Louis Bouzat, dit Fonsou,
des Groupes Francs à la mission Jasmin (1939-1945)

* Retraité de la Fonction publique

[ Texte intégral ]

Une minorité très peu nombreuse a montré à la France passive
que l’opposition à l’Allemagne était possible,
que le petit nombre des Français de Londres et de Gaulle
n’étaient pas les seuls.

(Robert Roustan, membre de Liberté et Combat, témoignage, 1990)

Louis Alphonse Bouzat est né à Montpellier le 18 avril 1913, l’ainé d’une fratrie de trois enfants : une sœur née en 1915 et un frère né en 1920. Il a fréquenté l’école communale du Peyrou puis est entré avec une bourse en classe de 6e au grand lycée de Montpellier. Sa mère, de condition très modeste, « pratiquement illettrée » 1, l’y a poussé souhaitant qu’il fasse les études qu’elle n’avait pas pu faire elle-même. Elle aura probablement été entendue, puisque Louis réussira à obtenir la seconde partie du baccalauréat en philosophie. Son père est un ancien combattant de 14-18, sous-officier de carrière, qui a fait la campagne des Boxers en Chine. Rendu à la vie civile, il devient militant syndicaliste socialiste, avec une petite retraite d’adjudant après 15 ans de service. Aussi, il doit entrer « aux ateliers des chemins de fer de l’Hérault » (Frenay, p. 31) pour compléter les revenus de la famille qui s’agrandit. De l’armée, il a « conservé le goût de l’autorité. Il l’exerça sans nuances et sans partage » et ce n’était pas un sentimental. « À table on ne desserrait pas les dents » (Frenay, p. 32). À travers le sport, auquel il s’adonne sans réserve, Louis va trouver le moyen d’échapper à cette étreinte. À dix-neuf ans en 1932, contre l’avis et en cachette de son père, il fait partie de l’une des équipes de football du lycée, et comme il jouait plutôt bien il ne se fit sans doute guère prier pour entrer cette année-là au S.O.M. (Sport olympique montpelliérain), le principal club de la ville. En 1933, alors que Louis a vingt-ans, son père décède subitement laissant sa femme et ses trois enfants avec de maigres ressources. Louis doit donc aider financièrement sa mère qui avait réussi à devenir infirmière à l’hôpital Saint-Éloi. Trop grand et surtout trop maigre, il ne peut devancer l’appel. Alors, « Il accepte l’offre que lui fait Mme Guibal, une amie de sa famille. » Frenay, p. 32). Elle tient une pension de famille (rue Gustave à côté de la cité universitaire). Elle l’embauche en contrepartie du gîte et du couvert. Louis fait les courses, sert à table et dessert. Pour compléter ses revenus il « devient en 1934 […] professionnel (remplaçant de gardien de but) au Football-club de Sète, l’une des meilleures équipes du moment. » (Frenay, p. 32). (Fig. 1)

L’équipe du FC Sète, saison 1936-37. Louis Bouzat, gardien remplaçant, est au deuxième rang à droite (maillot noir)
Fig. 1 - L’équipe du FC Sète, saison 1936-37.
Louis Bouzat, gardien remplaçant, est au deuxième rang à droite (maillot noir).
(Yves Dupont, La Mecque du football, 1973, p. 118)

Bien que son travail chez Mme Guibal ne lui permette pas d’assister à toutes les séances d’entrainement, il va vivre pendant cinq ans par et pour le football, se déplaçant dans toute la France. Aussi, les événements internationaux annonciateurs du déferlement qui vient ne retiennent pas longtemps son attention. Le football semble être sa politique et celle-ci lui ouvre des perspectives : en 1938, « il passe à l’Olympique d’Alès avec 1 300 F par mois ; ce n’est pas la fortune mais l’aisance. » (Frenay, p. 32). Il avait pu obtenir un sursis pour le service militaire renouvelé d’année en année, en s’inscrivant aux cours de la faculté de droit sans trop y participer. Le mercredi 31 août 1938, dans la rubrique « Football professionnel », sous-titrée : « L’Olympique d’Alès, club méritant », le journaliste sportif du Petit-Méridional écrivait : « Pour prendre la place de Cros, l’Ol. d’Alès a fait appel à Bouzat qui gardait les bois des réserves du F.C. de Sète et remplaça souvent Llense avec bonheur. Bouzat qui a plus de valeur qu’on ne pense généralement est un garçon timide. Pour lui faire rendre son maximum, il aurait bien plus besoin d’être encouragé que critiqué. » Louis a 25 ans et possiblement une belle carrière de footballeur devant lui. Mais, le feu couvait et, devant les atermoiements des puissances occidentales face à Hitler, ce qui menaçait arriva… Munich… Le déchainement racial… La Pologne…

À la déclaration de la guerre, Louis est mobilisé dans l’Infanterie et fait ses classes à Toulouse. Mais il demande à être versé dans l’Aviation et début décembre 1939 il est envoyé à l’école de St Maixent comme EOR (Élève Officier de Réserve) de l’armée de l’Air. Puis après la période de la « drôle de guerre » tout s’accélère comme « un film catastrophique. Les armées allemandes semblaient traverser la France en touristes » 2. Dans la situation désespérée de la France, Louis ne peut pas rejoindre Avord (près de Bourges) où il aurait dû commencer sa formation pratique de pilote. Sa promotion est alors envoyée au Maroc où il arrive à Meknès le 15 juin 1940. Sur place, avec ses camarades, ils n’entendent ni le message du maréchal Pétain, ni l’appel du général de Gaulle, et « la situation en France est considérée par eux comme irrémédiablement perdue. » (Frenay, pp. 33, 46-48). Robert Roustan, 22 ans en juin 1940, qui préparait Pharmacie, se souvient de sa réaction à ce moment-là, « comme si cela était hier, […] l’allocution de Pétain. […] Stupéfaits nous apprenons à la fois que la France sollicitait un armistice ; l’arrêt des combats […] écartant toute idée de prolongation des opérations de guerre en Afrique du Nord […] Pour moi dans l’instant ce fut inacceptable, pour mes amis aussi, notamment Jacques Dupuy qui était ce jour-là avec moi rue Marcel de Serres et pour Madame Guibal, propriétaire de la pension » 3. Dans le courant de juillet 1940, les cours de pilotage débutent. Mais en septembre des officiers italiens, membres de la commission d’armistice, viennent contrôler l’application des clauses : plus question de piloter, les carburateurs sont enlevés ! Fin de partie – 1er acte. Louis est démobilisé comme aspirant élève pilote. Il a vingt-sept ans. L’Angleterre est le seul endroit où il pourrait finaliser son brevet de pilote et poursuivre le combat. Il y songe. Mais Comment faire ? C’est aussi la question que se pose le jeune Gilbert Hamburger quand il vient s’installer à Montpellier en novembre 1940 et s’inscrire à la faculté de droit : « Mais où s’engager ? Comment s’engager ? » 4 Ce rétrécissement du champ des possibles, Françoise de Boissieu l’a très bien exprimé : « Même pour le quotidien, nous ne nous appartenions plus : où pourrions-nous aller, que pourrions-nous faire, dire, croire ? Le champ de l’initiative, tout à coup devenait très étroit. C’était le début d’une servitude, dont, heureusement, nous ne mesurions encore ni tous les risques, ni le terme » 5.

Pour Louis, la solution va finalement être assez simple. Dès novembre 1940, une des premières choses que fait l’Aspirant aviateur Louis Bouzat en revenant à Montpellier, c’est de rendre visite à Mme Guibal. Elle a changé d’adresse et installé sa pension au 34 rue Marcel-de-Serres, dans la Villa Argentine. Il lui fait part de son intention de trouver un moyen pour rejoindre l’Angleterre. Elle l’en dissuade : « Fonsou, tu ne t’en doutes pas mais tu as mieux à faire ici. Je te ferai vraiment connaître mes étudiants. Ils ne savent pas qui tu es, donc ils se méfient. Quand ils seront en confiance, ils te parleront. Alors je crois que tu n’auras plus envie de nous quitter. » (Frenay, p. 69-70) Louis n’hésite pas. Dès lors une résistance commence

L’approvisionnement en denrées alimentaires va être son affaire en ces temps de pénurie et de rationnement. Et dans une région où l’on a fait le choix du vignoble à outrance l’Hérault est mal placé. La pension de famille de Mme Guibal 6 devient pour Fonsou devenu « gérant de pension de famille », une « couverture », « profession qui me permettait de me déplacer fréquemment tout en possédant une explication plausible à ma présence dans telle ou telle ville » 7. La pension est aussi pour Louis un lieu d’ancrage et de vie ; il y a élu domicile et, sans aucun doute il a dû y trouver un substitut à la convivialité et la chaleur qui lui avaient manquées à la maison. La pension est un abri où pouvaient se tramer en toute confiance dans l’intensité du vécu les actions à mener sans risquer de se faire remarquer ou dénoncer. Et Mme Guibal y consent pleinement : ardemment patriote et républicaine, elle ne s’en tenait pas là. La confiance s’établit aussitôt avec ceux de ses pensionnaires qui militaient dans la Résistance et elle s’associa à leur activité comme à la chose la plus simple du monde, hébergeant un poste radio-émetteur 8 et, à l’occasion des paquets de tracts ou d’explosifs. Bien que plus âgé parmi les étudiants de la pension, Louis finira assez rapidement par s’intégrer, faisant plus ample connaissance avec Robert Roustan et son groupe de camarades. Qui sont ces étudiants avec qui Louis le footballeur va se mêler et qui évoquent avec enthousiasme et respect un professeur de la faculté de droit qui vient de faire la rentrée universitaire 40-41 ? (Fig. 2)

Plaque souvenir à la Villa Argentine, rue Marcel de Serres
Fig. 2 - Plaque souvenir à la Villa Argentine,
rue Marcel de Serres

Novembre 1940 – Décembre 1942 Avec Liberté puis avec Combat : les groupes francs s’organisent

Liberté

En cette fin d’après-midi de novembre 1940, Robert André, 21 ans, natif de Saint-Géniès de Malgoirès (Gard) vient de quitter son cours de deuxième année de droit et a filé sans perdre une minute chez Edouard Orliac, avoué près la Cour, qui met son matériel de duplication à la disposition de quelques étudiants qui se réclament du professeur Pierre-Henri Teitgen et dont il partage les convictions. Celui-ci est un réfugié de Nancy et a obtenu sa mutation à la faculté de droit de Montpellier où vit sa sœur. Teitgen est un homme qui met en pratique ses convictions : comme démocrate-chrétien il réprouve fermement l’idéologie national-socialiste de la race et du sang depuis qu’il en connaît le programme paru en 1933 ; c’est pour cela qu’il a mené campagne contre les accords de Munich en septembre 1938. Teitgen est un homme qui ne cède pas sur ses convictions : avec l’armistice et les pleins pouvoirs de juillet, il comprend vite ce que va être la Révolution nationale et le pétainisme, et « que seul de Gaulle résisterait et continuerait la guerre » 9. À Montpellier où il vient d’arriver, il est exaspéré par les propos défaitistes qu’il entend ici et là et ne supporte pas l’antisémitisme ambiant. Dès lors, l’histoire du droit constitutionnel qu’il enseigne va devenir un moyen pour saper le régime aux yeux de ses étudiants. À mots couverts, il désigne sans nommer. Ces derniers comprennent vite où il veut en venir et il n’en fallait pas plus pour susciter et galvaniser l’enthousiasme de jeunes gens qui ne manquaient pas de lucidité sur la situation, mais qui ne savaient pas, à défaut d’avoir pu gagner l’Angleterre, à quoi se rattacher pour agir. Ils viennent voir leur professeur pour lui demander ce qu’ils pourraient bien faire concrètement pour lutter contre l’esprit de soumission qui souffle par presse interposée sur la population. C’est plus qu’il n’en espérait, et le petit mouvement qu’il vient de mettre sur pied avec son collègue de la faculté de Nancy et camarade de régiment François de Menthon, devient le support qui cristallise les énergies. Liberté, c’est son nom. Teitgen propose à ses étudiants qui le sollicitent de constituer un groupe Liberté. L’objectif essentiel est de s’opposer par la propagande à la politique de collaboration. Pratiquement, il faut aller chercher le journal à Marseille en toute discrétion ; mais il n’est pas toujours tiré en quantité suffisante surtout au début. Il faut donc le réimprimer sur place avec des moyens de fortune à la ronéo et le diffuser sans se faire repérer.

Robert André s’active sur la manivelle de la ronéo, surveille que l’encre ne s’étale pas autour des lettres et les premières feuilles du premier numéro de Liberté daté du 25 novembre 1940 tombent une à une et s’entassent. En haut à droite en exergue, il lit non sans un certain étonnement : « Je hais le mensonge ; on ne mentira plus à ce pays ! » (Pétain) 10 ! Mais juste au-dessus il peut lire également la citation d’un autre maréchal de France : « Un peuple n’est vaincu que lorsqu’il accepte de l’être » (Foch) ! Il comprend vite l’intérêt du rapprochement. S’il est nécessaire de remuer les consciences, il faut aussi tenir compte du contexte et faire avec une opinion sinon acquise au Maréchal au moins attentiste. Mais les premières lignes donnent le ton, dicte la perspective : « Point de liberté française si l’Allemagne d’Hitler n’est pas vaincue. » Le message est clair. Pour ces jeunes étudiants c’est une espérance !

Premières actions

Dans le courant de cet hiver 1941 où le froid et la neige sévissent sur l’Europe – il a neigé à Montpellier, ce jeudi 2 janvier 1941, en début d’après-midi avec une assez grande intensité -, annonce L’Éclair, Louis se familiarise petit à petit avec les étudiants de la pension qui se réclament de Liberté et prend part progressivement à leurs activités. Ils ont pris pension ou vont et viennent « Tout ce petit monde était à toutes les sauces, sans aucune vraie hiérarchie à l’origine » 11. Robert Roustan « chef de file du petit groupe » lui avait bien précisé qui était visé en premier lieu dans leurs actions : « on n’aime pas les Boches, encore moins les collabos. Les frisés sont loin, mais les collaborateurs sont ici. Et c’est d’eux, par conséquent, que nous devons nous occuper. » (Frenay, p. 87)

C’est quand les rues sont vides, tard le soir dans la pénombre ou souvent entre 1 heure et 3 heures du matin qu’ont lieu à la fois toutes sortes d’actes d’intimidation, de destruction de la propagande de la collaboration mais aussi de diffusion de Liberté en vue de bouger l’opinion publique. Il s’agit de distribuer discrètement le journal ; de glisser dans les boites à lettres des tracts souvent signés « Liberté » ou d’envoyer des lettres de menaces destinées à des commerçants, des bars ou des groupements collaborateurs ; de briser leurs vitrines avec des cailloux ; d’inscrire sur les murs et sur les monuments des appels à la résistance ou des Croix de Lorraine ; de lacérer des affiches annonçant la venue d’un conférencier et les journaux de la collaboration tels que Gringoire et Signal vendus dans les kiosques. « Grâce à une complicité dans les chemins de fer, Palavas avait été privé pendant plusieurs semaines de ces deux journaux. » (Frenay, p. 88) D’autres journaux sont aussi visés : Parizer Zeitung, Le Franciste, L’Émancipation nationale. Et si les collaborateurs sont récalcitrants pour s’exécuter, l’équipe de Liberté ne manque pas de les rappeler à l’ordre sous peine de sanctions adaptées. Les projections de films de la propagande allemande n’échappent pas aux sifflets et aux chahuts. Louis a plus particulièrement mis au point des virées dans quelques quartiers avec des équipes mobiles à bicyclette. La nuit venue chaque groupe accomplit son travail en un tour de main : passer devant les commerçants collaborateurs, lancer un gros caillou dans la devanture et s’éclipser. Ni vu, ni connu ! Louis s’occupe, aussi de recruter des sympathisants et n’a pas pour autant renoncé au football et joue chaque dimanche dans l’équipe de Lodève. C’est en mai 1941 qu’il fera ses premières « opérations ». Avec Roustan, ils brisent « les vitrines du garage Peugeot, place Saint-Roch 12 et le magasin Mouls, place de l’Observatoire » (Frenay, p. 89). Pour l’instant la police ne parvient pas à savoir qui se cache derrière ces agissements anti-nationaux !

