Les conflits du droit de pêche entre Sérignan et Vendres : État, marché, guerre et changement climatique
Les conflits du droit de pêche entre Sérignan et Vendres
État, marché, guerre et changement climatique
sur le littoral languedocien à la fin du Moyen Âge 1
(À Jean-Loup Abbé, qui aime et connaît profondément les étangs languedociens.)
Dans la seconde moitié du XIVe siècle, l’exploitation de l’étang de Vendres est l’objet de litiges entre les deux villages de Vendres et de Sérignan qui se disputent les droits de pêche. L’article cherche à déterminer les zones de pêche revendiquées, et analyse les conditions, en particulier fiscales, qui conduisent à une évolution des droits de propriété régulés par le pouvoir central.
The conflicts of fishing rights between Sérignan and Vendres:
State, market, war and climate change on the Languedoc coast at the end of the Middle Ages
In the second half of the fourteenth century, the exploitation of the Vendres lagoon was the subject of disputes between the two villages of Vendres and Sérignan who competed for fishing rights. This article seeks to establish the fishing areas concerned, and analyzes the conditions, especially the fiscal conditions, that led to a transformation of property rights regulated by the central government.
Los conflictes del drech de pesca entre Serinhan e Vendres Estat,
mercat, guèrra e cambiament climatic sul litoral lengadocian a la fin de l’Edat Mejana
Dins la segonda mitat del sègle XIVen, l’expleitacion de l’estanh de Vendres es l’objècte d’un litigi entre los dos vilatges de Vendres e Serinhan que se carpinhan pels dreches de pesca. L’article cèrca de determinar las zònas de pesca revindicadas e analisa las condicions, en particular fiscalas, que menan a una evolucion dels dreches de proprietat regulats pel poder central.
Conflits, procès et transaction autour du droit de pêche
En 1375 environ, un jour en hiver, des Sérignanaises, Vesiana, Catherina, Ermessendis et une autre Vesiana, avec un garçon du village, Johannes Vitalis, ramassent des poissons sur le rivage de l’étang de Vendres, en tenant un sac (sacca), un disque (discus), un cabas (cabas), un salabre (salabre) ou une pavena à la main. Soudainement, un lieutenant du bayle royal de Vendres, qui s’appelle Petrus Petri, surgit, arrache tout cet équipement de leurs mains et l’emporte 2.
À peu près au même moment, les consuls de Vendres et un bayle royal du même village interdisent aux habitants de Sérignan de ramasser des coquillages (muscla, i. e. moule ; follega, i. e. Cardium edulis), des crabes (crancz) et d’autres choses sur le rivage de l’étang de Vendres, en y mettant en place des panonceaux sur lesquels la fleur de lys se dessine pour signaler que cet étang est mis sous la sauvegarde royale 3.
Ces deux événements au bord de l’étang salé provoquent de grands conflits et procès entre les deux villages. Selon les assertions des Sérignanais, depuis des temps immémoriaux, surtout en hiver, ils ont pu ramasser à pied et avec leurs mains des « poissons de rivage » (marge, peys del marge, pisces mar[g]iati) – mulet (mujolus), petite daurade (sauquena, saucanela menuda), etc. -, qui se trouvaient morts ou demi-morts au bord de l’étang à cause du froid, et les emporter à Sérignan ou ailleurs pour consommer (commedere), vendre (vendere) ou utiliser (utor) 4. De plus, ils affirment que les habitants de Sérignan ont pu ramasser jour et nuit des coquillages, des crabes et d’autres choses dans l’étang de Vendres, surtout sur le rivage (mares ou manes) 5, à pied et avec les mains, mais sans filet de pêche, et les emporter pour consommer ou vendre 6.
