L’Entente Bibliophile de Montpellier (1935-2011)
Le 25 novembre 2011, un collège de survivants a décidé de dissoudre L’ENTENTE BIBLIOPHILE DE MONTPELLIER. La dernière réunion réelle avait eu lieu en avril 2005. Une rencontre en février 2011, consécutive à la mort du libraire Pierre Clerc, avait abouti à la démission du dernier président. Sur les vingt sièges prévus par les statuts, dix seulement étaient encore occupés par des sociétaires, auxquels s’ajoutait un seul membre d’honneur. Les projets et les initiatives manquant, les élections n’avaient pas eu lieu.
Il fallait arrêter, on arrêta.
Il y a pourtant 76 années où il ne s’est pas rien passé, loin de là.
Un vague désir de bibliophilie
L’histoire commence le 23 mars 1935, dans un café de la place de Strasbourg, à Montpellier. Il y a là 6 hommes d’une trentaine d’années. Raoul Bérard, Jean Descan, Henri Bach et Herman Girou travaillent à la Compagnie d’électricité. Diogène Bach est comptable, Léon Deshons caissier au Petit Méridional. C’est samedi, on a le temps. Ce ne sont ni des érudits, ni des intellectuels, mais ils parlent livre, parce que le livre les intimide et les fascine. Ils parlent même de fonder un Groupe des Amis du Livre. Sérieusement, ils désignent un secrétaire, un trésorier, des adjoints, mais pas de président. Le 18 avril, ils changent de nom et deviennent l’ENTENTE BIBLIOPHILE.
Le dimanche 12 mai, ils sont au Café des Autobus, cours Gambetta. C’est un grand jour : La liste d’Union des gauches, emmenée par le professeur Paul Boulet, vient de remporter les élections municipales. Le docteur Georges Mons, qui figure sur la liste et sera adjoint chargé de l’Hygiène publique est là aussi qui fête la victoire. C’est un médecin colonial qui est venu prendre sa retraite à Montpellier où il a fait ses études (il était né à Narbonne en 1874). Il faut supposer que nos lascars le connaissent et qu’il les connaît aussi puisqu’ils lui proposent tout de go la présidence de l’Entente et qu’il accepte sans hésiter au milieu de l’enthousiasme général.
L’équipe est en ordre de marche.
Des hommes, un toit
Débarrassons-nous des formalités administratives. Les statuts sont rédigés le 11 juin, déposés à la préfecture le 26 septembre 1936 et l’association est publiée au Journal Officiel le 4 octobre 1936. Le but de la Société est la mise en commun par tous ses membres de leurs notions littéraires… (et) l’achat personnel de livres dans les meilleurs conditions. C’est plus un club de lecteurs qu’un institut de recherche. Le nombre de membres est limité à 20. Tout le reste des statuts est très habituel et stéréotypé.
Les années d’avant-guerre sont dans le droit fil de l’esprit premier. Le principal souci de l’Entente va être de trouver un toit, de se développer et de se faire connaître.
Le toit est vite trouvé. Le 14 avril 1936, l’Entente s’installe dans les locaux municipaux du Bureau d’Hygiène, Place Pétrarque, à Montpellier. C’est à dire dans les services du président Mons. Elle y restera (sauf pendant la guerre) jusqu’en mai 1952.
Le développement passe par le recrutement de nouveaux membres. Il faut un an pour que l’effectif soit porté à 17.
Il ne me sera pas possible dans le cours de cette histoire de citer la centaine de membres qui a, un jour ou l’autre, appartenu à l’Entente. Je note simplement qu’un des premiers est une femme, Mlle Grognad, qui est recrutée le même jour que le docteur Mons, peut-être au café des Autobus. Elle est aussitôt nommée vice-présidente. Qui est-elle ? Je n’en sais rien.