C’est en avril que la police commence à faire quelques découvertes. Elle a produit une note au préfet dans laquelle elle remarque l’existence d’une propagande : « il a été procédé à plusieurs reprises à la distribution d’un tract intitulé « Liberté » et qui est publié périodiquement. Cette publication imprimée et très bien rédigée semble démontrer l’existence d’un groupement, mais les cadres de cette organisation n’ont pu être découverts. Nos recherches se poursuivent » 13.

En juin, Pierre Olivier de Sardan, Préfet Régional (Aude, Aveyron, Hérault, Lozère, Pyrénées-Orientales) du 25 août 1940 au 11 octobre 1942, « ancien chef de cabinet de Laval, [qui] doit sa nomination […] à l’amitié qui le reliait à l’ex-président du Conseil […] [et qui] n’a pas laissé un bon souvenir à Montpellier » 14, s’inquiète sérieusement quand il découvre sur son bureau début juin, dans un dossier constitué par ses services de renseignement, un tract d’inspiration gaulliste intitulé « Liberté » 15. Il a failli s’étrangler en le lisant : « Honneur et Patrie. Voici la France libre », agrémenté d’une croix de Lorraine. Il demande des recherches plus poussées pour en découvrir les auteurs. Plus tard, la police trouvera encore des papillons signés « Liberté » en août, dans la rue du Cannau : « Attention aux rafles » ; en octobre dans le quartier Chaptal, les mêmes avec en plus « La collaboration c’est l’esclavage ». Mais dans tous les cas la police n’a toujours aucun renseignement sur les auteurs des diffusions. Mais fait-elle vraiment tout ce qu’il faut pour cela ? Liberté à Montpellier en juin 1941 reste un groupe inconnu 16. Il faut leur mettre la main dessus ; la distribution s’est faite le 6 et le 11 juin, le préfet s’empresse de réclamer, de toute urgence au commissaire spécial une enquête approfondie pour connaître les auteurs de ces simples bouts de papier rectangulaire qui le hérissent tant 17. (Fig. 3)

Papillon signé « Liberté » diffusé à Montpellier en 1941
Fig. 3 - Papillon signé « Liberté » diffusé à Montpellier en 1941. (Source : AD Hérault)

Rencontre de Jacques Renouvin

Les hasards de la défaite vont mettre sur le chemin de Louis un homme qu’il n’aurait jamais connu autrement ; un homme qui aime l’action, il l’a déjà prouvé par le passé mais pour bien d’autres raisons, et avec qui il va s’entendre et faire équipe. En effet, depuis le début de l’année un homme se tient dans l’ombre. Il coordonne l’activité du groupe Liberté de Montpellier « en une sorte de commando 18 ». C’est lui qui désigne les lieux, participe à leurs équipées nocturnes, paye de sa personne. Il a 35 ans, l’aval de P.-H. Teitgen à condition qu’il n’y ait ni morts, ni blessés, que des dégâts matériels. Il suscite l’exemple et force l’admiration des jeunes étudiants membres des équipes de nuit qu’il a constituées. Son pseudonyme, « Joseph« , est prononcé à voix basse dans les discussions à la pension. Louis voudrait bien le connaître. Son attente sera brève. Louis Bouzat va bientôt rencontrer cet homme qui vit sur une petite plage près de Montpellier et qui « portait une trèsgrande estime au Maréchal Pétain » 19.

Un matin de la fin mai 1941, à la villa Argentine, Robert Roustan invite Louis à venir dans sa chambre en lui disant : «  »Joseph » est là et veut te voir. » Louis se souvient précisément de cette première rencontre avec Jacques Renouvin et son neveu Michel. Jacques Renouvin lui a dit à peu près ceci : « Nos adversaires ici, ce sont d’abord les collaborateurs ; c’est aussi la veulerie et la résignation de la majorité de la population. C’est à cela qu’il faut s’attaquer. Vois-tu Fonsou, ordinairement les gens sont des lâches et ceux de la collaboration n’échappent pas à cette règle. En plus ce sont des salauds. Ils ne risquent rien, du moins ils le croient, alors ils font les fier-à-bras, ils impressionnent, ils recrutent. Il faut leur faire bien comprendre, très concrètement, que collaborer c’est courir de fortes chances de se faire casser la gueule, où de voir endommagée sa maison. Alors ils seront plus prudents et leur recrutement deviendra plus difficile. » […] Et après un silence : « On n’a pas d’explosifs mais j’en cherche… On finira bien par en trouver […] Si tu aimes la châtaigne, reste avec nous. […] » Au bout d’un moment Louis finit par dire : « J’ai commencé à travailler avec vos gars, je continue ! » (Frenay, pp. 90, 91). Max Ovazza, étudiant à la pension de Mme Guibal, confirme le rôle joué par Renouvin : « C’est en effet réellement Jacques Renouvin qui eut l’idée de cette forme de lutte contre les collaborateurs et c’est lui qui organisa et entraina ses groupes dans toute la région Sud : Hérault, Gard, Aveyron, Lozère, Aude, Pyrénées-Orientales. » 20.

Durant cet été, les étudiants du groupe Liberté ne désarment pas et, à la faveur de la nuit, les activités se poursuivent. Dans tous les cas la police n’a aucun signalement ni renseignement sur les auteurs de la diffusion. L’imagination estudiantine est fertile ; sur le socle de la statue de Louis XIV sur l’Esplanade du Peyrou une inscription : « Moi, je n’aurais jamais collaboré. » La presse les traite de : « voyous » 21. Des croix-gammées sont peintes sur les portes des collaborateurs. Mais les cailloux dans les vitrines ne suffisent pas à Renouvin. Il faut que ça explose !… En août 1941, un exploitant de carrières à Sommières approvisionne les premiers groupes francs de trois pains de cheddite, de cordons bickford et de détonateurs. Roustan se demande si on ne pourrait pas en fabriquer. Intéressé par la question, Gilbert Hamburger – étudiant en droit, juif, réfugié de la zone nord -, n’hésite pas à s’inscrire à la rentrée universitaire à l’Institut de Chimie. Il a ainsi accès aux laboratoires et cherche à mettre au point des explosifs. Les premiers essais en ville sur les Jeunesse de France et d’Outre-Mer (JFOM) sont peu concluants : pétards mouillés. Mais il ne se décourage pas et à force d’obstination les premiers explosifs « bricolés » s’améliorent. Il met au point des lacrymogènes et des fumigènes bien utiles pour perturber les conférences des collaborateurs patentés ou les séances de cinéma projetant des films de la propagande nazie ; des pastilles incendiaires permettant la destruction des journaux de la collaboration… La distribution du journal Liberté est en progression ; le dernier numéro, le N°10, parait le 1er octobre 1941. L’un dans l’autre, l’ensemble de ces petites actions commencent à faire de l’effet. L’excitation croît de jour en jour à la pension de Mme Guibal. « On sut que des Français ne pensaient pas seulement au ravitaillement et au retour des prisonniers, que la Résistance organisée était là » 22.

Combat

Fin novembre 1941, Jacques Renouvin « réunit son neveu Michel, Roustan, Bouzat, et quelques autres » à la Villa Argentine et « leur annonce la fusion de leur organisation [Liberté -ndlr] dans le Languedoc et ailleurs avec un autre mouvement clandestin qui publiait le journal « Vérités » dont on a vu ici récemment quelques exemplaires. » Le nouveau mouvement fusionné s’appelle « Combat » et dans quelques jours on recevra le premier numéro de son journal qui porte le même nom. […] Le chef national, dit Renouvin, est venu ici. Il a vu longuement Teitgen et moi-même. Il s’appelle Tavernier [Henri Frenay – ndlr] mais c’est un pseudonyme. Il est en réalité un officier d’active qui a quitté l’armée. Il veut avoir partout en France une « solide organisation… ». Dans la conversation avec Frenay, Jacques Renouvin qui lui décrit les actions passées et à venir contre les collaborateurs emploie les mots « Groupes Francs » que Tavernier « a immédiatement retenus ». Il lui a alors demandé « de devenir le responsable national de ces groupes. Il pense que [son] expérience devrait [lui] permettre d’en créer dans chaque région. » (Frenay, p. 123) La seule condition posée par les représentants de Liberté fut de demander à Henri Frenay de s’engager à « rompre avec les gens de Vichy qui, tout en étant anti allemand, croyaient au double jeu de Pétain » 23. Emmanuel d’Astier de la Vigerie invité à ces négociations ne vint pas au rendez-vous malgré des pourparlers préalables 24. Lors de son séjour à Londres, en mai 1942, d’Astier confirmera « que c’est bien lui qui a refusé la fusion avec les deux autres mouvements de la zone non occupée » 25. Il reprochait notamment à Frenay sa proximité avec les gens du 2e Bureau qui avaient à leur tête le commandant Paillole. Les rapports n’auront jamais été faciles entre Frenay et d’Astier et expliqueront en partie la mission qu’Henri Frenay va confier, plus tard, à Louis Bouzat dans d’autres circonstances.

Les groupes francs

Combat a servi à redonner du courage et du moral à ceux qui avaient choisi l’action. Le mouvement est solidement structuré en trois secteurs d’activités dont le secteur des Affaires militaires qui comprend « les Groupes francs, confiés […] à Jacques Renouvin (« Joseph ») qui les a conçus 26 ». Il est chargé de les étendre à toute la zone Sud en plus de ceux déjà existant en Languedoc et dans la région de Clermont-Ferrand 27. Pierre-Henri Teitgen et René Courtin sont alors les responsables au niveau de la région R3 et Louis Cauvet est « l’adjoint de René Courtin [comme] délégué régional de Combat » s’occupant « de l’organisation du mouvement, notamment le recrutement » 28. (Fig. 4)

En ce début 1942, les attentats – terme employé par la police – se développent. Jacques Renouvin chargé d’étendre les groupes francs à toute la région R3, délègue à Fonsou la responsabilité des opérations sur Montpellier. Louis prépare des « campagnes de graffiti, d’intimidation des libraires qui affichent les journaux de la collaboration. Il dispose en tout d’une douzaine d’hommes qui peuvent […] former trois ou six petites équipes » (Frenay, p. 149), ce qui ne l’empêche pas de continuer à assumer ses fonctions pour la pension Guibal. Avec Max Ovazza ils vont à Perpignan et, ni vus ni connus, font sauter les bureaux de L’Émancipation nationale et de la LVF… (Frenay, p. 150).

Papillon de menace apposé sur une vitrine de magasin
Fig. 4 - Papillon de menace apposé sur une vitrine de magasin. (Source : AD Hérault)

Robert André explique qu’il s’agissait de donner l’impression d’une organisation couvrant efficacement toute la région. Ainsi, encore avec Max Ovazza, ils iront à « Carcassonne briser la vitrine du journal « L’Éclair » trop gouvernemental à leur goût et, avec Michel Renouvin poser une bombe à Nîmes devant le siège de la Légion antibolchévique. À Montpellier avec Max Maurel ils s’en prennent à la vitrine d’un concessionnaire automobile, place St-Denis, qui malgré les injonctions de Combat n’avait pas voulu retirer l’affiche concernant une conférence du professeur Georges Claude […] d’autres agissaient à Sète et à Millau notamment » 29.

Le 12 février 1942, en ce début d’après-midi devant le monument aux Morts sur l’Esplanade de Montpellier en présence des autorités civiles et militaires se déroule un événement important avec le recul. Le nouveau commandant de la XVIe Division militaire le général de Lattre de Tassigny prend son commandement en grande pompe fidèle à sa réputation. Puis il se rend à l’arc de triomphe où il est reçu par les généraux Mer et Bonnet de La Tour avant de gagner l’état-major boulevard Henri IV. C’est en ces termes que le journaliste de L’Éclair relate l’événement : « les Montpelliérains découvrent en ce mois de février 1942 qu’il existe encore une armée française » 30. À la mi-février, le préfet écrit une longue note au ministre de l’Intérieur dans laquelle il dévoile le détail des actes commis par le mouvement Combat entre fin décembre 1941 et le 13 février 1942 : « le mouvement « Combat » […] manifeste dans ma Région depuis le début de l’année, une activité chaque jour grandissante. […] Elle constitue dès lors un véritable défi aux honnêtes gens et un danger certain pour l’ordre public. […] Il est à remarquer que les personnes [touchées par les actions – ndlr] sont en général connues pour avoir des tendances collaborationnistes ou touchent au P.P.F. ou bien encore ouvertement favorables à la Révolution Nationale. Les investigations entreprises jusqu’à présent n’ont pas permis de déceler les auteurs de ces actes de vandalisme d’inspiration nettement politique » 31.

Du fait des attentats la tension s’accroît au sein de la collaboration. Le 10 mars 1942, les groupements nationaux Jeunesse de France et d’Outre-Mer, Légion des combattants, Émancipation nationale, Franciste, etc., menacent en représailles des bris de glaces opérés par les membres de Combat de « briser les glaces des magasins juifs de la ville ». C’est ce qu’ils ont écrit au préfet régional Alfred Hontebeyrie. Celui-ci a aussitôt demandé à l’Intendant de police Duraffour de convoquer les responsables de ces divers groupements afin de les convaincre de ne pas mettre leurs projets à exécution au risque de gêner l’action des services de police. Celui-ci parvient à une entente « pour ne pas actuellement passer à l’action » et précise au préfet, que cet accord a été obtenu en usant « de beaucoup de persuasion. » Et si les bris de glaces devaient se renouveler et si les auteurs n’étaient pas arrêtés alors il ne serait plus possible de faire entendre raison aux groupements nationaux 32. À Béziers, dans la nuit du 20 au 21 février Combat avait rayé la vitre du magasin de gants Guibert et deux papillons portant la mention « Comment on traite les pro-allemands-Centre Régional Combat » avaient été apposés 33.