En revanche, les habitants de Vendres justifient les comportements de leurs consuls, du bayle royal du village ou de son lieutenant et nient le droit de pêche des habitants de Sérignan dans l’étang de Vendres. Selon leurs assertions, depuis des temps immémoriaux, les villageois de Vendres ont pu toujours pêcher n’importe quels poissons et coquillages dans l’étang de Vendres, à pied et avec leurs mains, avec filets, en barque, ou d’autres façons. De plus, pour ce droit de pêche, tous les ans, ils paient la taille royale de 27 livres et offrent au roi 176 moules par chaque barque qui en pêche pendant le carême, alors que les villageois de Sérignan ne paient aucune « pension » au roi et y pêchent sans licence royale ni consentement du village de Vendres 7.
Ces procès se déroulent devant la cour royale de Béziers ou la cour itinérante du sénéchal royal de Carcassonne et sont ensuite portés au Parlement de Paris 8. Mais, finalement, les deux villages les retirent pour terminer les conflits par une transaction. Les 13 et 14 mai 1377, la transaction se fait par l’intervention d’un médiateur, Guillelmus de Taurello, juriste de Béziers, et, en juin 1377, elle est enfin homologuée par le Parlement de Paris 9. D’après l’acte de transaction, qui donne certaines limitations au droit de pêche des Sérignanais, ceux-ci sont désormais autorisés à pêcher des moules (musculos), des Cardii edulis (folegas), des limandes (planas), des soles (palayguos), etc., sauf des barbues (romps), à pied et avec leurs mains, mais sans filet grand ou petit, épée ni bâton, etc., entre la Noël et la Saint-Michel, du port de l’étang (gradus maris) 10 jusqu’à un lieu-dit « los pos autres », puis de ce lieu-dit jusqu’au milieu entre celui-ci et une bastide de Johannes Albarici, de Vendres, le long de rivage 11. À propos des « poissons de rivage » en hiver, les habitants de Sérignan sont désormais autorisés à ramasser ces peis de marge – mulet, petite daurade, etc. ?, à pied et avec leurs mains, mais sans grand filet, barque, petit filet, épée, bâton, fer ni lance, etc., entre la Noël et l’Annonciation, du port de l’étang jusqu’aux limites du village de Vendres, le long du rivage, et ils peuvent en emporter pour vendre, consommer ou utiliser 12.
Localiser la zone de pêche des poissons vivants ou morts
Pourquoi la zone de pêche des poissons vivants, sauf des barbues, est-elle limitée du port de l’étang jusqu’au milieu entre le lieu-dit « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici, alors que celle des poissons morts, peis de marge, s’étend jusqu’aux limites du village ? Pour répondre à cette question, il faut avant tout localiser chaque point : le port de l’étang, « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici. En vue de leur localisation, nous utilisons les compoix de Vendres (1384, 1438, 1506, 1604, 1667, etc.), conservés aux Archives départementales de l’Hérault, et recourons à la méthode régressive avec des documents figurés : une photographie aérienne actuelle ou une carte topographique IGN sur le site de Géoportail, un plan du cadastre rénové (1955) ou le plan napoléonien (1830), conservés aux Archives départementales de l’Hérault, une carte de la plaine entre les étangs de Capestang, de Vendres et de Gruissan (1766), conservée aux Archives des canaux du Midi (Voies navigables de France), et des cartes des lieux contentieux entre le seigneur de Fleury et la communauté de Vendres (XVIIIe siècle), conservées aux Archives nationales 13.
Ensuite, le lieu-dit « los pos autres » se trouve plusieurs fois dans le compoix de 1506 14, qui indique par exemple que « Item Ia bastida a la Bestola […] confronta an la caryeyra anan a la fon dels pos autres […] » 15. Cette bastide semble correspondre à une « Bergerie de la Moutone » sur le cadastre napoléonien, qui existait à l’ouest de la Plaine de la Vistoule (Bistoule) actuelle (Carte 3). En effet, sur le cadastre napoléonien (Carte 4), le côté ouest du domaine de cette bergerie confronte un chemin allant à une fontaine présumée, d’où s’écoule un « Ravin » vers l’étang en passant devant un « Puits », dont les alentours s’appellent « Champ du Puits ». Comme le mot « puits » correspond à « pos » ou « pous » en occitan, nous supposons que le lieu-dit « los pos autres » se situe à « Champ du Puits » près de la « métairie de la Gairarde (Gailharde, Gaillarde) », qui garde toujours son toponyme (Carte 2). Mais, en fait, le mot « los pos autres » (masculin, pluriel, cas régime) signifie grammaticalement « les autres puits ». Est-ce qu’il y existait un autre puits au XIVe siècle, qui disparaîtrait avant le XIXe siècle ? La question reste à régler.
