoins de la période avec pour unique but de célébrer ceux qui s’étaient engagés dans les Maquis et la Résistance. Cependant, depuis les années 70/80, les historiens de la nouvelle génération commençaient à étudier la période de manière plus objective, en montrant que tout n’était ni noir ni blanc mais, trop souvent, plutôt gris… Une copie de ce discours est conservée aux Archives de l’Hérault sous la cote : 11 F 202.

[Jean-Claude Richard Ralite]

Bernard-Henri Bonnafous dit « Richard »

En 2013, les archives départementales de Carcassonne ont rendu un hommage à B.-H. Bonnafous dit « Richard » avec la publication d’un Catalogue : La Résistance telle que l’a vécue Bernard-Henri Bonnafous, octobre 1941 – septembre 1944, (un volume de 115 pages), qui retrace la carrière de cette autorité, chef régional adjoint de l’Armée Secrète et chef FFI-Aveyron, et qui, jusqu’à peu, participait à toutes les manifestations patriotiques pour commémorer les années de la Résistance.

Henri Moizet, lors des obsèques de « Richard » le 6 avril 2012, a retracé les étapes résistantes : « La Résistance fut, pour lui, d’abord un choix personnel. Choix délibéré partagé avec d’autres jeunes, d’autres amis étudiants, en 1941. Ce qu’il n’a pas trouvé à Nice ou Marseille, il le réalisa à Montpellier. A 24 ans, désormais, il côtoyait les plus grands : les professeurs Courtin et Teitgen, le couple Aubrac, d’Astier de la Vigerie, Frenay, le DMR Leistenschneider, mais encore Missa, Chauliac, Noguères, de Chambrun, Torcatis. Combien d’autres… Ses qualités et la solidité de son engagement, l’ont conduit à diriger les maquis en Aveyron. Sa prise de commandement intervenait suite à une série d’arrestations (Merle, Freychet, Birebent) et dans un moment où certaines rivalités pouvaient nuire considérablement à l’unité des FFI. Il sut s’adapter et éviter les conséquences fâcheuses, mais il n’en tirait aucune fierté personnelle : honnête homme et humaniste, combattant temporaire, citoyen-patriote avec une fidélité indéfectible à la Résistance et à la démocratie incarnée par elle à la Libération. »

[Jean-Claude Richard Ralite]

Bonnafous (AD Aude)

Pierre Mazier (26 novembre 1920 - 28 novembre 2016)

Avec Pierre Mazier disparait un acteur de la Résistance gardoise durant la Seconde guerre mondiale (il est le plus jeune membre du Comité de Libération du Gard en 1944), un auteur reconnu sur cette période, et un ami pour tous ceux qui l’ont connu.

Issu d’une famille d’instituteurs protestants, né à Jonquières-Saint-Vincent, il passe une licence d’histoire-géographie puis un DES de géographie à la Faculté des Lettres de Montpellier, avec des professeurs tels que Paul Marres, Henri Marrou ou Augustin Fliche. Les années d’Occupation le conduisent, après un passage dans les chantiers de jeunesse, à la résistance active et au Comité de Libération du Gard. Professeur en 1945-1947 aux lycées de Nîmes et de Millau, il abandonne vite l’enseignement, et fait carrière à la SNCF où il demeure jusqu’à sa retraite en 1977. Puis, à Midi Libre encore pendant 10 ans, dans les services de l’Agence Voyage.

A partir de 1987 il revient à ses premières amours, et publie chez Lacour à Nîmes, plusieurs monographies d’histoire locale (Jonquières, Bellegarde, Uzès, Sommières…). Il entreprend surtout d’utiliser son expérience d’acteur de la Résistance pour faire connaître aux jeunes générations de multiples épisodes des luttes contre les Nazis. C’est ainsi qu’il publie plusieurs ouvrages sur les Chantiers de Jeunesse du Gard et de l’Hérault, et collabore avec Aimé Vielzeuf à l’histoire de la résistance gardoise.

Il confie aux Études Héraultaises plusieurs textes, l’un sur le chantier de jeunesse à Montpellier, un autre sur l’expérience de Louis Mazier lors de la Guerre de 14-18, et surtout un article de référence sur la naissance et les débuts de Midi Libre https://www.etudesheraultaises.fr/publi/midi-libre-naissance-dun-quotidien-regional-a-la-liberation/. Dans les années 80, Maurice Bujon, directeur général, lui avait commandé une Histoire du journal, qui n’avait finalement pas été publiée. Bien des années plus tard, Pierre Mazier en a extrait un récit détaillé et d’une grande richesse d’informations qui met en relief tant les personnalités des fondateurs et premiers responsables du quotidien montpelliérain, que les enjeux politiques, économiques et juridiques qui ont entouré sa création.

Dans tous ses écrits, Pierre Mazier apportait un œil critique sur les faits et les hommes car il était attaché à la Vérité historique comme à la Liberté et à l’Honneur.

Avec lui, Études Héraultaises perd un collaborateur, la Résistance un de ses historiens et ses parents et amis un homme de bien.

[Jean-Claude Richard Ralite – Guy Laurans]

Août 2004 - Conférence de Pierre Mazier avec Lucie Aubrac (coll. privée)