Louis Charles EYMAR (1882-1944)
Quand Mozart enchante la main du peintre

Louis Charles Eymar est un peintre novateur et atypique. Marqué par la vie, il use de ses compétences intellectuelles et artistiques pour devenir une référence culturelle montpelliéraine des années 20 jusqu’à son décès en 1944. Après quelques essais en littérature « d’avant garde », motivés par sa proximité avec Valéry Larbaud, il se construit, par un travail acharné, un savoir-faire de peintre. Il parvient, après plus de 15 ans de créations confidentielles « sur la matière », à égaler des maîtres du dessin au lavis d’encre de chine, sépia ou aquarellé. Il est comparé à Raoul Dufy. Louis Charles Eymar excelle dans la composition de paysages ruraux ou urbains, de scènes de cirque ou de cabaret, de portraits de femmes… Ses œuvres sont empreintes d’une grande délicatesse de style, dans une recherche constante de la beauté, mais aussi de ce qui lui est « étrange ». Selon ses proches, il a réinvesti sa grande expertise de la musique classique dans l’art du dessin. A-t-il réussi à transposer « le temps » de la musique dans « l’espace » de la peinture ou du dessin ? Question récurrente dans la recherche d’une perception synesthésique 2 de l’artiste.

La disparition de Louis Charles Eymar 3 dans l’euphorie de la Libération 4 n’a laissé dans la presse Montpelliéraine renaissante qu’un bref hommage 5 qu’il convient de remettre en mémoire dans une revue consacrée au patrimoine héraultais. Le journaliste Gaston Poulain 6 trace d’une plume alerte, en octobre 1944, les mots qui donnent sens à notre recherche : « Eymar était un curieux homme : il parlait souvent de ses rêves (…) il peignait avec beaucoup de discrétion hésitante parce qu’il était intelligent. Très intelligent même puisqu’il se laissait aller à ses goûts dirigés par le tact, aux goûts de ceux qui aiment se reposer dans la solitude de tout ce qui se passe toujours (…) il ne faut pas que s’efface son œuvre charmante, d’une délicatesse légère et un peu gênée 7 ». Son légataire universel, Pierre Malletguy, soucieux de cette pérennité, a légué au musée Ferdinand Fabre à Montpellier, au musée Paul Valery à Sète 8 et au Musée National d’Art Moderne à Paris, un ensemble de dessins qui ne représente qu’une infime partie de l’oeuvre de l’artiste 9. Aujourd’hui, les publications consultées 10 sur l’originalité de ce peintre n’assouvissent pas notre désir d’une connaissance plus approfondie de sa vie et de son apport artistique. Quel regard Louis Charles Eymar (LCE 11) porte-t-il sur la société de la première moitié du XXème siècle ? Quelles sont les idées dans l’air du temps qui structurent sa manière de penser et de dessiner ou peindre ? Comment s’inscrit-il dans son environnement social et culturel ?

Buste de Louis Charles Eymar attribué à Marcel Le Louet, professeur à l'école des Beaux-Arts de Montpellier
Fig. 1 - Buste de Louis Charles Eymar attribué à Marcel Le Louet, professeur à l'école des Beaux-Arts de Montpellier (Coll. Privée - cliché de l'auteur)

Un environnement bourgeois

LCE est né à Montpellier le 24 Janvier 1882. Il est le fils aîné de Joseph, Charles Eymar, droguiste, et de Blanche Verdier. Le domicile familial et la droguerie se situent au n° 8 de la rue des Sœurs Noires. Cet établissement a été acquis par la famille en 1844 en association avec la famille Bonnel. Il deviendra une propriété familiale après la liquidation, en 1855 12, de l’entreprise commune et le partage des biens. Par la suite, chaque partie a continue à exercer, séparément, son commerce.

Le père de LCE est né A Montpellier en 1851 et a succédé, à la tête de la droguerie, à son propre père, Laurent, en 1873. Son activité sociale, particulièrement dense, a certainement influencé le jeune Louis Charles. En effet, il est juge suppléant au tribunal de commerce en 1882 13, administrateur du bureau de bienfaisance en 1895 et membre de la chambre de commerce en 1901. Il côtoie également l’élite intellectuelle régionale en participant aux activités de la Société Languedocienne de Géographie. Attentif à l’évolution du monde et des idées, il y adhère des 1878 14. Les droguistes du XIXème siècle sont encore dans la tradition de ceux qui en ont fait une profession axée sur le commerce de détail des « drogues » utilisées par les peintres ou les teinturiers, la cire, les bougies, le sucre cassonade, le the, le café, le coton, les épices, etc. La publicité présentée dans l’annuaire administratif de l’Hérault indique d’une manière générique : « denrées exotiques ». Il va sans dire que cette activité commerciale exercée par la famille Eymar, depuis le milieu du XVIIIème siècle, lui a procure une aisance financière qui lui permet d’établir des alliances matrimoniales avec les familles montpelliéraines les mieux dotées en capital financier (banquiers 15, négociants 16 ou en position sociale prestigieuse. Joseph, Charles Eymar était identifié, en 1908, comme « marchand en gros de café 17 ».

La sœur de LCE, Suzanne, épouse 18 Marcel, Justin Ray 19, professeur agrégé d’allemand au lycée de Montpellier et chargé de cours à la faculté des lettres « en langue et littérature allemande ». Cette parenté a toute son importance dans la vie de LCE car elle lui permet de rencontrer l’élite intellectuelle de son temps de passage à Montpellier, à l’image de Valery Larbaud 20, ami de jeunesse de Marcel. Mais c’est aussi l’ouverture d’esprit de LCE qui le porte à l’écoute de l’écrivain anglais Joseph Conrad 21. Nous verrons, plus loin dans cet article, les circonstances de ces rencontres et leurs effets sur la vie du peintre. Mais notons, pour mémoire, que l’oncle de Suzanne et de LCE n’est autre que le Général de division Alfred Montagne (1841-1939) qui a donné son nom à une allée de la ville de Pézenas 22. Cette attache est formalisée dans leurs prénoms secondaires : Alfrède et Alfred !

Carnet de croquis de Louis Charles Eymar - Esquisse de portrait de jeune fille
Fig. 2 - Carnet de croquis de Louis Charles Eymar - Esquisse de portrait de jeune fille.
(Coll. privée - Cliché de l'auteur)

Il effectue sa scolarité au collège des Jésuites à Montpellier. Il y acquiert une solide culture gréco-latine et hébraïque 23, ainsi qu’une rare érudition à propos de l’ancien testament. En outre, selon Georges Dezeuze « (il) avait reçu comme tous les jeunes gens bien élevés de son époque des leçons de peinture. Édouard Marsa1 24 (…) avait été son maître (…) Il se cultivait de toutes les manières par la fréquentation des gens les plus remarquables qui pouvaient se rencontrer dans sa ville, et par des voyages qui le menaient de Beyrouth à Rome, d’Alicante à Marrakech ». Cette illustration de l’éducation de LCE se conjugue avec la vision « ignatienne » de l’enseignement jésuite qui vise à former des esprits larges, ouverts et positifs. L’individu formé doit être capable de faire des choix libres, en incluant toutes les dimensions du discernement et d’une énergie reconstructrice dans les épreuves 25. Il semble avoir reçu, en outre, une culture musicale approfondie, au point d’avoir envisagé d’être pianiste et de réaliser une carrière de concertiste. Toutefois, il se déclare « peintre décorateur » sur sa fiche militaire, ce qui indique que son choix n’était pas encore tranché à cette époque.

En effet, à l’issue de cette période de vie, en 1902, il est déclaré bon pour le service au conseil de révision et obtient, peu de temps après, un report d’incorporation « comme aspirant au Doctoral en droit ». Il renonce à cette disposition le 10 novembre 1904 pour accomplir deux années de service « dans les mêmes conditions que les inscrits sur la première partie de la liste 26 ». Sur ordre du général commandant le 16ème corps d’armée, il passe, le 28 décembre 1904, à la 16ème section de secrétaires d’État Major et de Recrutement. Puis, il entre dans la disponibilité de l’armée active le 18 novembre 1905 « étant devenu fils ainé de veuve postérieurement à son incorporation ». Cet épisode de sa vie est à relier au dramatique décès de son père, le 2 novembre 1905. Il se serait suicidé à la suite d’une faillite commerciale ! LCE en a retenu une profonde aversion pour la bourgeoisie locale 27.

Les études universitaires et la construction d'un réseau culturel

Il reprend une inscription à la faculté de droit. Au mois de novembre 1906, il est élu représentant des étudiants en droit au comité Représentatif des Étudiants (Journal l’Étudiant du 26 novembre 1906) sensé porter leur voix auprès de l’administration universitaire. Ce comité se réunit au café Glacier à Montpellier. À l’occasion d’incidents avec la police 28, LCE fait partie des orateurs qui protestent contre les violences subies de la part des forces de l’ordre. Le journal L’Étudiant donne quelques indications sur cet événement qui s’est déroulé à l’occasion de la fête des derniers cent jours à passer à l’école, traditionnellement organisée par les étudiants de l’école d’agriculture « Tout s’était très bien passé, les monômes joyeusement parcouraient la rue (…) lorsque la police crut bon d’entrer en scène (…) de quel droit et de quel arrêté s’autorise-t-elle pour pénétrer (…) dans l’université, domaine exclusif des étudiants ? (…) la police a pourchassé les étudiants à travers la ville (…) on a opéré une quinzaine d’arrestations (…) ils sont sortis du poste dans un état lamentable, les vêtements déchirés, la figure en sang. Ils ont été victimes à l’intérieur de la geôle municipale d’un passage à tabac odieux 29… ».

Il est un des membres fondateurs de l’Union Générale des Étudiants de Montpellier en 1907 et participe activement à la création d’une bibliothèque pour permettre à ses camarades de « travailler en commun ou se distraire par la lecture de nombreux et intéressants ouvrages, revues et journaux mis à leur disposition ». Le rapport du président de l’Union, en 1909, fait l’éloge de LCE « Grâce au dévouement de nos amis Eymar et Bock nous avons pu, en effet, réunir une collection d’œuvres remarquables, choisies avec le goût le plus sûr et le plus délicat 30 »

Mais ce parcours universitaire est laborieux comme en témoigne un courrier adressé par Marcel Ray à Valery Larbaud le 23 juillet 1909. Il y est rapporté que LCE « a été reçu à un de ses examens de licence et recalé à l’autre ». Si le projet initial était d’obtenir un doctorat en droit, comme en témoigne le dossier militaire cité ci-dessus, LCE a été distrait de cet objectif par d’autres intérêts, comme la décoration, la peinture, la musique, voire la littérature 31. Sa sensibilité et son âme artistique peuvent expliquer la durée de sa formation supérieure. En effet, il n’apparaît, comme licencié en droit, qu’en 1911 32.

Une entrée dans le milieu littéraire

Son regard vers la littérature se concrétise par son appartenance, dès sa parution, au comité de rédaction de la revue littéraire montpelliéraine PAN 33, dont les membres fondateurs sont Joël Dumas, Jean Clary et Francis Carco. Nous retrouvons les principaux animateurs de cette publication dans un recueil de poèmes 34 publié le 15 mai 1908 par Jean Clary, dans lequel il leur adresse un hommage. Si l’ensemble de la publication est symboliquement dédié à Joël Dumas qui est, selon son positionnement 35 dans la revue PAN, le véritable rédacteur en chef, les poèmes sont, les uns après les autres, spécifiquement dédiés à tel ou tel auteur. L’organisation de l’ouvrage en trois grandes parties s’adapte à la personnalité sensible de chaque « dédicataire ». La première partie s’intitule « impressions », la seconde « Messes » et la dernière « Quelques Madones ». Ces poèmes, à caractère transgressif, s’adressent aux amis et plus particulièrement, dans la dernière partie, à LCE et Francis Carco, dont on connaît bien le goût prononcé pour tout ce qui est contraire au sens commun. Ces représentations de la Vierge dans Notre-Dame des Douleurs, Notre-Dame de Joie, pour se terminer par Notre-Dame Perverse stigmatisent les comportements de Charles et Francis qui sont, de notoriété publique, des aventuriers des « bas fonds » et ne font pas mystère de leur penchant pour la fréquentation des prostituées. Dans le premier poème dédié à LCE 36, la troisième strophe fait état du « cœur (qui) s’est incendié aux flammes des luxures, dont les griffés aigües ont enserré mon âme, dans l’espoir de baisers donnés par des morsures qui réveillent les vieux désirs au cœur des femmes, mon cœur s’est incendié aux flammes des Luxures 37 ». La première strophe du second poème est tout aussi équivoque : « Je suis la Vierge ardente et lisse, dont les grâces versées à pleines mains sur tous les ruts cachés ont rénové dans les alcôves où s’enlacent les corps offerts très nus, reposoirs de péchés (…) dans l’espoir de spasmes nouveaux ». Le poème dédié à Francis Carco, long de quatre pages, se termine par « Donnez-nous des désirs Notre-Dame perverse ». Il est singulier de relever que Francis Carco publiera en 1925 un roman titré : « Perversité » ! Ce lien amical et de proximité de pensée, voire de comportement, entre LCE et Francis Carco est encore mieux révélé par le poème en prose que ce dernier lui dédie dans la revue littéraire PAN du mois de juillet 1908 (extraits relatifs à d’hypothétiques visites de cabarets ou maisons closes par LCE… et lui-même ! 38)

« Pages… à mon ami Charles Eymar. »

Le qualificatif d’ami indique qu’ils ont sympathisé. Mais nous n’avons pas d’indication précise sur le moment de leur première rencontre.