Quant à la bastide de Johannes Albarici, le compoix de 1384 témoigne qu’elle est au lieu-dit « Fon Caudier » en face du rivage de l’étang de Vendres 16. Nous pouvons constater que Jacme Albaric, son fils ou petit-fils, possède « la bastida de Font Caudie » dans le compoix de 1438 17. Mais, dorénavant, la famille des Albaric a disparu en tant que déclarant des biens dans les compoix de Vendres. De plus, le lieu-dit « Fon Caudier » lui-même ne laisse aucune trace après sa dernière apparition dans le compoix de 1506 18. Bien que son identification soit alors difficile, il est probable qu’un lieu-dit « Condamine de la Dédone », à côté de « La Cosse » et en face du rivage de l’étang sur le cadastre napoléonien, qui correspond à une « metterie dite la Dedonne a la Cosse » au XVIIe siècle 19, s’identifie comme la bastide de Johannes Albarici, située à « Fon Caudier » (Carte 2 et Carte 5).
Avec ces localisations, nous en sommes arrivés à indiquer approximativement le milieu entre le lieu-dit « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici, c’est-à-dire la limite de la zone de pêche des poissons vivants. C’est la frontière entre les lieux-dits actuels La Cosse et Grande Combe (Cartes 6 et 7). Si nous calquons sur la Carte 8 la localisation du milieu entre le lieu-dit « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici, en tenant compte de la position de La Gairarde, de La Dédone (Deudonne) et de la saillie du terrain devant la Condamine de la Dédone, nous nous rendons compte qu’elle se situe juste après l’entrée de la moitié nord de l’étang de Vendres, réduit à cause de la baisse des eaux en saison sèche et divisé en deux par l’embouchure de l’Aude. Certes, le fond de Carte 8 est daté de 1766. Mais, l’embouchure de l’Aude dans l’étang avait été produite par les inondations de la première moitié du XIVe siècle, surtout celle de 1316 20, et elle existait déjà comme telle avant les conflits du droit de pêche entre Sérignan et Vendres dans les années 1370.
Après avoir ainsi localisé chaque point (Carte 8), nous revenons à notre présente question : pourquoi la zone de pêche des poissons vivants est-elle limitée du port de l’étang jusqu’au milieu entre le lieu-dit « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici, alors que celle des poissons morts s’étend jusqu’aux limites du village de Vendres ? La clef de l’énigme semble être la pêche à la bourdigue pratiquée par les Vendrois. Carole Puig définit cette pêche aux pièges :
« Ils [i. e. les bourdigues] sont placés sur les passages étroits dans les étangs, les canaux ou les graus, pour capturer le poisson lors de sa remontée à l’intérieur des lagunes, au moment du frai. […] Il s’agit d’un labyrinthe de clayonnage dans lequel s’engouffre le poisson au moment du frai, lorsqu’il remonte vers les terres, et qui constitue un piège dont il n’arrive plus à sortir. Chaque claie s’achève par une nasse en verveux. […] Les bourdigues étaient faites au moyen de roseaux, ou canis, et les nattes avec de la paille plus ou moins longue » 21.
À partir du dernier quart du XIIIe siècle, ces pièges se multiplient dans les étangs de la partie occidentale du Golfe du Lion et le procédé de sa construction n’a presque pas changé jusqu’à la première moitié du XXe siècle 22.