Mais c’est une femme, et c’est si rare qu’il faut le souligner. Dans toute l’histoire de la Société, je n’en trouve, sauf erreur ou omission, que sept. Rarissimes, aucune d’elles n’aura de rôle important. Mlle Grognad sera d’ailleurs très vite radiée pour absence le 24 juillet 1936. La relieuse de la rue Marioge, Mme Jean Le Brun sera quelques années secrétaire adjoint et disparaîtra au milieu des années 50. Lucienne Guy, rédactrice à la mairie élue en 1951 démissionnera en 1955. Mmes Chevalier-Lavaure et Monique Dur (1944-2000) élues dans les années 60 quitteront l’Entente sur la pointe des pieds sans qu’aucun registre ne s’aperçoive jamais de leur disparition. Marie-Éveline Page-Delaunay, Mireille Lacave et Gladys Bouchard ne semblent être là que parce qu’elles dirigent la bibliothèque ou les archives municipales. La seule femme qui aura une réelle action, je veux dire activité, ne sera jamais élue membre : Élise Girou sera, aux côtés d’Herman, l’infatigable petite main des expositions de la tour de la Babote. Son nom n’apparaît pourtant pas une seule fois dans les registres. Les relations de l’Entente avec les femmes sont, tout au long de son histoire, tragiquement nulles.
Que faire ?
L’action de l’Entente est assez limitée dans les années 30. Les réunions s’enchaînent régulièrement. On y parle livre à bâtons rompus, on expose ses ignorances sans crainte, des questions comme : Qui connaît Francis Carco ? Où trouver des livres d’Henri Béraud ? Comment reconnaît-on le veau du maroquin ?, fusent, et il y a toujours quelqu’un pour y répondre, aussitôt où à la prochaine séance.
On note avec un petit frisson que, le 9 juin 1939, dernière séance avant la guerre, Raoul Bérard demande à ce qu’on l’aide à trouver un exemplaire de Bagatelle pour un massacre et de L’école des cadavres de Céline. En 1942, Raoul Bérard sera déporté pour fait de Résistance et disparaît dans un camp de concentration vers 1943.
Le 11 décembre 1936 a lieu la première causerie. Bérard parle de Gavarni illustrateur. Désormais, les conférences s’enchaînent : la reliure, Anatole France, Béranger, Shakespeare… La mise en commun des notions littéraires fonctionne à plein régime.
On se promène aussi, on visite les bibliothèques, le Musée Atger, Maguelone, Pézenas, le Musée du Désert, la Grotte des Demoiselles, l’abbaye de Valmagne…
Bref, on se cultive, et on croit tellement à l’éducation que, le 20 octobre 1937, on va proposer un concours littéraire à toutes les écoles de l’Académie. En fait, malgré le soutien du recteur, du maire, des députés, le concours sera limité à la ville de Montpellier. N’empêche, le 1er mars l938, ce sont 400 élèves des cours supérieurs et cours complémentaires qui planchent sur le thème : Mes distractions du jeudi. La remise des prix est grandiose, toutes les autorités sont là, l’intelligentzia montpelliéraine se presse à cette apothéose de l’école laïque. Il reste une bien belle photo des 42 lauréats couverts de livres.
Et la guerre éclata…
Expositions
La première réunion d’après-guerre a lieu le 4 novembre 1945, dans le local retrouvé de la place Pétrarque. À l’exception de Raoul Bérard, mort en déportation, tous les fondateurs sont là, président en tête. Les activités reprennent. Avec deux problèmes essentiels : compléter le recrutement, et définir les actions possibles.
Dès le mois de décembre, une question est clairement posée : doit-on faire sauter le numérus clausus de 20 membres afin d’augmenter la notoriété et le potentiel de l’Entente ? Le débat (qui reviendra de façon récurrente tout au long de l’histoire de la société) semble vif, mais la réponse est nette nous restons un petit groupe d’amis bibliophiles, un petit groupe d’amis au modeste savoir qui refuse d’être submergé par de nouveaux arrivants qui auraient une culture élevée, ce qui amènerait fatalement une certaine gêne de part et d’autre. C’est le même principe qui fait violemment repousser la candidature Jean de Vichet en janvier 1949 : il n’appartient pas à la même classe sociale et intellectuelle que les modestes fondateurs : c’est le fils du fondateur du journal L’Éclair, c’est aussi un collectionneur et savant reconnu. Le choix d’organiser de grandes expositions obligera à fréquenter ces élites financières et aristocratiques de la ville et modifiera cette opinion. M. de Vichet sera élu membre le 26 décembre 1954.