« Filles : la rue est pleine d’ombre les portes, froids corridors, ont l’égale fraîcheur des pierres et des dalles humides (…) Une fille se peigne à la croisée dans une glace ronde. J’admire sa gorge splendide et forte, sa croupe énergique et ses brais épais ; mais elle est débraillée comme une servante. Le fard qu’elle a déjà posé sur ses joues lui fait une tête de masque mauvais et d’enfant sage (…) En bas, vautrées sur le divan pisseux du salon, elles tripotent des cartes, molles et inoccupées. Grenoble, avril 1908 »

C’est le milieu de la matinée et la maison close exhale une atmosphère qu’apprécie particulièrement LCE. Les émotions ressenties seront interprétées, plus tard, dans les dessins de ces femmes à leur toilette ou dans leurs activités matinales. Le regard de Francis Carco joue sur l’autre aspect de la réalité vécue qui s’oppose, tout en étant complémentaire, à la valorisation de la beauté par les esquisses de LCE : « Quand elle aura passé le long peignoir sale d’avant midi, la fille descendra l’infect escalier de sa chambre ». C’est précis et témoigne d’un lien entre l’écriture et « l’image analogique » qui en résulte ! C’est en même temps, au plan littéraire, une vision prégnante, brossée en seulement quelques traits pertinents. Cela rappelle le style de Valery Larbaud fait « d’une connaissance vivante (… et choisissant une sorte) d’épure des traits essentiels 39 ».

« Intérieur : Les tables de bois noirci luisent avec des gobelets de cristal teintés, avec l’eau des carafes et le liquide obscur des bouteilles (…) le cabaret s’endort maison feutrée de mystère, la maison aux étages ramassés et serrés où sont les chambres gorgées de nuit, bourrées d’une odeur d’amour et de parfums, car dans toutes je t’ai conduite 40… Grenoble, Avril 1908.

Francis Carco illustre, dans ce dernier poème, l’attirance particulière et la fréquentation assidue de ces lieux par LCE et lui même, qui offrent « une émotion esthétique plus ou moins pimentée », comme le souligne Jean Fréderic Brun, source d’une brève extase, « privilège douloureux de nostalgiques qui, plus encore que des femmes, sont amoureux de l’amour 41 ».

La plupart des biographies de Francis Carco font l’impasse sur la période de 1907 à 1909, en raison de l’absence d’archives directement accessibles. Mais, on peut retrouver au fil de la lecture des journaux locaux quelques éléments de réponse. Ainsi, le bulletin l’Étudiant, du 1er février 1908, énumère les convives d’un banquet de « thèse » 42 organise par les lauréats Lèbre 43 et Albat. LCE y est accompagné de Francis Carco 44. Cette information témoigne de la présence physique de Francis Carco à Montpellier au cours de cette période de l’année 1908. Jean-Jacques Bedu 45 explique que Francis Carco est « incorporé » en 1908 à Lyon pour y effectuer son service militaire, puis transféré vers la fin de l’année au 2ème d’artillerie à Grenoble. Durant cette période, il profite de ses permissions pour se déplacer dans différentes villes. Au passage, cet auteur, relève que Francis Carco « fait des frasques dans un bordel d’Orange et qu’il est arrêté par la police militaire qui le met au trou ! ». En 1909, il est muté à Briançon où il termine, en octobre 46 sa période militaire. Nous ne retrouvons pas d’autre témoignage d’une rencontre, même épistolaire, entre les deux hommes. Il est vrai que LCE ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces de sa correspondance à son légataire universel et qu’il faut rechercher dans celle des personnes qui l’ont connu d’hypothétiques réponses à nos interrogations. C’est ainsi que nous apprenons que Valery Larbaud 47 a rencontré Francis Carco, au mois de mai 1911, à Paris, chez « Aurel 48 » et qu’il en fait part à LCE.

Comment expliquer l’importance de ce qui est rapporté ci-dessus, comme épisode marquant de sa vie, alors que la rencontre a été relativement courte, même si elle apparait comme intense au plan émotionnel ? Nous formulons l’hypothèse que LCE, ayant pris connaissance des premiers poèmes de Francis Carco, l’a invité à les présenter aux étudiants de Montpellier dans le cadre de son activité de bibliothécaire à l’UGEM, mais aussi a l’occasion du « lancement » de la revue PAN (voir note 33). Le tempérament chaleureux et direct de l’un et la vive intelligence et la curiosité de l’autre, ainsi que leur mode de vie en opposition aux valeurs de leur groupe social d’origine, ont permis l’échange que nous rapportons dans cet article.

Une autre rencontre remarquable a été relevée par divers auteurs, c’est celle d’un illustre romancier anglais. C’est à partir de la correspondance de Valéry Larbaud que nous formalisons d’une manière concrète le lien entre le romancier anglais Joseph Conrad et LCE. Une lettre adressée le 28 juillet 1911 49 à Marcel Ray nous apprend que « Conrad (lui a) m’a demande des nouvelles de votre beau-frère ». Cette simple phrase d’un auteur qui n’a séjourné à Montpellier qu’épisodiquement (hivers 1906 et 1907) 50, montre à quel point, le jeune LCE 51 a marqué sa mémoire. LCE a confié à Frédéric Jacques Temple son souvenir des va-et-vient nocturnes sur la place de la comédie avec cet écrivain, alors qu’il n’en connaissait pas la véritable identité d’auteur. Ce qui est surprenant, c’est l’écoute dont a fait preuve LCE de la narration des aventures de cet « ancien marin » et, la mémoire visuelle qu’il en a conservé 52. Ils ont également fréquenté le Café Riche 53, situé sur la place de la comédie, qui apparaît comme un haut lieu des « mémoires » littéraires montpelliéraines. Plus tard, Valéry Larbaud invitera son biographe, Georges Jean-Aubry, à rencontrer LCE au sujet du passage du romancier anglais à Montpellier, mais l’échange entre les deux hommes ne semble pas avoir été très positif 54. LCE s’en plaindra auprès de Valéry Larbaud 55. Un nouveau séjour familial de Conrad à Montpellier au mois de mars 1914 ne semble pas avoir engendré une autre rencontre, alors que LCE est présent à Montpellier, mais nous manquons d’archives pour nous prononcer définitivement.

Cette première partie de la vie sociale, artistique et littéraire de LCE s’inscrit donc dans une cohérence remarquable entre ses engagements universitaires et ses explorations littéraires et culturelles. Sa position de bibliothécaire constitue le pont, voire le carrefour, nécessaire à l’ensemble de ses relations sociales. Nous n’avons pas pu trouver d’information crédible sur l’éducation musicale de LCE, tout en sachant qu’il fréquentait d’une manière assidue les lieux publics consacrés à l’écoute des partitions des maîtres et qu’il prenait des cours de piano. C’était sa passion et nous devons en tenir compte dans nos analyses. Rien n’évoquant plus que les vers d’un poème la « vérité ressentie », nous empruntons à André Castagné les mots qu’il a utilisés pour formaliser cette perception : « Dans sa poche un carnet de croquis en attente et dans sa tête un air d’opéra de Mozart ».

Louis Charles Eymar - Scène de rue dans les « bas-fonds »
Fig. 3 - Louis Charles Eymar - Scène de rue dans les « bas-fonds »
(Coll. Privée - cliché de l'auteur)

La rencontre avec Valery LARBAUD

Nous ne saurions passer à un autre épisode de sa vie sans citer quelques lettres 56 adressées par LCE à Valéry Larbaud et susceptibles de nous éclairer sur d’autres événements. Nous croiserons ces lettres, lorsque cela sera nécessaire, avec celles de la correspondance de Valéry Larbaud avec Marcel Ray. Cette précision permet de rappeler que c’est LCE qui a déposé les lettres échangées entre les deux hommes (1903-1911) à la bibliothèque universitaire de Montpellier. L’original de ce dossier se trouve actuellement dans les réserves de la Médiathèque Emile Zola (Fonds du patrimoine). Une vérification exercée par les bibliothécaires montre qu’il n’y a pas eu, malheureusement, de document d’accompagnement établi au moment de ce dépôt. Nous en retenons que LCE n’a été qu’un simple messager.

Les contraintes économiques obligent LCE à gagner sa vie afin ne plus être une charge pour sa mère. Au mois de juin 1911, un courrier de Marcel Ray à Valéry Larbaud nous avait appris qu’il « est à Marseille, 6 rue de la République, employé aux bureaux de l’office colonial 57 ». Nous n’avons pas d’indication précise sur les premiers temps de ce changement de vie. Il est vrai qu’il lui faut construire les éléments d’une véritable autonomie économique et professionnelle. Il semble qu’il se soit rapidement engagé dans la préparation d’un concours de recrutement au sein de l’administration des douanes. C’est une carte postale adressée à Valéry Larbaud, une année plus tard, qui nous donne quelques précisions à ce sujet. Le 6 juin 1912, LCE lui expédie depuis Marseille une carte postale alors qu’il est en voyage à Florence (Italie), dans laquelle il s’y s’excuse de ne pas accepter l’offre de prêt de son appartement parisien, ayant « depuis longtemps été invité par un de ses amis à descendre chez lui ». Il y exprime le souhait de le rencontrer s’il passe par Marseille : « Je serai très heureux de vous voir ». Cet échange fait suite à une sollicitation de Marcel Ray auprès de Valéry Larbaud de mise à disposition de son appartement parisien à son beau-frère, qui devait aller à Paris pour y passer un examen 58. Un contact suivi permet à ces trois hommes d’être au courant de leurs déplacements et de leurs changements d’adresses.

Une autre lettre, non datée, mais identifiée comme étant également de 1912, tout en étant plus tardive, témoigne du profond respect et de l’amitié, encore distanciée, de LCE vis- à-vis de Valéry Larbaud. En effet, il débute sa lettre par un « Cher Monsieur ». Tout en déclarant son plaisir à la lecture d’une de ses traductions, il l’invite à « s’arrêter à Marseille à son retour de Monte-Carlo ». La justification en est le plaisir de « reprendre nos bonnes causeries » de l’hôtel de la Métropole, à l’époque où Valéry Larbaud effectuait des séjours à Montpellier (Études et santé). Il s’offre également comme guide pour visiter Marseille « (dont il) connait maintenant tous les pittoresques recoins ». Toujours à l’écoute de son environnement social, il annonce qu’il a fait la connaissance de Toussaint Lucas 59 « qui m’a parlé de vous avec beaucoup d’admiration et de sympathie ». Enfin, un rappel à leur passé commun pose la question de la revue PAN et des critiques négatives qu’elle subit dans l’actualité littéraire : « J’entends dire, cette revue est une belle fumisterie, Clary ne s’en occupe que très négligemment ». Son opinion étant que « connaissant Clary depuis bientôt quinze ans, ce garçon là a le défaut d’être snob et de se laisser épater par le premier rasta venu ». Il cite pour l’exemple, le rôle joué par l’ancien fondateur d’Akademos 60, la première revue homosexuelle en France, Jacques Adelswärd-Fersen. Il termine sa lettre par « l’assurance de sa vive sympathie. Votre bien dévoué… ». LCE est admiratif des qualités intellectuelles et littéraires de Valéry Larbaud et en idéalise un modèle comportemental. Il en témoignera, plus tard, dans un essai de traduction du romancier espagnol Ramon 61.

La période Marseillaise de LCE n’apparaît, dès son début, que transitoire 62 tant son attachement « au Clapas 63 » semble fort. En effet, il conserve, jusqu’à son départ au front, son adresse postale au numéro 20 de la rue de l’Argenterie, en indiquant comme profession : « licencié en droit » 64, et effectue de nombreux retours dans sa ville natale. C’est aussi l’époque où son beau-frère et sa sœur s’éloignent de lui 65. En effet, Marcel Ray part de Montpellier à la recherche d’un autre poste d’enseignant, car celui qu’il convoite à la faculté des lettres est brigué par un collègue titulaire mieux qualifié. Ce départ est également justifié par le fait qu’il ne veut pas retourner à plein temps au lycée de Montpellier, percevant cela comme une sorte de déconsidération. En juillet 1911, il confirme sa candidature sur un poste vacant à l’université de Nancy, mais il ne l’occupera pas pour prendre rapidement un emploi de journaliste-pigiste au Petit Journal qui le conduit à habiter Nice, avant de se retrouver, plus tard, a Zurich. Dans l’intervalle il occupera, au début de la guerre, un poste de professeur au lycée de Toulouse afin de subvenir aux besoins de son couple.

Au mois de mars 1914, Valery Larbaud, qui se trouve à Montpellier, écrit a Marcel Ray : « Naturellement la première personne que j’ai rencontrée a mon arrivée, le soir même de mon arrivée, a été votre beau-frère, presque effrayé de voir mon relief dans la glace d’un bureau de tabac, juste en face de lui. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois dans la Loge et j’ai passé une heure avec lui sur l’Esplanade, cet après midi. Il va très bien et semble très content. Il m’a raconté son aventure espagnole 66. Nous avons parlé de vous, de votre femme, de Michel Iehl 67, de l’ancien Montpellier d’il y a 6 ou 7 ans (déjà !) avec la Comtesse, le général Pan, des vieux carnavals. Celui de cette année a été noyé et la cavalcade a eu lieu dimanche dernier quand tous les étrangers attirés par les affiches du comité d’initiative étaient partis ». Valery Larbaud quitte Montpellier peu de temps après cette rencontre dont nous n’avons pas trouvé la trace dans son journal de Septimanie, tout au plus une note, le 5 mars, pour préciser que Charles Eymar a connu Joseph Conrad dont il dit qu’il est : « le dernier anglais qui soit venu à Montpellier 68 ».

La guerre, la rupture, les blessures

LCE qui semble avoir été victime d’une blessure 69 au cours du premier mois de guerre, se trouve, au mois de novembre, à Toulon. Un courrier du 5 novembre indique qu’il est complètement guéri et s’apprête, sans enthousiasme, à rejoindre son dépôt. Il devrait partir au front la semaine suivante. Toutefois, une lettre de Marcel Ray du 24 novembre rapporte l’anecdote suivante : « Mon beau-frère Charles avait eu, jeudi dernier de la veine. Désigné pour partir sur le front, il était déjà sac au dos dans la cour du quartier. Arrive un poilu qui veut de toute force être de la partie. Charles se dévoue, et lui cède la place. Cette veine prodigieuse – pour un qui veut rester – n’a pas eu de lendemain. Le pauvre héros a été versé dans le détachement suivant, et s’est embarqué hier matin pour quelque Argonne. C’est un coup pour ma belle-mère, qui, je ne sais pourquoi, se berçait d’illusion qu’on lui garderait plus longtemps son blessé à Toulon et que d’ici là... ». Bien sûr, en temps de guerre la censure veille. Les nouvelles envoyées par LCE n’indiquent pas ses déplacements et son beau-frère en est réduit à faire des hypothèses, tout en signalant quelques faits concrets sur le quotidien des soldats. Dans une lettre du 3 décembre 1914, Marcel Ray écrit : « Charles Eymar est reparti pour le front, sans doute en Argonne. Les dernières nouvelles qu’il ait envoyées datent de 8 jours et proviennent de Noisy-le-Sec, où son détachement cantonnait dans la neige en attendant une destination mystérieuse ». En effet, le 20 décembre, l’offensive de la 4ème armée en Champagne débute et la 4ème brigade d’infanterie coloniale, à laquelle appartient LCE, déclenche son attaque au nord du fortin de Beauséjour. Marcel Ray indique, dans une lettre du 23 décembre, que « Charles est dans une tranchée près d’Albert et attend l’ordre d’offensive générale ». Ces dates coïncident bien si l’on tient compte du délai d’acheminement du courrier des soldats au front. Selon le site Internet spécialisé 70 sur cette période de la guerre, on relève que « le 28 décembre, le corps colonial partant de la main de Massiges, attaque les tranchées de la Verrue, au nord ouest de la cote 191 (…) La 4ème brigade coloniale perdait dans cette affaire 1200 officiers et hommes hors de combat ». LCE fait vraisemblablement partie de ces hommes. Il est blessé par une balle qui lui brise l’épaule gauche. Il est évacué, sur intervention du docteur Alexandre Aimes 71, dans un hôpital bordelais afin d’y être opéré et éviter une possible amputation du bras. Nous sommes toutefois dans l’interrogation de l’affectation réelle de LCE, car une de ses lettres contredit son dossier militaire en indiquant « qu’il vagabondait avec le 1er colonial dans l’Oise et dans la Somme » au début du conflit. Une étude plus approfondie des archives militaires devrait apporter une réponse à cette incertitude, sachant que la réorganisation des régiments est un fait constant en cours de guerre et que sa première blessure a pu changer son affectation.

Une lettre de Marcel Ray à Valéry Larbaud, datée du 24 janvier 1915, apporte une nouvelle rassurante : « Mon beau frère va mieux, mais sa fracture et ses pieds gelés le tourmentent encore, et je crois qu’il en aura pour longtemps. Le voyage que j ‘ai fait à Bordeaux au 1er de l’an, pour aller le voir, a dérangé ma correspondance et je ne me rappelle plus si je vous ai souhaité la bonne année, à vous, à votre mère et à votre tante ». Puis le 15 mars 1915, une lettre postée à Toulouse précise que « Nous avons fait une vaine tentative pour faire évacuer mon beau-frère vers Toulouse. Il en a bien encore pour deux mois avant d’être a peu près valide ». La durée du séjour hospitalier de LCE, selon ces indications, dure finalement près de six mois et il en revient, malgré la rééducation, affecté d’une quasi-paralysie du bras gauche et d’une motricité déficiente de la main.

Louis Charles Eymar – Sanguine – Jeune femme
Fig. 4 - Louis Charles Eymar – Sanguine – Jeune femme.
(Coll. Privée – Cliché de l'auteur)

Une lettre de LCE à Valery Larbaud, sans date précise, mais peut-être écrite vers la mi-mai 1915, commence par « Cher ami » et situe un rapport plus chaleureux entre les deux correspondants. Les difficultés de la guerre et les épreuves les ont rapprochés. Il y a même une forme de complicité entre eux car LCE demande à Valery Larbaud de l’aider à retrouver une infirmière nommée « Suzanne Leroy » qu’il a connue à l’hôpital de Vichy (l’Hôtel Lutetia 72) et avec laquelle il a correspondu au début de la guerre : « Soyez assez aimable pour faire une petite enquête et me communiquer l’adresse de cette aimable enfant ». Un intermédiaire possible est désigné en la personne d’un certain Duparc qui réside à Vichy. A-t-il retrouvé cette personne ? Aucune correspondance privée ou archivée n’apporte de réponse. Sa convalescence l’a-t-elle empêché de se déplacer à Vichy ? Toujours est-il qu’il déclare être de retour au Clapas depuis la fin du mois d’avril et que « ses 3 mois de convalo ont été prolongés de trois autres mois ». Il estime qu’il en a jusqu’au 14 octobre pour être statué sur sa situation militaire. Il sait déjà qu’il ne sera pas guéri et qu’il sera peut-être reformé ce qui ne sera effectif que le 6 novembre 1916. Il espère percevoir une pension… ce qui lui sera aussi accordé ! Le poids de l’inactivité forcée pèse sur son moral et il se plaint amèrement de l’ambiance clapasienne « où tous ses amis sont disperses ou morts ». L’état d’esprit local, en ces temps de guerre, est, selon lui, « résigné et fortement embêté » et il pense que tout cela finira, pour les gens, en « queue de poisson » !

Louis Charles Eymar - Au music-hall : une interprétation des « contraires »
Fig. 5 - Louis Charles Eymar - Au music-hall : une interprétation des « contraires »
(Aquarelle Coll. Musée FABRE - Montpellier-Agglomération)
Louis Charles Eymar - Jeune gitan vers 1936 (Huile sur toile)
Fig. 6 - Louis Charles Eymar - Jeune gitan vers 1936 (Huile sur toile). Coll. André Castagné

Le temps de la reconstruction

1 - La tauromachie

Au fil du temps, LCE reprend gout a certaines de ses activités antérieures. Si nous connaissions sa passion de la musique, il nous en révèle une autre : la tauromachie ! Le 21 février 1916, il envoie une carte postale à Valery Larbaud qui est à Séville (Espagne). Il le remercie de lui avoir envoyé les journaux demandés « car ils sont très précieux, on débat en ce moment une question de vie ou de mort pour la tauromachie !! ». En effet, le débat est d’importance pour les défenseurs de ce qui apparait comme un des fondamentaux de la culture espagnole. L’Espagne est, depuis la fin du XIXème siècle, dans une période « d’anti-taurinisme », et dans un vaste courant de rejet de valeurs traditionnelles, comme le flamenco. Les corridas sont l’objet d’une remise en question au nom du modernisme : « Dans les arènes, les espagnols sont aujourd’hui au même niveau que l’étaient les Maures nos conquérants 73 ». Le débat social s’est accentué entre 1909 et 1914, au moment du conflit hispano-marocain, et n’est point éteint en 1916. Ce qui explique l’intérêt de LCE pour l’actualité espagnole sur ces questions. Malgré ces interrogations sur le fond politique, l’aficionado reste présent, car il se met à la place de son informateur dans une autre carte postale non datée, et peut-être antérieure a celle citée ci-dessus, en lui disant : « Que vous êtes heureux de parcourir l’Andalousie en ce moment… ! Serais-je indiscret en vous priant de m’envoyer deux ou trois journaux tauromachiques illustres ? ». L’esthétique de la pratique, par dessins interposés, alerte sa sensibilité et nous pose la question de savoir pourquoi ce peintre n’a jamais dessiné ou peint, a notre connaissance, des instants du spectacle tauromachique ? Ce sera peut-être l’objet d’une recherche complémentaire, à partir du recensement d’un plus grand nombre de ses dessins auprès d’amateurs avertis.

Ce qui précède nous permet de mieux comprendre l’image perçue par ses admirateurs, lorsqu’il apparait, comme dédicataire, bien après la guerre, d’une nouvelle d’un de ses condisciples de la revue l’Âne d’Or. Dans le numéro du mois de juin 1922, Henri Cabrillac 74 dédie ses « fantaisies sur des thèmes connus » aux cinq « copains » de la revue. Il s’agit de nouvelles construites sur « une promenade à travers trois journées mémorables de Philippe 75 ». La seconde journée est dédiée à LCE, dans le décor des arènes d’Arles. Sous le regard de Philippe, de son amie Loulou et de « l’ami d’enfance », les moments « exaltants » de la corrida sont décrits jusqu’à la mort du taureau, ainsi que les manifestations de l’émotion de Loulou. La narration se termine d’une manière ambigüe par l’abandon de Loulou et du copain d’enfance, au bord de la route, à proximité d’un mas camarguais… laissant au lecteur le soin d’imaginer la suite. Est-ce une « historiette » vécue par LCE et qu’il s’est plu à rappeler à son « copain » ?

2 - La musique, la littérature espagnole d'avant garde et la peinture.

Le 26 août 1916 il est à Montpellier et écrit sur papier à en tête du « Grand Hôtel du Midi ». Il a appris par Francis Jourdain 76, que Valery Larbaud est à Vichy, mais qu’il doit « regagner les espagnes ». Cette relation amicale avec ce peintre-décorateur, qu’il assistera dans sa convalescence après un séjour thermal à Dax, semble tout à fait circonstancielle à la période de guerre. En effet, s’ils se rencontrent assez régulièrement jusqu’à la fin de l’année 1918, l’aventure commerciale parisienne de Francis Jourdain, qui ouvre partir de 1919 « une boutique de céramiques, tissus, luminaires et autres objets décoratifs d’un style résolument moderne 77 », les éloigne durablement.

La longue période d’inactivité de LCE, due au fait d’une situation militaire non réglée et aux séquelles de sa blessure, se modifie peu à peu. Une carte postale du 3 août 1917 nous informe qu’il est désormais très occupé. Les archives ne nous renseignent pas sur son activité professionnelle et le lieu de son exercice. Mais, d’une façon générale, il exprime une sorte de constat positif, malgré son handicap physique : « J’ai beaucoup de travail, j’ai deux greffes sur le bras et ne pouvant plus faire de piano je fais de la peinture… C’est ma pêche a la ligne ». C’est donc le point de départ de son engagement en tant qu’artiste peintre. Toutefois son intérêt pour la littérature et les voyages ne faiblit pas. La suite de la carte postale en témoigne : « Vous étiez à ALICANTE. Vous seriez gentil de me parler de ce pays ». Il lui donne quelques noms de ses connaissances espagnoles, ce qui témoigne de ses voyages antérieurs en Andalousie. Il cite quelques relations amicales dont celles de Don Julio Bernacer, de Don Ramon Oca, ou bien encore, celle de Roques, le directeur du collège français d’Alicante.

Son réseau relationnel, dans cette période de fin de guerre, s’étoffe de personnalités de renom à l’image du géographe Jules Sion ou du régionaliste catalan Jean Amade… qui sont, eux-mêmes, en sympathie avec Valery Larbaud.

Louis Charles Eymar - Femme marocaine de Tiznit tenant un instrument de musique
Fig. 7 - Louis Charles Eymar - Femme marocaine de Tiznit tenant un instrument de musique
(Coll. Musée Paul Valéry de Sète)

Son implantation définitive à Montpellier se précise avec l’obtention d’un emploi de greffier du juge de paix du 1er canton de la ville. La date de sa prise de fonction nous est inconnue, mais pourrait se situer entre 1917 et 1919. Désormais capable d’assurer l’autonomie de vie d’une famille, il recherche une partenaire de vie qui puisse lui apporter l’équilibre dont il semble avoir besoin. Il épouse le 10 novembre 1920 Madeleine Corbière, dactylographe à la mairie de Montpellier, fille du journaliste Eugène-Ferdinand 78, directeur de l’Indépendant de Lodève, puis des Guides Méridionaux. Il trouve un logement au n° 11 de la rue de la loge, à proximité de l’appartement occupé par sa mère dans la rue de l’ancien courrier. Fait original des nouveaux époux : chacun a une ligne dans l’annuaire avec mention de sa profession ! Signe d’une indépendance rare pour l’époque, d’autant que le nom de famille de l’épouse est conservé ! La forte personnalité de l’un et de l’autre fragilise la relation. Le couple se sépare en 1927 et divorce, aux torts de LCE en 1933. Plus tard, lorsque LCE parlait de Madeleine à ses amis, il disait : « ma veuve ! ». Manière humoristique de souligner ce qu’elle avait perdu en divorçant et peut-être au fait de regretter cette séparation en maintenant un lien symbolique. Les proches de LCE semblent l’avoir peu fréquentée et en ont rapporté de rares souvenirs : « C’était une femme intelligente, mais de mauvais caractère ». Toutefois, les premiers temps du mariage auront permis plusieurs voyages en Espagne, tel celui qui est rapporté par Valéry Larbaud. LCE lui écrit le 22 août 1922, mais nous ne connaissons pas le contenu du message. C’est, d’une manière indirecte, la lettre de Valéry Larbaud à Marcel Ray du 27 août 1922, qui nous fait connaître le projet de voyage : « Dites à (votre femme) que j’ai reçu une lettre de son frère Charles qui m’annonce son départ, en septembre, pour les Espagnes ». Effectivement le couple effectue un grand voyage en Espagne et fait halte dans plusieurs grandes villes d’Andalousie : Séville, Gibraltar, Ronda. Une carte postale adressée à Valéry Larbaud le 16 octobre 1922 indique que LCE « n’a pas rencontré Don Ramon », ce qui semblait un des objectifs du voyage. Cette opinion est confortée par la date du voyage qui se situe après la publication d’une traduction du romancier espagnol dans la revue l’Âne d’Or, que nous présentons plus bas dans cet article.