De fait, sur la Carte 9 du XVIIIe siècle, à l’entrée de la moitié nord de l’étang de Vendres, réduit à cause de la baisse des eaux et divisé en deux par l’embouchure de l’Aude, se trouve une « Bourdigue de Vendres », soit privée, soit communale 23 (Carte 10). Elle a été installée pour capturer des poissons venant de la mer et entrant dans la moitié nord de l’étang au travers d’une passe située en face de la Condamine de la Dédone, qui était cachée en saison des pluies, mais se montrait en saison sèche. En supposant que cet état de choses remonte jusqu’au XIVe siècle, nous pouvons comprendre que la limite de la zone de pêche des poissons vivants doit être fixée non pas avant l’ouverture de la bourdigue, mais après elle, donc entre « los pos autres » et la bastide de Johannes Albarici, pour que la quantité de poissons qui peuvent y entrer ne soit pas réduite par les Sérignanais. Par contre, celle des poissons morts est fixée aux limites du village, donc avant l’ouverture de la bourdigue. Puisque cela ne donne aucun dommage à cette pêche aux pièges, qui vise les poissons vivants.
Facteurs principaux des conflits du droit de pêche
De toute façon, c’est ainsi que se sont finalement arrangés les conflits entre les deux villages autour du droit de pêche dans l’étang de Vendres. Mais, quels sont les facteurs qui les causent dans les années 1370 ?
Tout d’abord, pour comprendre ces conflits, nous devons tenir compte du développement des échanges commerciaux au sein de la société rurale 24. À partir du XIIIe siècle, dans le Midi, les commerces interrégionaux, régionaux et locaux sont de plus en plus activés. Au XIVe siècle, l’économie monétaire s’étend donc jusqu’aux campagnes 25 et même les paysans sont connectés au marché local comme vendeurs ou consommateurs 26. Là, les produits maritimes sont également commercialisés et les poissons et coquillages de l’étang de Vendres semblent être plus recherchés pour les convertir en espèces. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, les Sérignanais ramassent des poissons et coquillages non seulement pour les consommer ou utiliser, mais aussi pour les vendre 27.
En second lieu, nous ne pouvons pas négliger l’influence du changement climatique à partir du début du XIVe siècle. En entrant dans le Petit Âge glaciaire, le refroidissement apporte de mauvaises récoltes. De plus, l’accaparement ou la spéculation sur les vivres par les commerçants font hausser les prix alimentaires et causent finalement les disettes 28, ce qui favorise l’augmentation de la demande de poissons et coquillages de l’étang de Vendres, pour les manger ou les convertir en espèces. En outre, il est à noter que la baisse de la température de l’eau par le refroidissement fait mourir plus de poissons et produit plus de peys del marge faciles à prendre.
Dans ce contexte, les villageois de Sérignan fréquentent l’étang plus qu’avant pour ramasser les produits maritimes, alors que ceux de Vendres essaient de les défendre et de s’en réserver le monopole. Cela donne une des causes des conflits du droit de pêche entre les deux villages.
En plus de ces explications économiques et climatiques, nous devons signaler le contexte de l’affermissement de l’État royal et de l’alourdissement de sa fiscalité dans les campagnes languedociennes. Après l’invasion violente de la Croisade contre les Albigeois, le Bas-Languedoc, intégré au domaine royal en 1229, est divisé en deux sénéchaussées : celle de Beaucaire-Nîmes et celle de Carcassonne-Béziers. À la tête de cette dernière, un sénéchal est installé à Carcassonne, et un viguier, son subordonné, est installé à Béziers. Désormais, les villages du Biterrois, y compris Sérignan et Vendres, sont placés sous l’autorité de la cour royale de Béziers, dont le chef est le viguier 29. La fiscalité royale s’établit ensuite au cours du XIIIe siècle et se consolide avec le commencement de la guerre franco-anglaise 30. À partir du milieu du XIVe siècle, avec l’aggravation de la guerre, augmentent les exigences royales liées à l’état militaire : fortification, mobilisation et taxation. Surtout dans les années 1370, sous le gouvernement du duc d’Anjou, lieutenant du roi en Languedoc, les subsides royaux font gonfler les dépenses des villages et pèsent lourdement sur les finances villageoises. En effet, à cette époque-là, le village de Sérignan a vécu une crise financière grave 31. Il n’est pas difficile d’imaginer que les subsides royaux, qui sont perçus sous la forme des impôts communaux au sein du village, frappent chaque foyer et écrasent l’économie domestique. Cela accélère l’augmentation de la demande des poissons et coquillages pour les manger ou convertir en espèces, en incitant les Sérignanais à aller pêcher à l’étang plus qu’avant et en poussant les Vendrois, également écrasés par les subsides royaux, à défendre et monopoliser ces fruits de mer.