Car, dès le 1er décembre 1946, Léon Deshons lance une idée : Et si nous organisions des expositions sur l’histoire locale ? Excellente idée, acceptée avec enthousiasme. Mais il faudra presque un an de demi pour qu’elle se réalise, du 22 au 26 mai 1948, dans une des ailes du théâtre (alors Musée du travail, puis galerie Frédéric Bazille, aujourd’hui café Welcome). La bibliothèque a prêté ses vitrines. Le thème est vaste : Le vieux Montpellier, et c’est un succès.
Deuxième exposition, beaucoup plus ambitieuse, du 6 au 14 mai 1950 au même endroit. Cette fois, le thème est bien ciblé : La période révolutionnaire à Montpellier, 1780-1800. Un catalogue de 8 pages est imprimé. Surtout, les prêteurs sont nombreux et prestigieux. À côté des institutions (archives, bibliothèque, musées), les vieilles et puissantes familles sont là : Rodez-Bénavant, de Vichet (justement !), d’Albénas, Poutingon, Sabatier d’Espeyran… Nos humbles fondateurs perdent peu à peu leur timidité intellectuelle, et leurs complexes prolétariens.
C’est sans doute de cette époque que date l’ex-libris d’Herman Girou un âne qui lit, sous cette devise : Fai bon estre un ase, on appren chaca jorn. Et pour apprendre, rien de tel que de se frotter à ceux qui savent. L’organisation des expositions a tellement décomplexé nos fondateurs qu’ils n’hésiteront plus à élire des riches ou des intellectuels et érudits. Les entrées de Louis Escuret (1947), Jean Baumel (1949), Marcel Banal (1952), Jean de Vichet (1954) ou Gaston Vidal (1957), la nomination comme membres d’honneur du Duc de Castries, du doyen Giraud, de l’archiviste Oudot de Dainville, du 1er adjoint François Delmas ou du conservateur du Musée Fabre, Jean Claparède, le montre.
Entre 1948 et 1979, 27 expositions seront ainsi organisées, en mai ou octobre.
Le vieux Montpellier (1948) ; La Révolution de 1789 (1950) ; Le siècle de Louis XIV (1952) ; François Dezeuze (1953) ; Vieux Montpellier (1953) ; La crise viticole de 1907 (1954) ; Écrivains du terroir (1955) ; Vieux Montpellier (1956) ; Le 18e siècle (1957) ; Reliures montpelliéraines (1959) ; Montpellier à travers les âges (1959) ; Le livre romantique (1960) ; Vieux Montpellier (1960) ; Montpellier, riche de son passé se tourne vers l’avenir (1961) ; Illustré romantique (1962) ; Napoléon III (1962) ; Affaires judiciaires en Languedoc (1964) ; Généraux montpelliérains du 1er Empire (1965) ; Aérostats et montgolfières (1965) ; Documents sur Montpellier (1967) ; L’Université de médecine (1968) ; Paul Valéry (1969) ; Second Empire (1970) ; Le livre occitan (1970) ; La Révolution de 1789 (1971) ; Le siège de 1622 (1973) ; Iconographie de Montpellier (1976) ; La Belle époque (1979).
À noter que certaines expositions sont accompagnées de conférences à la salle Molière, et que la première d’entre elles est donnée à l’occasion de l’exposition de 1952 par Jeanne-Yves Blanc qui est à la fois la nièce de Jean Charles-Brun et la marraine de guerre d’Apollinaire. Pour l’expo Dezeuze, le 15 mai 1953 ce sera Max Rouquette que l’Entente avait déjà rencontré le 15 mai 1949 à propos d’une éventuelle collaboration à la revue de l’Institut d’Estudis Occitans. Projet sans suite, mais les contacts étaient pris. 50 ans plus tard, Max sera nommé membre d’honneur.
La tour de la Babote
Nous avons vu le changement de recrutement entrainé par les nouvelles activités de l’Entente.