La correspondance avec Valéry Larbaud, qui voyage entre Alicante, Paris et Londres dans la période d’après-guerre, semble moins fournie. Pourtant, les occasions ne manquent pas de se souvenir des amis. C’est, par exemple, au cours de la « grande journée de Belmonte », le 2 février 1919, que Valéry Larbaud note dans son journal : « Pensez à Charles Eymar à qui cela aurait tant plu. Il a plu dans l’après midi, mais on m’a dit que les six taureaux auraient été mis à mort avant que les premières gouttes ne tombent ». Cette pensée amicale ne se limite pas à la tauromachie et semble se concrétiser par une information sur la production littéraire espagnole d’avant garde. L’épisode qui suit le prouve largement.

Louis Charles Eymar Jeunes femmes au bain (Aquarelle, Coll, privée, cliché de l'auteur)
Fig. 8 - Louis Charles Eymar Jeunes femmes au bain (Aquarelle, Coll, privée, cliché de l'auteur) La parenté technique avec Raoul Dufy est frappante

3 - La revue littéraire l'Âne d'Or

En effet, dans les années qui suivent, LCE s’empare d’une œuvre originale, surréaliste, en prise sur le rêve et l’absurdité de la réalité du monde. Il en présente quelques extraits dans le premier numéro de la revue littéraire Montpelliéraine L’Âne d’Or 79, le 15 janvier 1922. Cette traduction peut surprendre un lecteur peu averti. Elle s’intitule : « Criailleries choisies » et se présente sous la forme de paragraphes courts tirés de l’œuvre du poète-romancier espagnol Ramon Gomez de la Serna. Il semble que ce choix s’est fait sous l’influence de son ami Valéry Larbaud 80, traducteur des « greguerias » à partir de 1919, sous le titre de « Criailleries ». LCE y trouve un intérêt complémentaire dans le fait que cet auteur illustre lui même ses ouvrages, car il a reçu, dans sa jeunesse, tout comme lui, une formation de dessinateur 81. Son écriture fait ainsi le lien avec les images qu’elle inspire. Les manières de penser des deux hommes entrent en résonance. Pour en témoigner, il nous semble nécessaire d’illustrer cet épisode important de la vie de LCE par un extrait de cette publication :

« Le lecteur est prié de ne pas voir ici une réédition de Clara Gazul 82. Monsieur Ramon Gomez de la Serna est un auteur vivant et M. Charles Eymar ne saurait être pris pour un mystificateur, il a glané dans l’œuvre du maitre espagnol quelques observations dont le piquant et l’exactitude ne manqueront pas d’intéresser nos amis, qui nous sauront gré de leur présenter ces trop brèves citations (…) le cadre réduit de ce journal 83 ne nous permettant pas de donner à nos lecteurs des citations plus copieuses, nous les prions de nous excuser ».

Lorsqu’on apprécie le caractère novateur, voire surréaliste, de l’auteur espagnol, on ne peut pas être surpris des choix de LCE dont on connaît le regard particulièrement aiguisé et critique à propos de la vie quotidienne. La citation ci-dessous est illustrative d’un goût prononcé dans le choix de situations absurdes :

« Il n’y a pas de femmes plus fallacieuses, plus fugitives, plus fragiles et plus dédaigneuses que celles que l’on voit passer dans les miroirs fixés au mur des cafés (…) Nous autres, dans le fond obscur, nous regardons comme le passage d’une illusion le passage de ces femmes dans les miroirs. Parfois l’une d’elles est plus tentante que toutes les autres ; visiblement, elle a été une merveille, mais elle passe et s’évanouit. Nous sortirions pour achever de la voir, nous irions derrière elle, mais comme elle est partie par un chemin opposé à celui du miroir, nous serions désorientés (…) Nous préférons rester et, nous apprenons ainsi, devant ces visions fugaces, une renonciation nécessaire dans la vie, un doux désespoir, une placidité aigre-douce qui nous affale sur les divans avec ou sans agrément. Il faut voir passer tout cela sans le toucher ni le manger ! ».

Avec cette publication, LCE se présente à nos yeux sur un terrain jusqu’alors méconnu. Il témoigne d’une maîtrise de la langue littéraire espagnole et d’un intérêt réel pour la littérature d’avant-garde de ce pays. Cette inscription dans le monde des lettres Montpelliérain pourrait nous interroger si nous n’avions pas la biographie du poète espagnol. En effet, c’est bien parce qu’il y a une même vision du monde qu’il est choisi. Ce poète, tout à la fois écrivain et dessinateur, est perçu « comme l’homme qui voit tout, qui analyse tout et qui dit tout ». Mais il y a surtout cet « écart esthétique (…) impliquant une nouvelle manière de voir (…) éprouvé d’abord comme une source de plaisir ou d’étonnement et de perplexité (…) – qui s’efface – pour les lecteurs ultérieurs, à mesure que la négativité originelle de l’œuvre s’est changée en évidence et, devenue, objet familier de l’attente, – s’intègre – à son tour à l’horizon 84 ». N’est-ce pas une introduction à la peinture de LCE ? Le peintre Georges Dezeuze illustre cette manière de voir en quelques touches contrastées : « nul comme Eymar n’a su écrire avec une intensité telle, une variété pareille d’expression, le visage de la femme, nul n’a rassemblé dans un bouquet curieux les fleurs du charme ou de l’innocence et les caprices pernicieux de la rouerie, de l’impudence, de la morbidité ».

Les autres choix de LCE portent sur la musique, sur le temps ou les paysages. Un extrait de l’un d’entre eux donne la tonalité du discours : « Les instruments à vent sont répugnants (…) ils détruisent toute la beauté du concert en salivant de temps en temps sans pudeur et sans retenue (…) ». Il s’agit, dans l’interprétation de l’écrivain espagnol de changer de regard sur le monde pour le faire résonner d’une voix nouvelle 85. Mais cette vision absurde de la musique ne peut occulter qu’elle est une sorte de carte de visite dont LCE aime à se parer. Si l’on sait que le discours sur la musique fait partie des « occasions d’exhibition intellectuelle les plus recherchées (…) Parler de musique, c’est l’occasion par excellence de manifester l’étendue et l’universalité de sa culture 86 ». LCE multiplie les occasions de mettre en lumière sa culture de musicien 87 en osant, parfois, confronter sa vision de l’orchestration d’une partition avec celle d’un véritable chef d’orchestre 88. Il apparaît ainsi, en public, conforme à la légitimité de l’homme cultivé de son époque. Ce comportement marque les esprits au point que certains en feront état dans leurs « mémoires ». C’est ce que fait René Morère 89, dans les cahiers arts-documents 90, en rappelant son passage à l’école des Beaux-Arts de Montpellier où il a eu pour partenaires Germaine Richier, Camille Descossy, Jean Milhau et Gaston Poulain. Il se souvient de la forte impression ressentie au cours d’une rencontre au Salon Artistique de l’Hérault, en 1922, avec LCE : « … un homme très cultivé, peintre à ses heures, qui eut une profonde influence sur sa formation intellectuelle ».

Louis Charles Eymar - Juifs marocains vers 1936 - (huile sur papier)
Fig. 9 - Louis Charles Eymar - Juifs marocains vers 1936 - (huile sur papier) Exposé à la galerie Cournut à Montpellier en 1937 - (Coll. Musée Paul Valéry de Sète)

Cette culture musicale, qui semble être l’aspect dominant de sa mise en scène sociale, peut-elle expliquer son comportement « atypique » souligné par ses contemporains ? Il est proche de la religion catholique par une pratique assidue de la messe dominicale et en opposition avec la doctrine romaine par ses pratiques sociales hors norme. Il en est ainsi de la fréquentation des prostituées ou de la consommation de drogues (opium). Par ses croyances, au-delà de la raison et trahies par des attitudes superstitieuses angoissées et constantes, il est en permanence sur la défensive pour éviter ce qui pourrait lui porter préjudice (Est-ce perçu comme l’intervention du diable ?). André Castagné a souligné l’émotion particulière de LCE lorsqu’il rencontre une échelle sur un trottoir et les mille précautions prises pour s’en éloigner. Ou bien encore, cette organisation à caractère répétitif de ses visites aux amis. Du Lundi au dimanche, il allait rendre visite, d’une manière quasi-rituelle, le même soir, à une même famille. Il rendait ainsi visite à la famille d’André Castagné, le samedi soir : « En général, il mangeait très bien, faisant honneur au repas offert, alors que son comportement habituel faisait qu’il ne consommait presque rien ». Ce comportement répétitif, à l’image des rites de l’église romaine exercés dans la plus parfaite dévotion, témoigne d’une personnalité qui s’appuie sur des routines sociales pour lutter contre sa difficulté d’intégration, mais aussi sur les effets bénéfiques obtenus qui, selon Pentland et Feldman (2008, p. 85), conduisent, dans la recherche de stabilité, au changement, donc a une adaptation aux contraintes du monde environnant. La recherche de son être intime et la construction de ses propres certitudes sont-elles en rupture totale avec le monde extérieur ? Il en avait conscience et n’hésitait pas à en parler à ses proches. Ainsi, rapporte lui-même cette histoire vécue : « un jour, dans un café ou un bordel, une femme dont on vantait les mérites de chiromancienne prit ma main gauche et me dit : Vous aimez le beau, mais surtout l’étrange ! 91 ». C’est ainsi que ses biographes soulignent, dans sa peinture, son intérêt pour les sujets étranges, en particulier s’il s’agit de visages de femmes. Cette recherche de la beauté étrange, « qu’il cherchera avec une ferveur éclairée et impatiente, la voulant éternelle et toujours nouvelle 92 », le conduit à voyager dans les plus prestigieux lieux de culture, dont Bayreuth et Rome ! Dans une lettre du 26 mars 1926, il apprend à Valery Larbaud, alors au Portugal auprès de Don Ramon 93, qu’il se rend, avec sa femme, depuis deux ans, au mois à Vichy « pour entendre un peu de musique ». Cette musique qui semble accompagner toutes ses rêveries, entre en vibration avec l’esthétique ramonienne dont Laure-Anne Laget défini la trame : « regard vierge porté sur le monde, la surprise et le jeu sur la tension créatrice des différences… résumés dans le pouvoir de suggestion de l’incongruité. Un détournement de la logique par des glissements métaphoriques qui parviennent à transformer une observation incongrue en vérité conceptuelle nouvelle, souvent plus attrayante pour l’esprit que la vérité objective ».

Au mois d’août 1927, le rituel des séjours musicaux Vichy se poursuit, ainsi que les rencontres avec Valery Larbaud. Dans une lettre du 19 août 1927, ce dernier écrit à Marcel Ray : « Mon départ de Valbois se trouve retardé. Je ne serai de passage à Vichy que mardi dans la journée. Y serez-vous encore ? En tout cas je vous demande de prévenir votre beau-frère Charles, à qui j’ai donné rendez-vous pour après demain avenue Victoria. Dites lui que je le verrai mardi. Pour l’heure, s’il veut bien donner son adresse à la concierge, je pourrai le faire prévenir de mon arrivée ou aller chez lui. Bien amicalement. Valery ». LCE désormais séparé de sa femme est venu avec un de ses amis, le peintre Jean Milhau. Valery Larbaud le rapporte à Marcel Ray : « J’ai eu de vos nouvelles par Maurice Constantin-Weyer 94 et par votre beau-frère Charles qui est venu à la ville avec son ami le peintre (Jean) Milhau 95 ». Cette rencontre entre les deux peintres et Valery Larbaud a-t-elle engagée des échanges originaux entre eux ? La correspondance de LCE du 23 janvier 1928 explique que Jean Milhau, « le peintre de Méze », s’est tourne vers d’autres centres d’intérêt car « il songe à tout autre chose que l’ambition et la gloire ; il est fiancé et très amoureux ». La complicité amicale de LCE et Jean Milhau semble se poursuivre jusqu’au dernier salon de la Société artistique de l’Hérault en 1941, où ils exposent ensemble quelques unes de leurs œuvres.

Ces années d’après-guerre sont celles d’un apprentissage de la peinture et de la recherche d’un style, d’essais littéraires, qui l’un comme l’autre, semblent rester dans les tiroirs. C’est également une intense recherche dans les domaines les plus divers de la culture. Il accumule de nombreux « objets culturels » dans son appartement et se plait à en raconter une histoire originale a ses amis, toujours rehaussée de références savantes. Ses nombreux voyages, parfois en lien étroit avec son beau-frère, contribuent à lui donner cette stature cultivée à laquelle il aspire. Ses rencontres avec le monde des arts, de la littérature, mais aussi avec des scientifiques accentuent ce caractère universel qui le pose. La reconnaissance de ses capacités par ses amis l’encourage, malgré ses doutes, à franchir une nouvelle étape de son intégration dans le domaine de la culture.