Fonsou et Joseph n’en font qu’à leur tête… ce qui exaspère Teitgen

Fin mars 1942, des problèmes et des conflits latents sont apparus au grand jour. Il semble que Jacques Renouvin ne se sentait guère d’affinités avec Pierre-Henri Teigen. Celui-ci se plaint en effet que les groupes francs ne le tiennent guère au courant de leurs actions qu’il apprend par la presse ou la rumeur interposée. Cela n’a du reste probablement pas échappé à Louis Bouzat qui partage avec Joseph le goût de l’action sur le terrain. Cependant, dans une organisation il faut malgré tout accepter d’avertir et de rendre compte ; ce qui n’était sûrement pas chose aisée quand il fallait faire attention à ne pas se faire découvrir. Mais Teitgen finit par être « excédé [et] demande que Tavernier (Frenay) vienne à Montpellier arbitrer le conflit. » Voici, selon Henri Frenay, la teneur de la discussion : « […] le premier était fort véhément (Teitgen), le second réservé pour ne pas dire fermé. Manifestement Teitgen n’appréciait pas la plupart des opérations des G.F. alors que j’en étais très partisan. Cependant le principe de sa demande était fondé. […] Je tranchai. Les G.F. seraient libres de toutes opérations à accomplir mais demanderaient l’accord préalable du chef de région pour celles qui utiliseraient les explosifs et, en tout état de cause, ils devraient lui rendre compte après coup. Je ne suis pas sûr que Renouvin, après mon passage, ne leur ait pas fait comprendre que, si mes ordres n’étaient pas exactement suivis, il ne leur en voudrait pas… » (Frenay, p. 149).

Les débuts de la répression…"Les voiles sont déchirés" 34

La police a fini par identifier les membres de Combat derrière les attentats commis en ville ou dans la région. À la demande expresse de René Bousquet 35 adressée au préfet régional de l’Hérault, Pierre Olivier de Sardan, 38 perquisitions sont menées le 6 mai 1942 à 6h30 36. Si Roustan, Teitgen, Courtin, Renouvin notamment sont sur la liste, Louis n’y figure pas. Divers documents ont été découverts « établissant l’existence d’une organisation occulte, dite « Combat » ». Jacques Renouvin est « le véritable animateur du mouvement « Combat » ». En rappelant les termes du courrier qu’il avait envoyé à son ami Victor début février la police établit la preuve de sa responsabilité dans les bris de vitrines et autres sabotages. En fuite depuis le 20 mai 1942 il fait l’objet d’un mandat d’arrêt 37. Le 8 mai, le préfet régional faisait connaître au secrétaire d’État à l’intérieur le résultat de ses perquisitions. Le lundi 22 juin, Robert André est arrêté rue Maguelone à la sortie de la gare avec Robert Roustan. II transportait un paquet contenant notamment 33 exemplaires du n° de mai 1942 du journal « Combat » qu’il avait récupéré à Lyon et qu’il devait, a-t-il dit, remettre devant la gare de Palavas à l’oncle de Michel Renouvin 38. Faute de preuves Roustan est relâché. C’est ce même 22 juin que Pierre Laval revenu au pouvoir en avril prononce sur Radio-Paris un discours au cours duquel il déclare : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout. » Le 14 juillet 1942, Combat ainsi que le parti communiste qui, selon les termes de la police « ont repris les thèmes de la propagande étrangère. » ont décidé de manifester sur la voie publique, à Montpellier, à Palavas et un peu partout en zone non occupée. Des tracts ont été déposés dans les boites à lettres les jours précédents invitant la population à manifester à 18 heures 30 dans les rues de la République et Maréchal Foch 39. Louis et ses camarades sont là. La police commença à procéder à des vérifications d’identités mais fut vite débordée par le flot grandissant de gens venus manifester – entre 1 200 et 2 000 badauds – et qui arboraient des cocardes tricolores ; ils furent canalisés dans les rues adjacentes et entonnèrent alors la Marseillaise ce qui provoqua la réaction d’un groupe du SOL qui avait pourtant promis de ne pas intervenir. La police parvint à s’interposer pour éviter le contact. Par contre des membres du PPF et du SOL se précipitèrent au pas de course sur les manifestants qui remontaient la rue de la Loge. C’est alors que « M. le Préfet délégué [De Benedetti – ndlr] présent sur les lieux, se porta à sa rencontre, brisant ainsi l’élan du groupe » 40. Un membre du SOL raconte à l’un de ses amis comment les choses se sont passées : « Il devait y avoir un défilé organisé par les Gaullistes et les mauvais français et notre chef est allé voir le Préfet […] Il y avait la police partout […] un agent de liaison vient nous chercher dans les bistrots et nous sommes allés arrêter le défilé. On n’a pas pu se bagarrer, mais je crois que c’est pour dimanche prochain » 41. De nombreux membres de Combat furent arrêtés pour vérification d’identité puis relâchés. Pierre-Henri Teitgen et René Courtin étaient partis de Montpellier, avertis en juin par le préfet Benedetti qu’ils allaient « faire l’objet d’un mandat d’arrêt » 42.

… mais les groupes francs ne désarment pas

Courant 1942, Louis passe à une autre étape plus convaincante : les explosifs ! De la dynamite peut être récupérée par les frères Gallix dans les carrières près de Montpellier avec détonateurs et cordon bickford 43. Il envoie Gilbert Hamburger à Lyon, auprès de Jean-Guy Bernard, pour y récupérer les premiers pains de plastic et des crayons détonateurs « J’en ramenais une valise pleine grâce aux G.F. ce fut à Montpellier un vrai feu d’artifice. Je participais moi-même à une de ces expéditions où avec Fonsou, Chardenoux et Prébin nous fîmes sauter la porte de l’immeuble où habitait le procureur de « L’Etat français » » 44. Les explosifs étaient entreposés à Montpellier chez « M. et Mme Bonnafé, propriétaires d’une pension, les « Tonnelles », rue Saint-Louis, où ont habités un temps Jacques Renouvin et son neveu » 45. En matière de coups de main Jacques Renouvin est un maître. Il a mis au point un concept : Les Kermesses. Comprenez par là des explosions simultanées dans plusieurs villes de la zone Sud. Louis se dit prêt avec Jean Prébin 46 et ajoute « on refusera du monde…car nous ne pouvons guère équiper que deux groupes ! On va choisir de belles cibles ! » (Frenay, p. 167). Renouvin indiquera le jour J quarante-huit heures à l’avance. Louis Cauvet de son côté fournit une liste de cibles potentielles et Fonsou en retient quatre, « les reconnaît personnellement et désigne pour chacune d’elles le chef de l’opération. » Jour J : 29 juillet. Cette nuit-là, Montpellier s’illumine !… « comme prévu, sautent […] un grand magasin de poupées en plein centre de la ville, les bureaux de la L.V.F. place de la Comédie, les établissements Arribat place Saint-Denis, et le local du Service d’ordre légionnaire place Saint-Roch. Louis a dirigé lui-même cette dernière opération. » (Frenay, p. 188). Ce fut de même à Lyon, Clermont-Ferrand, SaintÉtienne, Toulouse, Grenoble, Lons-le-Saunier, Vienne, etc. 47. Un travail de pro !… Mais tout cela n’a que trop duré. En août 1942, une loi de Vichy prévoit la peine de mort pour les détenteurs d’armes et d’explosifs. Néanmoins, les membres de Combat ne semblent guère en avoir pris conscience. Les attentats se poursuivent de plus belle.

Touché mais pas coulé…

Cependant, Combat et ses groupes francs sont touchés, aussi le fonctionnement doit-il être revu. Traqué, Renouvin qui se tenait à l’écart de Montpellier désigna pour un court moment Édouard Gallix à la tête des groupes francs en septembre 1942 48. Celui-ci faisait partie de la liste des 38 perquisitionnés du 6 mai 49. Arrêté, il est interrogé par la police du sinistre intendant Marty. Inculpé, il est défendu par le cabinet de Maître Vincent Badie. M. Dijol rendit un non-lieu. « Brûlé », il part se faire oublier aux Chantiers de jeunesse. Puis, écrit-il « Ce fut Louis Bouzat qui prit ma suite en novembre 1942. » C’est donc probablement à cette époque qu’à Toulouse Jacques Renouvin demande à Louis de se consacrer à plein temps à « ce boulot » et donc d’arrêter le football et son travail à la pension Guibal. « Je vais faire de toi le chef des G.F. pour toute la région R3 » lui dit-il (Frenay, p.188). Louis est d’accord, mais ne veut pas pour autant laisser tomber Mme Guibal et décide alors de faire équipe avec Jean Prébin. Louis prend les choses en main et dirige les opérations sur Montpellier et la région R3 en y participant soit seul, soit avec son comparse Jean Prébin, soit en donnant à des membres des groupes francs des instructions ou en leur fournissant les moyens de commettre des attentats 50. Selon ses déclarations dans son dossier de chef de réseau, ce commandement s’exerçait sur sept départements et comprenait environ 250 personnes 51. De son côté, Pierre-Henri Teitgen qui depuis juillet se sait recherché par les services de police, ne se risque pas de revenir à Montpellier. « Depuis trois jours, ni René Courtin ni Pierre-Henri Teitgen, chef de la région R3, n’ont fait leurs cours à la faculté. Personne ne sait ce qu’ils sont devenus. » (Frenay, p. 202). Il faut les remplacer. Au terme d’un conflit de succession, Louis Cauvet devient responsable de la R3 pour Combat 52 avec accord de Renouvin et approbation de Claude Bourdet. Et « Bouzat désormais reçoit [ses] ordres de lui. Ses équipes G.F. maintenant sont parfaitement rodées. Leurs chefs, Gallix, Laget, Chardenoux, Loire, ont acquis dans l’action une grande expérience. On peut compter sur eux. » (Frenay, p. 239) Il faut aussi y rajouter Jacques Dupuy, pensionnaire chez Mme Guibal.

Novembre 1942

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942 est un événement clef dans le conflit. C’est un basculement ; la fin de l’armistice mais aussi le début de la fin pour Vichy : « Il faut attendre novembre 1942, l’invasion de la zone Sud et la démobilisation de l’armée d’armistice, pour que les militaires prennent à la fois conscience de la nature du régime de Vichy et de leurs responsabilités » 53. Toutefois l’opération Torch mettait en évidence le peu de cas que les Alliés accordaient à la France libre et à De Gaulle, celui-ci ayant été soigneusement tenu à l’écart. Leur soutien allait au général Giraud un tenant de la Révolution nationale. C’est aussi le début des pires moments pour la Résistance en zone Sud qui va avoir affaire désormais à la Gestapo mais également à la sinistre Milice Laval-Darnand. À Montpellier, l’événement y trouvera un contexte spécifique. D’une part en raison de la présence du général de Lattre de Tassigny et, d’autre part, en raison de complicités à la tête de l’administration préfectorale avec les deux préfets, Alfred Hontebeyrie 54, préfet régional en remplacement de Pierre Olivier de Sardan depuis octobre 1942, et plus particulièrement Jean Benedetti, préfet délégué depuis janvier 1942. Pour autant, les groupes francs du tandem Bouzat-Prébin ne désarment pas. Le 15 novembre, écrit Frenay, Louis Cauvet malgré l’imminence de l’arrivée des troupes allemandes confirme à Fonsou que « les opérations prévues pour demain 16 novembre seront exécutées. » Et quand les troupes allemandes entrent occuper la ville dans la nuit du 16 au 17, neuf explosions en guise de réponse détruisent ou endommagent gravement des repaires de la collaboration. Par ailleurs, selon le récit d’Henri Frenay, le 20 novembre, Bouzat et Jean Prébin sont sollicités dans le plus grand secret avec Louis Cauvet par un émissaire de la préfecture pour aller délivrer de Lattre arrêté par la gendarmerie à Saint-Pons. Cette date ne correspond pas à ce qui est historiquement établi et déjà une première tentative avait été faite le 12 par… Louis Cauvet !

Arrestation de Jacques Renouvin : Louis Bouzat y échappe de peu !

Brive, 29 janvier 1943. Jacques Renouvin a demandé aux chefs des groupes francs des six régions de venir à une réunion pour le lendemain 30 janvier. Louis et le chef des groupes francs de R2 (Marseille) sortent de la gare tandis que la Feldgendarmerie contrôle toutes les personnes au départ. Ils se rendent chez Delon le chef des groupes francs de R5 (Limoges), un bijoutier ami d’Edmond Michelet. Comme Bouzat connait déjà la maison, ils passent par derrière. Quand Mme Delon leur ouvre discrètement, elle leur dit de se sauver : « la gestapo est dans la maison ! » Ils trouvent refuge à Uzerche pendant deux jours. C’est ce même jour que Jacques Renouvin est arrêté par la Gestapo en gare de Brive. « Il a été dénoncé par un Alsacien […] agent de la gestapo, entré aux G.F. qui accompagnait souvent J.R., portait des messages de J.R. à sa femme et connaissait par suite, beaucoup de membres des G.F. Le jour de l’arrestation, [il] était venu la chercher […] furent arrêtés M. et Mme Delon, leur fils, âgé de 15 ans, un agent de Tulle […] et tous les G.F. de la région » 55. Mireille Renouvin fut arrêtée au même moment à Tulle.

1943 : Le rassemblement de Lacaune et la fuite en Afrique du Nord

Le choix de Lacaune et le STO

En janvier 1943, sur les incitations de Cauvet (Frenay, p. 241), Louis se met en quête de trouver un lieu sûr et assez isolé dans l’arrière-pays pour y regrouper des jeunes fuyant les réquisitions pour le STO. C’est avec Maurice Roche, 21 ans, « chef de secteur du Groupe Franc Combat de Sète » 56, qu’il va trouver l’endroit propice : « Bouzat en parle avec le jeune Maurice Roche […] [qui] lui propose d’installer ces clandestins dans la région de Lacaune, qu’il connaît bien pour y avoir passé ses vacances et où il compte quelques amis favorables à la résistance. Roche part pour Lacaune et, sur place avec Gaby Bascoul, se met à la recherche d’un cantonnement. Le garde forestier Girard les amène visiter une ancienne ferme isolée sur la montagne : la Jasse de Martinou. […] Louis Bouzat se rend sur place inspecter les lieux et donne aussitôt son accord » 57. Il y a là des baraquements qui ont servi aux organisations de jeunesse. Et dès le mois de février, des jeunes gens montent s’y cacher. (Frenay, p. 241) Louis se propose de les armer et de leur apprendre le maniement des armes. Ce n’est pas une mince affaire avec des jeunes qui n’ont jamais pensé à se servir d’une arme de guerre et qui n’ont jamais appris à se battre pour sauver leur peau face à un adversaire qui ne leur laissera aucune chance. Ce dimanche 28 mars 1943, Louis monte à Lacaune dans le Tarn pour faire le point sur le Rassemblement. (Fig. 5)

L’un des autocars qui assuraient la liaison entre Béziers et Lacaune
Fig. 5 - L’un des autocars qui assuraient la liaison entre Béziers et Lacaune.
(Coll. Alain Robert)

Louis sait être bien « couvert » en cas de contrôle. Ses papiers sont en règle et comme gestionnaire d’une pension de famille il a de quoi se justifier. Sûrement par réflexe de l’officier qu’il est, il a mis un colt dans sa valise qu’il prendra soin de cacher dans sa chambre d’hôtel. Avec la Gestapo on ne sait jamais et il connaît la peine qu’il encourt s’il se fait prendre avec son arme. Pour aller à Lacaune, le trajet est devenu un peu compliqué depuis que la préfecture a décidé d’interdire aux autocars Barascud d’arriver ou de partir depuis Béziers pour Lacaune ainsi que le précise Alain Robert. Elle a imposé un terminus à Bédarieux et pour y arriver il faut alors prendre le train Béziers-Neussargues. Louis a donc changé à Béziers pour se rendre à Bédarieux par la ligne de Neussargues. Puis de là, il a pris l’autocar pour se rendre à Lacaune où il y arrive en fin de journée. Des armes, malgré la loi du 3 décembre qui rendait leur détention obligatoire, sous peine de mort, et malgré les difficultés à en trouver, il avait pu s’en procurer à Montpellier dans une cache, connue de lui seul, au bois de Bionne. Il avait en effet « appris d’anciens militaires l’existence d’un dépôt de 25 fusils mitrailleurs dans un bois à proximité de Montpellier » 58. Sur place à Lacaune, les armes avaient été cachées par Gabriel Bascoul, chez le dénommé Henri Caramel. Avec eux, il a également exploré les lieux en vue de repérer des zones suffisamment découvertes pour y recevoir des parachutages de matériel ainsi que des caches pour le stocker. C’est l’habillement qui pose quelque problème. Lacaune est à 1 000 mètres d’altitude, et les jeunes qui sont montés, souvent des étudiants, n’ont guère pensé, dans leur hâte à fuir le STO, à prévoir des vêtements chauds et des chaussures adaptées à la moyenne montagne. « C’est pourquoi Bouzat a envoyé au pasteur Flandre, responsable du service social de la région R3, un messager porteur d’un véritable SOS. » (Frenay, p. 268)

28 mars 1943, l’arrestation de Louis et son transfert à Montpellier

Arrivé à Lacaune, ce dimanche 28 mars et après être passé à l’hôtel pour se débarrasser de sa valise Louis file chez Caramel, responsable du maquis. Mais on n’est jamais trop sûr de rien et dans ces temps-là il fallait s’attendre à tout. A-t-il oublié de cacher son revolver ? En tout cas, en sortant de chez Caramel tout va se précipiter : « des gendarmes français les interpellent et les conduisent à leur bureau pour vérification d’identité. » Ils étaient passés à l’hôtel et avaient découvert le colt dans la valise. « Immédiatement on lui passe les menottes et un gendarme armé ne le quitte plus. » (Frenay, p. 268). Dans son dossier individuel d’homologation, Louis Bouzat déclare avoir été « arrêté par les Français à Lacaune », le 28 mars 1943 ». Par contre, Gilbert Hamburger, témoigne que : « le cher Fonsou se fit arrêter en gare de Montpellier » 59. Et Gérard Bouladou écrit : « Bouzat, « Ulysse » est incarcéré le Fig. 5. L’un des autocars qui assuraient la liaison entre Béziers et Lacaune (Coll. Alain Robert) 10 avril à Montpellier, où on vient l’arrêter à la gare » 60. La cour d’appel de Montpellier, en date du 4 octobre précise : « Mais en avril 1943, la police de Sûreté ayant procédé à l’arrestation de Bouzat à l’occasion du « Rassemblement de Lacaune » » 61. Comment Louis peut-il se faire arrêter deux fois ? D’abord à Lacaune puis à Montpellier en l’espace de quelques jours. Alain Robert apporte une réponse : « On peut envisager qu’arrêté à Lacaune un dimanche en fin d’après-midi, il fut incarcéré dans la prison de la gendarmerie en attendant des instructions. Ces instructions arrivèrent peut-être le lendemain, le surlendemain ou quelques jours plus tard. Quand l’ordre de le transférer à Montpellier fut donné, trois solutions : 1 – les gendarmes de Lacaune le conduisent avec leur véhicule jusqu’ à Béziers ; 2 – ils l’accompagnent avec les cars Barascud jusqu’à Bédarieux puis en train jusqu’à Béziers ; 3 – des GMR viennent le chercher. De là, et dans tous les cas, Bouzat accompagné toujours par les gendarmes va être conduit à Montpellier par un train Béziers-Montpellier. Il arrive donc entre le 30 mars et début avril en gare de Montpellier où il est remis à des policiers qui sont venus l’accueillir. Ce qui peut faire dire qu’il a été arrêté en gare de Montpellier ! »

3 avril 1943, l’arrestation par les GMR des jeunes fuyant le STO

Pendant ce temps, à Montpellier le jeune Paul Mayer exécute la mission que Louis Bouzat lui a confiée : porter au domicile de Jean Prébin un message destiné à Georges Flandre. Mais la police était aux aguets comme l’explique Alain Robert : « Malheureusement, le 2 avril 1943 un agent de liaison Paul Mayer, venant de Lacaune et porteur d’un pli pour Jean Prébin, se fait arrêter à Montpellier devant le domicile de ce dernier qui était surveillé par la police de Vichy et la Gestapo. Suite à l’arrestation, aux informations contenues dans le message et à un interrogatoire « poussé », la police procède à de nombreuses arrestations à Montpellier, Sète, ainsi qu’à Lacaune » 62. Dès lors, les GMR préparent une expédition à Lacaune pour le lendemain 3 avril 1943 et surprennent au petit matin les jeunes planqués à la Jasse du Martinou, « Ils n’avaient même pas placé de sentinelle pour donner l’alarme. » (Frenay, p 268). S’en suit un vaste coup de filet qui s’abat sur le groupe Combat dans la région de Montpellier. Hormis Bouzat, déjà appréhendé quelques jours auparavant, sept sont arrêtés : Bascoul (19 ans, étudiant), Caramel (38 ans, manoeuvre), Carayon (manœuvre), Demay (18 ans, bûcheron), Fauquier (19 ans, boucher à Montpellier), Lovichi (34 ans, lieutenant de l’armée d’active à Marseille), Roche (21 ans, étudiant à Sète). À Montpellier, Combat n’est pas épargné ; hormis Paul Mayer, six sont également arrêtés : Gilbert Viala, 17 ans, étudiant, Jean Diet, 20 ans, étudiant, Suzanne Laget, 21 ans, assistante sociale, Louis Billat, 23 ans, moniteur de vol à voile, Louise Poncet, étudiante, 21 ans, et Léon Bouil, 24 ans, soudeur à Béziers. Cinq domiciliés à Montpellier, ont réussi à prendre la fuite : Jean Prebin, Georges Flandre, 44 ans, officier de l’armée du Salut, Jean Maulick, 22 ans, étudiant en médecine, Jean Vidal, 23 ans rédacteur à la Cie L’Abeille 63, et Louis Cauvet, 35 ans 64.

Interrogatoire de Louis : "c’est moi le responsable…"

Henri Frenay écrit qu’au cours de son interrogatoire devant la police de Montpellier, Louis Bouzat ne fuit pas ses responsabilités, bien au contraire, et dévoile dans ses motivations de Résistant une forte personnalité :

— Monsieur le Commissaire, je ne peux que vous le répéter, c’est moi et moi seul qui ai organisé ce rassemblement en montagne…J’en prends la responsabilité. Ces hommes refusaient de partir en Allemagne…

— Comme la loi le leur commande, interrompt le policier

— Une loi édictée sous la contrainte de l’occupant s’impose-t-elle aux Français ?, je pense que non et c’est là l’explication de ma conduite.

— Et le pistolet trouvé dans votre valise…

— Monsieur le Commissaire, il n’y a pas en France, vous le savez, que la police française, la Gestapo est là. Jamais je ne me serai laissé arrêter par elle…

Et Bouzat qui sait que la peine de mort attend tout détenteur d’armes ajoute :

— Après la guerre, on vous saura gré de ne pas avoir, dans votre procès-verbal, signalé la présence de ce pistolet dans ma valise.

Quand, huit jours après son arrestation, il signe le procès-verbal de son audition destiné au juge d’instruction, il constate qu’il n’y est pas fait mention du pistolet !… (Frenay, p. 269)

Le 5 août 1943, le procureur de la cour d’appel de Montpellier fait connaître les conclusions de son rapport établi le 14 avril intitulé : « Centre de rassemblement de Lacaune, œuvre de l’organisation « Combat », destinée à faire échec au Service du Travail Obligatoire et à créer des groupes francs » Le rapport établit les responsabilités : « Le chef du mouvement de résistance a été identifié. Il s’agit du nommé Cauvet 65 (alias Fabre, ou Causse, ou Cals), ancien secrétaire du Centre de Réforme de Montpellier, réformé de guerre 100 %. Son principal lieutenant était Bouzat, gérant d’une pension de famille, chargé spécialement de l’organisation du Groupement de Lacaune. C’est lui qui a fait le choix des lieux destinés à cacher le rassemblement des jeunes et des points propices au parachutage éventuel d’armes et de matériel. Il avait transporté à Lacaune cinq révolvers et une mitraillette allemande. Le jour de son arrestation, il était trouvé porteur d’un pistolet de marque américaine. […] A Montpellier, d’autres comparses se livraient, sous l’impulsion de Cauvet, au recrutement des jeunes […] Un groupe composé de Billat, […] de Maulik, de Vidal, de Laget, remplissaient et authentifiaient à l’aide de faux cachets les cartes d’identité […] Le nommé Prebin, […] en possession d’un plan du Magasin de l’intendance de Police [avait] pour mission de s’emparer des armes. Enfin, le sieur Flandre, dit Artois, […]. La plupart des sus-nommés appartenaient au groupe « Combat » ou étaient sympathisants » 66.

Ce n’est qu’après son arrestation, pour son rôle d’organisateur du « Rassemblement de Lacaune », que la police finit par se convaincre que Louis Bouzat est aussi derrière la série d’attentats à l’explosif qui ont émaillé les nuits montpelliéraines et ailleurs, tout particulièrement entre octobre 1942 et février 1943. Lors de son interrogatoire sur le fond au cours de l’instruction, et devant les évidences, Louis Bouzat a reconnu sa participation aux attentats : « il reconnut qu’en sa qualité de chef du « groupe-franc » de l’organisation clandestine de « Combat » à Montpellier, il les avait préparés, facilités et dirigés, participant lui-même à la perpétration de cinq d’entre eux. » C’était une stratégie pour « donner le temps aux véritables auteurs de prendre la fuite, en déroutant les investigations de la police » 67.

La fuite du palais de justice et le procès par défaut

Ce 20 avril 1943, il y a foule au palais de justice. On peut y reconnaître des membres des groupes francs et particulièrement Mme Guibal l’amie fidèle. Fonsou arrive soigneusement encadré par deux gendarmes. Il a pour avocat Me Laffont. Il sait que la partie va être serrée car il s’agit rien de moins que d’échapper à la Gestapo qui va venir forcer la main au juge pour se le faire livrer. Et même s’il sait pouvoir bénéficier de complicités au sein même du tribunal, il faudra faire très vite le moment opportun. Il n’avait cependant pas prévu la tentative impromptue de Mme Guibal qui comme à son habitude n’a pas froid aux yeux. Dans le couloir plein de monde du palais de justice, elle se précipite sur lui. « Un gendarme s’interpose. – Dites donc, vous, vous n’allez tout de même pas m’empêcher d’embrasser ce petit ! D’un geste résolu elle l’écarte, étreint Bouzat longuement, et lui glisse à l’oreille : – Dans ma poche, un pistolet, prends-le et file. Tes copains couvriront ta fuite. En un éclair, il réfléchit. Une fusillade au Palais ? Sûrement des morts ou des blessés innocents, chance de réussite minime, aggravation de son cas. Il s’écarte de sa chère et vieille amie et lui fait non de la tête. Après quelques instants d’attente, Mme Guibal et les GF, peut-être déçus, disparaissent. » (Frenay, p. 270) Bouzat et son avocat entrent alors dans le bureau du juge d’instruction Puech et l’interrogatoire commence. Au bout d’une trentaine de minutes le substitut vient glisser quelques mots à l’oreille du juge pour l’aviser que « deux officiers allemands venaient se présenter pour demander l’autorisation d’interroger Bouzat sur d’autres faits » Le juge décidait alors de « suspend[re] l’interrogatoire et invitait Bouzat et le gardien de la Paix J… qui l’accompagnait à se retirer. C’est alors que, au moment où cet agent se disposait à lui mettre les menottes, Bouzat le renversait d’un violent coup de poing et prenait la fuite, pendant qu’il se relevait. […] En terminant, je crois devoir vous signaler à toutes fins utiles que M. Puech, juge d’instruction, ayant refusé aux officiers allemands de mettre Bouzat à leur disposition, ces derniers lui ont demandé ses noms et qualités » 68. La police allemande avait bien raison de suspecter le juge d’instruction Puech d’être pour quelque chose dans la fuite de Louis. En effet, les témoignages reçus en 1955 révèlent comment la fuite de Bouzat avait été préparée grâce à la complicité de certaines personnes dont le juge Puech. « Grâce à un médecin, le Dr Bruel 69, qui était aussi en prison, et à sa femme, qui était en rapport avec Augé, une évasion fut organisée. Elle fut rendue possible par la bienveillance du juge d’instruction Puech qui fit sortir Fonsou de son bureau lorsqu’arriva la Gestapo. […] Fonsou donna un violent coup de poing au gendarme qui le gardait (l’autre étant parti aux W.C.) et alla se cacher chez R. André (22 avril) » 70. Après l’évasion, la police et la Gestapo se sont rendues rue Marcel de Serres : « Ainsi la rue Marcel de Serres a souvent eu la visite de la police, et celle de la Gestapo après l’évasion de Fonsou du Palais de Justice. Ma mère, toujours imperturbable, les recevait froidement, même ironiquement et je n’ai pas encore compris pourquoi elle n’a jamais été arrêtée ; on ne l’a retenue qu’une journée à l’Intendance de Police » 71. Pour des raisons également liées au STO et au fait que l’on savait que « quelqu’un » avait parlé, Jacques Augé 72, André Loire, et Pellet fuieront à travers les Pyrénées en même temps que leur camarade Louis Bouzat mais en empruntant des chemins différents. Ils se retrouveront de façon imprévue en un lieu insalubre en Espagne puis chacun connaîtra des fortunes diverses et s’en sortira.