Le contenu des réunions, voire les buts mêmes de l’association sont aussi changés, non sans vague à l’âme de la part de certains sociétaires. C’est ce que note le registre à la date du 20 mars 1955 : M. Braye fait remarquer qu’aux séances de l’E.B. il n’est pas souvent question de livres, éditions en cours ou rares, etc., comme cela paraîtrait convenir au titre de la Société. Le secrétaire (H. Girou) rétorque qu’effectivement tel était le but de la société à son origine, mais que par la suite, mise dans l’obligation de prouver sa vitalité par des expositions historiques locales et régionales, elle avait été contrainte de modifier son programme.
Des fois à son corps défendant. Ainsi lisons-nous en octobre 1952 que Jean Baumel le secrétaire de mairie met en demeure l’Entente d’organiser une nouvelle expo pour accompagner la foire de la Vigne et du vin, du 11 au 26 oct. 52.
C’est que la municipalité a fait un cadeau royal, et entend bien être payée en retour.
Le 28 janvier 1951, comme par hasard, un des membres suggère qu’on pourrait bien demander la Tour de la Babote pour l’Entente. Comme par hasard, une rencontre a lieu quelques jours plus tard avec Jean Baumel, membre d’honneur de l’Entente, qui révèle que l’idée lui était déjà venue. L’affaire est officialisée en mars en conseil municipal. Après travaux, on décide que l’installation coïncidera avec l’inauguration de l’exposition Montpellier sous le règne de Louis XIV le 17 mai 1952.
Pour l’occasion, un pin’s (comment disait-on en 1952 ?) représentant, sur champ d’azur, un livre ouvert devant une Tour de la Babote d’or est édité à 100 exemplaires. Le port était obligatoire pour tous les membres, et se présenter sans à une réunion entrainait une (petite) amende.
La Babote devient l’emblème de l’Entente et sera désormais sur tous les documents et papier à lettre.
Direction des ressources humaines et autres
Mais deux choses manquent de manière endémique : le personnel et les finances.
Toutes ces expositions, c’est un vrai travail ! Herman Girou, qui est avec Élise la cheville ouvrière de l’Entente, ne prendra sa retraite qu’en 1960. En attendant, c’est huile de coude et système D.
En 1954, après la création des membres sympathisants, on demande avec un brin d’amertume aux quelques sociétaires dont l’activité de l’Entente bibliophile n’offre aucun intérêt pour eux de changer de catégorie pour laisser des places à de plus actifs.
L’organisation est assez pragmatique. Lorsqu’un thème a été choisi, on fournit à chaque sociétaire des listes d’hommes célèbres, à charge pour eux de se procurer en temps opportun des pièces authentiques afférentes à ces personnalités, voire même des pièces à conviction telles que sculptures, porcelaines d’époque, tableaux, objets divers pouvant intéresser le public (22 avril 51).
Lors des expositions, les sociétaires se font gardien jusqu’à fort tard puisqu’un éclairage intensif permet de faire des nocturnes jusqu’à minuit, et, à tour de rôle, gardien de nuit.
Parfois, la débrouille tourne au tour de force: En janvier 54, on rembourse au secrétaire les 500 F qu’il a remis à titre de pourboire aux chômeurs qui ont monté les vitrines à la corde jusqu’au 1er étage de la Tour de la Babote par l’extérieur.
L’argent est rare, on essaye donc d’avoir des fournitures peu chères ou gratuites. En nommant l’imprimeur Déhan membre sympathisant perpétuel on s’assure l’impression gratuite de plaquettes et catalogues. Les boissons des inaugurations sont souvent fournies par la ville ou des amis. Quand il faut les payer, les litanies du trésorier remplissent le registre des réunions.
Le soutien de la mairie va parfois à la limite du tripatouillage. Ainsi, le prix annuel de 2 000 F fondé par Marius Cairoche pour récompenser la société la plus méritante au point de vue social de la ville de Montpellier devient à partir de 1954 la chasse gardée de l’Entente.
Président éditeur général
Et la vie continuerait ainsi si justement la mort du docteur Mons, le 4 septembre 1957 ne changeait tout.
Ignorant, pour la bonne cause, l’article 5 de ses statuts, l’Entente va chercher à l’extérieur un nouveau président.
Gaston Vidal, né en 1902 est avocat, scientifique, négociant, propriétaire viticulteur, apparenté aux grandes familles. Il sera secrétaire perpétuel de l’Académie de Montpellier et bibliothécaire de la Société archéologique. Élu en octobre, il est solennellement reçu le 10 novembre 1957.
Dès mars 1958, il soumet l’idée de publier des documents régionaux. Enthousiasme des membres. Battant le papier tant qu’il est chaud, on définit les tirages (350 exemplaires), le mode de diffusion par souscription et vente directe, la présentation, le logo de couverture. Tous ces choix resteront valables jusqu’à la dernière publication en 2003. Miracle de célérité, le premier volume est mis en vente au mois de novembre. Le second est aussitôt lancé. Et il faut la sagesse de Louis Escuret pour limiter à deux les parutions annuelles.
En fait, 18 volumes, seront publiés entre 1958 et 2003.
On trouvera le catalogue des éditions à la fin de chaque publication, mais, sans entrer dans les détails, en voici la liste complète. Entre parenthèse, le nom du responsable de l’édition.
— Henri d’Aguesseau : Mémoire secret pour M. le duc de Roquelaure. (Gaston Vidal) 1958.
— L’Ombre d’Amarante, pièce… sur la Marquise de Ganges (Gaston Vidal), 1959.
— J.-B. Fabre Lettres à son neveu (Marcel Barral), 1960.
— Chevalier de Forton : Mémoires historiques (Gaston Vidal), 1961.
— Icher-Villefort : Les souvenirs d’émigration (Gaston Laurans), 1975.
— J.-P. Thomas : …Montpellier pendant les Cent-Jours (Gaston Vidal), 1976.
— P. Serres : Histoire du Calvinisme de la ville de Montpellier (Marcel Barral), 1977.
— J.-P. Thomas : Mémoire sur la place du Peyrou (Gaston Vidal), 1981.
— J. Roudil : Œuvres poétiques languedociennes (Marcel Barral), 1982.
— J. Roudil : Suite des œuvres poétiques (Marcel Barral), 1983.
— T. de Rosset : Les portraits des plus belles dames de la ville de Montpellier (Marcel Barral), 1985.
— La Selve : Les amours infortunées de Léandre et d’Héron (Jean-Claude Brunon), 1986.
— C. de Saint-Simon : Lettres à François Séguier et à Esprit Calvet (Xavier Azéma), 1987.
— Le Conte des fées du Mont des Pucelles (Marcel Barral), 1988.
— Ballainvilliers : Mémoires sur le Languedoc (Michel Péronnet), 1989.
— J. Troubat : Lettres inédites à son père et à son frère (Marcel Barral), 1991.
— J.-B. Fabre : Correspondance et autres documents (Guy Barral), 2001.
— P. Serres : Histoire des pénitents de Montpellier (Jean Nougaret et Louis Secondy), 2003.
Cette liste nous montre l’œuvre considérable de Marcel Barral au sein de l’Entente : 7 publications ! Elle révèle aussi des périodes d’assoupissement : 1961-1975 et 1991-2001. Si la première correspond en effet à une baisse de régime (il n’y a plus qu’une ou deux réunions annuelles de 1971 à 1973), la seconde marque le remplacement des éditions par la publication des 11 Cahiers de l’Entente bibliophile. Il s’agit de fascicules de 30 à 50 pages, format A4 qui publient non des textes originaux, mais des études thématiques. En voici la liste :
— Les expériences du comte de La Vaulx à Palavas (Yvon Courty).
— Le Carya Magalonensis (Marcel Barral).
— Jetons et médailles des États généraux de Languedoc (Gérard Pinto).
— Les cinémas de Montpellier (René Gelly).
— La baronnie de Caravètes (Paul Couder).
— La halle aux colonnes (Yvon Courty).
— François Bosquet, l’intendant et l’évêque Paul Couder).