Son ami Valery Larbaud, dans une lettre adressée depuis Paris 96 à Georges Jean-Aubry souligne cette émancipation de LCE : « Je connais, à Montpellier, quelqu’un qui a beaucoup connu Joseph Conrad dans cette ville, mais ce n’est pas un écrivain de profession. Mais un homme cultivé, certainement peintre (amateur) il pourrait, à l’occasion, fournir son témoignage ». Une autre lettre 97, adressée au même homme, alors qu’il se trouve à Montpellier, rappelle la valeur culturelle de LCE : « Je vois peu Charles Eymar, et de loin en loin. C’est un esprit très ouvert et très fin. Vous avez du le rencontrer ici 98, d’où il ne sort, vrai méditerranéen, que pour aller en Espagne, aux Baléares ou en Corse ».

Une nouvelle rupture

Avec les années 1930, nous abordons une période au cours de laquelle LCE ose présenter ses œuvres à ses condisciples. En effet, dans la période précédente, il s’est pose en simple amateur d’art en visitant les lieux de culture et en assistant aux expositions les plus diverses au plan régional ou national. Jusqu’alors, il avait été hostile à la présentation publique de son travail, malgré la sollicitation de ses amis.

C’est donc l’année d’un changement de comportement Elle est annoncée par Marcel Ray, qui est désormais à Paris à la direction du Petit Journal, dans une lettre du 27 janvier 1930 « Si vous allez en Roussillon (…) Si vous vous arrêtez à Montpellier ; racontez mes malheurs à mon beau-frère Charles Eymar 11 rue de la loge. Il a deux toiles aux Indépendants, dont le portrait de ce chinois qui a écrit sur sa mère et dont Valéry a préfacé le bouquin ». Il s’agit de la préface du livre d’un chinois que Paul Valéry avait publié dans la revue le Commerce n° XV, au printemps 1928. Cette préface introduisait des pages, directement écrites en français, de Cheng Tcheng 99 intitulées « Ma Mère ». LCE qui s’est rapproché d’hommes qui militent en faveur du peuple, comme Francis Jourdain, a rencontré le jeune communiste Cheng Tcheng qui prépare une licence de sciences à Montpellier, puis un diplôme d’études supérieures entre 1921 et 1927, en alternant le travail salarié et les études 100. Les circonstances de la réalisation du portrait, vraisemblablement une toile à l’huile, nous sont inconnues.

Louis Charles Eymar - Croquis de danseurs ; Une illustration de la perception synesthésique de LCE
Fig. 10 - Louis Charles Eymar - Croquis de danseurs ; Une illustration de la perception synesthésique de LCE (Coll. privée - Cliché de l'auteur)

Tout au plus, pouvons-nous identifier le moment de la réalisation de l’œuvre, c’est à dire avant la date de départ de Cheng Tcheng pour Paris, au mois de juillet 1927. Par la suite, ce portrait semble avoir été accroché, selon André Castagné, dans le bureau de LCE situé au 11 rue de la loge. Mais au-delà de l’anecdote quel a été l’accueil fait au talent de LCE ?

Le journaliste Eugène Pintard donne son interprétation : « Salle 42 – Aux deux essais sur les jeunes filles en fleur par M. Jacquemond, où des tennisseuses vont s’affronter, nous préférons les vivants portraits de M Eymar, dont l’un reproduit fort bien les traits expressifs d’un écrivain chinois 101 ». La revue l’Art et les Artistes 102, dans son édition de 1929-1930, fait un bref compte-rendu du passage de LCE au salon des indépendants, sous la plume de Pierre Ladoué, critique d’art et secrétaire du salon « … et enfin ceux du tout dernier bateau (1930) : Emma Ruff et Anna Kinsler, bonnes fleuristes, Eymar (portrait), Clergeau (paysage de Sisteron et nature morte)… C’est qu’il y a dans cette foule d’appelés, beaucoup d’imitateurs, beaucoup de suiveurs, plus de chercheurs que de trouveurs. Laissons se décanter ce bouillonnement d’efforts, se préciser les tendances, se dégager les personnalités… ». Ces appréciations en demi-teinte ne semblent pas encourager LCE à renouveler sa participation à ce salon. En effet, il n’apparaît plus dans les critiques artistiques nationales des années suivantes.

En 1932, LCE fait la connaissance de Ferdinand Alquié, professeur de philosophie, ardent défenseur du surréalisme dans lequel il analyse les ouvertures intellectuelles, affectives et sociales offertes par « les rêves, les textes automatiques 103 et les poèmes (…) Les rêves sont une réalité vivante (…) – car – Ils sont à nous, ils sont nous (…) Ils apportent leurs preuves accablantes (à la raison) et permettent (…) de se comprendre mieux 104 ». LCE est séduit par l’intelligence de ce chercheur au point d’en adopter la notation et l’interprétation quotidienne de ses rêves. Le journaliste Gaston Poulain en a fait un des traits caractéristiques du personnage.

Les circonstances de cette rencontre sous l’égide de leur ami commun Claude Estève, également professeur de philosophie, sont rappelées dans le catalogue de l’exposition rétrospective de Louis-Charles Eymar du musée municipal de Sète en 1962. Il nous semble utile de retenir quelques traits de la personnalité de l’artiste, dont l’apparence est un « mélange de bohème et de noblesse ». Nous avons déjà décrit les autres traits qui en font un individu qui échappe au « conformisme social et à la fadeur sentimentale ». Cet homme se nourrit de la beauté sous ses différentes formes et des émotions qu’il en retire. C’est, semble-t-il, « l’énergie » de sa vie. Le côté susceptible, voire ombrageux ou excessif, ou encore irrité n’étant que la conséquence d’une difficulté à partager avec l’autre « ces joies de lumière que décrivent les mystiques » à l’écoute de Mozart, Bach ou Haendel, ou encore à la contemplation d’un Cézanne, d’un Max Ernst ou d’un dessin de d’Ingres. Ce goût de la beauté s’ouvre à toutes les formes d’art dans une vision transculturelle de leur émergence, et à la compréhension du sens des choses dans le miroir du spectacle théâtral ou du cinéma d’avant garde.

Il participe à la création du « groupe Frédéric Bazille 105 ». Au salon de la Société Artistique de 1’Hérault en 1941, ce groupe expose diverses toiles dans le cadre de la commémoration du centenaire du peintre. LCE présente deux paysages et un portrait. Quelle trace précise avons-nous de ces réalisations ? Le catalogue et la presse n’apportent pas ce que le regard projetté dans l’énoncé d’une description ou d’une simple émotion. Pourtant LCE était un utilisateur d’appareils photographiques, comme en témoignent les clichés qu’il a rapporté « des quartiers réservés du Maroc ». Pourquoi ne pas avoir conservé l’image des toiles et dessins exposés, vendus ou offerts ? Dans quelles secrètes alcôves ces trésors sont-ils aujourd’hui rangés ? Que faire pour les retrouver et les préserver de l’oubli ? La question est d’importance, car… lorsque Gérald Schurr rassemble « les petits maîtres de la peinture », c’est-à-dire les jeunes artistes peintre en devenir des années 1820 à 1920, dans sa monumentale étude, le nom de Louis Charles Eymar semble posé en forme d’interrogation. Sa place dans cet ouvrage est-elle d’emblée illégitime ? C’est ce qui est décidé dans la réédition de l’ouvrage qui voit disparaître le nom de Louis Charles Eymar ! Il est vrai que son œuvre semble, selon cet auteur, plus destinée aux réserves des musées ou aux collections privées, qu’aux expositions majeures :

« Qui connaît à Paris, le montpelliérain Louis Charles Eymar (1882-1944) ? C’est pourtant un styliste singulier proche de Lautrec dans ses sujets, de Raoul Dufy dans sa manière sténographique de situer le détail essentiel qui fait mouche, les réserves du musée de sa ville natale abritent beaucoup de ses œuvres et aussi certaines collections de la région 106 ».

La sensibilité régionaliste du groupe Frédéric Bazille se doit d’être rappelée. Les organisateurs de ce salon l’ont compris en accrochant les œuvres du groupe dans un ensemble séparé, au grand théâtre de Montpellier. En effet, il est utile de conserver une unité de présentation pour les dix membres officiellement déclarés 107. LCE apparaît ainsi conforté dans son identité montpelliéraine et artistique au milieu de célébrités aujourd’hui reconnues.., et disparues !

  • Ernest Arnaud – peintre, aquarelliste et graveur (1884-1947)
  • Marcel Bernard – architecte (Montpellier 1894-1981) Montpellier
  • Gabriel Couderc – peintre (Sète 1905 – Sète 1994)
  • Camille Descossy – peintre (Céret 1904-1980)
  • Albert Dubout – humoriste (Marseille 1905 – Saint-Aunès 1976)
  • Charles Eymar – peintre (Montpellier 1882 – Montpellier 1944)
  • Ernest Fouard – peintre (Montpellier 1883 – Montpellier 1951)
  • Louis Guigues – sculpteur, écrivain (Bessèges 1902 – Montpellier 1996)
  • Raoul Lambert – peintre (Nîmes 1914- 1969)
  • Jean Milhau – peintre (Mèze 1902 – Montrouge 1985)

Nous sommes étonnés de l’absence de Georges Dezeuze (Montpellier 1905 – Montpellier 2004) dans cette liste et il convient de l’ajouter. En effet, lorsque le groupe s’est constitué en vue « d’organiser à Montpellier et dans d’autres centres des expositions de leurs œuvres et de présenter aux amateurs d’art les productions de ceux qui honorent le plus l’art vivant 108 », il était composé de ces 11 artistes. L’originalité du groupe est son éclectisme en matière d’art puisque les huit peintres concernés ont complété leur effectif par un sculpteur, un architecte et un humoriste. Ce sont ces thuriféraires de l’art qui vont organiser, jusqu’au salon de 1941, différentes manifestations « pour le renom de la ville ». Dans leur démarche, ils associeront des « membres adhérents », tels Jean Raymond Bessil, Mayou Iserentant, Andrée Schlegel 109, ou le sculpteur Marcel Le Louet. La notion « d’art vivant », qui sera reprise par la suite au sein du groupe Montpellier-Sète dans les années 50 110, témoigne de l’esprit de recherche qui est mis en avant dans le sens d’une compréhension du monde en mouvement et d’une construction intellectuelle et artistique pour le faire comprendre. C’est Camille Descossy qui a impulse la création du groupe Frédéric Bazille 111.

Quand Mozart enchante la main du peintre

La musique, chez l’homme cultivé, est l’art pur par excellence 112. Elle conditionne le regard porté sur les autres objets culturels dans la mesure où elle en constitue la trame sensible d’un discours dominant. Choisir Mozart pour légitimer une approche musicale n’est pas neutre et il importe d’en saisir les aspects structurants. Si LCE met « en musique » sa peinture et la construit comme une partition, il est nécessaire de relever et d’expliquer les liens pertinents qui illustrent cette démarche. L’étude de Gueorgui Tchichérine 113 sur Mozart apporte quelques réponses. Il compare tout d’abord les dissonances 114 tranchantes à l’image des traits abrupts du peintre, car « Mozart n’est pas seulement le compositeur des mélodies sensuelles, dynamiques et passionnées, mais aussi des dissonances abruptes, des dissonances que renforce sa sensualité passionnée ». L’analyse de cet auteur démontre que, chez Mozart, la fusion des contraires traduit une perception du monde d’une grande beauté, d’une grande richesse harmonique et profondément pessimiste. C’est l’union du « cosmisme », dans le sens « du mystère et de la tension des forces universelles » et du réalisme de la vie ordinaire. C’est ce qui semble différencier Mozart des autres compositeurs. L’accrochage de l’œuvre à la vie concrète est commune à LCE et à l’illustre compositeur, et se définit en termes de charme de la vie et de délicatesse, mais aussi du désespoir de la vie, le charme extérieur qui se conjugue avec la douleur intérieure. Le psychodrame de Don Juan en est la parfaite illustration, celle d’un orgiasme 115 sensuel fondateur d’une réconciliation des contraires.

Il y a une expression de Tchichérine qui nous semble bien refléter le lien chez LCE, entre la musique et le dessin, lorsqu’il explique que la technique de composition de Mozart est faite d’un maximum d’économie de moyens avec le maximum de tension de forces. C’est tout à fait ce que nous ressentons lorsque nous observons la composition picturale des œuvres de LCE. Pour illustrer d’une manière encore plus concrète la force de l’analyse, nous relevons cette phrase qui pourrait s’apparenter au tracé du pinceau ou de la plume du peintre, dans une symbiose du temps et de l’espace, dans une fusion de la musique et de la peinture

« Parfois la tension s’obtient chez Mozart par des ruptures extraordinairement imprévues, des sauts harmoniques, des changements de dynamique subits qui font passer sans transitions de l’éclat le plus fort a la douceur la plus extrême (…). Un essor extraordinairement intense en résultat de la condensation maximale. C’est exactement le grand principe de Mozart ».

