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Description

L’affaire Cals : Un épisode méconnu de la Résistance languedocienne

Le dimanche 23 mai 1943, la police française surprend dans un appartement de Montpellier le directoire régional des M.U.R en pleine réunion. L’une des conséquences de cette opération est que la police met la main sur une partie de la correspondance régionale et nationale des M.U.R. Ces documents, ceux du moins que les deux fuyards et les policiers résistants n’ont pu récupérer, sont essentiellement des directives des M.U.R ainsi que des correspondances entre dirigeants départementaux, régionaux et nationaux du mouvement. Cette documentation, dont les copies sont conservées dans le dossier du SRPJ de Montpellier permet d’avoir un instantané des préoccupations qui animent alors les cadres de la Résistance dans la région R3. Entre organisation de l’unification de la Résistance non communiste et gestion des rivalités entre mouvements, deux missives méritent néanmoins une attention plus spécifique. Ces lettres inédites de Pierre de Bénouville, Henri Frenay et Jean-Guy Bernard, cadres nationaux de Combat, concernent Cals, pseudonyme de Louis Cauvet, ancien responsable régional de Combat pour la région R3 accusé de trahison et contre lequel sont demandées des représailles suite au rapport qu’il a écrit et qui a fini dans les mains de responsables américains de l’O.S.S.

Cet épisode est resté, à ce jour, inédit dans la littérature consacrée à la Résistance languedocienne et les accusations portées sont particulièrement graves. L’enjeu est de mesurer la réalité des faits imputés à Cauvet et d’en mesurer la portée. Pour cela, il est nécessaire de restituer « l’affaire Cals » dans l’histoire du développement de la Résistance régionale, notamment dans ces dimensions politiques et institutionnelles pour en comprendre les tenants. On ne peut en effet comprendre la nature de cette affaire sans revenir sur les enjeux qui animent alors la Résistance non communiste, tant du point de vue régional que national. La situation de Combat en Languedoc est en effet la conséquence d’une histoire complexe des rapports entre les différentes composantes de ce mouvement qui entraîne après novembre 1942 une situation incertaine qui dure jusqu’au printemps 1943. Après avoir mis à plat l’histoire ces éléments, il s’agit de mesurer les incidences de cette affaire qui dépasse largement les seuls contours régionaux de la Résistance, jusqu’à devenir l’un des aspects des conflits de direction entre Combat et Jean Moulin autour de ce que l’on a appelé « l’affaire Suisse », d’où la virulence des attaques dont Louis Cauvet est victime.

Les prolégomènes d’une affaire :
la difficile cohabitation politique au sein de l’organisation montpelliéraine de Combat

L’histoire politique de la Résistance est empreinte d’un paradoxe évident. La chute de la République et l’émergence de la Résistance sont caractérisées à la fois par le maintien d’un certain nombre de solidarités partisanes alors que, dans le même temps, les mouvements de la Résistance voient des acteurs aux engagements politiques différenciés voire antérieurement antagonistes se regrouper au sein des mouvements de Résistance. La situation de Montpellier est un cas d’école. Dès 1940, un premier mouvement, Liberté, se structure sous la houlette de Pierre-Henri Teitgen, professeur de droit replié à Montpellier qui milite activement pour faire connaître ses prises de position hostiles à Vichy, notamment à l’Université de Montpellier que Claude Bourdet qualifiera dans ses mémoires de « résistodrome ». Du fait de cette origine, Liberté recrute d’abord dans les milieux universitaires, professeurs ou étudiants. Au-delà, notamment après le recrutement de l’économiste protestant René Courtin, le mouvement se diffuse auprès de nouveaux milieux hostiles à Vichy, principalement bourgeois et républicains. Dans le cadre de ce développement, le noyau fondateur, démocrate-chrétien et radical, agrège de nouvelles composantes politiques et sociales, tant sur sa droite que sur sa gauche. Après la création de Combat, on retrouve, parmi les cadres de l’organisation, un ancien de l’Action Française, Jacques Renouvin, l’ancien secrétaire du député conservateur Rodez de Benavent, Ferdinand Paloc, mais aussi et surtout des radicaux-socialistes et des socialistes, issus de l’USR et principalement de la SFIO. Alors que ce dernier parti n’a pas survécu à la disparition du régime, les militants socialistes hostiles au régime se mobilisent activement dans la Résistance locale. Très rapidement, les militants SFIO vont occuper des postes importants dans la nouvelle organisation. Par leur intermédiaire, le recrutement de Combat s’effectue à partir de l’implantation territoriale des anciennes sections et mairies du parti et des liens tissés par les élus et militants dans le système politico-administratif local et les différentes administrations déconcentrées qui formeront plus tard un élément essentiel du NAP et de l’AS. Ce fait est d’autant plus marqué hors de Montpellier, qu’il s’agisse d’Emile Bonal à Lodève, Joseph Vidal à Clermont, Henri Arnaud à Lunel, Henri Bessede à Mèze, Elysée Galabert à Frontignan, et plus fortement encore dans le Biterrois. Alors que la démocratie chrétienne est faiblement implantée dans une région languedocienne où le catholicisme affiche des proximités marquées avec la droite conservatrice, la majorité des électeurs, en 1936, a donné au Front populaire un monopole de représentation parlementaire. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2010

Nombre de pages

8

Auteur(s)

Olivier DEDIEU

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf