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Description

Les femmes et le mariage à l’époque de la croisade contre les cathares

Le couple marié représente la cellule de base de la famille et le fondement de la vie sociale médiévale. On connaît bien son importance et le rôle qu’il joue dans la construction des structures sociales, on connaît également ses conceptions théologiques et ses dispositions légales et économiques. Pour les épouses languedociennes du XIIIe siècle, on peut donc relativement bien cerner les cadres légaux et économiques du mariage, les régimes matrimoniaux étant attestés par les textes de loi. Il s’avère déjà plus difficile d’apporter une réponse à la question de la réalité socio-économique des épouses, car les femmes, même celles issues de la noblesse, sont très largement absentes des actes de la pratique. Toutefois, nous disposons d’un document exceptionnel et particulièrement intéressant à cet égard qui nous permet de mieux cerner quels biens possèdent et gèrent réellement les épouses languedociennes et notamment comment leur situation est affectée par la croisade et l’Inquisition : les enquêtes royales. Ces enquêtes, menées sur ordre de Louis IX (1247/1248 et 1258-1262) et qui s’inscrivent dans sa politique d’apaisement, sont ainsi sans le moindre doute les sources les plus riches au sujet des biens, droits et pouvoirs des femmes pour l’époque et la région qui nous intéressent. Les demandes de restitution formulées par les femmes qui ont perdu des biens lors de la croisade, suite aux jugements de l’Inquisition ou par les malversations des agents royaux, fournissent des nombreuses informations, en partie assez détaillées, sur la nature et le montant de la dot et du douaire, sur les régimes matrimoniaux, sur la répartition de l’héritage paternel, sur les biens mobiliers et immobiliers détenus par les femmes, sur des loyers, cens et autres redevances, voire, exceptionnellement, sur des seigneuries qu’elles détiennent.

Mais le mariage ne se résume pas à des cadres légaux et des statuts socio-économiques. Pour comprendre ce que la vie conjugale peut représenter pour les femmes au quotidien, il convient également d’étudier la réalité de cette vie, les comportements des époux, les sentiments, les rapports physiques – et liées à ces aspects, les circonstances et raisons des concubinages et adultères. Toutefois, ces questions ne trouvent que difficilement des réponses dans les sources médiévales en général. Et bien que les enquêtes royales, à travers quelques cas conflictuels portés devant les agents du roi, nous permettent de glaner quelques détails, et qu’elles puissent être complétées par les registres inquisitoriaux, sources extraordinairement riches en ce qui concerne la vie quotidienne de la société languedocienne du XIIIe siècle, ces aspects, pour l’époque et la région qui nous intéressent, ne peuvent être approchés que dans une très modeste mesure.

Un mariage arrangé

A partir de la réforme grégorienne de la fin du XIe siècle, l’Église catholique commence à imposer son autorité sur le mariage qui, auparavant, était une simple affaire entre laïcs, arrangé principalement selon des considérations politiques, lignagères et matérielles. Désormais, le mariage devient un sacrement, régi par le droit canon. Monogame, exogame et indissoluble, il est basé uniquement sur le consentement mutuel des deux époux, ce qui, théoriquement, permettrait aux femmes non seulement de décider de se marier ou non, mais également de choisir leur époux elles-mêmes. Or, dans la pratique, le consentement mutuel reste largement fictif et l’union matrimoniale continue d’obéir principalement à des facteurs financiers, politiques et lignagers. Tel est aussi, peu ou prou, le cas dans le Languedoc du XIIIe siècle. Les mariages sont décidés dans la grande majorité par le père de la mariée et le futur époux. Les jeunes femmes, dont on signe ainsi le destin, n’apparaissent que très exceptionnellement dans les actes de mariage – des contrats conclus exclusivement entre hommes. Seules les veuves semblent pouvoir décider elles-mêmes si elles souhaitent se remarier ou non et même choisir éventuellement leur deuxième époux – encore que, là aussi, la décision découle certainement souvent d’une nécessité économique. Toutefois, dans la société languedocienne touchée par le catharisme, une particularité concernant l’arrangement des mariages ressort sans l’ombre d’un doute des sources et notamment des registres de l’Inquisition. En effet, le critère essentiel au sein des familles acquises à l’hérésie est celui de la religion – même et surtout au sein de la noblesse. Les jeunes femmes issues de ces lignages sont ainsi de préférence mariées à des hommes appartenant également à une famille de croyants cathares – bien qu’il faille supposer que ces femmes, elles aussi, obéissent au choix que leurs pères font à leur place. […]

Informations complémentaires

Année de publication

2010

Nombre de pages

6

Auteur(s)

Gwendoline HANCKE

Disponibilité

Produit téléchargeable au format pdf