Louis Charles Eymar - Dessin à la plume et lavis d'encre sépia : « Chemin de Méric »
Fig. 11 - Louis Charles Eymar - Dessin à la plume et lavis d'encre sépia : « Chemin de Méric » (Coll. Musée Fabre - Montpellier-Agglomération)
Carton de l'exposition Guénégaud en 1943
Fig. 12 - Carton de l'exposition Guénégaud en 1943. (Collection de l'auteur)

Chez LCE comme chez Mozart, la simplicité apparente est « l’effet d’une complexité inferieure, d’une complexité insondable lovée dans la simple ligne mélodique » ou le bref tracé d’une couleur sur la toile. Par exemple, le dessin dit « Chemin de Méric 116 », plume et lavis d’encre sépia, traduit le regard de LCE sur un espace de vie parcouru, jadis, par Frédéric Bazille, et offre de ce point de vue, une composition picturale remarquable. Nous n’avons pas dit « composition musicale » car il n’y a qu’une transposition de démarche qui n’implique pas de faire de la musique lorsqu’on peint. C’est d’ailleurs une interrogation que l’on pourrait avoir lorsque tel musée expose telle toile en l’accompagnant d’un fond musical qui « auréole » une œuvre par une traduction musicale extérieure à sa construction par le peintre. La question posée est bien de savoir en quoi l’œuvre réalisée s’apparente, dans sa composition à une partition de tel ou tel musicien ? C’est une question qui n’est pas essentiellement technique au sens commun du terme. Quelles « forces » contraires et complémentaires ce dessin nous offre-t-il dans son analyse ?

C’est tout d’abord l’expression d’une forte émotion et la présence métaphorique de l’esprit du maître dans le vent qui « caresse » les feuilles ou les aiguilles des pins. Le peintre les représente par un tracé « en nuage », en touches légères, dont on perçoit par analogie, le bruissement doux et harmonieux. Cette « musique » traverse le dessin de gauche à droite et nous conduit vers le portail fermé, sorte de métaphore qui signe l’impossibilité d’une rencontre. À la douceur des lignes et des tons de la partie gauche du dessin, s’oppose la dureté « concrète » du mur d’enceinte de l’ancienne propriété de la famille Bazille et des tons plus sombres, plus « terre à terre ». Le bout du chemin semble plus confus et s’oppose à la continuité d’une promenade, il y a une « dissonance » dans l’élan initial offert. Mais autre contraste, nécessaire à l’intégration de cette dissonance, la partie droite du tableau offre une envolée vers le ciel, en forme d’allégorie. L’unité des « contraires » offre au dessin une exceptionnelle force émotionnelle faite de légèreté et de délicatesse.

Quelques mois avant sa disparition, LCE expose ses toiles et dessins à la galerie Guénégaud à Paris, au n° 35 de la rue qui porte le même nom, en compagnie de peintres illustres. Nous sommes en novembre et décembre 1943. Nous retiendrons simplement qu’il est enfin reconnu par la qualité et l’originalité de son travail. Le titre de l’exposition, « Quelques œuvres de… », constitue une véritable reconnaissance artistique, puisqu’il s’agit…, d’œuvres et non simplement de « toiles » ou « dessins » !

Une reconnaissance attendue

Le peintre Colette Richarme lui rend hommage dans un dessin à la plume et à l’encre de chine réalisé peu de temps après sa mort. Si interpréter cette œuvre, c’est d’abord comprendre le regard du peintre, un extrait de son agenda publié dans le n° 14 de « Ia Vignette 117 », nous en apporte la réponse. La thématique des portraits réalisés par cette artiste, en relève sa conception : « Devant le modèle, il y a deux démarches opposées : ramener le modèle à soi et le dénaturer complètement ou bien subir l’attraction du modèle, et tempérer l’aimantation et avec un savant mélange aimantation + sucs gastriques faire naître un être nouveau. Ma vision de peintre me porterait volontiers vers cette seconde démarche qui est, je le pense la plus vraie ».

Une première interprétation, de Jean Nougaret 118, conforte l’académisme du dessin : « le décor est l’atelier d’Eymar comme en témoignent la grande baie vitrée en haut a gauche et la toile posée sur un chevalet derrière le fauteuil. Celui ci est vide. Il occupe la place la plus importante dans la composition avec la silhouette féminine à ses pieds. Cette figure n’est autre qu’une allégorie du Regret qui pleure devant fauteuil désormais inoccupé. Il s’agit là d’un poncif académique du XIXe siècle surtout utilise en sculpture (voir, par exemple, le tombeau de Cabanel au cimetière Saint-Lazare, par Mercié), et qu’on ne s’attendrait pas à trouver en 1944. Il s’agit sans aucun doute d’un clin d’œil de la part de Richarme. La palette du peintre disparu est visible en bas a gauche du dessin; elle porte son nom en lettres majuscules ». Puis, il ouvre la voie à une nouvelle interprétation en considérant que « les quatre masques grossiers qui figurent dans la composition font penser a James Ensor 119 ». Selon cet artiste, les masques se substituent à la figure humaine et « deviennent le reflet des sentiments des personnages ». Colette Richarme utilise ce procédé pour renforcer ce qu’elle appelle « subir l’attraction du modèle » et en exprime ainsi une perception plus intériorisée de LCE. Le point d’exclamation place à la fin du mot Eymar serait son dernier appel à l’ami disparu.

Hommage à Louis Charles Eymar par Colette RICHARME
Fig. 13 - Hommage à Louis Charles Eymar par Colette RICHARME (Contribution de Janick et Michèle BOISSEAU-RICHARME)

La succession de masques inversés, puis réels, laisse le sentiment d’un homme qui s’éloigne vers un monde enfin apaisé et dont on décrit le passage par différentes expressions. Le fauteuil vide, encadré par les deux passions de l’homme (à gauche la peinture et à droite la musique, esquissée par la volute d’un piano), renforce le lien entre ses instruments du jeu de la vie que sont le chevalet et sa toile, face aux « images sonores » du clavier.

Les trois premiers masques nous offrent le « rire éclatant » de LCE déjà décrit par Ferdinand Alquié. Ces masques semblent être, pour les deux premiers, de simples reflets dans un miroir. En effet, un regard attentif identifie plusieurs miroirs dont celui qui est appuyé contre le fauteuil et qui renvoie l’image inversée du point d’interrogation. C’est effectivement un clin d’œil du peintre visant à explorer la dialectique du miroir et du masque. Le sens possible serait à rattacher à l’effet de surprise d’une disparition non annoncée, mais également pressentie. Nous sommes tout-à-fait dans la thématique d’une forme de mise en scène des contraires. Ferdinand Alquié l’a souligné en écrivant : « En tout cela nulle incohérence. Bien au contraire, une unité profonde relie toutes ces attitudes, et donne au caractère d’Eymar une continuité peu commune 120 ».

À l’analyse, sachant que « Le masque et le miroir sont intimement liés en ce qu’ils mettent en jeu une dialectique du voilement et du dévoilement 121 », ce serait une forme d’inversion d’une vérité affichée par le masque. Les yeux grands ouverts du premier masque et le rire crispé, qui s’affiche, ne seraient que l’attente d’une reconnaissance de ce qu’il est et l’expression d’une forme d’angoisse à l’égard de la société. Le second masque, les yeux fermés dans l’explosion d’un rire majestueux, intériorise une forme d’ironie à l’égard du monde ; inscription possible dans la dimension du savoir 122, mais aussi de l’être et de la création. Il y a là, une manière de penser particulièrement féconde. Le troisième masque est déjà celui du carnaval et de la rencontre avec la mort, tout à la fois défiée et en même temps reconnue. Le dernier masque évoque la destinée de chaque homme dans la représentation d’un apaisement éternel.

Une mort absurde ?

Une mort est absurde lorsqu’on ne peut lui donner du sens. LCE est décédé, seul, chez lui, et son cadavre a été découvert plus d’une semaine après, en voie de décomposition, sans que l’on puisse donner une explication crédible à ce drame. Ce que l’on sait, c’est qu’il a vraisemblablement pris son dernier repas chez Georges Dezeuze, un samedi soir. Rien ne laissait présager cette issue fatale !

C’est donc par la vie que l’on va, symboliquement, réinstaller LCE dans l’ordre d’un monde qu’il n’aurait pas du quitter.

Dans l’émission radiophonique 123 « le Pulls des Esquilles 124 » du 25 octobre 1944 125, Régine Lacroix, l’animatrice, fait l’éloge, avec beaucoup d’émotion, du disparu dont elle a été une intime. Nous reprenons, à la manière de Ramon, un petit extrait du contenu de cette émission puisque cet auteur nous a introduits dans le monde sensible de LCE. Ce qui suit est donc une métaphore, que nous espérons proche de la forme de la greguaria qui « s’inscrit (…) dans une histoire (…) des genres courts. (…) une esthétique de l’image analogique (…) – une explication des – phénomènes de ce monde, en jouant à la fois sur le nouveau et l’insolite, mais aussi sur une certaine forme de cliché 126 ».

*

Notre ville vient de perdre un visage connu de tous. C’était un beau visage ascétique dressé sur un grand corps usé qui ne manquait pas d’allure, malgré un laisser aller vestimentaire qui passait toutes les bornes.

*

— C’était l’être le plus exquis et en même temps le plus insupportable, hypersensible, sans cesse égratigné par la vie de tous les jours. En retour, il s’était construit un caractère agressif insupportable que tous ses amis supportaient.

*

— À travers des manifestations nerveuses et bourrues se cachait le cœur le plus admirable, la foi en l’Art, un sens intuitif du vrai, du grand et une immense connaissance des hommes et des choses.

*

— Amoureux de la beauté sous toutes ses formes, il fut d’abord passionné de musique.

*

— Exemple admirable de constance et de foi, tous les jours dès son réveil, il dessinait et tous les soirs, pour lui seul.

— Dans Montpellier, il acquit vite une certaine célébrité. Il ne fit presque rien pour qu’elle s’étende ailleurs, se contentant d’envoyer quelques toiles à Paris de temps en temps… C’était pour lui, parce qu’il en avait envie, qu’il travaillait.

*

— Je n’ai pas l’autorité pour vous dire qu’il était un génie, mais je le pense, et il disait de lui : je suis une main avec un homme au bout.

*

Cet article, qui est pour nous une première approche sociologique de la vie de cet héraultais méconnu, se doit de rendre hommage, en conclusion, à un autre homme remarquable. Il s’agit d’André Castagné, l’ami de LCE,dont la vaste culture nous a permis de mieux appréhender l’importance de « l’écoute » de la composition musicale d’une œuvre, au sens de son élaboration. La dernière phrase de Régine Lacroix, citée ci-dessus, montre aussi l’importance de la connaissance de l’homme dans l’interprétation, par « l’intérieur », d’une création. Nous le savions déjà, mais il est parfois nécessaire d’en rappeler la pertinence. Enfin, nous reprenons l’analyse de Jean Claparède qui, dans un magistral article sur Midi-Libre 127, fait référence au catalogue de l’exposition de 1962 au Musée Municipal de Sète, et estime que celui qui tenterait une biographie de Louis Charles Eymar ne pourrait éviter de se référer aux témoignages de Ferdinand Alquié et de Georges Dezeuze. Nous en retenons, pour ce premier essai, la ligne directrice d’un peintre « qui allait de la projection de la réalité immédiate à la reconstruction de figures littéraires 128 » dans ses lavis d’encre de chine, de sépia ou aquarellés. Nous retiendrons aussi ce qui conforte notre question de début d’article. La démarche constructive du peintre révèle qu’il « remodelait la réalité (…) économe de matière, évitant les reprises, il avait l’entente de la définition des masses et de la distribution des lumières (…) ne retenant que les particularités jugées indispensables au rendu des attitudes ou des caractères ».

Mozart a enchanté la main du peintre…

Louis Charles Eymar - Carnet de croquis - Homme à la moustache
Fig. 14 - Louis Charles Eymar - Carnet de croquis - Homme à la moustache
(Coll. Privée - Cliché de l'auteur).

NOTES

1. Professeur agrégé, Docteur en sociologie. Remerciements pour leur contribution à cet article – par ordre alphabétique – à Guy BARRAL, Jean-Frédéric BRUN, Jean-Louis BASTIDE, Janick et Michèle BOISSEAU-RICHARME, Gérard CALVET, André et Nathalie CASTAGNE, Jean NOUGARET, Frédéric-Jacques TEMPLE, Mme la Conservatrice du musée Paul Valery à SÈTE et Monsieur le Maire de VICHY (Médiathèque Valery LARBAUD).

2. Michel CONSTANTINI (s.d.), La sémiotique visuelle : nouveaux paradigmes, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 175 : « La synesthésie (…) est la spécificité sensorielle qui devient l’aboutissant d’une incertaine opération de tri (…) un regroupement de sens ».

3. Le 23 octobre 1944, dans son appartement, au 11 rue de la loge. Il vivait seul. Son corps a été découvert par son ami, le peintre Georges DEZEUZE… inquiet de son silence depuis plusieurs jours (FJ Temple, 2009). André CASTAGNE se souvient, qu’effectivement, LCE avait pris son dernier repas chez Georges DEZEUZE (« un samedi soir d’octobre 1944, il avait mange des châtaignes… »), mais la découverte du corps en décomposition de LCE, plus d’une semaine plus tard, a été effectuée par son cousin germain Christian WATON, puis par lui-même et son père, Ferdinand ALQUIE, Jean VALERY, Georges DEZEUZE et Pierre MALLETGUY. LCE était allongé sur le sol au pied d’une « belle » toile de Gabriel ARNAUD. Christian WATON était apprécié d’EYMAR et ils se rencontraient souvent. Pour l’anecdote, Christian a été réquisitionné pour aller déblayer la gare de triage de Montpellier après le bombardement allié de mai 1944 et LCE souffrait de savoir qu’il était au contact des cadavres allemands tués au cours de cet événement. C’était un trait de sa grande sensibilité. LCE pourrait être, comme de nombreux artistes de son époque, mort des effets de la syphilis. Il était aussi, semble-t-il, amateur d’opium…

4. La ville de Montpellier a été libérée au mois d’août 1944.

5. Une impasse de Montpellier porte le nom de ce peintre.

6. Le journaliste Gaston POULAIN (1903-1973), est « critique d’art ». Il sera conservateur du musée de CASTRES (Tarn) et attaché au musée du Luxembourg. LCE et GP se sont connus dans le cadre de la revue littéraire montpelliéraine l’Âne d’Or » publiée entre 1922 et 1926. (cf. blog le bibliophile Languedocien).

7. Midi-Libre, 1er novembre 1944.

8. Certains ont été acquis par le musée. Il n’y a donc pas eu legs pour tous les dessins !

9. Estimée à plus de 3000 dessins !

10. Jean Fréderic BRUN, Los Omes d’Oc : Loïs Carles Eymar, Revue OC, n° 6, mai 1980, pp. 79-82.

— Georges DEZEUZE, Écrit le dimanche, Montpellier, Les Presses du Languedoc, 1986, pp. 237-240.

— Fréderic Jacques TEMPLE, Des écrivains anglais à Montpellier, in : Montpellier mille ans de littérature, Entailles, 1985.

— Fréderic Jacques TEMPLE, Beaucoup de jours : faux journal, Arles, Actes Sud, 2009, pp. 33-34.

11. Nous utiliserons le sigle « LCE » pour designer « Louis Charles EYMAR » dans le texte.

12. Dossier 6 U 5/322 aux ADH. Dissolution de l’entreprise commune et partage des biens.

13. En 1868, son père était juge titulaire dans ce même tribunal.

14. Pierre CLERC et coll., Dictionnaire de biographie héraultaise des origines a nos jours, Montpellier, 2001.

15. Fille du banquier Etienne NOUGARET.

16. Fille de François COMBES, marchand de verdet.

17. Lettre de Marcel RAY à Valery LARBAUD du 30 juillet 1908.

18. Mariés le 2 octobre 1908 à Montpellier. Ils se sont connus au mois d’avril 1908. C’est un véritable coup de foudre ! Marcel Ray annonce, dans une lettre du 30 juillet 1908, ses fiançailles à Valery LARBAUD et lui demande d’être son garçon d’honneur. Il retient que sa fiancée est la nièce du général de division Alfred MONTAGNE (1881-1963). Ce dernier sera témoin du mariage en compagnie de la mère de Valery LARBAUD, Dame Isabelle BUREAU des ETIVAUX, Louis MICHEL, Conservateur des hypothèques a Pontarlier (Doubs), oncle de l’épouse, et Léopold BERNARD, Inspecteur d’Académie. Un contrat de mariage est établi le 2 octobre par Maître GROLLIER, notaire à Montpellier. Valery LARBAUD, en voyage, n’a pas pu être présent.

19. Marcel Justin RAY est né à SAINT LEON (Allier) le 8 juin 1878 et décède le 8 août 1951 à PARIS (8e arrondissement). Fils d’Antoine RAY, instituteur, et de Louise CONVERT. Il obtient l’agrégation d’allemand (2ème au concours de 1904). Il est chargé de cours à la faculté des lettres de Montpellier tout en exerçant au lycée de Montpellier (il a été déçu par cette affectation, connue au mois d’aout 1907, car « cette ville est un trou ! » et il ne souhaite pas y rester plus de deux ou trois ans). Au cours de cette période, Marcel RAY participe à la diffusion de La Nouvelle Revue Française (NRF) à l’exemple de son article sur l’enfance et la jeunesse de Charles Louis PHILIPPE, publié en 1910. En 1907, il lui est propose d’être correspondant du journal l’ÉCLAIR, ce qu’il refuse, trouvant ce journal « trop dégoûtant ». Par la suite, n’ayant pu obtenir un poste de titulaire à l’Université, il s’oriente vers le journalisme, puis vers la diplomatie. Après avoir occupé différents postes en Europe après la Grande Guerre, il termine sa carrière en tant qu’Inspecteur General de l’Enseignement Français à l’Étranger (en 1940, cf. revue universitaire 1945, p. 170) et sera « poussé » a la retraite en 1941. Il obtiendra, après la guerre, une réhabilitation avant de prendre sa véritable retraite… Au recensement de la population, en 1911, il habite au n° 20 rue de l’Argenterie à Montpellier.

— LCE y occupe, avec sa mère, à la même adresse, un autre appartement. L’enquêteur, en 1911, mentionne pour LCE : « Licencié en droit ». Nous ajoutons un trait commun a Marcel RAY et LCE, c’est celui de l’amour de la musique : ils sont d’excellents pianistes et Marcel est reconnu comme « chef d’orchestre » (cf. Roger DELAGE, Emmanuel CHABRIER et Valery LARBAUD, in Auguste DEZALAY, Françoise LIOURE, Valery LARBAUD espaces et temps de l’humanisme, 1995, p. 64)

— Il nous semble opportun de noter que Marcel RAY est un des précurseurs de l’idée Européenne comme le souligne Lucien FEBVRE dans un article publié dans les Annales d’histoire économique et sociale, année 1931, volume 3, numéro 10, et dont le titre en souligne cette idée avec précision : « Mr Marcel RAY, Vers la fédération européenne : la crise agraire et l’Europe ». C’est aussi un militant pour la paix. Il est représentant de la France à la commission du Danube de 1933 a 1935, ministre de la France en Albanie (1935), au Siam (1936-1937), en Indochine, aux Indes et en Afrique (cf. Valéry LARBAUD, Marcel RAY, Françoise LIOURE : Correspondance 1899-1937 : 1899-1909, p. 12).

— Marcel RAY entretient une importante correspondance avec l’élite intellectuelle de son époque. Au plan méthodologique, pour cet article, sa correspondance avec Valery LARBAUD nous a éclaire sur certains épisodes de la vie de LCE.

20. Sans accent comme le souligne un courrier de Marcel RAY, selon le désir de Valery LARBAUD ! On lira avec un intérêt particulier le résumé de la communication de François-Bernard MICHEL, Un Montpelliérain singulier Valery Larbaud, Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier, séance du 8 juin 2009. Le premier séjour de Valery LARBAUD à Montpellier y est relevé entre octobre 1906 et mars 1907.

21. Né le 3 décembre 1857 à BERDITCHEV (Ukraine) – décédé le 3 août 1924 à BISHOPSBOURNE (Angleterre). C’est un écrivain anglais d’origine polonaise. Il est considéré comme un des plus importants écrivains anglais du XXème siècle. Il a séjourné Montpellier au début du XXème siècle. FJ Temple (1985) en dit ce qui suit : « J ‘ai eu le bonheur de fréquenter cet homme cultivé, au caractère original, voire irascible, que fut le peintre Louis-Charles Eymar ; dans son appartement de la rue de la loge où régnait un invraisemblable et fascinant désordre, ou bien encore sur l’Œuf où nous nous trouvions le soir il me racontait ses va-et-vient nocturnes sur la Place, en compagnie d’un petit homme calme et barbichu en qui il avait flairé un ancien marin (…) Cet homme de mer (…) était Joseph Conrad dont Eymar ne connut l’identité que plus tard par Valery Larbaud ». Joseph CONRAD était venu consulter le célèbre professeur Joseph GRASSET pour son fils atteint de troubles nerveux. C’est en 1907 qu’il a écrit sa célèbre nouvelle « le duel », (communiqué par Guy LAURANS).

22. Claude ALBERGE, Histoire de Pézenas par les rues el les places, Péronnas (Ain), Éditions de la Tour Gile, 2004. La carrière de ce général, qui a vécu jusqu’à l’âge de 98 ans (doyen des généraux français !), est présentée dans les pages 84 et 85.

23. Il parlait hébreu.

24. Édouard-Antoine MARSAL (1845-1929). Professeur à l’école des Beaux-Arts de Montpellier entre 1869 et 1881.

25. Site Jésuites de la province de France. Remerciements à Robert BONFILS pour sa recherche sur la scolarité de LCE au collège des jésuites de RONDELET. LCE y serait inscrit comme élève au cours de l’année 1895-1896.

26. Il est incorporé au 122ème Régiment d’Infanterie à compter du 16 novembre 1904 (Rodez).

27. Jean-Frédéric BRUN, courriel du 21 janvier 2013 : « sa haine tenace pour les bourgeois de sa ville est un trait du caractère dont les Alquié et Malletguy parlaient souvent ».

28. Au cours d’un « monôme » des étudiants de Montpellier.

29. L’Étudiant, Organe éclectique de l’Université de Montpellier, 22 décembre 1906.

30. Montpellier-Université, bulletin de l’Union Générale des Étudiants, 21 bd de l’esplanade, Montpellier, n° 1, janvier 1908. En page 11, la composition du comité d’initiative mentionne bien Charles Eymar à la fonction de bibliothécaire.

31. 31. ADH 4 M 902 – Dossier de l’UGEM – Il s’est inscrit à la faculté des lettres en 1909. Il fait toujours partie du comité de l’Union Générale des Étudiants dont le commissaire central de la ville estime qu’il s’agit d’un groupe « réactionnaire », placé sous l’influence de Paul DUPLESSIS de POUZILLAC, rédacteur du journal « l’écho des étudiants ». Mais il n’y a aucune certitude quant aux opinions politiques de LCE, d’autant qu’il semble se distancier de tout engagement sur ce plan.

32. Source : Le recensement de 1911. Il s’est déroulé avant le mois d’avril. Nous pouvons faire l’hypothèse que LCE a obtenu sa licence en droit en 1910 (cf. échec en 1909).

33. Le MIDI-ÉTUDIANT, 19 janvier 1908, p. 2 : « C’est aujourd’hui que paraît PAN, la revue littéraire que nous avons annoncée la semaine dernière et qui est composée en partie de jeunes littérateurs bien connus dans le milieu étudiant ». Revue littéraire publiée à Montpellier, en 1908, dont le sous-titre est : « Revue Libre paraissant tous les deux mois ». Cette revue sera éditée à Paris à partir du mois de janvier 1909. Le titre PAN (flûte de) est choisi comme symbole du rassemblement de toute une communauté. C’est une revue ouverte à toutes les tendances littéraires et aux nouveaux auteurs. Pour toute analyse complémentaire de la revue PAN, voir le site bibliophilelanguedocien.blogspot.fr

34. S 1485 (13) Médiathèque Emile Zola à Montpellier. Jean Clary, D’Or et de soleil, poèmes, Montpellier, Éditions de PAN, 1908.

35. Placé en tête des co-fondateurs malgré la logique alphabétique.

36. LCE est catholique romain et assiste à la messe tous les dimanches.

37. Il y a un « L » majuscule à Luxures

38. Remerciements à Guy BARRAL pour la transmission de ce document d’une rareté extrême ! Ce sont les pages 147, 148 et 149 du numéro 3 de la revue PAN (1908). Il n’a été édité que 100 exemplaires de la revue !

39. Collectif, Actes du colloque de la Sorbonne, Valery LARBAUD et la France, 21 novembre 1989, p. 75.

40. Francis CARCO fait allusion à « chaque rumeur, comme une belle inconnue… ».

41. Repris du texte de Ferdinand ALQUIE dans le catalogue de l’exposition rétrospective de Louis-Charles EYMAR (1882-1944), Musée Municipal, SÈTE, 16 juin au 30 septembre1962.

42. Blog le bibliophile languedocien. Revue PAN.

43. LEBRE est également un élu du Comité Représentatif des Étudiants.

44. Blog le bibliophile languedocien : «… son séjour à Montpellier reste mystérieux (…) Louis Thomas écrit dans Les Nouvelles littéraires du 7 avril 1928 : " Nous savions déjà par un article de M. Carco lui-même qu’il avait fait dans notre ville une période de 28 jours (…) Mais qui (…) nous parlera de son séjour à Montpellier ? " Ni Clary, déjà mort quand paraissent ces lignes, ni Joël Dumas, les co-fondateurs de Pan ne semblent avoir parlé de cet épisode. Et Raoul Davray, pourtant fondateur des Annales méridionales qui accueillent Carco en 1907, ne dévoile rien non plus ni lorsqu’il revient sur celle revue dans La Vie montpelliéraine du 9 nov. 1929, ni en 1938 lorsqu’il écrit La Chape de plomb, recueil d’articles et de souvenirs. Apollinaire, qui consacre le 1er juin 1914 une " Anecdotique " du Mercure de France à Carco, ne parle pas de la revue Pan. Il semble n’avoir été pour la revue qu’un détonateur efficace et éphémère. Dès le n° 3, sa contribution est (…) dédiée au peintre Charles Eymar une des figures les plus curieuses et les plus attachantes du Montpellier de l’époque ».

45. Jean-Jacques BEDU, Francis Carco au cœur de la bohème, Monaco, Éditions du Rocher, 2001. Remerciements à Gilles FREYSSINET, commissaire de l’exposition Francis Carco au musée du Montparnasse à Paris, pour cette mise en relation.

46. Les obligations militaires étaient alors de 2 ans. Francis Carco aurait donc débuté son service militaire en octobre 1907 et non en 1908.

47. Lettre du 27 mai 1911 à Marcel Ray.

48. Salon littéraire de Mme AUREL à PARIS

49. Valery LARBAUD, accompagné d’André Gide, a rendu visite, en Angleterre, à Joseph CONRAD.

50. Frédéric Jaques TEMPLE, Ibid., 1985, p. 58 « Le premier séjour montpelliérain de Conrad se termina le 14 avril 1906 ».

51. Il a 24 ans et vient de perdre son père et CONRAD, âgé de 49 ans, en constitue peut-être un substitut. Cela pourrait expliquer, en partie, le lien construit entre les deux hommes, sachant que Conrad a perdu son père à l’âge de 12 ans.