Bouzat ayant fui le 20 avril, son procès par défaut ainsi que celui de ses camarades arrêtés eut lieu le 4 novembre 1943. Alain Robert fait remarquer que les condamnations des uns et des autres sont assez clémentes. En effet, Bascoul, Demay, Diet, Laget, Roche, Billat, Caramel, Chapert prennent entre quatre et six mois de détention là où l’on pouvait s’attendre entre deux à quatre ans ! Il y a des raisons bien concrètes à cette clémence qui n’est pas tombée du ciel. C’est que les juges avaient été mis sous pression sous forme de rappels bien sentis. Les témoignages confiés par les intéressés eux-mêmes à Alain Robert sont précis : « l’avocat des prévenus Me Gaston Exaguel [Escarguel – ndlr] contacta, comme le lui avaient demandé les prévenus, son confrère Me Vincent Badie. Ce dernier, comme convenu, se renseigna rapidement sur le nom des juges devant composer ce jour-là la section spéciale. A chacun d’eux il envoya à leur domicile un paquet contenant un petit cercueil. Avertissement de la résistance ! » 73 Mais ce n’est pas tout ; outre les petits cercueils ils ont aussi reçu un message clair et net : Choisissez, ne faites pas comme votre collègue de Toulouse !

Monsieur,

Nous venons d’être avisés que vous avez fixé le jugement des patriotes au 4 novembre 1943, à cette occasion nous nous permettons de venir vous prévenir, si vous n’avez pas entendu l’avertissement de Londres, de la semaine dernière, que ce jugement sera le vôtre. En effet, dans les prévenus, il n’y a aucun communiste, donc inutile de les étiqueter ainsi, il n’y a que des jeunes gens et jeunes filles qui aimaient leur pays et qui n’ont pas hésité à sacrifier leur jeunesse et l’amour de la Patrie. Il n’y a que des mères de familles qui elles, n’ont pas hésité entre leur famille et leur Patrie.

A vous, Monsieur le Procureur Général, de montrer le chemin que vous êtes décidé à suivre, d’un côté il y a les traîtres, qui vous donnent des ordres, et de l’autre les patriotes qui vous donnent des conseils. Le premier chemin vous mènera à la même destination que votre collègue de Toulouse. L’autre vous classera définitivement dans les rangs des bons français.

A bon entendeur salut.

Comité directeur
des Mouvements de Résistance réunis 74.

Le 9 décembre 1943, la Section Spéciale de la cour d’appel condamne Bouzat par défaut pour sa responsabilité dans les attentats à l’explosif – pas moins d’une cinquantaine d’attentats lui seront reprochés -, à 5 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour, attendus que ces infractions ont été commises dans le but de favoriser la subversion sociale et nationale ou pour provoquer ou soulever un état de rébellion contre l’ordre social légalement établi. Il avait déjà été condamné par contumace le 4 novembre pour sa participation au Rassemblement de Lacaune à 5 ans de réclusion avec dispense de l’interdiction de séjour. Prébin écope contradictoirement pour les mêmes causes à 3 ans dont les 8 mois confondus pour sa participation au Rassemblement de Lacaune et 500 frs d’amende 75. Entre octobre 1942 et février 1943, 18 attentats sont commis dont 14 dans le centre de Montpellier, et les autres à « Millau, Perpignan, et Carnon-Plage. Ils étaient dirigés contre des commerçants, des groupements ou des particuliers considérés comme partisans de la politique de collaboration franco-allemande ou hostiles au bolchevisme, et perpétrés, le plus, souvent, au moyen d’explosifs. » La cour d’appel de Montpellier, en date du 4 octobre 1943 en donne la liste 76. (Fig. 6)

Arrêt du 9 décembre 1943, section spéciale de la cour d’appel.
Fig. 6 - Arrêt du 9 décembre 1943, section spéciale de la cour d’appel. (AD Hérault)

En voici un résumé. Sont touchés par des explosions dans la nuit du 5 au 6 octobre 1942, rue Boussairolles, la porte d’une commerçante « collaboratrice », abonnée à l’ »Émancipation nationale » et, rue de la Préfecture, la vitrine d’un libraire, membre notoire et actif du PPF volent en éclats ; du 14 au 15 octobre, Grand’Rue, un commerçant qui ne cachait pas ses opinions collaborationnistes, abonné à l’ »Émancipation nationale » et chez Mme B… dont le mari était de son vivant membre de l’Action française, et le fils, âgé de 20 ans, volontaire de la Révolution Nationale, inscrit au « Pays réel » ; du 11 novembre : rue du Bayle, chez M. G… chef départemental du SOL ; rue Voltaire, le local de la Jeunesse Française d’Outre-mer ; chez M. A…, employé à l’Office de placement allemand ; rue Balard, M. I… chef départemental du S.I., du P.P.F., collaborationniste notoire ; du 28 au 29 novembre : rue de Verdun, la permanence de la Légion Tricolore ; à 7h30 du matin, rue de la Saunerie, la permanence du journal « Le Franciste » ; du 5 au 6 décembre, vers 4h, au magasin de M. F. ; du 13 janvier 1943, rue Eugène Lisbonne, au 1er étage d’un immeuble occupé par le président de la section spéciale de la cour d’appel. L’engin n’éclata pas. Il contenait 200 gr environ de plastic, en contact avec un crayon allumeur d’origine anglaise, relié lui-même à une mèche. Le plastic était enroulé dans une enveloppe tachée d’encre bleue et paraissant porter une inscription illisible, mais qui fut déchiffrée au laboratoire Locard à Lyon ; les deux mots « Monsieur R… » furent reconstitués ; le soir du 23 janvier, à 22h, rue St Guilhem, au magasin G…, commerçant collaborationniste notoire. Les vitres de la boutique volèrent en éclats ainsi que celles du magasin « A la Victoire » et du bar « Chez moi », situés en face. G… exposait depuis quelques temps, dans sa vitrine, des placards imprimés visant l’Angleterre, et déjà dans la nuit du 30 au 31 décembre 1942, les glaces de son magasin avaient été maculées à grands traits avec une matière jaunâtre ; le soir du 10 février, un peu avant la conférence que devait donner au Théâtre municipal, M. Georges Claude. L’explosif fut heureusement découvert à temps, suspendu par un long fil à 6 mètres environ au-dessus du niveau de la scène, contre le panneau de la cabine du chef électricien et à proximité du premier rideau. Mais l’activité des malfaiteurs s’était aussi exercée en dehors de la ville et notamment dans la nuit du 1er au 2 mars 1942 à Perpignan au siège de la Légion Tricolore, place de la Banque, en fracturant à coups de pierre cette fois la vitrine ; dans la nuit du 19 au 20 mars, par explosif, dans la même ville, au siège de « L’Émancipation nationale », 12 rue du Castillet ; dans la matinée du dimanche 26 avril à Millau au magasin de vente de M. Guibert, fabricant de gants. Dans une lettre postée le 5 mars 1942, Guibert avait reçu des menaces du centre régional de Combat77. Il y était précisé : « Vous êtes un partisan acharné de la collaboration, vous faites du commerce avec l’ennemi, vous êtes un lecteur assidu de « Signal« . […] En faisant du commerce avec l’ennemi vous reculez l’heure de sa défaite ; par-là vous prolongez les souffrances de tous vos compatriotes. A titre d’avertissement nous avons brisé les vitrines de vos magasins de Millau et de Nîmes. […] si nos services de renseignements nous apprennent que vous persistez […] nous donnerons des instructions pour […] une action de grande envergure […]. En terminant nous vous demandons de réfléchir sur l’opinion qu’au fond d’eux-mêmes vos amis allemands doivent avoir de vous. » Le rapport de gendarmerie de Millau précise : un engin de une ou deux cartouches de cheddite a été lancé contre la vitrine de la ganterie Victor Guibert, président de la chambre de commerce et président de la Xe région économique. L’explosion a été violente. Déjà, le 10 février la vitrine avait été brisée par un jet de pierres ; puis à Béziers dans la nuit du 20 au 21. La patrouille qui avait été mise en place depuis quelque temps à la suite des avertissements reçus venait de quitter la place lorsque l’attentat a été commis. Une camionnette venant de Montpellier avait été remarquée ainsi que la présence d’une jeune fille avec une valise se dirigeant sur les lieux.

Des perquisitions ont eu lieu et la surveillance a été renforcée de jour et de nuit ainsi que dans les départements voisins. La population a eu connaissance des attentats qui ont également été commis à Montpellier et dans la région il y a trois mois. Elle pense que si les recherches n’ont pas abouti c’est que les auteurs seraient des personnages trop importants ! 78 Ajoutons que Polge, l’inspecteur du Petit-Méridional, Renouvin, Jacques et Michel sont montés à Millau à plusieurs reprises avec une Peugeot noire ; « Les établissements Guibert à Millau, travaillant pour la Wehrmacht, dont Bouzat et Michel Renouvin avaient dynamité le magasin de vente, n’ont sans doute pas suffisamment compris l’avertissement. » (Frenay, p. 165)

Le voyage d’"Ulysse" vers l’Afrique du Nord

Une chaîne de solidarité pour aider Fonsou

En fuyant, ce 20 avril 1943, du palais de justice c’est pour Fonsou, alias Ulysse le début d’une longue cavale de plus de sept mois avant de pouvoir passer en Afrique du Nord. Louis Cauvet est un homme précieux : il ne lâche pas ses amis. Par l’intermédiaire de ses camarades de Combat à Lyon il a notamment le contact du docteur Charles Marx « d’origine Luxembourgeoise […] Il s’occupait à Quillan, de faire partir en Espagne, des Belges et des Luxembourgeois, [mais] chose devenue impossible depuis l’arrivée des allemands dans la région » 79. Louis Cauvet connait également les Goudot, du côté de la route de Toulouse, chez qui ce 20 avril Fonsou court se réfugier. Toutes les polices se mettent à le traquer. Interdiction absolue de mettre le nez dehors, vigilance totale autant que cela soit possible. Il se teint les cheveux en blond ! Mais pas de chance, Pierre Goudot 80 se fait arrêter dans la rue avec des exemplaires de Combat. Son fils, qui était avec lui, parvient à avertir Louis à temps. Il ne faut pas rester, il faut filer immédiatement (Frenay, p. 278). Pas loin, il peut se réfugier chez Mme Costecalde et se cloître dans la maison. Entre-temps, Mme Guibal lui a fait remettre 10 000 Frs et le pistolet que Louis n’avait pas voulu prendre au palais de justice. Cela fait 10 jours qu’il ne peut mettre le nez dehors ; une situation qui ne convient guère au sportif qu’il est. Il lui faut humer l’air extérieur surtout qu’en ce début mai le temps est magnifique et si propice à faire un tour dans le jardin si bien fleuri de Mme Costecalde. Il a mûri un plan… 10 mai 1943, 9 h00 du matin chez son hôtesse, les policiers ont fait irruption : « Où est Louis Bouzat ? ». Ils fouillent et ne trouvent rien. Louis semble s’être volatilisé. Ils embarquent Mme Costecalde qui « passera six mois en prison pour recel de malfaiteur » (Frenay, p. 280) Un voisin avait aperçu Louis quand il était dans le jardin et avait envoyé une lettre anonyme. En fait, ce même jour à 5h 00, Louis est parti à pied dans la nuit ; sur la route un camionneur s’est arrêté et l’a conduit jusqu’à Frontignan. Puis, après une longue route de plusieurs jours nerveusement épuisante, Louis parvient à Quillan et prend contact avec le docteur Marx. Fin juin, celui-ci l’envoie à Belcaire chez le docteur Martre et, sous l’identité d’Édouard Tarné, Louis est logé à l’hôtel du Bayle chez des amis sûrs 81. Se sachant définitivement hors-jeu en France, Fonsou n’a plus qu’une idée en tête : « rejoindre l’Afrique du Nord, reprendre l’uniforme et participer à la libération du pays. » (Frenay, p. 306). Mais il faut savoir attendre le bon moment ; l’erreur c’est d’être pressé.

Il profite du temps qu’il a devant lui pour établir une correspondance avec Mme Guibal qui en retour va lui faire savoir qu’elle cherche, elle aussi, une filière par l’Espagne pour cinq membres des groupes francs. Elle le préviendra si elle trouve quelque chose. Environ un mois après, la réponse de Mme Guibal lui parvient. Rendez-vous en gare de Carcassonne. Louis est déjà sur le quai quand elle arrive suivie par une dizaine d’hommes candidats au passage. Quelle n’est pas la joie de Fonsou que de reconnaître parmi eux ses amis Jacques Augé et André Loire. À son tour le guide arrive ; mais il est inquiet en voyant le nombre de candidats qu’il n’avait pas prévu. Il refuse d’en prendre plus de dix et Louis reste en rade sur le quai. Dépité il repart pour Belcaire. Le docteur Martre lui confie alors la mission de repérer des terrains d’atterrissage et de parachutage. Fonsou s’acquitte minutieusement et efficacement de sa tâche (Frenay, pp. 308, 309). De nouveau, une opportunité se présente au départ de Carcassonne. Cette fois c’est la bonne. Direction Pau, ils sont sept dans le train où il a retrouvé un autre camarade des groupes francs de Combat Montpellier, Louis Pellet. Le 20 août 1943, quatre mois après son évasion, Bouzat, avec Pellet et d’autres descendent à Eaux-Bonnes (Pyrénées-Atlantiques) à proximité de Laruns où un instituteur du village leur sert de guide pour monter en direction du col du Pourtalet 82 (1 800 m). Arrivé côté espagnol le guide leur indique la direction à prendre et refuse l’argent qu’ils lui proposent : « Être passeur n’est pas mon métier, dit-il en les quittant, mais ma façon à moi de servir. » (Frenay, p. 309) Cet instituteur sera par la suite fusillé par la Milice 83.

Retrouvailles dans les prisons de Franco

Ce qui devait arriver arriva : « Hombre, halte ! Où allez-vous ? » Deux carabiniers les tiennent en joue et les voilà conduits sous bonne escorte à la prison de Jaca. La porte de la cellule s’ouvre et le temps de s’habituer à la pénombre ils entendent : « Fonsou ! Fonsou ! toi aussi… Formidable ! Viens qu’on t’embrasse ! » Jacques Augé et André Loire que Louis avait laissé partir à contrecœur en gare de Carcassonne début août sont là, à même le sol. Quel réconfort dans ces heures sombres. Ils évoquent le passé si récent : les « kermesses » contre les collaborateurs à Montpellier. Ils rigolent. Il y a aussi un dénommé Camus membre de Combat Toulouse. Début septembre 1943, ils sont transférés à Carcel Modelo qui n’a de modèle que le nom. L’humour leur permet d’oublier un temps leurs conditions de vie. Il y a toujours pire : « Dis donc, Fonsou, dit Augé, tu sais que nous sommes dans une prison modèle ?… qu’est-ce que doivent être les autres ! » (Frenay, pp. 338-339). Des tractations sont engagées en vue de leur transfert. Jacques Augé malade sera rapatrié.