Les conflits du droit de pêche entre les deux villages sont donc causés par la combinaison de quatre facteurs principaux : la commercialisation de la société locale, le refroidissement climatique du Petit Âge glaciaire, l’extension de l’État royal et l’alourdissement de sa fiscalité pour la guerre 32. Naturellement, ces facteurs généraux font effet non seulement sur les deux villages, mais aussi sur la région entière 33. En effet, avant les conflits entre Sérignan et Vendres, celui-ci avait déjà conclu des transactions similaires avec des villages environnant l’étang de Vendres – Pérignan (c’est-à-dire Fleury-d’Aude), Salles, Nissan, Capestang et Lespignan – sur la façon d’y pêcher 34. De plus, le 18 août 1376, les consuls de Sérignan, de Vendres et de Capestang, ainsi que les « autres consuls à la ‘‘ronde’’ de l’étang (autres cossols de roda del estanh) », se réunissent à Capestang pour discuter sur une transaction à faire entre Sérignan et Vendres 35.
Vers la modernisation du droit de pêche ?
Enfin, nous remarquons un résultat important de ces conflits et transactions entre les deux communautés autour de l’étang de Vendres : un changement progressif de qualité du droit de pêche. Avant les conflits, les communautés semblent partager de facto les produits maritimes de l’étang. Désormais, le village de Vendres réclame le droit de pêche presque exclusif et limite précisément les Sérignanais dans l’accès aux fruits de mer. Pour cela, les Vendrois avancent la « pension » au roi et la licence du roi comme le fondement du droit, ayant recours à la sauvegarde royale comme la garantie du droit. Du monde où les droits de possession de chaque communauté se superposent et viennent se confronter et se heurter les uns aux autres, les villageois languedociens de la fin du Moyen Âge commencent à marcher vers un autre monde qui est clairement découpé en droits de propriété de chaque communauté et est fixé et entretenu par le tiers transcendant qui monopolise la force physique et exerce le pouvoir effectif.
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NOTES
1. Nous tenons à remercier Jean-Loup Abbé, Monique Bourin et Michel Christol pour leur relecture attentive de ce texte.
2. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 59 (Acte sur le procès entre les consuls de Sérignan et le lieutenant du bayle de Vendres sur le droit de pêche dans l’étang de Vendres, 1376).
3. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 (Accord entre les consuls de Sérignan et ceux de Vendres sur le droit de pêche dans l’étang de Vendres, 1377) : […] consules de Venere apposuisse seu ad eorum requestam apponi fecisse salvam gardiam et palos floribus lilii depictos in signum salve gardie domini nostri regis in stagno vocato de Venere […] dicta salva gardia in dicto stangno […] apposita fuerat unacum dictis pennuncellis in signum dicte salve gardie […].
4. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : Item et super eo etiam quod dicti consules de Serignano dicebant et asserebant ipsos et omnes et singulos habitatores loci de Serignano esse et ab antiquo fuisse a tantis citra temporibus quod hominis memoria in contrarium non existit in usu, possessione et saisina pacifice piscandi et capiendi cum pedibus et manibus in stagno predicto de Venere maxime tempore hyemali muiolos, sauquenas, et quoscumque alios pisces causa et facto frigiditatis et hyemis aut alius sive facto hominis provenient in litoribus dicti stangni de Venere vulgariter dictos et nominatos marge et ipsos pisces sic captos apud Serignanum seu alibi secum asportandi eos vendendi, commedendi ac eis utendi libere et impune absque hominum de Venere seu alterius cuiuscumque licentia et absque pena totiens quotiens contingit dictum marge in dicto stangno evenire […] ; Arch. dép. Hérault, 299 EDT 59 : […] conquerentes et alii singulares et habitatores dicti loci de Serinhano sint et eorum predecessores de Serinhano fuerint in pocessione et saysina vel quasi recipiendi pisces mar[g]iati de stagno dicto de Venere, qui pisces propter frigora quandoque ad rippam quandoque juxta rippam devenerint mortui seu semivivi et eas sibi apropriandi et secum asportandi ubicumque voluerint pro suo libite voluntate, et hoc a tantis citra temporibus quod hominis memoria in contrarium non existit, […]. Voir aussi Arch. mun. Sérignan, CC 8, compte de 1376-1377, f° 72 v°.
5. Dans les comptes consulaires de Sérignan, le conflit concerné s’appelle « lo fag de las follegas e de l’autra pescaria a manes ». Voir Arch. mun. Sérignan, CC 8, compte de 1376-1377, passim.
6. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] dicti consules et singulares dicti loci de Serignano habent ut asserunt et habere consueverunt, a tantis citra temporibus quod memoria hominis in contrarium non existit, jus, usum, possessionem et explecturam pacificos piscandi de die et de nocte in dicto stangno et in quacumque parte ipsius et specialiter in ripa dicti stangni pisces quoscumque vocatos folegas, crancos et musculos et alios qui capi possunt cum manibus et pedibus absque tamen aliquibus retibus sive thesuris et dictos pisces capiendi secumque asportandi causa commedendi seu vendendi ubi eis magis placuerit et pro eorum voluntate libere et impune, […].
7. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] ipsi consules de Venere nominibus quibus supra et singularium dicti loci ha-bent et habuerunt ab antiquissimis temporibus de quibus non est memoria in contrarium soli et in solidum jus et usum piscandi et capiendi quoscumque pisces in dicto stangno repertos, et qui capi possunt tam cum manibus quam cum pedibus, thesuris, retibus, barchis aut aliis ad eorum voluntatem et etiam omnes pisces tempore hiemali vel alio tempore causa frigiditatis seu alius vocati marge, absque eo quod aliquis de Serignano habeat seu habere consuerunt ibi aliquem usum seu possessionem seu aliquod aliud ius saltim pacificos piscandi de die seu de nocte cum manibus seu pedibus dictos pisces vocatos folegas seu alios pisces cuiuscumque generis aut nominis nuncupentur seu nominentur, et si quis reperiatur in contrarium reperiatur, hoc factum fuit clam et oculte, et ipsis de Venere instientibus et semper contradicentibus nec per consequens homines seu habitatores de Serignano qui nullam pensionem dant seu tribuunt aut dare seu contribuere consueverunt domino nostro regi pro piscaria dicti stangni sicuti ipsi de Venere faciunt et facere consueverunt, possunt aut debent aliquo modo aliquos pisces ex dicto marge in dicto stangno provenientes capere secum asportare aut alias eis modo quolibet uti sine tamen licentia domini nostri regis et expressa voluntate consulum seu habitatorum loci de Venere, […] pro ipsis jure, usu, possessione et saisina predictis ac nonnullis aliis iuribus ipsis consulibus de Venere et universitati dicti loci acthenus concessis et pertinentibus universitati de Venere faciunt et facere consueverunt domino nostro regi annuatim pro taillia regali viginti septem libras turonensis et pro qualibet barca piscante seu capiente in dicto stangno musculos tempore quadragesimali centum septuaginta sex musculos, […].