52. Description physique de l’homme et de son comportement.

53. Une rencontre avec la propriétaire actuelle m’a permis de constater qu’il n’y avait aucun souvenir, ni archives, relatant le passage de célébrités dans l’histoire de cet établissement dont le rôle « de centre », au sens constructeur du terme, serait à étudier dans l’histoire de la ville.

54. Le nom de Louis Charles EYMAR n’est pas cité dans la biographie rédigée par Jean Aubry ! Mais la correspondance Valery LARBAUD / Georges JEAN-AUBRY témoigne d’un échange de courriers et d’une rencontre non réalisée.

55. Correspondance LCE à LV du 5 mars 1934 : « Dans ma dernière lettre je lui adressai 2 photographies de l’héroïne de « Une victoire ». A-t-il cru à une plaisanterie ? Le fait est qu’il m’a renvoyé les photos sans joindre à l’envoi le moindre mot de remerciement et sans me demander d’autres explications. J’ai trouvé le procédé un peu cavalier ».

56. Mises à notre disposition par la responsable des fonds patrimoniaux de la Médiathèque Valéry Larbaud avec l’aimable autorisation de monsieur le Maire de VICHY. Cote des documents : E 21-30 et S.E. Eym 1-7.

57. Abdelkader BELBAHRI, Immigration et situations postcoloniales, Paris, L’Harmattan, CIEMI, 1987. Cet ouvrage permet de mieux comprendre le rôle de ces offices dans le recrutement d’une main d’œuvre immigrée. Voir p. 55 : « En 1910-1911, les patrons des Savonneries de Marseille furent les premiers à embaucher des travailleurs algériens. En 1912, année du traité de Protectorat au Maroc, il y avait des travailleurs algériens dans les mines, dans les chantiers (…) mais le véritable tournant fut la Première Guerre mondiale ».

58. Nous faisons le lien avec son emploi à l’office colonial, n’ayant pas eu la possibilité de consulter son dossier professionnel en raison du transfert des ADH sur le site de PIERRESVIVES (série U).

59. Toussaint LUCAS, Guillaume Apollinaire, souvenirs d’un ami, Monaco, Éditions du Rocher. 1954.

60. Revue mensuelle d’Art Libre et de Critique Fondée en 1909 (Cf. WIKIPÉDIA).

61. Ramon GOMEZ de la SERNA et ses « greguerias ». Il est familièrement appelé Ramon dans la littérature espagnole !

62. Lettre du 21 septembre 2013 de Marcel RAY a Valery LARBAUD, qui indique avoir rejoint a Marseille son beau-frère, sa belle-mère et de sa femme : ce qui indique que LCE est toujours a Marseille en 2013.

63. Nom donne à la ville de Montpellier par ses anciens habitants.

64. ADH, PAR 1600. Annuaires de ces années.

65. Lettre à Valery LARBAUD où il indique n’avoir aucune nouvelle de Marcel RAY.

66. Les premiers voyages en Espagne de LCE sont antérieurs à 1914.

67. Le magistrat Jules, Michel IEHL est connu, en littérature, sous le nom de Michel YELL (ami de Gide).

68. Valery LARBAUD, Journal, édition définitive, texte établi, préfacé et annoté par Paule Moron, Paris, Gallimard, 2009, p. 177

69. Nous en ignorons la gravité et ses circonstances.

70. http://chtimiste.com/batailles1418/repriseoffensive.htm#12. Le webmaster ajoute que : « la température devient extrêmement rigoureuse ; les nuits sont froides et d’épais brouillards empêchent, dés le matin, les réglages d’artillerie ». On comprend mieux les pieds gelés » de LCE !

71. JF BRUN, ibid.

72. A Vichy cet hôpital militaire fonctionne du 17 août 1914 au 12 janvier 1918

73. Sandra ALVAREZ, Tauromachie et flamenco, polémiques et clichés : Espagne, fin XIXe-début XXe, Paris, l’Harmattan, 2007.

74. Henri CABRILLAC (1898-1965) – Professeur de droit et écrivain.

75. Le pseudonyme de Philippe ne concerne pas directement CABRILLAC, mais nous n’avons pas de réponse crédible !

76. Francis JOURDAIN (1876-1958 Paris) – peintre et créateur d’objets d’art décoratifs. Proche de Charles Louis PHILIPPE et de Leon-Paul FARGUE (Wikipédia) – voir : Francis JOURDAIN, Souvenirs, Paris, Éditions du Pavillon, 1951.

77. Wikipedia : « Il a été un des tout premiers fondateurs des arts décoratifs modernes en France. Il est aussi l’un, sinon le premier, des praticiens engageant une théorie des applications artistiques du cadre de vie au service du peuple ».

78. Voir la très intéressante biographie dans P. Clerc, G. Barral, ibid.

79. L’Âne d’Or, Médiathèque Emile Zola Montpellier. 1922-1924, Patrimoine, cote : 99715.

80. Il a rencontré cet auteur en 1918 à l’occasion d’un déplacement à Madrid depuis sa résidence d’Alicante.

81. Bernard BARRÈRE, Ramon Gomez de la Serna et la Casa de Velázquez, in : Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 18-1,1982, pp. 505-522. « Ramon s’attache à l’observation de la rue, de la vie sous tous ses aspects plutôt qu’aux institutions et aux personnages officiels, pratiquant « un guluzmeo » de la supra-réalité que secrète toute ville. Il réussira même la gageure, dans les années 30, lorsque Paris était encore une fête, de devenir, le temps d’un engouement, une vedette adulée et célébrée pour sa fantaisie et son invention : conférence donnée au Cirque du haut d’un éléphant (…) ». LCE semble partager le sentiment émis par Ramon vis-à-vis de la petite bourgeoisie : « La sociedad de la pequeña burguesia republicana de la provincia francesa me repugna ». La pratique de Ramon est… inconformiste, irrévérencieuse et créatrice. Elle s’inscrit « hors des usages » de son milieu…. c’est l’image du comportement de LCE !

82. Personnage imaginaire inventé par Prosper Mérimée.

83. Les exemplaires de cette revue sont imprimés, la première année d’édition (1922), dans le format d’un journal de quatre pages.

84. H.R. JAUSS, Pour une esthétique de la réception. Cité par Laurie-Anne LAGET, in : La fabrique de l’écrivain : les premières greguerias de Ramon Gomez de la Serna (1910-1923), Casa de Velázquez, 2012.

85. Laurie-Anne LAGET, ibid. p. 141.

86. Pierre BOURDIEU, Questions de sociologie, Paris, Les éditions de Minuit, 1984, p. 155.

87. Nous soulignons cet aspect de la pratique culturelle.

88. Entretien avec André CASTAGNE, du 17 janvier 2013.

89. Site Wikipédia : « Né à Paris en 1907 et décédé à Castillon-en Couserans le 23 décembre 1942 (…) Il se classe dans le courant expressionniste et n’apprécie guère la mode du cubisme ».

90. N° Spécial René MORERE, Éditions Pierre Cailler, 1962, p. 142.

91. Rapporté par André CASTAGNE.

92. JF BRUN, ibid.

93. La publication de Valery Larbaud dans l’Âne d’Or du mois de janvier 1925, Septimanie, s’enrichit d’une dédicace qui honore LCE « À Charles Eymar en témoignage d’une vieille amitié ». Dans ce même numéro, un article « Greguerias 93 (Criailleries) », traduit et commenté par Louis Ernié, rappelle aux lecteurs toute la valeur de cette nouvelle construction littéraire.

94. Prix Goncourt en 1928.

95. Jean MILHAU (1902-1985). Il entre dans la résistance et devient, dans l’Hérault, un des dirigeants du front national avant d’être arrêté a Toulouse (cf. P. Clerc et G. Banal).

96. Le 29 octobre 1929.

97. Le 22 mars 1930.

98. Georges JEAN-AUBRY n’a pas rencontré LCE. Dans une lettre de la fin du mois de mars 1930, il écrit à Valery LARBAUD : « Hélas ! Non, je n’ai pas rencontré Charles Eymar et si vous pouviez me donner son adresse, je lui demanderais quelques précisions conradiennes ».

99. Source : Maitron : CHENG TCHENG, écrivain chinois né le 6 février 1900 à Itcheng, près de Nankin (chine) – mort début janvier 1997 à Pékin). Il entre en 1921 à l’École Nationale d’Agriculture de Montpellier, obtient une licence es Sciences en 1924, puis un DES d’histoire naturelle (Étude du ver a soie). Il quitte Montpellier en juillet 1927. Il est lié au mouvement communiste, puis anarchiste.

100. Jean SAGNES, Contribution à l’histoire des étudiants ouvriers chinois en France : un jeune chinois à Montpellier dans les années 20. In : Études sur l’Hérault, n°4, 1988.

101. ADH 877. La Vie Montpelliéraine et Régionale, 41e salon des Indépendants, article d’Eugene PINTARD, 8 février 1930.

102. Revue mensuelle d’Art ancien et moderne, Paris (1905-1939). Source : BNF-Gallica.

103. Ferdinand ALQUIE, Petite anthologie poétique du surréalisme, Paris, Éditions Jeanne BUCHER, 1934, p. 20. « Par l’automatisme psychique (…) on peut atteindre (…) la clef (…) de la plupart des créations de l’esprit ».

104. Ferdinand ALQUIE, ibid.

105. Gérard CALVET, le groupe Montpellier-Sète, ses peintres, et la diversité de ses tendances, Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, conférence 7 février 2011. « Le groupe Bazille comprenait : ARNAUD, DESCOSSY, DEZEUZE, DUBOUT, EYMAR, MILHAU ».

106. Gérald SCHURR, 1820-1920, les petits maîtres de la peinture, valeur de demain, Éditions de l’Amateur, 1989

107. Nous avons ajouté quelques éléments de biographie pour chacun d’eux.

108. L’ÉCLAIR, 22 janvier 1937. Au cours de la première exposition du groupe, LCE a présenté plusieurs dessins : un paysage du Maroc (huile), les juifs marocains (huile), la marocaine et trois études de femmes (dessins). Il semble que ces sujets d’étude soient liés à un récent voyage au Maroc que nous situons en 1935 ou 1936.

109. Qui épouse Jean VILAR en 1942 a Paris.

110. Officiellement déclaré au J.O. des 20 et 21 avril 1964. But expositions de peintures. SS : École des Beaux-Arts a Montpellier.

111. Entretien du 3 février 2013 avec Michel Descossy. Le groupe se réunissait, le soir, à la librairie CROS, rue de Verdun a Montpellier. Ref : Jacques ROURE, Yves Perrousseaux, Couleurs de Sète, Marguerittes, Équinoxe, 1994.

112. Pierre BOURDIEU, Questions de sociologie, Paris, Les éditions de Minuit, 1984, p.156. « la musique représente la forme la plus radicale, la plus absolue de la dénégation du monde et spécialement du monde social que réalise toute forme d’art ».

113. Gueorgui TCHICHERINE, Mozart, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 2003.

114. En musique, l’accord dissonant est composé de notes qui forment un son composé agréable, mais qui demande pourtant à se résoudre dans un autre (cf. Le Petit Littré).

115. Michel MAFFESOLI, L’ombre de Dionysos – contribution à une sociologie de l’orgie, 1982. « À l’encontre d’une morale de devoir-être, (1’orgiasme) renvoie à un immoralisme-éthique qui consolide le lien symbolique de toute société (…) l’orgiasme se présente (…) comme un véritable conservatoire de la socialité de base ».

116. Il appartient à la collection du musée Fabre à Montpellier.

117. Revue éditée par l’association les « amis de Richarme ».

118. Expert en histoire de l’art et directeur de publication de la revue Études Héraultaises.

119. James ENSOR 1860-1949. Point commun avec LCE, ce peintre s’est construit « une existence de beauté, de vérité et de veine poétique (…) et consacre les dernières années de sa vie à la musique ». (Wikipédia).

120. Ferdinand ALQUlE, ibid. 1962.

121. Nancy BERTLIER (Dir.), le cinéma d’Alejandro AMA-NABAR, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2007, p. 85 : « Le réel masqué ».

122. Fabienne POMEL (dir.), Présentation réflexions sur le miroir, in : Miroirs et jeux de miroirs dans la littérature médiévale, Rennes, PUR, 2003

123. Jean-Marie HAMELIN, Guide du voyageur dans le département de l’Hérault, Paris et Montpellier, Gabon et Compagnie des libraires, 1827, p. 232 : « Le puits des Esquilles ou des sonnettes, à cause qu’autrefois il y avait là une auberge où descendaient les muletiers (…) Ce puits des Esquilles est fameux, son eau est fort légère ».

124. Diffusée à 8 h 05 du matin. Archives privées de Régine LACROIX-NEUBERTH.

125. Ramon GOMEZ de la SERNA. Nous avons supprimé les paragraphes qui étaient inutilement redondants avec le corps de l’article.

126. Laurie-Anne LAGET. « Les premières greguerias dans le creuset esthétique des années 1910. Formation littéraire et réception de Ramon Gomez de la Serna », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 40-1 / 2010, mis en ligne le 21 décembre 2010, consulté le 29 janvier 2013. URL : http://mcv.revues.org/3235.

127. Midi-Libre, 4 mars 1968, les dessins de Louis-Charles EYMAR entrent au Musée d’art moderne, par Jean Claparède.

128. Dont nous n’avons pas trouvé la trace, jusqu’à aujourd’hui, dans les sources accessibles au chercheur.