Octobre 1943, « Enfin une terre libre »

Début octobre 1943, Louis Bouzat et André Loire sont libérés à la suite de l’intervention conjointe de la Croix-Rouge française, du représentant du CFLN (Comité Français de Libération Nationale), de Mgr Boyer-Mas et envoyés en résidence à Alma de Aragon. Là, « C’est la vie de château ! » Puis ils reçoivent l’ordre de se préparer à partir. Le train ; Malaga ; un cargo battant pavillon français, plusieurs centaines à bord. Il s’agissait probablement du « Gouverneur Général Lépine [ou du] Sidi Brahim, [par lesquels] transitent la majorité des évadés de France. [Et qui étaient] toujours sous escorte de la Marine FFL » 84. Louis Bouzat et André Loire accostent à Casablanca. C’est une délivrance ! « Je suis passé en Espagne et après un séjour dans les prisons espagnoles, j’ai rejoint les FFL à Casablanca le 15.10.1943 » 85. Louis exulte : « Enfin ! une terre libre, les uniformes alliés, une ville grouillant de soldats, un port occupé en majorité par des bateaux de guerre et l’impression enivrante d’être en sécurité, sans crainte d’être suivi, épié, appréhendé ! » (Frenay, p. 358) Les deux hommes ne suivront pas le même chemin, Bouzat cherchera à reprendre dans l’aviation. Mais à trente ans il a atteint la limite d’âge. André Loire engagé également dans les FFL et après une période de préparation participera au débarquement en Provence avec la 1ère armée française de De Lattre de Tassigny 86. Six mois après son évasion du palais de justice de Montpellier, un an presque après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, Louis est de nouveau prêt pour poursuivre le combat. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. En tant qu’évadé de France il faut montrer patte blanche. Il est donc interrogé sans relâche sur son passé. Serait-il un agent double ? Encore que jusque-là rien que de très normal. Mais il ne s’agit pas que de cela. En cette fin d’année 1943, en Afrique du Nord, deux France s’affrontent dans une lutte impitoyable. La France du général Giraud acquis à la Révolution nationale, l’ami des Américains, et celle du général de Gaulle, le résistant de la première heure, incarnant la France libre et républicaine, que les Américains ne soutenaient pas. Cette rivalité va se présenter à Louis Bouzat sous la forme de deux officiers qui chacun lui feront des offres de service. Mais Fonsou doit-il prouver son engagement en faveur du général de Gaulle ? « Bouzat n’avait pas caché, bien au contraire, le ralliement de « Combat » à de Gaulle, mais aux tentatives de racolage qui s’exerçaient sur lui il n’avait cessé d’opposer son refus de choisir entre deux fractions de l’Armée qui seraient condamnées par le pays si elles ne se retrouvaient pas. » (Frenay, p. 359).

Juin 1944 – Avril 1945 : Le survivant de la mission Jasmin

Les hommes, André Lévy, Jacques Parouty, Louis Bouzat

Un peu plus d’un mois après son arrivée à Casablanca, il fait ses valises pour Alger après avoir répondu à une offre des bureaux du BCRA. Arrivé à Alger, le 21 novembre 87 il subit à nouveau des interrogatoires au cours desquels il fait la connaissance de deux personnes qui sont dans la même situation que lui : André Lévy, 25 ans, qui était à Combat Toulouse ; emprisonné à Clermont-Ferrand, il a pu s’évader grâce à son gardien Jacques Parouty. Sachant que Frenay est dans la ville – celui-ci loge chez son ami René Capitant -, ils décident d’aller lui rendre visite. Mais ils ignorent certainement à peu près tout des conflits politiques et des rivalités qui font rage à Alger entre gaullistes et giraudistes et à l’intérieur même de chaque camp depuis que le débarquement en AFN a changé la donne et dont l’enjeu est certes la Libération du pays mais de savoir qui en prendra la tête et quelles seront les nouvelles institutions qui balaieront la Révolution nationale.

Poussé par ses camarades de Combat à Alger, Frenay arrivé le 4 novembre avait accepté deux jours après le poste de commissaire aux Prisonniers, déportés, réfugiés (PDR) que de Gaulle, par habileté politicienne afin de le neutraliser, lui a proposé lors du remaniement du CFLN. Beaucoup en effet ne souhaitaient qu’une chose : que Frenay reste à Alger et soit privé de son autorité sur une partie de la Résistance intérieure car ses positions politiques ne faisaient pas l’unanimité. À l’inverse, Frenay subissait les appels et les critiques de ses amis restés en France qui se sentaient désemparés par son absence à la tête de Combat et doutaient de l’efficacité de son action au sein du CFLN. Serait-il la « cinquième roue du carrosse » comme lui fait remarquer son ami Claude Bourdet ? 88 Mais pour Frenay, l’acceptation de ce poste est un véritable choix politique : les prisonniers évadés sont aussi des Résistants – ils l’ont fait savoir – qu’il convient de ne pas laisser entre les mains de Vichy ; c’est aussi une perspective pour l’après Libération quand il faudra s’occuper de faire revenir ceux des prisonniers restés en Allemagne ainsi que les déportés pour les réintégrer dans la communauté nationale. C’est dans ce contexte que Frenay cherche à maintenir le contact avec la Résistance intérieure et reprendre la main sur Emmanuel d’Astier qui a une longueur d’avance sur lui.

De Gaulle et le BCRA ont en effet réussi à imposer leur point de vue sur Giraud concernant les services spéciaux. Désormais c’est une tutelle civile et non plus militaire comme le défendaient Giraud et le colonel Rivet qui s’exerce sur les services. Et c’est d’Astier qui a poussé à la roue : « Qu’avons-nous voulu ? Que les services spéciaux soient un outil de gouvernement ; qu’ils cessent d’être l’outil d’une caste militaire ou d’un clan politique ? […] Désormais les services spéciaux ne seront qu’un outil de gouvernement » 89. Et cette tutelle sur ce qui est devenue la DGSS (Direction générale des services spéciaux) c’est d’Astier qui la détient en tant que Commissaire à l’intérieur. Et qui détient les services spéciaux à l’oreille de la Résistance. Sans compter que d’Astier est un membre important des MUR, qu’il est par ailleurs le seul civil au sein du Comité d’action (Comidac) et qu’à ce titre il détient des crédits pour la Résistance. On peut comprendre que Frenay cherche à se dégager de cette emprise. Dans les premiers jours de décembre, Frenay reçoit les trois amis devenus inséparables et leur conseille dans un premier temps de se refaire une santé, et leur propose de les revoir en début d’année. Frenay ajoute : « J’avais déjà mon idée sur le travail à leur demander, mais était-ce réalisable ? Il fallait que je m’en assure. » (Frenay, p. 362) En fait, il attend un feu-vert du commandant Paul Paillole qu’il espère pour la mi-février. Celui-ci que Frenay avait connu à Saint-Cyr et qui était resté un proche avait été le responsable des services clandestins de contre-espionnage de Vichy. Dans le cadre de la fusion des services spéciaux, il est à la tête du contre-espionnage de la DGSS dont le directeur est Jacques Soustelle et le directeur technique le colonel Passy ; le CFLN présidé par de Gaulle coiffant le tout.

La mission Jasmin

La vie à Alger est agréable et les trois amis en profitent ; mais l’inaction leur pèse ; alors début 1944 ils relancent Frenay qui leur dit que la mission qu’il prépare est sur le point d’être bouclée. En effet : « rien n’était encore prêt mais… presque, et je ne voulais leur parler que lorsque tout aurait été arrangé. Emmanuel d’Astier de la Vigerie était alors commissaire à l’Intérieur et, à ce titre, chargé notamment par l’intermédiaire des Services spéciaux des relations avec la France occupée, donc avec la Résistance. Il avait été le chef du Mouvement Libération. Les responsables des autres mouvements présents à Alger, dont moi-même, n’avaient en lui, sur le plan tant personnel que politique qu’une confiance limitée. Ils n’étaient donc que médiocrement satisfait de voir transiter par lui ou ses services tous messages ou correspondances venant de leurs Mouvements en France ou à eux destinés. Disposer d’une liaison latérale échappant à la curiosité de d’Astier était à nos yeux d’une grande importance. Si l’on en confiait la responsabilité à nos trois jeunes camarades, elle ne pouvait être en de meilleures mains. La liaison directe avec Bourdet, Chevance, Bénouville, serait pour « Combat » bien précieuse ; en outre elle assurerait un lien permanent avec le MNPGD 90 [Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés – ndlr] sur lequel je comptais pour m’assister, lors de mon retour en France, dans ma tâche de commissaire aux PDR (Prisonniers, déportés, réfugiés).

Je m’étais ouvert de ce problème à mon ami le commandant Paillole, chef des Services de Contre-Espionnage et de la Sécurité militaire. Il m’avait promis de l’étudier et il pensait pouvoir le résoudre. J’avais un rendez-vous avec lui pour la mi-février. » (Frenay, p. 385-386) Après s’être entendu avec le commandant Paillole, qui apporte le support opérationnel de la mission, Frenay convoque les trois qui se sont rapidement mis d’accord pour participer à la mission baptisée Mission Jasmin. Frenay leur dit : « Pour le MNPGD, je vous donnerai les consignes que j’ai arrêtées ainsi qu’une certaine somme d’argent. » La Mission Jasmin est en route. Une précision : Jasmin a été enregistré comme sous-réseau de Base Espagne 91 créé en décembre 1943. Il a eu une activité de février 1944 à la Libération. Pertes : un tué, cinq déportés dont trois non rentrés. Chef de réseau : Louis, Alphonse Bouzat, pseudos « Édouard Torren », « Fonsou », « Yeusse 92 ». Nombre d’agents : 13 dont 4 P1 et 9 P2. Subordination : Conseil national de la Résistance ; BCRA Alger. Missions : Mise sur pied de filières de passage par l’Espagne ; établissement de liaisons des mouvements de Résistance avec le BCRA d’Alger et Barcelone 93. Si l’essentiel est dit sur les aspects organisationnels de la Mission Jasmin, quelques explications cependant pour éclairer les objectifs de la mission confiée à Bouzat et pour cela un petit retour au mois de décembre juste avant que Frenay ne reçoive les trois amis d’Alger. (Fig. 7)

André Lévy, 1919-1944. (Association du souvenir des fusillés de Souge)
Fig. 7 - André Lévy, 1919-1944.
(Association du souvenir des fusillés de Souge)

Les prisonniers de guerre clarifient leur position et s’unissent

Le vendredi 3 décembre 1943, après s’être envolé clandestinement de France en novembre par l’intermédiaire de l’ORA – l’Organisation de résistance de l’armée fondée par des officiers dissidents « giraudistes » après l’occupation de la zone Sud – pour gagner d’abord l’Angleterre, un certain Morland arrive à Alger pour une entrevue avec le général de Gaulle. Il vient de passer deux semaines à Londres où il a pu au cours de différentes rencontres avec le BCRA et les services anglais mettre les choses au clair quant aux relations du RNPG (Rassemblement national des prisonniers de guerre) qu’il représente avec la France libre. Au moment où le général Giraud est de plus en plus marginalisé il était temps pour le RNPG d’affirmer ses choix, de s’affranchir de l’étiquette de « giraudisme » qui colle à la peau de l’ORA. De plus, les chefs de la Résistance dans leurs négociations avec le RNPG avaient réclamé « la caution du CFLN ». Il était donc devenu urgent d’envoyer « un représentant de l’organisation à Alger afin d’obtenir sa reconnaissance officielle par le général de Gaulle, le CFLN et le CNR et de s’assurer leur soutien politique et financier » 94. Ce représentant c’est donc Morland qui depuis son évasion d’un stalag fin 1941, se consacre, non sans ambiguïtés, avec d’autres amis évadés, à la cause des prisonniers de guerre. Ils orientent leurs efforts afin « d’empêcher que les anciens prisonniers, désormais comptant plus d’un demi-million de personnes soient récupérés par les partisans de Pierre Laval à Vichy » 95. À son arrivée à Alger, Morland est reçu par Henri Frenay. Tous les deux se connaissent depuis avril date de leur rencontre dans la région lyonnaise où ils avaient pu échanger leurs points de vue sur les prisonniers de guerre et la résistance. Ce que voulait surtout Frenay et ses amis de Combat c’est d’« avoir à faire à un seul mouvement, et non pas deux » 96. En fait, il y en eut trois. Frenay voyait bien « l’intérêt d’un mouvement qui pouvait exploiter l’infrastructure des prisonniers que Vichy avait créée. La difficulté résidait dans la façon de rapprocher les deux mouvements » 97. C’est de cela que Morland est venu s’entretenir avec de Gaulle et c’est Frenay qui l’introduira. Le cœur du problème c’est une querelle de personnes entre les deux représentants des deux principales organisations de prisonniers : Morland et Cailliau qui avait constitué un petit mouvement de prisonniers, le MRPGD, (le Mouvement de résistance des Prisonniers de guerre et déportés). Les deux ne s’entendent pas sur la façon de résister et « se détestaient cordialement » comme l’écrivit Frenay plus tard. Et de plus, Cailliau est le neveu du général… À l’issue de cet entretien qui fut « difficile. […] Le Général promet toutefois au Mouvement de Résistance des prisonniers un soutien politique, matériel et financier mais y met une condition : le fusionnement de trois groupes de rapatriés résistants sous la direction de Michel Cailliau (Charette), son neveu » 98. Morland bien que naturellement réservé sur Cailliau manifeste son accord quant à la fusion. C’est ce à quoi il va s’employer à son retour à Paris à la mi-février 1944 – bloqué six semaines à Londres il parviendra à rejoindre les côtes bretonnes par voie maritime grâce au SOE. Qui retardait son retour ?

À Paris, ce 12 mars 1944, l’entente conclue entre de Gaulle et Morland se concrétise : le MNPGD, le Mouvement national des Prisonniers de guerre et déportés est mis sur pied par la fusion des trois mouvement existants : le MRPGD (Mouvement de résistance des Prisonniers de guerre et Déportés), de tendance gaulliste avec le CNPG (Comité national des Prisonniers de guerre) branche du Front national, et avec le RNPG dont les membres sont, pour la plupart, issus du Commissariat aux prisonniers de guerre de Vichy. Morland, en fin stratège s’est cependant un peu arrangé à sa manière pour garder la main sur le mouvement dont il prend la tête. Quelques jours plus tard, le MNPGD adhérait aux FFI. Deux membres sont aussitôt envoyés clandestinement à Alger pour y représenter le mouvement : Dechartre et Bénet 99. Un manifeste est rédigé et diffusé dans toute la France. Les dirigeants du MNPGD déclarent notamment « leur opposition catégorique avec les traîtres de Vichy qui n’ont fait que trahir les captifs et encourager la déportation et ils font savoir qu’ils ne reconnaissent comme seul gouvernement que le CFLN et comme seul autorité en France, que le Conseil national de la Résistance » 100. Tout est donc prêt à compter de cette date du 12 mars 1944, pour la mise en œuvre de la Mission Jasmin. En février les trois amis vont être transportés clandestinement à Barcelone.