8. Arch. mun. Sérignan, CC 8, compte de 1376-1377, passim.
9. L’acte de transaction homologué est conservé au fonds parlementaire : Arch. nat., X1C 34 179. Un acte final, qui contient une copie de l’acte de transaction, est envoyé du Parlement à la cour royale de Béziers et il passe finalement dans les mains des consuls de Sérignan : Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3.
10. Le mot latin « gradus » signifie non seulement « grau » mais aussi « port ». NIERMEYER 1984, p. 471 ; DU CANGE 1887, vol. IV, col. 93a : GRADUS, Trajectus maritimus, angustus maris, atque interdum fluminis meatus ; quilibet etiam portus seu locus quo navigium adpelli potest. Voir aussi GAUTIER DALCHE, p. 81 : L’importance est le terme même [i. e. gradientes], qui dérive de gradus, « port », qui a donné le toponyme « grau », de nombreux exemples de cet emploi s’observant dans les documents provençaux, languedociens, et dans les sources narratives pisanes et génoises.
11. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] deinceps homines et habitatores loci de Serignano qui nunc sunt et pro tem-pore fuerunt possint et valeat libere et sine aliquo impedimento per illos de Venere deinceps prestando capere cum pedibus et manibus absque tamen magnis retibus, thesuris, gladio, baculo seu aliqua re seu arte folegas, musculos, planas, palayguos et alia quecumque genera piscium in dicto stangno exeuntium a festo natalis domini usque ad festum sancti Michaelis mensis septembris inclusive et hoc in dicto stangno tantum quantum protenditur incipiendo a gradu maris veniendo et sequendo litoris ipsius stangni usque ad locum vocatum los pos autres et ab ipso loco vocato los pos autres usque ad medium seu medietatem terre seu spacii quod est inter dictum locum dels pos autres et bastidam Johannis Albarici, castri de Venere, quam medietatem sive spacium dicte partes canando seu cum canna mensuraliter vel passerando mensurari vel limitari voluerunt presentibus seu vocatis partibus antedictis, pisces vero vocatos romps capere non debeant neque possint infra dictum stangnum quoquomodo predicti de Serignano, ymo a captione dictorum romps quorumcumque debent illi de Serignano abstinere quamdiu protenditur pars integra dicti stangni in qua illi de Venere jus piscandi habent.
12. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] homines et habitatores loci predicti de Serignano qui nunc sunt et pro tempore fuerunt deinceps possint et valeant in dicto stangno infra tamen limitationes predictas libere et sine impedimento quocumque a festo natalis domini inclusive usque ad sequens festum annuntiationis beate Marie mensis martii inclusive capere cum pedibus et manibus absque tamen retibus, navigiis, thesuris, ensibus, baculis, ferratis, lanceis seu alio artificio quocumque muiols, sauquanelas et alios quoscumque pisces ex dicto marge in dicto stangno provenientibus et vocatis generaliter peis de marge quamdiu protenditur et durat dictum stangnum a gradu maris sequendo litora dicti stangni usque ad finem territorii de Venere et dicto tempore libere et impune et sine cuiusquam contradictione sicuti homines et habitatores loci predicti de Venere et tales pisces modo premisso captos apud stagnanum vel alibi ubi voluerint secum asportare eos vendere vel alias eis uti libere et impune et absque incursu dicte vel alterius pene pro eorum libito voluntatis.
13. Nous devons l’utilisation de toutes ces cartes conservées aux Archives nationales (Arch. nat., NIII Aude 9) à Jean-Loup Abbé, qui les y a photographiées et m’en a gentiment offert les images numériques.
14. Arch. dép. Hérault, 329 EDT 308, compoix de Vendres (1506), art. 509, 568, 599, 666.
15. Arch. dép. Hérault, 329 EDT 308, compoix de Vendres (1506), art. 599.
16. Arch. dép. Hérault, 1 B 11095, compoix de Vendres (1384), art. 1107 : Jacme Albaric, filh que so d’en Jon Albaric, jove, [possède] V cartayradas de terra am la meg de la bastida a Fon Caudier […] ; Arch. dép. Hérault, 1 B 11095, compoix de Vendres (1384), art. 137 : Item II sestairadas a Fon Caudier cofrota am la riba del stanh […].
17. Arch. dép. Hérault, 329 EDT 22, compoix de Vendres (1438), art. 426.
18. Arch. dép. Hérault, 329 EDT 308, compoix de Vendres (1506), art. 999.
19. Arch. dép. Hérault, 329 EDT 27, transcription actualisée du compoix de Vendres de 1667 (1740), f° 78 v°.
20. DELLONG, 2012, p. 237. Sur ce point, nous remercions Monique Clavel-Lévêque pour son précieux conseil.
21. PUIG, 2000, p. 98-100. D’après Frédéric Mistral, le mot occitan « Bourdigo » est défini comme « enceinte de roseaux et de joncs, que l’on construit dans les canaux qui communiquent des étangs à la mer, pour y prendre du poisson ». Voir MISTRAL, 1878, p. 335.
22. PUIG, 2000, p. 99-104.
23. Sur la structure de la bourdigue, voir aussi la Carte 10. Il semble qu’à côté de la bourdigue, est construite normalement une cabane où les pêcheurs séjournent. À l’époque moderne, les cabanes sont faites de pieux et de perches et couvertes de roseaux. Voir LARGUIER, 2012, p. 75-76.
24. BOURIN, 2011, p. 677-688.
25. BOMPAIRE, 2014, p. 367-380 ; MUKAI, 2017, p. 231-236.
26. PETROWISTE, 2018, p. 1-15 ; COMBES, 1958, p. 231-259.
27. Par exemple, voir Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] et ipsos pisces sic captos apud Serignanum seu alibi secum asportandi eos vendendi, commedendi ac eis utendi libere et impune absque hominum de Venere seu alterius cuius-cumque licentia et absque pena totiens quotiens contingit dictum marge in dicto stangno evenire […].
28. BOURIN, 2011a, p. 671-674 ; BOURIN, 2011b, p. 9-33 ; LARGUIER, 2011, p. 247-261.
29. FRIEDLANDER, 1982 ; BOURIN, 1990, p. 107-114 ; BOURIN, 1995, p. 77-88 ; SASSU-NORMAND, 2011.
30. Bourin et al., « Les campagnes », p. 689-690 ; CHALLET 2010, p. 557-574 ; MUKAI, 2017, vol. I, ch. III.
31. Mukai, Sérignan et Vendres, vol. I, ch. III.
32. Nous pourrions y ajouter un autre facteur lié aux redevances seigneuriales. Pendant la plus grande partie du XIVe siècle, la seigneurie de Sérignan est tenue en indivision par les coseigneurs qui font partie des familles des Lévis ou de l’Isle-Jourdain. Par contre, à partir d’avril 1328, la seigneurie de Vendres est reprise par le roi et il garde cette position jusqu’au XVIIe siècle, en y mettant en poste un bayle royal et son lieutenant. Il est possible que les redevances seigneuriales – nouvelles ou élevées -, pour le droit de pêche dans l’étang, c’est-à-dire la taille royale de 27 livres et 176 moules par chaque barque, pèsent sur les villageois de Vendres et les poussent à réagir sévèrement à la « pêche gratuite » par les habitants du village voisin. Sur la seigneurie de chaque village, voir : MUKAI, 2018 ; BARET, 1933.
33. À titre de comparaison, nous pouvons consulter les travaux suivants : PUIG, 2000 ; BILLE, 2008 ; LARGUIER, 2018, p. 195-210.
34. Arch. dép. Hérault, 299 EDT 3 : […] transactionem seu transactiones dudum factam seu factas inter dictos consules et universitatem de Venere, ex una parte, et consules de Perinhano, de Salis, de Capiste Stagno, de Anissano, de Laspiniano et earum universitates seu singulares de eisdem super modo et usu piscandi in dicto stagno seu aliqua ex eis ex altera, […].
35. Arch. mun. Sérignan, CC 8, compte de 1376-1377, f° 26 v°.