Description
L’introduction des sports américains
Au début du siècle, il semble bien que, même au niveau local – c’est-à-dire provincial – les milieux sportifs aient fait la distinction entre sports anglais et sports américains.
Par exemple, en 1911, la presse montpelliéraine fait mention d’un commerce Boulevard du Jeu de Paume, à l’enseigne d’American Sports ; dès 1909, elle annonce aussi l’ouverture d’un bowling » grand jeu américain » au sous-sol du Café Glacier, place de la Comédie.
Mais si ces indices restent très fragmentaires et ponctuels, la première grande vague d’américomania arrive avec le skating, toujours en 1909. Il s’agit du patinage à roulettes ( » rink » ou » roller « ), dont l’invention est ancienne, et qui connut plusieurs périodes de vogue en France, au tout début de la IIIe République, puis dans les années 1890, cette dernière consécutive à l’adoption du roulement à billes.
La reprise a lieu à partir de 1909 aux USA, et tout de suite en France, une véritable déferlante parcourt le pays, suscitant un véritable phénomène de mode, qui incite les entrepreneurs et propriétaires de salles diverses à aménager des pistes pour accueillir les nouveaux pratiquants. A Paris, entre 1910 et la guerre, une dizaine de salles s’ouvrent ainsi. Le Palais des Sports (le Vel’ d’hiv’ vite célèbre), offre une piste en bois, au centre de l’anneau consacré aux courses cyclistes. Le skating devient un loisir tout public, ouvert aux familles et aux femmes qui peuvent se risquer sans craindre la chute, vêtues de leur jupe-culotte qui fait encore parfois scandale, mais s’est imposée aux mœurs de l’époque. Les nouveaux adeptes apprennent à tourner autour de la piste, et tentent quelques figures : le spectacle doit beaucoup ressembler à ce que l’on trouve aujourd’hui dans les patinoires à glace aux heures d’ouverture du grand public.
Le phénomène touche vite la province la plus reculée. Henri Diffre, toujours à l’affût des dernières modes, peut écrire : « Je n’avais pas osé jusqu’ici vous parler du patinage à roulettes, malheureusement trop peu connu, mais devant l’extension que prend ce sport, je suis bien obligé de vous en dire quelques mots : le roller-skating s’est depuis deux ans implanté en France où il jouit d’une grande vogue (…) C’est que le patinage pratiqué dans certaines conditions est un sport très intéressant, sport élégant s’il en est, accessible à tous. Il n’est plus de sportman qui puisse ignorer le plaisir des dehors ou de la marche arrière, surtout à Montpellier où nous avons une salle suffisamment bien aménagée ».
Et la semaine suivante, il ajoute : « Faites donc comme moi, puis-je dire aux rieurs chaussez les patins, lancez-vous sur la piste et à la troisième tentative, vous me direz, mais seulement alors, si patiner est un sport ou non. En tous cas, le sport est toujours un peu soumis au snobisme, et à ce point de vue, le « roller-skating » détient le record. Ce n’est plus de la vogue, c’est presque de la folie. Soyez fous en cela, vous ne le regretterez pas ».
Et il est vrai que depuis quelques mois, une première salle est ouverte au nouveau sport. Selon l’Echo des Etudiants, feuille que dirige Paul Duplessis de Pouzillac, puis Diffre lui-même en cours d’année, « Le Rink de la salle Guillaume Tell (également cinéma, bd Victor Hugo) va remplacer ses carreaux de céramique par un superbe plancher. La salle considérablement agrandie contiendra le seul bar américain de Montpellier [cocktails]. Orchestre tzigane. Rink : concours d’élégance, courses de vitesse, steeple quilles, jeu de bascule, peut-être même hockey sur patins. ». En dehors de la salle, les étudiants les plus branchés pratiquent quelque chose de très proche de nos actuels rollers urbains : « P. Trollet et Neptune zigzaguent dans les environs des Arceaux; Microbe, Tihy et Karandache évoluent autour du suburbain. On dit même que les galeries asphaltées de notre vieille Université voient chaque jour un adepte du nouveau sport décrire les courbes les plus élégantes et les plus compliquées. Si le feu sacré ne s’éteint pas, on verra des merveilles au skating du boulevard Victor-Hugo ».
Toutes les villes suivent le mouvement. […]
Informations complémentaires
Année de publication | 2010 |
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Nombre de pages | 5 |
Auteur(s) | Guy LAURANS |
Disponibilité | Produit téléchargeable au format pdf |