Le retour en France de Bouzat

Rade d’Alger, fin février 1944 : nuit sombre ; une voiture descendue des collines d’El-Biar toutes proches – siège des services spéciaux – arrive, silencieuse ; un officier du contre-espionnage au volant, les trois inséparables en sortent. Ils se dirigent un peu à l’écart de la rade où une masse sombre et allongée affleure à la surface de l’eau calme. Fonsou ne peut s’empêcher de siffler entre ses dents : « Dites donc, les copains, on nous offre un sous-marin pour le voyage… » (Frenay, p. 388) Une heure après, le submersible largue les amarres et gagne la haute mer ; au petit jour il plonge, direction Barcelone. Dans leurs couchettes les trois se remémorent encore une fois les contacts qu’ils doivent connaître par cœur, leur nouvelle identité à l’aide de moyens mnémotechniques : noms, date et lieu de naissance, famille, profession, antécédents. En cas de contrôle ou d’interrogatoire il ne faudra pas se tromper.

Après trois nuits et deux jours de plongée le sous-marin fait surface au large de Barcelone. Un officier de marine français des services spéciaux récupère les trois hommes et les conduits au Consulat britannique. Ils devront cependant attendre encore pendant un mois dans la capitale catalane avant d’avoir le feu-vert pour franchir les Pyrénées et fouler enfin le sol national. Résister c’est savoir attendre le bon moment.

Le 29 mars l’ordre de partir arrive. Deux républicains espagnols condamnés à mort par contumace, servent de guides aux trois amis résistants. Sous leurs capes noires de bergers pyrénéens, attachée à leur épaule une mitraillette Sten : pas question de se faire arrêter. Ils ne marchent que dans la nuit pour éviter toute rencontre hasardeuse. Ils arrivent enfin à Saillagouse où ils sont hébergés et restaurés par des membres de la filière et les deux guides repartent. « La mission Jasmin est à pied d’œuvre. » Louis Bouzat n’est plus Fonsou, il est devenu « Édouard Torren, […] né à Perpignan le 17 juillet 1910, célibataire. » (Frenay, pp. 403, 404) Le PC se trouve à Toulouse : 30 personnes dont 4 furent déportées 101. Il y a là deux agentes du réseau Françoise : les sœurs Marfaing 102, Alexandrine et Andrée dites « Les Tantes », marchandes des quatre-saisons, ainsi que Marie Gaffard, une de leurs amies.

Nous sommes encore à Toulouse, début avril 1944 : « Chez elles, les trois amis tiennent un petit conseil de guerre. André Lévy, qui est en fait le chef de la Mission Jasmin, se réserve la liaison avec le CNR et les mouvements composants ; Jacques Parouty sera son garde du corps. Bouzat est spécialement chargé de la liaison avec le MNPGD. André lui confie donc le courrier que je lui ai remis à Alger, ainsi que les cinq millions de francs » (Frenay, p. 423). À Paris le voilà à pied d’œuvre. Comme convenu il rencontre Morland, de son vrai nom François Mitterrand à qui il remet les cinq millions qu’André Lévy lui avait confiés ainsi que le courrier. Désormais les contacts avec le MNPGD seront permanents et étroits. Par ailleurs, Louis a établi des contacts à Paris avec Georges Rebattet dit Cheval, responsable national du service maquis des MUR qui remplaçait Michel Brault parti pour Londres 103 et qui ne cessait de réclamer des armes : « chaque semaine nous perdons 100 hommes. […] De l’argent, des armes, des munitions sont nécessaires immédiatement » 104. Après d’âpres discussions le général de Gaulle parviendra à obtenir grâce à l’intervention d’Emmanuel d’Astier auprès de Churchill une importante augmentation d’armes et munitions.

Régulièrement les trois amis se retrouvent à Toulouse ou à Paris pour faire le point. « Le courrier par porteur est pratiquement organisé et notamment avec Céline Pujo 105, Henri Dartigues, Jacques Barrau, Germaine Thibout 106 ». (Frenay, p.424) Par l’intermédiaire des réseaux du commandant Paillole, une liaison radio est établie avec Alger. « À partir de la fin du mois d’avril 1944, plusieurs chefs de la Résistance présents à Alger, dont moi-même, auront un contact quasi, permanent avec la France. Le courrier fonctionnait avec une belle régularité, à telle enseigne que j’avais spécialisé dans les liaisons avec la Résistance un membre de mon cabinet, Pierre Weibel, qui avait appartenu au MNPGD et connaissait plusieurs de mes correspondants. Ainsi pouvait se préparer la mise en place des hommes et des structures aptes à faire face aux graves problèmes qui se poseraient au ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés dès mon retour en France. » (Frenay, p. 424).

La Gestapo les attendait. Qui les a vendus ?

Fin mai 1944, « André Lévy reçoit par radio le message convenu dans le cas où leur mission prendrait fin en raison de l’imminence du débarquement allié en France. » Les trois agents ont reçu des directives pour franchir la frontière au sud de Bayonne. Le 2 juin ils prennent le train pour Bayonne et prennent soin de s’installer dans des compartiments différents. À 9h00 gare de Puyoô, changement de train, mais à chaque descente de wagon un Feldgendarme. Louis est le premier interpellé. Dans le bureau du chef de gare « Un homme en civil, un Allemand va droit à André Lévy, sans hésiter lui arrache sa veste, puis la doublure de l’épaule gauche et, triomphant, en sort un microfilm. On leur passe immédiatement les menottes. Qui les a vendus ? » (Frenay, p. 426)

Leur arrestation est certainement la conséquence du démantèlement de l’une des lignes avec laquelle ils avaient des agents communs. « Mais cette mission allait avoir un sort malheureux. La Gestapo mise sur la trace d’une de nos lignes passant par Carcassonne-Quillan-Ax-les-Thermes, envoie des faux clandestins qui découvrent une partie de la filière jusqu’à Belcaire. Ils remontent jusqu’à Quillan sous prétexte d’aller chercher leurs valises et reviennent trois jours après avec 200 SS qui cernent le village et font sept prisonniers dont deux agents du réseau Françoise, qui étaient en contact avec Jasmin » 107.

Ainsi, le 28 juin 1944, après avoir mené à bien ses missions, après s’être tu sous les mauvais traitements ainsi que ses camarades pour ne pas désorganiser le réseau, après des simulacres d’exécution, Louis Bouzat est déporté à Dachau avec son camarade Jacques Parouty. Ils y parviennent le 7 juillet. Louis est un numéro : 78153. Il apprend qu’Edmond Michelet arrêté à Brive le jour où il s’y trouvait, fin janvier 1943, en même temps que Jacques Renouvin, se trouve dans le camp. Il le cherchera en vain. Il est transféré à Dachau-Allach aux usines BMW chargé des moteurs des avions de combat Focke-Wulf. Là encore, il aurait pu y rencontrer son camarade, le Montpelliérain Émile Mathan arrêté à la suite d’une dénonciation, le 7 décembre 1942 pour distribution de tracts gaullistes Combat108 et envoyé à Dachau-Allach.

Le 28 avril 1945, après que des Russes se soient fait exterminer, les premiers véhicules américains arrivent à la porte du camp alors que les gardiens ont pris le temps de fuir. Louis vient d’avoir 32 ans. Le typhus l’obligera d’attendre encore son rapatriement. En juin 1945, il parviendra à Paris après avoir transité par l’île de Meinau sur le lac de Constance où le général de Lattre de Tassigny leur a réservé de belles villas pour se refaire une santé. Il a perdu 14 kg. À Paris, il revoit Henri Frenay et il apprend que Jacques Parouty est mort à Dachau. Il leur faudra attendre encore un an pour savoir qu’André Lévy avait été fusillé, le 1er août 1944 109.

Louis Bouzat, revient à Montpellier deux ans et deux mois après sa fuite du palais de justice. L’heure des comptes a sonné et il saura se souvenir ; une dernière fois il fera parler l’explosif. Mais ceux qu’il avait connu, les copains, pour la plupart des réfugiés en 1940, ne sont plus là. « Louis erre sans but dans cette ville où à chaque pas l’assaille un souvenir ; dans cette ville où tout continue apparemment comme avant et que néanmoins il ne reconnait plus. Presque angoissé, il est comme un étranger arrivant d’un pays lointain. Physiquement, il est ici à Montpellier, dans ces rues, mais en pensée, il est avec Jacques Renouvin, André Lévy, Jacques Parouty et tant d’autres qui ne sont pas revenus et ne reviendront pas. » (Frenay, pp.518, 519).

La vie continua… Marié, deux filles. Fin 1959, il est commandant en second de la base aérienne de Fribourg. Touché par la tuberculose, il passe un an en sanatorium. En 1961, il commande le bataillon de la base aérienne de Tours. Le colonel, son patron, ne supportait pas sa Résistance ! Il le gifle. De temps en temps, il retrouve à Montpellier ou à Paris, ses anciens camarades de cavale : Jacques Augé et André Loire 110 autour d’interminables discussions.

Louis terminera par où il avait commencé : le sport et le football. En 1970 il est commandant en second de l’École Interarmes des Sports de Fontainebleau après avoir été adjoint du chef du bataillon de Joinville. En 1975, il s’occupera de la fédération française de football. En 1968, il avait reçu la médaille Jeunesse et Sports qui honore le dévouement et la passion des bénévoles. Louis Bouzat est décédé le 22 décembre 2004. (Fig. 8)

Louis Bouzat :
Légion d’honneur avec Croix de Guerre ; Médaille de la Résistance avec Rosette ; Médaille des Évadés.

Louis Bouzat vers 1945-1946. (Coll. particulière)
Fig. 8 - Louis Bouzat vers 1945-1946. (Coll. particulière)

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Autres sources :

Journaux : L’Éclair ; Le Petit-Méridional ; L’Écho d’Alger.

NOTES

1. Frenay, Henri, Volontaires de la nuit, Robert Laffont, 1975, page 31. C’est un ouvrage dans lequel Frenay rend hommage à quelques-uns de ses camarades de combat, dont Louis Bouzat. Ces monographies à base de souvenirs partagés et de témoignages divers sont une source précieuse, mais pas nécessairement très fiables dans les détails, comme toute œuvre de mémoire. Les très nombreuses références à ce livre de Frenay seront désormais mentionnées dans le texte, sous la forme (Frenay, p.).

2. Boissieu, Françoise de, Souvenirs du pays retrouvé (1939-1944), Montpellier 1939-1941, IHTP, ARC 092. Françoise de Boissieu est arrivée à Montpellier en octobre 1940, à l’âge de vingt-ans, avec sa mère et son père Léon Cahen. Liste des réfugiés qui résident à Montpellier au 31 décembre 1939, Archives de la ville de Montpellier, 4 H 36.1.5.

3. Une première Résistance, « Liberté », le groupe de Montpellier, Amicale des anciens de Liberté, Recueil de témoignages, Paris, 1991, Robert Roustan, p. 63.

4. Une première Résistance, op. cit., Hamburger, Gilbert, p. 48. Le 2 avril 1943 il échappe à un guet-apens, rue de l’Université. Il part à Nice, Paris puis en Charente. Arrêté, emprisonné à Poitiers et déporté à Dachau.

5. Boissieu, Françoise de, op. cit.

6. Voir Nicoladzé, Françoise, AFMD Hérault, Passant, souvient-toi ! Montpellier : lieux de mémoire 1940-1945, préface de Georges Charpak, Les Presses du Languedoc, 1999, pp. 21-25.

7. Dossier individuel, de Louis Bouzat, Serv. hist. de la Défense 16 P 85917.

8. Une première Résistance, op. cit., Bouzat, Louis, p. 32. Mission Mainmast B. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1941, Forman et le radio Périoux devaient établir le contact avec différents responsables de la Résistance [dont Liberté] à Lyon et Montpellier. L’une des onze missions organisées par le SR (de la France libre) en liaison avec la section RF du SOE. In Les réseaux d’action de la France combattante, Saint-Étienne, Amicale des réseaux action de la France combattante, 1986, p. 23, 24. Voir également, Foot, M.R.D. Des Anglais dans la résistance, Paris traduction Tallandier, 2008 et 2011, pp. 245-246, 255-257.

9. Teitgen, Pierre-Henri, « Faites entrer le témoin suivant » 1940-1958. De la Résistance à la Ve République, Bordeaux, Ouest-France, 1988, p. 24.

10. Dans le N°3 elle a changé en : « Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal ! » Le N°2 daté du 10 décembre n’est pas en ligne sur la Bnf.

11. Une première Résistance, op. cit., Hamburger, Gilbert, p. 49.

12. Il s’agit plus probablement du garage Arribat, concessionnaire Peugeot, place St Denis.

13. Archiv. dép. de l’Hérault 1000 W 225, Activités gaullistes, surveillance, tracts, rapports, procès-verbaux, correspondance, 1940-1942.

14. Enquête sur Pierre Olivier de Sardan, 27 février 1945, Arch. dép. Hérault 1043 W 47, dossier n° 6059.

15. Le préfet au Commissaire, 11 juin 1941, Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 225, op. cit.

16. Commissariat central de police, 27 octobre 1941, Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 225, op. cit.

17. Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 225.

18. Teitgen, Pierre-Henri, op. cit., p. 28.

19. Extrait de la lettre de Jacques Renouvin au Capitaine Victor Fournet, 97e Goum Chérifien à Aknoul, territoire de Taza (Maroc), 16 novembre 1940, Arch. dép. de l’Hérault 796 W 41, dossiers D1 et D3 (1942-1963), Activités antinationales du groupement « Combat » dans la région de Montpellier.

20. Témoignage sur Jacques Renouvin, du Dr. Michel Renouvin, de Max Ovazza, du Cdt. Alphonse Bouzat, de M. Robert André et de M. Augé, membres des G.F. de Jacques Renouvin. Témoignage recueilli par Mme Granet les 28 octobre et 2 novembre 1955, p. 4, Arch. nat. 72 AJ 46.

21. Une première Résistance, op. cit., Roustan, Robert, p. 66.

22. Teitgen, Pierre-Henri, op. cit.

23. Témoignage de P. H. Teitgen, recueilli par O. Merlat, 1947, p. 5, Arch. nat. 72 AJ 46.

24. Granet, Marie et Henri, Michel, Combat. Histoire d’un Mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943, Paris, Presse universitaire de France, 1957, p. 63, 64.

25. Belot, Robert, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Paris, Éditions du Seuil, 2003, p. 247.

26. Ibid., p. 251.

27. Granet, Marie et Henri, Michel, op. cit., p. 156, 157.

28. Sur Louis Cauvet voir Dedieu, Olivier, « L’Affaire Cals » Un épisode méconnu de la Résistance en Languedoc, Études héraultaises, n°40, 2010.

29. Une première Résistance, op. cit., André, Robert, p. 18. Cette conférence est suivie le lendemain par une autre faite par Xavier de Magallon. Un an plus tard, le 10 février 1943, Georges Claude fera une autre conférence au Théâtre de Montpellier dont Fonsou s’occupera plus particulièrement.

30. Pélissier, Pierre, De Lattre, Paris, Librairie Académique Perrin, 1998, p. 223.

31. Le préfet au ministre de l’Intérieur, 14 février 1942, Arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, Activités gaullistes, surveillance et répression, 1940-1943.

32. L’Intendant de police au Préfet, 10 mars 1942, compte-rendu convocation responsables groupements nationaux, Arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, op. cit.

33. Note du préfet à l’intendant régional de police, 4 mars 1942, arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, op. cit.

34. Titre de l’article en 1ère page de Combat daté de juillet 1942.

35. Vichy, 1er mai 1942, Arch. dép. de l’Hérault 796 W 41, op. cit.

36. 14e brigade de police mobile, 16 mai 1942, compte rendu des 38 perquisitions du 6 mai 1942, Arch. dép. de l’Hérault 1043 W 31 n°5408 : menées anti-nationales et mouvement Combat à Montpellier (1942).

37. Note de renseignements du 4 novembre 1942, Arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, op. cit.

38. Police judiciaire, 24 juin 1942, Arch. dép. de l’Hérault, 18 W 100, op. cit.

39. Renseignements généraux, 15 juillet, 1000 W 224 Manifestations du 14 juillet 1942, surveillance et poursuites.

40. Compte rendu du Commissaire au préfet de région, 15 juillet, Arch. dép. de l’Hérault, 796 W 22 n° 124 : manifestations du 14 juillet à Montpellier par des personnes des partis de gauche (1942).

41. Interception, Jean X… membre du SOL à M. A. Castagne, S/agent 2e classe, base de stockage, Pau, Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 224, op. cit.

42. Teitgen, Pierre-Henri, op. cit., p. 42.

43. Une première Résistance, op. cit., Roustan, Robert, p. 66.

44. Ibid., Hamburger, Gilbert, p. 49.

45. Témoignage sur Jacques Renouvin, op. cit., p. 3.

46. Né le 15 octobre 1916 à Paris. Tapissier et réparateur de poupées, 23 Faubourg Figuerolles à Montpellier. Écroué à la maison d’arrêt de Montpellier pour motif politique avec Tarbouriech. Tentative infructueuse d’évasion dans la nuit du 13 au 14 décembre 1943 menée par sa femme, Mme Tarbouriech et des membres de Combat, Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 247 dossiers d’internés pour motifs politiques. Déporté à Dachau, décédé le 29 mars 1945 à Buchenwald.

47. Granet, Marie et Michel, Henri, op. cit., p. 263.

48. Une première Résistance, op. cit., Gallix, Édouard, p. 43.

49. Ibid., Gallix écrit : « le 12 mai. ».

50. Section spéciale, de la cour d’appel de Montpellier, condamnation en date du 9 décembre 1943 de L. Bouzat (par défaut) et J. Prébin, pour leur participation aux attentats à l’explosif, Arch. dép. de l’Hérault 59 W 16 arrêts 23 décembre 1942, 16 mars 1944.

51. Dossier individuel de Louis Bouzat, Serv. hist. de la Défense 16 P 85917.

52. Une première Résistance, op. cit., Gallix, Édouard, p. 43. Voir Dedieu, Olivier, op. cit., p. 157. Également, Bourdet, Claude, L’aventure incertaine, Paris, Stock, 1975, p. 108.

53. Belot, Robert, op. cit., p.136.

54. Celui-ci devait recevoir des menaces de mort en date du 1er février 1943 : « vous êtes marqué dans la liste des gaullistes à être exécuté au cas où un national serait abattu. » […] Signé : Comité Antiterroriste. Arch. dép. de l’Hérault 796 W 18 note de renseignements, transcriptions de communications téléphoniques, circulaires, tracts (1942-1944).

55. Témoignage de Mme Renouvin, recueilli par Mme Granet, le 8 décembre 1955, Arch. nat. 72 AJ 46.

56. Blin, Jacques, 1936-1945, Sète solidaire et antifasciste, Sète, Flam, 2014, p. 112.

57. Robert, Alain, De Martinou à la Mouline. Le maquis dans les Monts de Lacaune, avril-août 1944, Centre de Recherche du Patrimoine de Rieumontagne, août 1994, p. 5, 6. Ouvrage réalisé grâce aux témoignages de personnes ayant directement participé aux événements ou en ayant été les témoins visuels.

58. Tribunaux correctionnels – sous-dossier n° 104 : condamnation par la Section Spéciale de la cour d’appel de Montpellier de Louis Bouzat et autres, pour attentats terroristes, détention d’armes et infraction à la législation sur le Travail obligatoire, puis condamnation pour évasion et violence de Louis Bouzat, 1943, Arch. nat. BB / 18 / 7065 dossier 2 BL 4063/3.

59. Une première Résistance, op. cit., Hamburger, Gilbert, p. 50.

60. Bouladou, Gérard, L’Hérault dans la résistance. 1940-1944, Nîmes, C. Lacour, 1992, p. 74.

61. Tribunaux correctionnels – sous-dossier n° 104, Arch. nat., op. cit.

62. Robert, Alain, op. cit., p. 6.

63. Sur les instructions du ministre des finances, une délégation pour la zone libre de la Compagnie d’assurance L’Abeille s’est repliée à Montpellier, Arch. mun. de la ville de Montpellier 36.22.2, Questionnaire aux réfugiés. Son personnel composé d’étrangers est fortement soupçonné par la police de faire une active propagande probritannique en faveur de l’ex-général de Gaulle ; un dénommé Gros est un agent général à Montpellier de la Cie, Archiv. dép. de l’Hérault 1000 W 225, op. cit.

64. Le Commissaire divisionnaire au Procureur, 8 avril 1943, Arch. nat. 72 AJ 47 Témoignage de Maurice Roche envoyé à Mme Granet, 18 janvier 1957.

65. Arrêté à Lyon le 21 janvier 1944 par les hommes de Barbie, il fut torturé, condamné à mort, non exécuté puis transféré à Compiègne fin février. Il mourut d’épuisement à Mathausen. Voir Dedieu, Olivier, op. cit., p. 155, 156.

66. Tribunaux correctionnels – sous-dossier n° 104, Arch. nat. op. cit.

67. Ibid.

68. Lettre du Procureur au Garde des sceaux, 21 avril 1943, Tribunaux correctionnels – sous-dossier n° 104, Arch. nat., op. cit.

69. Docteur René Bruel, 34 ans, originaire de Charente-Maritime, 4 rue Henri Guinier à Montpellier, qu’on dit être franc-maçon et qui est soupçonné d’être inféodé au mouvement « Combat », perquisition du 6 mai 42. Polge est en relation avec le docteur Bruel au Bar américain boulevard de l’Observatoire, Note de renseignement du 23 février 1942, Arch. dép. de l’Hérault 796 W 41, op. cit.

70. Témoignage sur Jacques Renouvin, op. cit., p. 10.

71. Une première Résistance, op. cit., Guibal-Augé, Monette, p. 22. Arrestation et évasion de Fonsou, Témoignages sur Jacques Renouvin, op. cit., p. 9.

72. Jacques Augé avait été arrêté en janvier 1943 et incarcéré jusqu’en mars pour avoir soustrait quelques armes de poing dans le stock déposé par les particuliers aux archives départementales ! Témoignage sur Jacques Renouvin, op. cit., p. 12.

73. Robert, Alain, op. cit., p. 9.

74. Message à l’avocat général du service de la Section spéciale et au procureur général. Tribunaux correctionnels – sous-dossier n° 104, Arch. nat., op. cit.

75. Condamnations prononcées à l’encontre de Bouzat et Prébin, Ibid.

76. Ibid.

77. Arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, op. cit.

78. Arch. dép. de l’Hérault 796 W 41, op. cit.

79. Comité médical de la résistance. Témoignage du docteur Maurice Mayer, recueilli par Mme Granet, le 24 mars 1947, pp. 6-8, Arch. nat. 72 AJ 80. Après la guerre, il deviendra ministre de la Santé publique du Grand-Duché.

80. Note de la préfecture, 17 décembre 1943 par laquelle il est demandé aux autorités d’occupation si l’arrestation de Pierre Goudot domicilié route de Toulouse « Villa les Charmettes », est justifiée par un délit ou un crime de droit commun ou s’il s’agit de raisons politiques. Goudot étant actuellement détenu à Compiègne, Arch. dép. de l’Hérault 1000 W 297. Pierre Goudot a été interné à Buchenwald puis à Dora et libéré au camp de Bergen-Belsen, le 15 avril 1945.

81. Voir : Histoire de la résistance en Pays de Sault et notamment à Belcaire. http://www.belcqqaire-pyrenees.com/article-34608160.html (site fermé) (consulté en mai 2016). « Des réseaux de passages clandestins se formèrent dès le début de la guerre, en particulier le réseau « Jasmin base Espagne » dont faisaient partie le docteur Jean Martre, René Bayle tous deux de Belcaire. L’une des branches du réseau passait donc par Belcaire et Camurac, se prolongeait dans l’Ariège sur Ax-les-Thermes et le Castelet. La dernière étape, celle des passeurs, aboutissait en Espagne par l’Andorre. A Belcaire, les patriotes étaient reçus et hébergés à l’hôtel Bayle, d’autres allaient chez le docteur Martre. L’hôtel prenait de gros risques car, parmi les clients, pouvaient se glisser facilement des agents de la Gestapo. C’est bien ce qui devait arriver. Ces risques, connus et acceptés d’avance, René Bayle, patron de l’hôtel, devait les payer de sa vie. »

82. Mme Loire, témoignage, mai 2016.

83. Ibid. Voir également « Le résistant retrouvé » :
https://www.sudouest.fr/2010/08/31/le-resistant-retrouve-172986-4113.php
(consulté en mai 2016).
https://www.larepubliquedespyrenees.fr/2010/09/01/hommage-au-passeur-retrouve,152938.php (consulté en mai 2016).

84. Barrère, Sébastien, Pyrénées, l’échappée vers la liberté. Les Évadés de France, Pau, éditions Cairn, 2005, p. 153.

85. Dossier individuel, op. cit.

86. Mme Loire, op. cit.

87. Dossier individuel, op. cit. Granet, Marie et Michel, Henri, op. cit., p. 220, 221.

88. Belot, Robert, op. cit., p. 429.

89. Sébastien, Laurent, « Les services secrets gaullistes à l’épreuve de la politique (1940-1947) », Politix, 2001, n° 54, pp. 139-153. (consulté en mai 2016).

90. À ce moment-là le MNPGD en tant que tel n’existait pas encore mais était en voie de constitution.

91. Serv. hist. de la Défense 17 P 82 Base Espagne, réseau Jasmin.

92. Yeusse n’apparaît nulle part dans son dossier individuel mais par contre Ulysse y figure souvent.

93. Les réseaux de la France combattante. Dictionnaire historique, Service historique de la Défense, éditions Économica, 2013, p. 414, 415.

94. Lewin, Christophe, Le retour des prisonniers de guerre français. Naissance et développement de la FNPG, 1944-1952, Publication de la Sorbonne, 1986, Google Books, p. 43.

95. Short, Philip, François Mitterrand. Portrait d’un ambigu, Paris, Nouveau Monde édition, 2015, p. 117.

96. Ibid., p. 121.

97. Ibid., p. 122.

98. Lewin, Christophe, op. cit., p. 44.

99. Jacques Bénet, un ami d’université de Morland comme lui prisonnier de guerre évadé. In Short, Philip, op. cit., p. 101.

100. Védrine, Jean, Les Prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance, 1940-1945, Librairie Arthème Fayard, 2013, Google Books.

101. Compte rendu de l’activité et importance de l’action, dossier individuel, op. cit.

102. À Toulouse, Mme Marfaing a accompagné des pilotes alliés avec Mme Germaine Thibout, Arch. dép. de la Haute-Garonne 44 J 27 Fonds Françoise (de son vrai nom : Marie-Louise Dissard).

103. Bourdet, Claude, op. cit., p. 282.

104. Télégramme de Georges Rebattet au général de Gaulle, Henri Frenay, op. cit., p. 392.

105. Toulouse, Céline Pujo a servi d’intermédiaire dans le convoyage d’aviateurs pour le réseau Françoise, Arch. dép. de la Haute-Garonne 44 J 27, op. cit.

106. Germaine Poulitou puis Thibout, une sétoise qui dès juillet 1940 avait organisé des embarquements clandestins dans le port de Sète. Par la suite, en 1942 elle a agi dans la région de Toulouse comme agent du réseau Françoise, Arch. dép. de la Haute-Garonne 44 J 27, op. cit., puis pour le compte du SR/MLN et du réseau Kassanga, Arch. nat. 72 AJ 2178, Papiers Gemälhing, chef du réseau Kassanga. Dans une attestation, en date du 15 juillet 1952, Germaine Thibout fait état de son appartenance à Combat et à d’autres réseaux dont Jasmin.

107. Ippécourt (Pierre Vuillet), Les chemins d’Espagne. Mémoires et documents sur la guerre secrète à travers les Pyrénées, 1940-1945, Paris, Éditions Gauchet, 1948, p. 220.

108. Émile Mathan ou Matan, ex conseiller municipal SFIO de Jean Zuccarelli, né le 26 juin 1896 à Saint-Géniès-de-Malgoirès (Gard). Membre de Liberté et Combat. Arrêté le 7 décembre 1942, Arch. dép. de l’Hérault 18 W 100, op. cit. Transféré à la centrale d’Eysses et, suite à la répression ordonnée par Darnand il est déporté à Dachau, le 20 juin 1944 puis, libéré le 30 avril 1945.

109. Né le 15 décembre 1919 à Durmenach (Haut-Rhin). Fusillé sous le nom de Bernard Bonduel. Voir :
https://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/spip.php?article167178
(consulté en octobre 2016) ainsi que :
https://www.fusilles-souge.asso.fr/levy-andre-souge/
(consulté en octobre 2016) qui présente un document manuscrit retraçant « la guerre » d’André Lévy : jeune patriote à Gergovie, résistant arrêté, jugé puis après son évasion, agent actif de Combat.

110. Mme Loire, op. cit.