— Le poète montpelliérain Jean-Antoine Roucher (Marcel Barral).
— Naissance de Pierre Grégoire et son baptême (Xavier Azéma).
— Les deux frères Boissier de Sauvages (Marcel Barral).
— L’Entente bibliophile de Montpellier (Jean-Claude Brunon).
Pour être juste, il faut aussi signaler quelques ratés dans les publications de l’Entente. Ainsi, 22 mai 1966, M. Clerc propose une biographie générale et locale des hommes qui se sont distingués dans tous les domaines à Montpellier. La proposition étant restée sans écho, il la renouvelle le 11 mai 1970 sans plus de succès. Obstiné, notre libraire poursuivra seul la tâche (avec des collaborateurs épisodiques parmi lesquels on relève quand même dix membres de l’Entente), mais ce n’est que… quarante ans après, en décembre 2006 que sortent les 2 gros volumes de 1 000 pages chacun du Dictionnaire de biographie héraultaise des origines à nos jours, autrement dit Le Clerc.
Pour être juste, il faut aussi signaler quelques ratés dans les publications de l’Entente. Ainsi, 22 mai 1966, M. Clerc propose une biographie générale et locale des hommes qui se sont distingués dans tous les domaines à Montpellier. La proposition étant restée sans écho, il la renouvelle le 11 mai 1970 sans plus de succès. Obstiné, notre libraire poursuivra seul la tâche (avec des collaborateurs épisodiques parmi lesquels on relève quand même dix membres de l’Entente), mais ce n’est que… quarante ans après, en décembre 2006 que sortent les 2 gros volumes de 1 000 pages chacun du Dictionnaire de biographie héraultaise des origines à nos jours, autrement dit Le Clerc.
Dans la même ligne, la proposition, le 4 avril 1979, des éditions Jeanne Laffitte de rééditer les souvenirs des frères Planer à Montpellier, avec une présentation de l’Entente bibliophile. Non seulement l’Entente refuse, mais elle répond qu’elle désapprouve cette réédition ! Jeanne Laffitte, puis Pierre Clerc encore republieront ce livre, mais sans préface ni appareil critique. Ah !, si Emmanuel Le Roy Ladurie avait fait partie de l’Entente !
Quant à l’édition des Mémoires de Paul Vigné d’Octon, le projet, débattu périodiquement pendant une dizaine d’années, a découragé plusieurs éditeurs potentiels, la personnalité de l’auteur s’avérant en cours de fréquentation moins sympathique que prévue, et la fiabilité de ses souvenirs assez douteuse.
Enfin, et il est difficile de ne pas voir là l’origine du grand désamour entre l’Entente et la municipalité à partir de 1979, le nouveau maire de Montpellier écrit à l’Entente en novembre 1978 pour lui suggérer d’éditer L’Histoire de la ville de Montpellier écrite en 1626 par Pierre Serres. Cet appel du pied est reçu avec des moues de pudeur indignée, et on décide de faire comme si de rien n’était et de ne pas répondre. À partir de là, Georges Frêche considèrera que l’Entente n’existe pas.
Loin de la Babote, loin des gens
Ceci nous amène à la troisième époque de l’Entente. Les deux premières étaient séparées par le changement de président. C’est un changement de lieu qui définit la troisième.
Le 21 mai 1980, Gaston Vidal donne lecture d’une lettre du maire qui, en termes courtois mais précis l’informe que la Tour de la Babote étant destinée à la Société astronomique, nous devons déménager dans une salle du 4e étage de l’ancien Lycée, au dessus de la Bibliothèque municipale, boulevard Sarrailh. Magnanime, la mairie assurera le déménagement. Des courriers aigre-doux sont échangés, mais aucune rencontre n’a lieu. Ces deux mondes ne se rencontrent plus, et se regardent réciproquement de très haut. Bon gré mal gré, l’Entente est rejetée dans la vieillotte bonne société montpelliéraine.
Sans un mot au compte rendu, la réunion du 19 novembre 1981 est la première à l’adresse de la rue Girard.
L’Entente ne s’en relèvera jamais vraiment. Finies les expositions qui avaient deux fonctions relationnelles. En amont, elle permettait de rencontrer les prêteurs, institutions, collectionneurs, érudits et familles historiques de la ville. En aval, le public répondait toujours aux appels de l’Entente et finissait par la connaître.
Fini le Musée du vieux Montpellier, projet en perpétuel devenir dans la Tour de la Babote, mais assez abouti pour que la bonne revue Montpellier, éditée par le Syndicat d’initiative, lui consacre deux articles en 1969-70 (n° 23 et 24).
Sous la plume de René Gelly, un catalogue de ce Musée nous fait découvrir les richesses des collections de l’Entente, accumulées au fil des dons et des achats commencés début des années 50. Certains objets sont encore là en 2011 et descendront d’un étage dans l’hôtel du 2, place Pétrarque pour rejoindre le Musée du vieux Montpellier. Le monde est petit et s’enroule parfois sur lui-même.
L’escalier de la Tour (il y a six étages !) est semé de vestiges récupérés en novembre 1967 au cimetière désaffecté de l’Hôpital général (Saint-Charles). Il y a là des pierres tombales (général Claparède, Marie Dalinde de Portal, Pr. Baumes, P. J. Roucher, Guignard de Saint-Priest…), une Vierge en marbre par Grimes, sculpteur de la première fontaine des Trois-Grâces. Où tout cela a-t-il été dispersé ?
Dans la salle du 1er étage, des tableaux de Marsal qui eux sont toujours là, tout comme le portrait de Louis Escuret par Mlle Baumel.
Au dernier, quatre tableaux. Les portraits de Bonnier d’Alco par Etienne Loys (don en 1964 du baron Anduze de Saint-Paul), de l’abbé Jean-Baptiste Fabre sans doute par Coustou (don de la famille Blayac en 1964), et d’Ernest Briol, maire de Montpellier de 1904 à 1908 par Alfred Boisson (don de M. Francès, antiquaire). Le dernier, celui du professeur Timothée Baumes n’est plus dans nos collections.
Des cartes et plans sur tous les murs, des gravures, sont encore accrochés chez nous.
Les deux boulets de canon (protestants) du siège de 1622 trouvés au bas de la Grand’rue en 1951 sont toujours sur notre cheminée, les trois épées de parade du conventionnel Joseph Cambon dans nos vitrines.
L’alambic ayant servi en 1801 à Édouard Adam a été donné au Musée de la pharmacie. Les 6 pistolets d’arçon ayant appartenu à Joseph Cambon ont été volés en 1979. Le prie-Dieu de Gaston Vidal dont la marqueterie représente le Peyrou est aujourd’hui à la Société archéologique.
Certains objets ont été, faute de place, confiés à la ville ? D’autres, peut-être perdus dans les déménagements.
Car, et c’est le dernier épisode de l’histoire, il y eut un dernier déménagement. De ce dernier, je n’ai pas retrouvé la date dans nos registres. Il a eu lieu au début des années 90, et nous ramène 2, place Pétrarque, quelques étages au dessus de notre premier siège. L’Entente bibliophile disparaît sur les lieux où elle est née.
Entre temps, Gaston Vidal était mort en novembre 1989. L’infatigable Marcel Barral l’avait remplacé le 11 janvier 1990, et avait assuré la présidence jusqu’à sa mort le 30 novembre 1997. Le 23 janvier 1998, Jean-Claude Brunon lui succède jusqu’à sa démission le 11 février 2011. En janvier 2003, Jean Nougaret qui, en décembre 1982 avait remplacé Herman Girou au secrétariat (il y était resté presque un demi-siècle) est lui-même remplacé par Guy Barral qui signe le colophon de cette histoire et la dédie à la mémoire d’Herman Girou et de Pierre Clerc.
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PS. : Les archives de l’Entente sont déposées aux Archives municipales de Montpellier et ses collections au Musée du Vieux Montpellier. Les livres qu’elle a édités ont été donnés à la Direction des Bibliothèques de l’Hérault pour alimenter les centres de documentation des collèges et les bibliothèques municipales.